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Shanda Tonme
Dadis Camara sur les traces des sages Africains aux mains tâchées de sang


ICICEMAC
Yaoundé, Cameroun
08-10-2009

Dadis Camara vient rappeler au monde, une nature, une image, et une réputation de ces sages Africains aux mains tâchées de sang. Au Cameroun lorsque des jeunes descendent dans la rue en février 2008 pour manifester contre le projet de réforme de la constitution, la réponse du régime Biya sera la violence aveugle, des morts par dizaines, et des arrestations massives et des peines de prison en cascades après des procès expéditifs. Paul Biya apparaît à la télévision et menace, usant d'un langage martial, comme si contester le pouvoir était devenu un bijou privé de sa famille que personne n'a le droit de contester ou même seulement de lorgner.

La révolution sanglante des nouveaux totalitarismes
Comprendre le phénomène Moussa Dadis Camara en Guinée

Lorsqu'en 1973, le gouvernement de l'unité populaire du président socialiste Salvador Allende est écrasé dans un bain de sang, c'est l'enceinte du plus grand stade de Santiago de Chili la capitale, qui sert d'arène des massacres les plus répugnants. Certes l'on a connu par la suite les massacres de Tien an men en Chine ou encore les massacres des années 2006, 2007 et 2008 consécutifs aux émeutes de la faim en Afrique. Mais l'on était très loin d'imaginer que des régimes politiques puissent encore émerger, et revêtir la face hideuse des dictatures sanguinaires, à la hauteur de ces exemples historiques. Pourtant, le 28 septembre 2009, une junte militaire au pouvoir en république de Guinée, un petit Etat pauvre de la côte ouest africaine, a massacré près de deux cent personnes de tous les âges et de tous les sexes dans le stade de Conakry. Les victimes faisaient partie d'une foule réunie à l'appel de l'opposition pour dénoncer les projets politiques de la junte.

Le massacre de Conakry est survenu en pleine session de l'Assemblée générale de l'ONU, laquelle se tient chaque année de septembre à décembre, ce qui en fait tout de même un événement d'une exceptionnelle gravité et d'une certaine signification politique et diplomatique. Par ailleurs, alors que les délégations à l'assemblée votaient majoritairement pour refuser au chef de l'Etat malgache de prendre la parole à la tribune pour cause d'accession au pouvoir par la force, des cadavres s'entassaient par dizaines dans les morgues, les rues, les poubelles, et les fosses communes à Conakry. Cette image d'un drame barbare défiant la conscience universelle avec toutes ses valeurs rassemblées dans le plus grand hémicycle de la coexistence des peuples et des civilisations, ne peut que susciter moult réflexions et constats.

D'abord, il importe de reposer le problème de l'évolution du monde et particulièrement des notions de démocratie et des droits de l'Homme après la fin de la guerre froide. Si les années après la création de l'ONU avaient été marquées par une bipolarisation plutôt complexe faite de résignation et de défaite des révolutionnaires, le début des années 1990 a constitué en quelque sorte, le temps de l'unification de quelques notions et concepts. Ce que les Etats nations ont convenu sans avoir besoin de le cristalliser vraiment, c'est le retour à une définition du bonheur et du développement qui ne fasse plus polémique, qui soit centrée sur quelques repères dits de développement. On peut donc raisonnablement estimer, que la fin de la guerre froide, même sans mettre fin aux régimes de Castro, de Pékin et de bien d'autres, a néanmoins changé la donne, en redimensionnant les considérations attachées à l'expression du bonheur de l'individu dans la société.

Comment dès lors pourrait-on ou devrait-on justifier ou expliquer le massacre de Conakry ?

