Recherches africaines. Conakry. Nos. 1-2-3-4, 1964. p. 43-68.
Il y a maintenant six ans que la Guinée, par sa réponse négative au référendum gaulliste du 28 Septembre 1958, ouvrit les voies de l'indépendance pour les anciennes colonies françaises d'Afrique tropicale.
Par son choix la Guinée « frappait de caducité la Constitution de la Communauté avant même que celle-ci ne soit mise en place » 1. Ainsi l'ultime tentative faite par de Gaulle pour maintenir sous un nom nouveau l'Empire colonial africain se trouvait à l'avance condamnée.
On se souvient que de Gaulle et l'impérialisme français mirent tout en oeuvre pour démontrer l'incapacité de la jeune République à assumer les charges de la souveraineté :
coupure brutale des crédits, évasion des capitaux, retrait du personnel administratif et technique français, enlèvement de matériel et d'archives, intervention auprès des puissances de l'O.T.A.N. pour obtenir le boycott du nouvel Etat 2.
L'échec de ces manoeuvres fut total. Le chaos escompté par de Gaulle et ses conseillers coloniaux ne se produisit pas.
La première raison en fut l'existence dans le pays d'un parti démocratique (le Parti Démocratique de Guinée, section territoriale du Rassemblement Démocratique Africain — le R.D.A.) solidement implanté et structuré, avec ses milliers de Comités de quartiers et de villages ; ces Comités groupaient l'immense majorité de la population et détenaient en fait l'autorité à leur échelon depuis la victoire électorale du R.D.A. au scrutin législatif du 2 janvier 1956.
Appuyé au départ (dans les années 1947-54) essentiellement sur les syndicats — classe ouvrière, employés, une certaine partie des fonctionnaires — et sur une fraction de la population urbaine (petits commerçants, artisans), le P.D.G. réussit dans les années 1954-56 à conquérir les masses paysannes. Contre les manifestations immédiates et tangibles de l'oppression coloniale — impôt personnel, écrasant 3, séquelles du travail forcé, service militaire de trois ans accompli le plus souvent sur les théâtres d'opérations (Indochine, puis Algérie) ; et surtout exactions de la chefferie, instrument d'exécution essentiel de la machine coloniale — le P.D.G. mobilisa les paysans. Les élections du 2 janvier 1956, pour la première fois relativement libres, consacrèrent la déroute des candidats soutenus par l'administration et la chefferie, et par là-même l'effondrement du pouvoir des chefs dont beaucoup durent s'enfuir, les autres étant désormais hors d'état d'exercer la moindre autorité : l'autorité réelle dans les villages fut dès ce moment exercée par les Comités R.D.A.
La participation d'élus du peuple à la gestion administrative, instituée par la loi-cadre de 1957, l'abolition officielle de la chefferie le 31 Décembre 1957, la création de conseils élus au niveau des villages et des cercles ne firent que consacrer et consolider un état de fait.
On comprend dans ces conditions l'étendue et la profondeur de l'autorité de P.D.G., et le vote massif du « NON » le 28 Septembre 1958, dans un pays dont la capitale était occupée par les parachutistes coloniaux à la recherche d'une provocation 4.
Les réformes démocratiques poursuivies depuis 1958 ont contribué à maintenir cette autorité, que les difficultés économiques affrontées par la suite n'ont pas sérieusement ébranlée.
Enumérons-en quelques-unes:
« Nous avons prouvé par là que l'homme Africain était en mesure d'assumer, même dans des conditions extrêmement difficiles, toutes les responsabilités inhérentes à l'indépendance d'un peuple et à la souveraineté d'un Etat, réduisant ainsi à leur nature mystificatrice toutes les théories d'incapacité élaborées peut justifier et renforcer le honteux système colonial « Ahmed Sékou Touré, Rapport d'orientation au Conseil National de la Révolution, » Avril 1964).
Le second motif de l'échec du blocus gaulliste, fut la solidarité des forces démocratiques du monde entier, en premier lieu celle des pays socialistes — U.R.S.S., République Démocratique Allemande, République Socialiste Tchécoslovaque, etc., et celle du Ghana qui reconnurent dès le premier jour la nouvel Etat. Leur aide matérielle contribua de façon décisive à faire échec aux tentatives d'étouffement économique qui auraient pu compromettre dès le départ l'existence de la jeune République.
La création de la monnaie nationale le 1er Mars 1960 (le franc guinéen ayant la même valeur que le franc C.F.A.) 8 fut le premier acte décisif dans la voie de la réalisation d'une indépendance économique sans laquelle l'indépendance politique ne saurait être assurée durablement.
