Par Tierno S. Bah. webGuinée, Camp Boiro Internet Memorial
Sékou Touré est un assassin de masse qui a détruit la Guinée. Il a injecté dans ce pays un esprit qui a vécu 26 ans avec lui, qui vit encore et qui mourra quand ?
Hadja Kadidiatou (veuve) Telli Diallo
Et pourtant, l'évolution politique dramatique qu'a connue la Guinée et qui a conduit à ce pouvoir personnel, sanguinaire, était inscrite dans le tempérament de cet homme ombrageux, soupçonneux, rusé, habile, fin psychologue, au caractère dominateur, passionné et haineux, dépourvu de tout. scrupule, assoiffé de pouvoir, « son pouvoir », autant qu'aveuglé par lui, et pour qui la liberté, la vie d'un être humain n'a de signification, d'importance qu'au regard de ses objectifs personnels !
Cette évolution était inscrite aussi dans les émeutes organisées avant l'indépendance, par ce redoutable animal politique à l'intelligence vive, aux réflexes politiques rapides, qui ne reculait devant aucune ignominie, aucune infamie, aucun crime, qui se voulait un géant de l'histoire universelle mais qui n'y trouvera de place que dans la galerie des maudits, à côté des Néron, Hitler, Mussolini, Duvalier, Idi Amine Dada, Macias Nguema et autres Bokassa. A-A. Portos Diallo. La vérité du ministre
Dans tous ces domaines, au vu de ces réalités, je déclare, avec lapprobation de toute la population, que pour les 26 années du fonctionnement de lancien régime, le bilan a été négatif. Il na rien apporté au développement de notre pays et na eu aucun impact sur le bonheur du peuple. Au contraire, le peuple, je pense, a été plus malheureux dans ces domaines que pendant la colonisation. (Colonel Lansana Conté).
Mais déjà, à deux ans de sa mort, il ne pouvait plus tromper personne sur son destin à jamais manqué. (Ibrahima B. Kaké. Sékou Touré : le héros et le tyran. 1987)
« Je voulais simplement demander au chef de l'Etat de démissionner et de céder son poste à un autre. Il a prouvé qu'il est incapable de faire le bonheur du peuple. Il ne fait que mentir et tuer... » Camara Mamadi, chauffeur.
In spite of the impeccably non-tribal basis on which it had been founded, the P.D.G. had slowly but inexorably taken on a tribal complexion over the years. By the late sixties, it was dominated by Sékou Touré's own people, the Malinke. Worse still, his immediate relations became increasingly prominent in the leadership... By the last year of his life, Sékou Touré was completely enmeshed in the net of neo-colonialism... He left behind him a country impoverished, indebted and divided. His historic decision to take Guinea out of the system of French neo-colonialism had effectively been reversed. His dream of African unity was as far from realisation as it had ever been. In short, his was ultimately a story of failure. (Phineas Malinga. Ahmed Sékou Touré: An African Tragedy. 1985)
No one is more responsible for the present chaos than the President of the Republic. For all his admitted qualities as a shrewd and loquacious politician and a militant African nationalist, Sékou Touré has been, and is, a monumentally inept Chief of State. He has ruled Guinea by whim and impulse, using his country as a laboratory to try out experiments of social and economic development whose grave implications he only vaguely understands, and whose negative results he is insensible to, even when they inflict severe hardship on his people.
Had Guinea been in the hands of a more prudent leader, or even a less vainglorious one, over these last seven years, it is probable that today it would be one of the most prosperous countries in Africa, ahead even of the much-admired Ivory Coast and Nigeria. That it is instead on the brink of bankruptcy is mainly due to the poor and demagogic quality of leadership Sékou Touré has provided the nation. (Victor DuBois. « The Decline of the Guinean Revolution : Economic Development and Political Expediency. » 1965)
Le parti, au lieu de favoriser l'expression des doléances populaires, au lieu de se donner comme mission fondamentale la libre circulation des idées du peuple vers la direction, forme écran et interdit. Les dirigeants du parti se comportent comme de vulgaires adjudants et rappellent constamment au peuple qu'il faut faire « silence dans les rangs ».
Ce parti qui s'affirmait le serviteur du peuple, qui prétendait travailler à l'épanouissemnet du peuple, dès que le pouvoir colonial lui a remis le pays, se dépêche de renvoyer le peuple dans sa caverne. Sur le plan de l'unité nationale le parti va également multiplier les erreurs.
C'est ainsi que le parti dit national se comporte en parti ethnique. C'est une véritable tribu constituée en parti. Ce parti qui se proclame volontiers national, qui affirme parler au nom du peuple global, secrètement et quelquefois ouvertement organise une authentique dictature ethnique. Nous assistons non plus à une dictature bourgeoise mais à une dictature tribale. Les ministres, les chefs de cabinets, les ambassadeurs, les préfets sont choisis dans l'ethnie du leader, quelquefois même directement dans sa famille.
