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Guinée Française
De la semi-autonomie à l'indépendance


Prélude au Référendum du 28 Septembre 1958
Visite du Général Charles de Gaulle

Conakry le 25 Août 1958


Sekou Toure prononcant son discours du 25 aout 1958
Conakry, 25 août 1958. Assemblée Territoriale de la Guinée française
Gén. de Gaulle et Saifoulaye Diallo écoutent le discours de Sékou Touré, auquel de Gaulle répondit ainsi qu'il suit :

Je veux d'abord, d'un mot, dire à quel point j'ai été touché, car il faut que je le dise en public, des sentiments dont la population de Conakry m'a offert tout à l'heure le magnifique témoignage.
Je dois dire que, dans l'expression de ces sentiments, j'apercevais, je distinguais beaucoup d'attachement à la France et aucun reproche à son égard. Il n'y a pas de raison, en effet — et je ne serais pas là si je n'en étais pas convaincu — il n'y a pas de raison, en effet, pour que la France rougisse, en rien, de l'oeuvre qu'elle a accomplie ici avec les Africains. Nous voyons là chaque pas, quand nous prenons pied sur cette terre de Guinée, quelles sont les réalisations que l'oeuvre commune a déjà accomplies, et quand nous entendons les Présidents de l'Assemblée et du Conseil de Gouvernement de la Guinée, nous croyons bien apercevoir aussi ce que la culture, l'influence, les doctrines, la passion française ont pu faire pour contribuer à révéler la qualité d'homrnes qui en avaient naturellement. Ceci dit, j'ai écouté bien entendu avec la plus grande attention les paroles qui ont été prononcées ici et qui me paraissent demander que le Général de Gaulle, le Chef de la France, fasse ici, dise ici ce qu'il faut, pour bien préciser les choses qui doivent être précisées.
Nous croyons, je crois depuis des années et je l'ai prouvé quand il fallait, que les peuples africains étaient appelés à leur libre détermination ; je crois aujourd'hui que ce n'était qu'une étape, qu'ils continueront leur évolution et ce n'est pas moi, ce n'est pas la France qui le contestera jamais.
Je crois aussi que nous sommes sur une terre et dans un monde où les réalisations sont nécessaires si l'on veut que les plus humbles sentiments aient un avenir quelconque. Nous sommes sur une terre et dans un monde où les réalités dominent comme elles l'ont toujours fait. Il n'y a pas de politique qui ne prenne pour base à la fois les sentiments et les réalités. La France le sait : l'Afrique est nouvelle. Eh bien ! la France aussi, la France est toujours nouvelle ; elle vient de le prouver hier et moi je suis là pour le dire.
La question entre nous, Africains et Métropolitains, elle est uniquement de savoir si nous voulons, les uns et les autres, pratiquer ensemble pour une durée que je ne détermine pas une Communauté qui permettra de développer ce qui doit l'être au point de vue économique, social, moral, culturel et, s'il le fallait, de défendre nos libertés communes contre ceux qui voudraient les attaquer.