Processus théorique de transformation autocratique et d'émergence des dirigeants sanguinaires

Il faudrait sans doute revenir à la thèse centrale constituant la définition du totalitarisme pour trouver un début d'explication. D'abord, il faudrait dans cet effort, rappeler que du point de vue strict du respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, le totalitarisme n'est pas autre chose que la dictature, un régime où le citoyen est réduit au rôle d'esclave passif sans aucune influence sur la construction de son destin. Mais au stade de sa fabrication, de son installation comme système de gestion puis comme régime politique, l'expérience historique renvoie à plusieurs lectures. Si l'on se réfère à la naissance du nazisme en Allemagne et à la montée irrésistible d'Adolf Hitler, il est possible de croire que le besoin de fierté, de grandeur, et de triomphe d'un peuple par rapport à d'autres peuples, expose toute société à la consécration des aventuriers. Le peuple, même apparemment libre de choisir, se tourne alors vers un leader fort, charismatique, à la limite violent. Celui qui croit le plus en ses forces et se fait ultra nationaliste, remporte la bataille de positionnement. Les Staline, Mussolini, et d'autres chefs autocratiques produits par l'Occident rentrent dans ce tableau.

Par contre, dans un contexte d'absence de liberté, en somme le cas d'un peuple longtemps brimé, privé de droits, désespéré et fatigué par des régimes successifs malfaisants, la tentation du plébiscite d'un fou, prend une connotation bien plus dangereuse. Lorsqu'Idi Amin Dada accède au pouvoir par un coup d'Etat en Ouganda en son temps, c'est sur un ton et des promesses de combat contre les blancs, contre l'ancien maître anglais. Evidemment, il trouve vite dans le peuple, un écho approbateur, d'autant plus que les ressentiments coloniaux dominent encore largement les mentalités et la littérature politique. Ce même peuple découvrira plus tard qu'il avait un fou à la tête du pays. Le même schéma vaut pour le Zaïre de Mobutu, la Centrafrique de Bokassa, et le Mali de Moussa Traoré.

C'est après une longue souffrance, que le peuple guinéen se voit contraint de subir la dictature d'une énième junte militaire et d'un autre régime de pouvoir personnel. Depuis l'indépendance en effet, le pays n'a connu que des régimes barbares de privation des libertés et de totalitarisme politique. Comme à chaque fois c'est le même scénario, ce peuple se fait méfiant et refuse d'avaliser tous les actes de la junte. D'abord accueilli en libérateurs avec une certaine timidité, les militaires se révèlent trop vite comme des ambitieux, des aventuriers primaires dans la pure tradition des autres dictatures de même type répandues sur le continent. Après avoir déclaré au début qu'il entendait restaurer l'ordre, organiser des élections et rendre le pouvoir aux civils, le chef de la junte affiche son intention de briguer le mandat présidentiel. En clair, le capitaine Dadis Camara veut être candidat pour l'élection théoriquement prévu en janvier 2010. C'est cette perspective qui met le feu aux poudres. Le peuple guinéen dans la majorité de ses composantes, partis politiques et société civile, s'y oppose fermement et dénonce, avec l'appui des partenaires diplomatiques de premier plan : ONU, Union Africaine ; Union européenne ; Etats Unis ; France.
Voilà dans ces conditions que survient le massacre de Conakry, parce que ce lundi fatidique du 21 septembre, toutes les forces vives appellent au rassemblement pour exprimer la colère contre la junte et les ambitions de son chef.

Il faut signaler que deux jours avant, Moussa Dadis Camara, s'est rendu dans la ville la plus frondeuse de province, Labé, considérée comme le fief de l'opposition, pour déclarer haut et fort qu'il n'a de compte à rendre à personne, et surtout qu'il est libre de ne pas tenir ses engagements de rendre le pouvoir aux civils, qu'il fera ce qu'il lui plaira, et que rien ne l'empêche de briguer le mandat présidentiel. La provocation était donc claire, et le massacre envisagé.

