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Thierno Monenembo

Tierno Monenembo
Cinéma

Editions du Seuil. Paris. 1997. 217 pages

Tierno Monenembo, Cinema

Le cinéma est plus vrai que la vie,
les filles y sont plus jolies
Andy Warhol

Table des matières

Ɓingel (“p'tit môme” en langue Pular) ne rêve qu'à une chose : fuir la maison familiale où règnent son père, le tyrannique Moodi Djinna, et les deux épouses de celui-ci. L'une, Neene-Goree, est mourante ; l'autre, Mère-Griefs, ne cesse de l'accabler de reproches. Au-dehors non plus, rien de bien exaltant. D'un côté le fouet de Karamoko, l'illustre maître de Coran qui a voué sa vie à Dieu et voudrait bien y consacrer aussi celle de ses ouailles. De l'autre, Mlle Saval, la jeune femme venue de France, dont les airs austères d'institutrice ont vite fait de dissiper l'attrait troublant qu'elle exerce sur le jeune garçon.
Heureusement, il y a l'école buissonnière, celle donnant sur la vie par la porte de l'aventure. Arɗo, le cireur de chaussures, et Bentè, le mystérieux cow-boy, n'ont pas leur pareil pour vous conduire au rêve. Des dédales du marché au cinéma du Libanais Seeni-Boowal, le chemin est long pour initier un adolescent africain aux caprices du monde moderne…
En cette année 1958, Mamou, bourgade du Fouta-Djallon, en Guinée, garde encore cette touche coloniale et cosmopolite propre aux villes portuaires et ferroviaires. Mais De Gaulle (Général) s'apprête à rendre visite à Sékou Touré (Boubou-Blanc). Bientôt, Africains, Français et Libano-Syriens vont devoir relire la page de leurs destins. Le combat des Titans n'arrange pas toujours le sort des petites gens…
Qui est le plus fort en fin de compte : Général, Boubou-Blanc ? Peut-être bien ce beau diable de Gary Cooper…

T.M.

Cinéma est le sixième opus d'une oeuvre dont le talent ne se dément pas.
De roman en roman, on retrouve la même verve bruyante et joyeuse, la même attention à l'endroit des petites gens qui, seules, sont capables d'inventer, selon le romancier guinéen exilé depuis 1972, les grandes mythologies africaines. Là où les élites intellectuelles ont échoué lamentablement, là où les bourgeoisies postcoloniales s'endorment sur leurs oreillers douillets, le petit peuple, lui, mi-ange mi-racaille, relève les défis de la modernité avec panache. A l'instar de ce cireur de chaussures, Arɗo, qui surveille les rues, tisse les rumeurs et se fait fort d'apprendre les marques de voitures qui défilent devant ses yeux rougis par la poussière et le mauvais alcool. En somme, Tierno Monénembo, en délicatesse avec les dictatures successives de Sékou Touré et de Lansana Conté, tourne archiviste ou archéologue, c'est dire qu'il s'escrime à donner un nom à chaque chose, à chaque sentiment. En cela, il est très proche de l'écrivain “maudit” Williams Sassine, le plus talentueux de ses compatriotes mort en février 1997. Depuis son exil, Tierno Monénembo a vécu à Dakar, à Abidjan, dans la région lyonnaise, au Maghreb, et enfin, en Normandie, où il se consacre pleinement à l'écriture romanesque.



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