Le Monde
30.09.09
Pauvre Guinée ! Depuis la tuerie du 28 septembre — 157 morts (et combien de blessés, combien de viols…) — commise par les militaires “au béret rouge” contre une manifestation de l'opposition, le destin du pays balance sombrement. Une implacable dictature militaire d'un type que l'on pensait appartenir aux pires moments de l'Afrique du siècle passé est-elle en train de s'installer ? Ou bien se dirige-t-on vers le chaos, nourri d'affrontements meurtriers entre une population éreintée par la misère et une soldatesque incontrôlable ?
Pour éviter ces deux scénarios du pire, il faudrait pouvoir faire entendre raison au chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara. L'opposition, soutenue par une action diplomatique étrangère, en a-t-elle les moyens ? Rien n'est moins sûr.
Simple capitaine autoproclamé président à la mort de Lansana Conté, le 23 décembre 2008, Dadis Camara a pris goût au pouvoir. Il appelle cela son “dilemme” : respecter son engagement de ne pas se présenter à l'élection présidentielle de janvier 2010 ou bien écouter la voix des Guinéens qui, selon lui, l'appelleraient à rester. Lundi, un large front de partis politiques et d'acteurs de la société civile lui ont pacifiquement demandé de partir. Ils ont compris, en retour, le lourd tribut qu'il leur faudrait payer pour régler ce “dilemme”.
Et ce n'est peut-être pas fini. Les bidonvilles de Conakry sont en ébullition. Pour une grande partie de la jeunesse, Camara n'a rien changé, depuis 9 mois, au calvaire que subit la Guinée depuis un demi-siècle : une pauvreté écrasante dans un pays pourtant nanti de richesses naturelles, des dirigeants sanguinaires et corrompus, sous les deux longs “règnes” de Sékou Touré et Lansana Conté. Pour ces jeunes, notamment, “Dadis” doit partir.
L'action diplomatique peut-elle éviter un affrontement interne dont on redoute, en outre, qu'il ne déborde sur les fragiles pays voisins : Sierra Leone, Liberia, Guinée-Bissau et Côte d'Ivoire ? La communauté internationale avait pris note des promesses de M. Camara - enterrer les années sombres de la Guinée - sans pour autant reconnaître le nouveau pouvoir. Le pays a été suspendu des instances régionales (Union Africaine, Cedeao). L'Union européenne a coupé le robinet des finances et Paris appelait le “président” à rendre le pouvoir aux civils. Même les mises en garde récentes d'un Sénégal voisin et plutôt bienveillant n'ont pas impressionné Dadis Camara et sa clique.
S'il n'est jamais sûr, le pire est à craindre.
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