Il y a dans l'articulation du drame guinéen, quelque chose de tout à fait étrange. Il s'agit de la permanence de la tentation de travestir la volonté du peuple par une petite poignée d'individus qui profite d'une situation de relative confusion. Au-delà de l'attente de changement et des besoins de bien être, il est facile de conclure qu'en dépit des mouvements de contestation des trente dernières années qui ont constitué de toute évidence une critique sévère des vieilles conceptions systémiques, le chemin de la conquête de la démocratie et des libertés reste long et parsemé d'embûches en Afrique. Lorsque des jeunes descendent dans la rue à Douala et à Yaoundé en février 2008 pour manifester contre le projet de réforme de la constitution dont le but est de permettre à Paul Biya de confisquer le pouvoir jusqu'à sa mort, la réponse du régime sera la violence aveugle, des morts par dizaines, et des arrestations massives et des peines de prison en cascades après des procès expéditifs. Paul Biya apparaît à la télévision et menace, usant d'un langage martial, comme si contester le pouvoir était devenu un bijou privé de sa famille que personne n'a le droit de contester ou même seulement de lorgner. Abdoulaye ne fait pas autre différemment en annonçant qu'il peut se présenter quand il veut, même à plus quatre vingt ans d'âge.

Entre insolence des rois fainéants, arrogance des intellectuels convertis aux délices de la dictature monarchique, et militaires putschistes ambitionnant aux délices du pouvoir, les peuples africains subissent partout et dans tous les cas, une humiliation qui assombrit leur destin. Le débat n'est ni entre intellectuels et paysans, ni entre militaires et civils, ni entre diaspora et locaux, ni entre générations d'hier et d'aujourd'hui, ni entre riches et pauvres, ni entre Africains et occidentaux, ni entre des idéologies. Le débat est unique, celui des principes élémentaires attachés au respect de la vie, à l'honnêteté, a respect de la parole donnée, et à la vérité de la capacité des individus à diriger une société.

Nouveaux totalitarismes, nouvelles résistances et logique de guerre permanente

Les massacres lorsqu'elles interviennent dans le cours d'une guerre civile, peuvent être analysées comme des dérapages, fruit de l'exacerbation de la haine entre les groupes et clans antagonistes. Mais lorsque comme dans le cas de la Guinée, des soldats lourdement armés, tirent sans discrimination et sans réserve dans la foule, il y a lieu de considérer que l'on est en présence d'actes criminels prémédités et planifiés.

Dans un contexte légal international plus que jamais marqué du sceau de la Cour pénale internationale, comment peut-on penser que de tels crimes continuent d'être perpétrés, avec autant de désinvolture ? On aurait plutôt tendance à croire que les procès des Jean Pierre Bemba, Charles Taylor, et d'autres chefs de guerre supposés ou confirmés, constituent une dissuasion suffisante. Hélas, le constat après les tueries de Conakry, bat en brèche ce rêve d'internationaliste et de justicier humaniste.

La réalité est sans doute ailleurs, dans une prédisposition des sociétés arriérés et comptant uns majorité de citoyens pauvres, à produire des dirigeants fous, des aventuriers en quête de gloire et de prestige totalitaire. C'est la trop longue oppression des peuples qui crée les conditions favorables à l'émergence des dirigeants sanguinaires. C'est le trop long silence des gens, la trop forte compromission des hommes des lettres et des sciences, qui créent les conditions du maintien des dictateurs et des prédateurs au pouvoir.

Toutefois, si l'on veut mener l'analyse du drame guinéen jusqu'au bout, il faut dans le même temps convenir que le niveau de réactivité des citoyens et leur niveau de compréhension des systèmes de gouvernance a changé dans le bon sens. Ce que les citoyens n'ont pas accepté à Conakry, c'est l'idée d'un pouvoir dictatorial intégral, évoluant furtivement sous le couvert d'un discours de sauvetage et de résurrection nationaliste.

Les mises en scène folkloriques et les diatribes anti-blancs et anti-occidentales, n'impressionnent plus les peuples, pas même les faux semblants de lutte contre la corruption. On a connaît toutes ces tactiques, et on les a vu à l'œuvre partout. Même Mobutu après avoir assassiné Lumumba, avait initié des purges dans l'administration publique au nom de la lutte contre la corruption. Le Cameroun avec son opération épervier, sensée combattre la corruption, offre l'exemple parfait de la manipulation politique pour les besoins du maintien au pouvoir du chef de l'Etat. Il suffit de sacrifier quelques têtes en vue, dans une société pourrie qui compte des milliers de voleurs et de milliardaires illégaux. Après les échecs et les déceptions des années suivant la révolution gorbatchévienne en Russie, les peuples se sont redynamisés et vivent un nouvel éveil. Certes les aventures politiques se sont multipliées, particulièrement en Afrique, mais de plus en plus et de mieux en mieux, les citoyens tracent une limite à ne pas franchir pour les nouveaux dictateurs.

