Entré furtivement dans l'histoire, à la faveur de l'épaisse nuit tropicale du 23 décembre 2008, Moussa Dadis Camara n'en sortira vraisemblablement qu'à la pointe des canons ou par la marée d'une insurrection générale.
En moins de six mois, cet officier a déjà “déjoué” deux complots et arrêté des dizaines d'officiers et de soldats.
La dernière manifestation de la complotite et du Complot permanent — un legs de Sékou Touré — a eu lieu le 23 avril courant. Elle a tous les relents d'une mise en scène, et rappelle les montages cyniques de Fodéba Keita dans les années 1960, qui conduisirent à la construction et au remplissage humain du Camp Boiro.
Mais, aujourd'hui comme hier, le plus difficile reste à faire : le CNDD doit fournir des preuves irréfutables des accusations gouvernementales, et permettre la défense des prisonniers par des avocats de leur choix. A défaut, malgré tout le théâtre, l'événement peut être considéré comme une farce grossière, destinée à dérailler la transition vers le pouvoir civil et à maintenir Moussa Dadis au pouvoir pour le prochain quart de siècle.
Semi-lettré, brutal et inculte, captaine Moussa Dadis Camara est un produit typique de l'armée du général Lansana Conté, qui fut lui-même moulé par la machine à tuer de Sékou Touré. Obéissant aveuglément aux deux présidents, ces deux institutions ont accumulé, en 50 ans, un bilan catastrophique et lugubre dans l'oppression et la répression des Guinéens.
Moussa Dadis Camara applique les leçons apprises auprès de son prédécesseur et maître vénéré. Ainsi se perpétue la chaîne maudite, qui depuis 1858, maintient au sommet de l'Etat guinéen des psychopathes, donc des individus inaptes, ipso facto, à diriger et à gouverner pour le bien des citoyens et des communautés du pays.
Car, pour reprendre une puissante métaphore — Summun (sourd), Bukmun (muet), Umyun (aveugle)—, du Qur'an, les trois présidents guinéens sont frappés de la cécité morale, intellectuelle et spirituelle des Kaafirun ou Réjecteurs de la Foi. Ils sont sourds, muets, et aveugles, au sens, non pas physique, mais spirituel de ces termes. Ainsi, ils ont des oreilles mais ils ne peuvent pas entendre la vérité ; ils ont une bouche, mais ils ne peuvent pas l'ouvrir pour dire le vrai ; ils ont des yeux, mais leur vue est fermée à l'idée et à la nature mêmes de la vérité.
Et quelle est cette vérité ? Etre l'humble serviteur — et non pas le maître tyrannique et capricieux — des populations guinéennes.
Ce principe élémentaire et cardinal échappa à Sékou Touré et à Lansana Conté. En décidant de suivre le chemin tortueux de ses prédécesseurs, Moussa Dadis Camara se condamne, lui-aussi, à perdre de vue cette maxime, pourtant simple, salvatrice et rédemptrice.
Moussa Dadis continue d'étaler les traits dominants et déviants, repoussants et inacceptables de sa personnalité, à savoir :
• Il ne peut pas admettre les faits et la réalité, c'est-à-dire le désir et la volonté des Guinéens de se doter d'institutions réelles et impersonnelles, leur rejet du leader providentiel, et leur quête de dirigeants démocratiquement élus, après cinquante ans vécus sous la tyrannie et la dictature.
• Il ne sait pas réfléchir avant de parler.
• Il ne peut pas respecter la parole donnée.
• Il ment aussi aisément qu'il respire.
Il en découle :
• Son engagement irréversible dans la voie de l'échec, où aboutirent ses devanciers
• L'influence sinistre (pour reprendre la formule de Frantz Fanon) qu'il projette sur son entourage et sur le pays.
• L'enfoncement continu de la Guinée dans la pauvreté économique, culturelle, morale, intellectuelle et spirituelle.
Tierno Siradiou Bah
24 avril 2009
P.S. 28 septembre 2009 — Et maintenant, en ce jour anniversaire fatidique du 28 septembre, la répression brutale et le meurtre de centaines de personnes réclamant pacifiquement leurs droits inaliénables de citoyens.
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