Cette Communauté, la France la propose ; personne n'est tenu d'y adhérer. On a parlé d'indépendance, je dis ici plus haut encore qu'ailleurs que l'indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre, elle peut la prendre le 28 septembre en disant « NON » à la proposition qui lui est faite et dans ce cas je garantis que la Métropole n'y fera pas obstacle. Elle en tirera, bien sûr, des conséquences, mais d'obstacles elle n'en fera pas et votre Territoire pourra comme il le voudra et dans les conditions qu'il voudra, suivre la route qu'il voudra.
Si la Guinée répond « OUI » c'est que, librement, d'elle-même, spontanément, elle accepte la Communauté qui lui est proposce et si la France, de son côté, dit « OUI », car il faut aussi qu'elle le dise, aors, les Territoires d'Afrique et la Métropole pourront faire ensemble cette uvre nouvelIe qui sera faite par l'effort des uns et des autres pour le profit des hommes qui les habitent.
A cette oeuvre-là, la France ne se refusera pas, j'en suis sûr d'avance, à la condition, bien entendu, qu'elle trouve ailleurs cette sympathie, cet appel qui sont nécessaires à un peuple quand il a à fournir des efforts, je dirai même des sacrifices, en particulier quand ce peuple est la France, c'est-à-dire un pays qui répond volontiers à l'amitié et aux sentiments et qui répond, dans un sens opposé, à la malveillance qui pourrait lui être opposée.
Cette France-là, j 'en suis sûr, participera à la Communauté avec les moyens qu'ele a et malgré les charges qu'ele porte, et ces charges sont lourdes, tout le monde le sait. Elles sont lourdes dans la Métropole même à cause des grandes destructions qu'en deux guerres mondiales elle a subies pour le salut de la liberté et du monde et en particulier pour le salut de la liberté des Africains ; et puis, elle a des charges en Enrope, car l'Europe elle veut la faire, elle veut la faire dans l'intérêt de ceux qui y vivent et aussi, je crois, dans l'intérét du continent sur lequel je me trouve aujourd'hui. La France a des charges au point de vue mondial, elle en a en Afrique du Nord. Il lui faut mettre en valeur un territoire difficile, malheureux, qui doit être établi dans l'égalité des droits et dans la prospérité, lui aussi, à son tour ; elle doit mettre en valeur, pour le bien commun, les richesses que contient le Sahara.
Toutes ces charges sont considérables, et néanmoins je crois que, de son côté, la Métropole dira « OUI » à la Comrnunauté Franco-Africaine aux conditions que j'ai indiquées tout à l'heure. Si nous le faisons ensemble, les Africains et les Métropolitains, ce sera un acte de foi dans une destinée commune et humaine et ce sera aussi, je le crois bien, la manière, la seule manière d'établir une collaboration pratique pour le bien des hommes dont nous avons la responsabilité. Je crois que la Guinée dira « OUI » à la France et, alors, je crois que la route nous sera ouverte, où nous pourrons marcher en commun. La route ne sera pas facile ; il y aura beaucoup d'obstacles sur le chemin des hommes d'aujourd'hui et les paroles n'y changent rien.
Ces obstacles, il faut les franchir, il faut franchir l'obstacle de la misère. Vous avez parlé de l'obstacIe de l'indignité, oui, il est franchi déjà en grande partie, il faut finir de le franchir : dignité à tous les points de vue, notamment au point de vue interne, national. Il y a d'autres obstacles encore qui tiennent à notre propre nature humaine, à nos passions, à nos préjugés, à nos exagérations. Ces obstacles-là, je crois que nous saurons les surmonter.
C'est dans cet esprit-là que je suis venu vous parler à cette Assemblée et je l'ai fait en confiance, je l'ai fait en confiance parce qu'en définitive, je crois à l'avenir que des ensembles d'hommes libres se forment, qui soient capables de tirer du sol et de la nature humaine ce qu'il faut pour que des hommes soient meilleurs et plus heureux. Et puis je crois qu'il faut le faire pour donner l'exemple au monde, car si nous venions à nous disperser, tout ce qu'il a dans le monde d'impérialisme marcherait sur nous. Bien sûr, il aurait des idéologies comme paravent, comme étendard pour le précéder, ce ne serait pas la première fois dans l'histoire du monde que les intérêts ethniques et nationaux marcheraient derrière des pancartes. Il faut donc que nous nous tenions ensemble pour cela aussi, c'est notre devoir humain.
J'ai dit. Vous réfléchirez.
J'emporte de ma visite à Conakry l'impression d'un sentiment populaire qui est tout entier tourné du côté que je souhaite. Je forme le voeu que les élites de ce pays prennent la direction que j'indique et dont je crois qu'elle répond à l'intention profonde de nos masses et, ceci dit, je m'interromps en attendant peut-être, si le fait se produit jamais, l'occasion suprême de venir vous voir, dans quelques mois, quand les choses seront établies et que nous manifesterons ensemble publiquement l'établissement, la fondation de notre communauté. Et si je ne devais pas vous revoir, sachez que le souvenir que je garde de mon séjour dans cette grande, belle, noble ville, laborieuse, ville d'avenir, ce souvenir je ne le perdrai pas.

Vive la Guinée !
Vive la République !
Vive la France !


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