Malgré sa popularité incontestable, le président vénézuélien Hugo Chavez doit faire face à une opposition résolue de la société civile. Le leader pro-bolivariste a organisé un référendum pour modifier la constitution à son avantage, fermé des chaînes de télévision et de radios hostiles, mis au pas les hommes d'affaires pro américains et nationalisé de fait plusieurs unités de production stratégiques, notamment dans le pétrole, les télécommunications, les transports aériens et maritimes. Pourtant, la rue compte toujours des opposants irréductibles qui dénoncent la dictature et le retour à l'autocratie liberticide. Si les militaires guinéens ont cru se référer sur l'exemple mauritanien où des putschistes ont joué de ruse pour se maintenir au pouvoir par le truchement des élections taillées sur mesure, ils ont mal évalué le niveau d'émancipation politique de leurs concitoyens. En fait, il y a comme l'expression de nouvelles résistances partout dans le monde contre les tentations totalitaires. Les mouvements contre la faim avaient déjà prouvé ce nouvel élan de politisation des citoyens dans les pays pauvres, et il est juste de croire que les révolutions de demain seront plus radicales. La foule qui était rassemblée au stade de Conakry n'ignorait certainement pas qu'elle avait en face des fous capables de recourir à la violence lâche, mais elle était déterminée à faire comprendre ouvertement, radicalement et sincèrement, qu'elle n'est pas disposée à accepter une autre aventure, une dictature de trop.

Il faut se rappeler du printemps de Prague (Tchécoslovaquie) en 1968, lorsque le mouvement démocratique fut écrasé par des chars soviétiques. Il faut avoir une pensée pour les six cent écoliers de Sowéto massacrés en 1976. N'oubliez pas les trois cent refugiés congolais disparus sur les plages de la rivière Congo sous les sinistres plans de l'autre dictateur putschiste Sassou Nguesso. Triste tableau d'une Afrique qui aura produit le génocide Rwandais en 1994, et qui continue des systèmes d'apartheid bien plus condamnables et plus avilissant pour l'homme noir, que ce que inventèrent et pratiquèrent les Boers pendant plus de quatre siècles. Allez donc lire la constitution de la république du Cameroun de 1996, où le citoyen est classé et traité pour ses droits électoraux en fonction de sa région d'origine. Allez demander aux ivoiriens pourquoi le nord et le sud entrèrent en guerre dans un même pays jadis considéré comme le modèle d'intégration et d'hospitalité en Afrique. Quand le désordre et la barbarie s'installe, et quand les Moussa Dadis Camara arrivent et se proclament Dieu dans un coin de la planète, c'est l'humanité dans sa splendeur, ses valeurs, son génie et sa pureté qui étouffe, suffoque, et s'éteint.

La question que l'on peut légitimement se poser aujourd'hui, c'est de savoir comment se comporteront à très brève échéance les générations de 15 à 25 ans dans les dix prochaines années, si des changements systémiques notoires allant dans le sens de leurs aspirations au bien être et à une meilleure répartition des richesses, n'interviennent pas entre temps? Il y aura encore et toujours des aventuriers, des imbéciles souvent adossés à des universitaires cupides, à des hommes d'affaires véreux ou des bandes de citoyens fanatisés, qui voudront essayer de s'improviser dans le rôle risqué de monarque, mais il y aura aussi, de nouvelles résistances plus coriaces, plus osées, mieux organisées et acceptant de payer le prix du sacrifice qu'impose la quête de la liberté.