Les trusts coloniaux du commerce d'import-export de commerce dit de « traite » , qui étaient les vrais maîtres de l'économie guinéenne, ont été éliminés de toutes leurs positions-clés par la nationalisation des banques et la création d'un secteur commercial d'Etat qui a le monopole de fait de commerce extérieur et du commerce de gros à l'intérieur. Ce qui a détruit à la racine l'appareil essentiel de l'exploitation coloniale traditionnelle en Afrique de l'Ouest, appareil qui, sauf au Mali et au Ghana, est demeuré ailleurs jusqu'à ce jour à peu près intact.
D'autre part ont été nationalisés divers secteurs essentiels de l'économie nationale : assurance, transit maritime et acconage, distribution des hydrocarbures, production et distribution de l'eau et de l'électricité, exploitations aurifères, de bauxite de Kassa.
Il faut noter que presque toutes ces nationalisations sont intervenues à la suite de la violation par les sociétés exploitantes (toutes étrangères) des engagements qu'elles avaient souscrits ou de leur refus d'appliquer les lois (ce qu'elles avaient d'habitude de faire sans inconvénient sous le régime colonial).
La nationalisation de la terre a fait de l'Etat le seul propriétaire du sol. Les concessions urbaines ou rurales non mises en valeur ont été purement et simplement reprises par l'Etat . Les anciens propriétaires urbains et ruraux (dont les biens immatriculés ne représentent d'ailleurs qu'un pourcentage infime de la superficie du pays) ne sont plus que détenteurs précaires et ne peuvent vendre ou transférer leur droits sans l'autorisation du Gouvernement.
Parallèlement aux réformes de structure tendant à éliminer l'emprise des trusts coloniaux, le problème essentiel à résoudre est celui de l'équipement et du développement de la production. Le premier plan triennal (1960-63) compte à son actif :
Il faut y ajouter la construction de diverses petites unités industrielles (nous y reviendrons) et de très nombreux bâtiments et réalisations locales.
Sur 44,3 milliards d'investissements prévus, 38,5 ont été effectués essentiellement sur crédits fournis par les pays socialistes (U.R.S.S. en tête avec 11 milliards), le Ghana, la République fédérale Allemande et les Etats-Unis 11. L'accumulation nationale qui devait fournir 6 milliards n'en a donné que 3 (prélevés sur les bénéfices des entreprises nationales). Enfin, il faut ajouter aux investissements comptabilisés les réalisations de « l'investissement humain » (travail bénévole des populations) estimées à 3 milliards.
Le plan septennal (1964-70) qui doit succéder au plan de trois ans fait l'objet d'études depuis 1961.
Les dispositions essentielles ont été adoptées par la session du Conseil National de la Révolution, tenue à Guéckédou du 16 au 20 Avril 1964.
Le plan septennal est centré sur le développement de la production à partir des ressources propres de la Guinée.
Un de ses objectifs majeurs (déjà impliqué par le plan triennal) consiste à créer et développer les petites industries indispensables pour faire disparaître les importations irrationnelles et réduire le déficit de la balance commerciale.
Quelques-uns des objectifs particuliers qu'il comporte seront indiqués au cours de l'exposé.
Le plan septennal de développement de l'économie guinéenne a mis au premier plan la nécessité d'un effort sans précédent dans le domaine de la production.
Dans cette perspective, l'effort industriel a sans doute une importance décisive, pour regagner le retard dû au régime colonial, qui avait systématiquement fait obstacle au développement d'une industrie guinéenne. L'industrialisation de la Guinée est la condition de la création d'une véritable économie nationale, harmonieuse et équilibrée ; elle doit permettre de supprimer de nombreuses importations coûteuses et anti-économiques ; elle doit permettre la mise en valeur des ressources naturelles guinéennes qui, on le sait, sont immenses, tant dans le domaine minéral que dans le domaine énergétique.
Mais cette industrialisation demande un équipement, des investissements. Comme dans tous les pays en voie de développement, c'est la production existante de matières premières, et singulièrement, la production agricole, qui doit fournir les moyens nécessaires à ces investissements. L'affectation à l'industrie, aux transports, aux services sociaux d'une part croissante de la population active et aussi l'accroissement naturel de la population qui est en Guinée l'un des plus élevés du monde, exigent impérieusement l'accroissement, le développement qualitatif et quantitatif de la production agricole.
C'est dire toute l'importance et l'actualité du problème.
Or les possibilités de la Guinée en matière d'agriculture et d'élevage sont considérables. L'existence de régions naturelles extrêmement diverses, par leur climat et leurs sols, permet, à la Guinée à peu près toutes cultures tropicales et en plus bon nombre de cultures tempérées ou méditerranéennes qui ne sont possibles à peu près dans aucune autre région d'Afrique de l'Ouest !