Ces régimes de type familial semblent reprendre les vieilles lois de l'endogamie et on éprouve non de la colère mais de la honte en face de cette bêtise, de cette imposture, de cette misère intellectuelle et spirituelle. Ces chefs de gouvernement sont les véritables traîtres à l'Afrique car ils la vendent au plus terrible de ses ennemis : la bêtise.
Cette tribalisation du pouvoir entraîne on s'en doute l'esprit régionaliste, le séparatisme. Les tendances décentralisatrices surgissent et triomphent, la nation se disloque, se démembre. Le leader qui criait : « Unité africaine » et qui pensait à sa petite famille, se réveille un beau jour avec cinq tribus qui, elles aussi, veulent avoir leurs ambassadeurs et leurs ministres; et toujours irresponsable, toujours inconscient, toujours misérable, il dénonce « la trahison ».
Nous avons maintes fois signalé le rôle très souvent néfaste du leader. C'est que le parti dans certaines régions est organisé comme un gang dont le personnage le plus dur assumerait la direction. On parle volontiers de l'ascendance de ce leader, de sa force et on n'hésite pas sur un ton complice et légèrement admiratif à dire qu'il fait trembler ses proches collaborateurs. Frantz Fanon. 1961. « Mésaventures de la conscience nationale » (in Les damnés de la terre)
Entre Sékou Touré et Diallo Telli, la partie était d'entrée de jeu inégale.
- D'un côté, un chef d'État qui entendait diriger sans partage, jouait sa donne de manière implacable, ne voulait en aucun cas voir se développer à ses côtés l'influence grandissante de quelque cadre que ce soit, et surtout pas celle d'un brillant intellectuel formé à l'occidentale;
- de l'autre, un universitaire universellement connu et apprécié, qui avait fait ses preuves sur la scène internationale, avait noué des amitiés à travers le monde, avait pris l'habitude de considérer les chefs d'État et de gouvernement comme ses pairs et avait le sentiment d'avoir incarné l'Afrique et symbolisé son unité naissante, mais qui n'avait aucune expérience autre que celle de l'administration d'une organisation internationale et ignorait tout de la gestion d'un État, du maniement de la force, de l'utilisation de la police, de la manipulation des foules, de la mise au pas des individus.
- D'un côté, un "animal politique", un dictateur sans pitié, habile à flatter, à dompter ou à briser les hommes et dont les tendances paranoïdes, sinon paranoïaques, apparaissaient de plus en plus évidentes;
- de l'autre, un très haut fonctionnaire, ambitieux et capable, mais sans véritable prise sur le pays réel, sans partisans déterminés à tout entreprendre, surveillé en permanence, et donc aux aguêts, ce qui accentuait encore les traits de plus en plus maniaco-dépressifs de son caractère.
Les étapes de l'histoire de leur confrontation s'enchaînent avec la précision et la fatalité d'une tragédie antique. Mais Telli n'était pas Cinna et Sékou n'était pas Auguste : s'il éprouvait la jalousie et la hantise du complot, il ne fit pas preuve de la mansuétude qui assura à l'empereur romain une gloire éternelle.
Entre le tyran paranoïaque et l'intellectuel maniaco-dépressif , le drame ne pouvait se dérouler différemment au cours du quart de siècle qui les a progressivement opposés ; et il ne pouvait se terminer autrement qu'avec l'agonie ignominieuse du Camp Boiro.
- L'un détenait la totalité du pouvoir et distribuait les postes à sa guise, attendant de ceux qu'il avait distingués une fidélité absolue et une gratitude quasi filiale ;
- l'autre savait à quoi il avait renoncé et attribuait à ses seules capacités personnelles sa réussite dans les missions les plus délicates.
Sékou Touré pouvait faire monter au plus haut ceux qu'il voulait perdre et utiliser leur mort elle-même pour mieux arriver à ses fins et poursuivre la glorification de sa révolution. Jusque dans l'ultime cellule de la diète noire, Diallo Telli aura encore une dernière fois, sans le vouloir, servi son maître. L'un ne pouvait être que bourreau, l'autre que victime. Le dénouement, hélas, n'a fait que confirmer ce qui était inscrit dans les caractères des protagonistes. Et seule l'Histoire, qui ne peut plus redistribuer les rôles, redonnera à chacun sa juste place dans l'esprit des hommes.
André Lewin. Diallo Telli. Le destin tragique d'un grandAfricain
L'Après Sékou Touré
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