Libération
29.09.2009
La répression par la junte militaire d'une manifestation de l'opposition dans un stade de la capitale guinéenne aurait fait au moins 157 morts.
« Je suis très désolé ». Les plates excuses de Moussa Dadis Camara, le chef de la junte au pouvoir en Guinée, risquent de ne pas calmer l'opprobre internationale qui s'abat sur le pays d'Afrique de l'ouest depuis le massacre de lundi. Côté Français, Bernard Kouchner a annoncé « la suspension immédiate de la coopération militaire » et fermement condamné « cette répression sauvage et sanglante ».
Réunis dans un stade de Conakry pour protester contre l'éventualité d'une candidature de Camara à la prochaine présidentielle, des milliers de manifestants ont été pris pour cible par les forces de sécurité. Le bilan, toujours provisoire, fait état de 157 morts et de plus d'un millier de blessés. Des viols et des pillages ont également été signalés.
L'ex-Premier ministre (2004-06) Cellou Dalein Diallo, candidat à l'élection présidentielle et dirigeant de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UDFG), a raconté que des militaires lui avaient « cassé deux côtes » et l'avaient blessé à la tête « à coups de crosse ». « Il y avait une volonté délibérée de nous éliminer aujourd'hui, nous, les opposants », a déclaré un autre ancien chef du gouvernement (1996-99), Sidya Touré, leader de l'Union des forces républicaines (UFR), également blessé à la tête.
C'est la première fois que la junte écrase une manifestation dans la violence depuis son putsch il y a neuf mois. Jusqu'à présent, le capitaine Camara ressassait que l'armée avait pris le pouvoir « sans effusion de sang », le 23 décembre 2008, au lendemain du décès du général-président Lansana Conté. Ce dernier avait lui-même pris la tête du pays en 1984 lors d'un coup d'Etat similaire, une semaine après la disparition du « père de l'indépendance », le sanguinaire Ahmed Sékou Touré.
Pourtant, quand le capitaine Camara, jusque là soldat inconnu responsable de la logistique des carburants, était apparu l'an dernier sur les écrans télévisés, à la veille de Noël, pour jurer de s'attaquer à la corruption, au narcotrafic et à la criminalité avant d'organiser des élections transparentes, auxquelles aucun militaire ne pourrait participer, les Guinéens s'étaient pris à rêver de changement.
Las, les sirènes du pouvoir ont eu raison des promesses et depuis quelques mois, l'officialisation de sa candidature présidentielle devenait imminente, d'où les protestations des « forces vives », les représentants de la société civile.
Le seul changement notable concerne en fait un renouvellement générationnel des élites militaires. Le nouvel autocrate a en effet entrepris de purger l'armée des proches de Lansana Conté, dont le fils, le capitaine Ousmane Conté, a été arrêté en février dernier pour trafic de drogue.
A Conakry, où des tirs ont été entendus toute la nuit, chacun attend les prochaines déclarations du chef de la junte. Ce dernier dispose de deux options: se plier aux injonctions des Unions Africaine et Européenne et mettre en place au plus vite des élections, ou durcir encore son régime pour achever sa métamorphose de tyran dans la lignée de ses prédécesseurs.
Seuls compteront désormais les actes de Camara car sa parole ne vaut plus rien. L'officier a connu une ascension fulgurante ; après la tuerie d'hier, beaucoup lui souhaitent que sa chute n'en soit que plus douloureuse.
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