En cela, une vue prospective et réaliste d'internationaliste, aboutit inexorablement à la matérialisation de la guerre permanente. Les classes des possédants, des fils et filles des dirigeants de l'Etat monopoliste du pouvoir politique et des seigneurs de l'intelligence académique d'un côté, les masses misérables, les classes ouvrières exploitées, les fils et filles des employés modestes et les citoyens des zones rurales cruellement marginalisées et souvent abandonnes de l'autre côté, ne sont pas seulement en opposition permanente sur la forme de l'organisation institutionnelle de la société les modes de répartition des richesses, elles sont continuellement en guerre. Aucune évolution internationale ne prenant pas en considération cette réalité de l'expression des antagonismes irréductibles au plan interne, ne débouchera sur une paix durable susceptible de garantir une coexistence pacifique des peuples et des Etat-nations.

Efficacité ou inefficacité des structures régionales dans la dissuasion, la condamnation et la répression

Dans plusieurs cas, la prise du pouvoir par la force a donné lieu à des condamnations virulentes, mais dans d'autres à des silences troublants ou à des condamnations molles. Si l'on se réfère à la pratique générale, c'est aux pays voisins qu'est souvent revenu le rôle de complaisance, laissant croire à des complicités dont seuls les calculs géopolitiques peuvent fournir des explications. Il reste que ces dernières années, on a vu l'union Africaine envoyer des troupes dans l'île des Comores pour chasser un colonel putschiste. Plus récemment, on a assisté à l'action des pays de la SADEC (organisation pour le développement pays de l'Afrique australe) intervenir à l'Assemblée générale de l'ONU pour empêcher le président Ange Rajoelina de Madagascar, jugé illégitime, de prendre la parole. On peut également citer l'action menée par les pays de l'OEA (organisation des Etats de l'Amérique Latine), contre le régime putschiste du Honduras. Dans tous les cas, la position de la structure régionale est très importante.

Dans le cas d'espèce de la Guinée, les massacres ont été certes condamnés par l'Union Africaine et par plusieurs Etats Africains individuellement, mais le fait que le président du Burkina Faso se soit rendu dans ce pays pour dit-il engager une médiation entre les parties, donne à penser que les Africains ne mesurent pas suffisamment la gravité des crimes commis par le capitaine sanguinaire et sa clique. Des femmes ont été en effet violées en plein jour et en plein stade, des gens aux mains nues ont été fusillés à bout portant, d'autres ont été poignardés, et des dizaines ont disparus sans trace.

Les fosses communes ont été aménagées à la hâte par les militaires meurtriers. Le fait pour les dirigeants Africains d'accepter de dialoguer avec les militaires criminels, constitue un facteur d'encouragement à d'autres sanguinaires de même type. Or la plus grave erreur consiste à se tromper d'analyse et de jugement sur les faits et sur les auteurs, ou alors d'entretenir des confusions volontaires avec quelques cas antérieurs de prise de pouvoir par la force. On a ainsi entendu pêle-mêle des gens invoquer les exemples de Sankara au Burkina et de Rawlings au Ghana. Il convient de rappeler que si ces deux là étaient aussi militaires et capitaines, ils étaient dotés d'une philosophie différente, et se situaient résolument dans une perspective non démagogique, ce qui a permit leur réussite. Ni les contextes, ni les personnalités, ni les méthodes ne sont les mêmes.

Ce qui s'est passé ce lundi 21 septembre à Conakry, n'a d'égal que la répression dans les pires régimes totalitaires. Parler de répression c'est déjà commettre une erreur de langage car en réalité, il s'est agit comme nous l'avons qualifié bien avant, de tueries planifiées. Il faudrait convenir que l'on ne saurait envisager la sortie et le destin de monsieur Moussa Dadis Camara, autrement que par le passage devant un tribunal pénal spécial à l'instar de celui constitué par l'Onu pour juger les responsables du génocide Rwandais. Bemba n'a-t-il pas été inculpé et conduit à La Haye pour moins que cela ? Que valent les charges qui pèsent sur l'ancien dictateur, chef de guerre et président tchadien Hissen Habré, par rapport aux massacres et aux viols collectifs et publics du stade de Conakry ?

