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Répression sanglante en Guinée


J.B. (lefigaro.fr) & AFP
28/09/2009

Un rassemblement d'opposants dans un stade de Conakry a été dispersé dans le sang par les forces de l'ordre. Plusieurs dizaines de personnes, qui dénonçaient l'éventuelle candidature du chef de la junte à l'élection présidentielle de janvier, ont été tuées.

Un véritable «carnage», selon un médecin qui a accueilli les dépouilles de plusieurs victimes. Des dizaines de manifestants hostiles à la junte au pouvoir en Guinée ont été tuées par balles lundi, lors d'une sanglante répression exercée par les forces de l'ordre. C'est la première fois depuis son arrivée au pouvoir il y a neuf mois lors d'un coup d'État, que la junte militaire réprime dans le sang une manifestation d'opposants. Le rassemblement, interdit, a été maintenu par l'opposition.


Avant le début du rassemblement dans le stade de Conakry,
les forces de l'ordre avaient déjà violemment dispersé les opposants
et arrêté des dizaines de personnes. Photo : AFP

Des dizaines de milliers de manifestants se sont donc rassemblés lundi dans le plus grand stade de Conakry pour s'opposer à l'éventuelle candidature du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, à l'élection présidentielle de janvier. Un peu plus tôt, les forces de l'ordre avaient déjà violemment dispersé les opposants à l'aide de matraques et de grenades lacrymogènes près du stade de la capitale, et arrêté des dizaines de personnes. Le stade de 25.000 places s'est ensuite empli d'une foule de manifestants, débordant jusque sur les pelouses et aux abords. Des tirs ont alors été entendus.

Ces violences interviennent au moment où la communauté internationale fait pression sur le chef des putschistes pour qu'il respecte ses engagements de ne pas se présenter à l'élection et de laisser le pouvoir aux civils.

«Volonté de dissimuler les corps des victimes»

«Il y a des dizaines de morts» qui ont été apportés à la morgue, a déclaré un médecin du Centre hospitalier universitaire de Donka, le plus grand établissement sanitaire de Conakry, en assurant que le personnel n'avait pas fini de compter les cadavres. Auparavant, le correspondant de l'Agence France-Presse avait lui-même dénombré au moins une dizaine de cadavres portant des traces de balles, couchés à même le sol dans l'enceinte du stade du 28-septembre. D'autres journalistes locaux ont affirmé avoir vu au moins 27 cadavres. Au cours de la manifestation, les opposants Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré ont été blessés, selon leurs récits. Ils ont été conduits au siège de la junte puis transportés dans une clinique pour y être soignés. Cellou Dalein Diallo a déclaré à l'Agence France-Presse depuis la clinique Pasteur qu'il y avait une «volonté délibérée» d'éliminer les opposants.

Selon un médecin du Centre hospitalier universitaire de Donka, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, cinquante-huit cadavres ont été apportés à la morgue. D'après un membre de la Croix-Rouge, les dirigeants de l'armée ont demandé que les cadavres collectés soient apportés au siège de la junte et non dans les morgues. Pour cet humanitaire, il y a «une volonté de dissimuler les corps des victimes» de la répression. Dans un autre établissement sanitaire de Conakry, une source médicale avait auparavant assuré qu'un camion militaire était venu pour ramasser des «dizaines de corps», emmenés vers «une destination inconnue».

La France, par l'intermédiaire du secrétaire d'Etat à la Coopération et à la Francophonie Alain Joyandet, a condamné «avec la plus grande fermeté» la «répression violente» exercée par l'armée guinéenne, et appelé les militaires à réaffirmer leur volonté de «rendre le pouvoir aux civils». Paris «consulte ses partenaires au sein de l'Union européenne et du Groupe international de contact sur la Guinée afin d'étudier les conséquences à tirer rapidement de ces événements».