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Yann Libessart
Guinée: « Nous voulons une force d'interposition »


Libération
01/10/2009

François Fall, ancien Premier ministre de Guinée, fait partie des favoris pour la prochaine présidentielle. Il livre son témoignage sur le massacre de Conakry, auquel il a assisté.

Francois Fall avec Colin Powell en 2003
François Fall avec Colin Powell en 2003 à Washington

François Lonsény Fall, 60 ans, fut ministre des affaires étrangères puis Premier Ministre de Guinée en 2004. En désaccord avec le Président Lansana Conté sur les réformes à mener, il démissionna au bout de 2 mois avant d'entamer une carrière de diplomate. Représentant spécial de l'ONU en Somalie, puis en République Centraficaine, il est revenu à Conakry en mars 2009 pour mener son parti, le Front uni pour la démocratie et le changement (FUDEC), vers les élections présidentielles.

Qu'avez-vous observé lundi à Conakry ?

Notre manifestation, tout à fait pacifique, est rentrée dans le stade. Quant tout le monde était coincé à l'intérieur, les bérets rouges, la garde présidentielle de Dadis Camara, ont commencé à frapper tout le monde avec leurs armes et des matraques. J'ai moi même été blessé à la tête et à la main. La majorité des femmes présentes ont été agressées sexuellement. Les militaires les ont violées avec le canon de leur fusil. Presque toutes sont sorties nues du stade, humiliées.

Le chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, a déclaré ne pas contrôler ses troupes. Qu'en dites-vous ?

Il ment. L'ordre de sévir est venue de la présidence. Son ministre de la sécurité était présent et c'est son propre aide de camp, le lieutenant Toumba, qui commandait les bérets rouges. Ces derniers, recrutés en Guinée Forestière, sont des anciens miliciens de l'ULIMO, le groupe rebelle impliqué dans la guerre civile au Liberia. On reconnaît leur méthode : se droguer, boire, et violer les femmes.

Qu'attendez-vous de la communauté internationale ?

Après les condamnations officielles, nous attendons maintenant la mise en place d'une commission d'enquête internationale pour faire toute la lumière sur les assassinats et les viols collectifs perpétrés lundi. Nous demandons également le déploiement d'une force d'interposition de l'Union Africaine, comme au Burundi, pour assurer la sécurité civile jusqu'à la tenue des élections. Le Nigéria pourrait par exemple jouer ce rôle.
L'opposition refuse d'intégrer un gouvernement d'union nationale, tel que proposé hier par Dadis Camara, car nous ne voulons rien avoir à faire avec lui. Evidemment, nous continuons d'exiger qu'il ne soit pas candidat à ces élections.