La situation est plus que propice pour une action pénale initiée directement pas l'Union Africaine en tant que organisation régionale, à supposer qu'elle ait une quelconque crédibilité au-delà d'un discours de circonstance sans implications diplomatiques réelles et surtout sans dimension judiciaire. Il faudrait souligner à l'attention de ceux qui auraient tendance à l'oublier, que la logique de la bonne gouvernance, de la justice, des exigences démocratiques, des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ne sauraient varier en fonction des couleurs de peau, de race ou de religion. Il faudrait partir du principe d'une qualification universelle des actes criminels, des faits de mauvaise gouvernance, et du statut acceptable de négociateur, de médiateur ou de dirigeant. Que l'on consente même de façon implicite, que monsieur Compaoré pourrait être médiateur dans une crise, est déjà faire l'apologie du crime.

L'actuel président du Burkina n'est qu'un criminel ayant assassiné de sang froid ses trois compagnons d'arme, Sankara, Ligani et Zongo, sans citer plusieurs opposants, journalistes et membres de la société civile qu'il aurait fait disparaître sans traces. Le président qui s'improvise médiateur est un parfait spoliateur de son peuple qui dans la pure tradition des despotes d'hier et d'aujourd'hui, portent la responsabilité des malheurs du continent. Il a modifié la constitution pour s'éterniser au pouvoir. Craignant la vengeance des tribunaux qui ne manqueront pas de le juger et de le condamner pour ses nombreux crimes, il n'a qu'un seul objectif, celui de mourir au pouvoir. Jouer au médiateur, est une vieille recette des totalitaires qui croient faire oublier leur passé criminel en essayant de forger une autre image d'homme de paix. Ces sages Africains aux mains tâchées de sang ont par le passé eu pour nom Ahidjo, Eyadema, Bongo.

Moussa Dadis Camara vient rappeler au monde, une nature, une image, et une réputation de l'Afrique et des Africains que certains auraient été tentés d'oublier sous le prétexte de la mondialisation, ou à force de confondre le libre accès à internet avec le libre accès aux urnes et au choix des dirigeants d'un pays. Les criminels de Conakry rappellent tout autant au monde, l'imperfection criarde du système international de protection des normes et des valeurs, de même que le décalage voire le fossé entre les aspirations de libération et de dignité d'une part, et les fanfaronnades des médias d'autre part. Et puisqu'il s'agit de la Guinée qui en 1958 fut considérée comme un modèle de fierté pour avoir opté pour l'indépendance immédiate, il sera loisible pour quiconque voudrait spéculer sur le destin de l'Afrique et l'art éprouvé de l'autodestruction des Africains, d'émettre tout jugement de valeur, et de tirer par-dessus tout, toute conclusion.

Ce qui est en cause, ce n'est pas seulement la survie et la dignité des peuples d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique. Ce qui est en cause, c'est la création de normes générales et universelles dans l'approche du bonheur, du bien être et de la liberté. L'Iran pourra fabriquer des missiles balistiques, enrichir l'uranium, menacer Israël de destruction avec des armes nucléaires, mais tant que ses dirigeants n'auront pas résolu les équations de la libre participation des citoyens à la définition des grandes orientations de leur destin, la paix ne règnera jamais dans le pays. Le Brésil pourra asseoir une industrie aéronautique, maritime et chimique respectable, devenir effectivement un pays émergeant, prendre pied au sein du conseil de sécurité comme membre permanent, mais tant que les rues de Rio de Janeiro, la banlieue de Brasilia, continueront, à être encombrées d'enfants abandonnés et misérables, il restera une puissance fragile, superficielle. L'Afrique du Sud, le Nigéria, et bien d'autres, ne seront que l'ombre de puissance, tant que depuis les profondeurs des ghettos qui ceinturent leurs prestigieuses métropoles, sortiront des cris de détresse, de famine et de pandémie.

Ce qui est finalement en cause, c'est la discipline des systèmes, la construction des codes de gestion sociale et homogènes, imposant une approche consensuelle seule capable de fixer le monde sur la même éthique démocratique. Dadis Camara de Guinée et les autres, n'existent que parce que ces codes font défaut, et parce que le monde manque de repères pour garantir de façon générale aux peuples, un destin acceptable. Voici élevée au rang d'obligation impérieuse, les dialectiques de l'ordre et du désordre, de la paix et de la guerre, et enfin de la vie et de la mort.