Malheureusement le régime colonial a fait obstacle à la mise en valeur de ces aptitudes naturelles et ses séquelles pèsent encore lourdement sur la situation actuelle.
Le régime colonial laissait ces richesses en « réserve » , s'abstenant de tout investissement sérieux pour leur mise à profit, se contentant d'écrémer aux moindres frais les productions spontanées.
De 1896 à 1912 le commerce de traite s'intéressa à peu près exclusivement au caoutchouc de cueillette ! Au prix d'un travail épuisant des populations, de corvées de « portage » souvent mortelles, quelques centaines de tonnes de caoutchouc gagnaient Conakry, pour y faire la fortune de quelques trafiquants... La mise en production à partir de 1910 des plantations d'hévéas en Extrême-Orient fit brusquement disparaître cette ressource, et apporta la ruine. Jusqu'en 1930, rien ne vint remplacer ce produit dans le commerce extérieur.
C'est alors que le développement des plantations de bananes le long de la voie ferrée Conakry-Mamou et sur le littoral entre Boffa et Benty, vint apporter un élément nouveau aux exportations guinéennes.
Grâce aux mesures de protection douanières « impériales » adoptées, en raison de la crise économique mondiale, la France élimina rapidement de son marché national les bananes des Canaries, au bénéfice de la production « nationale » fournie par les Antilles et la Guinée.
C'est ainsi qu'en Guinée, les terrains nécessaires furent concédés à des sociétés ou colons français, l'infrastructure (entrepôts, flotte bananière) créée. En quelques années (1931-1938), la Guinée devenait le premier producteur africain de bananes. A peu près exclusivement « européenne » jusqu'en 1946 (le travail obligatoire, les réquisitions fournissant la main d'oeuvre), la production bananière guinéenne s'adjoignit alors un secteur africain, qui était devenu majoritaire (en superficie couverte) en 1958. A cette date, les plantations africaines couvraient 4.000 ha. contre 3700 pour les plantations européennes et libanaises.
Cependant, la production qui avait atteint en 1955 son niveau record avec 100.000 tonnes, tombait à 66.000 tonnes en 1959 et 44.000 tonnes en 1962.
La principale cause de ce recul réside dans le développement de la cercosporiose, maladie cryptogamique du bananier, dont les ravages ont été considérables. L'abandon des plantations par un certain nombre de planteurs européens après 1958, les difficultés d'approvisionnement en engrais et insecticides, s'y sont ajoutés.
Difficulté supplémentaire : les conditions climatiques de la Guinée (saison sèche prolongée) exigent des soins et des précautions qui la défavorisent par rapport à d'autres régions tropicales ou équatoriales devenues grosses productrices (Côte d'Ivoire, Amérique Centrale).
C'était moins en fonction d'aptitudes naturelles que des besoins du marché français, et de la présence d'une voie d'évacuation que cette culture avait été lancée dans les années trente.
C'est donc un lourd héritage de difficultés que la Guinée a à surmonter pour assurer, dans les années qui viennent, le redressement de la production bananière.
Dans la même zone où s'est développée cette production, l'ananas s'est étendu rapidement (3.000 tonnes en 1958). Ici aussi, certains des facteurs qui ont gêné la production bananière (approvisionnement en engrais, insecticides) ont joué un rôle défavorable.
Le plan septennal prévoit pour ces cultures :
Pour être atteint, cet objectif exige de gros efforts et une discipline rigoureuse de la part des producteurs : l'âpreté de la concurrence mondiale, la nécessité de réaliser les objectifs impartis dans le cadre du plan impliquent en effet ce progrès en qualité autant qu'en quantité.
Le deuxième grand produit agricole exportable est le café. Introduit à Dalaba dès avant la première guerre mondiale par l'agronome Auguste Chevalier, le café de variété « arabica » avait été vulgarisé entre les années 20 et 30 en Moyenne Guinée. Il était parfaitement adapté aux conditions climatiques de cette région, mais exigeait des soins minutieux et, au surplus, la crise mondiale survint au moment où les caféiers entraient en rendement... ils furent à peu près abandonnés.
En Guinée forestière, la culture du café avait été entreprise de 1930 à 1940 (11 tonnes en 1932; 956 tonnes en 1940), puis reprise en 1944. Mais les difficultés d'évacuation gênaient son essor. C'est seulement dans les années 50 que l'amélioration du réseau routier, l'exemple de la Côte d'Ivoire voisine, aboutirent au démarrage (1953 : 5.000 tonnes). Il s'agit ici d'espèces plus rustiques (Robusta principalement), demandant moins de travail et d'entretien, mais fournissant des produits beaucoup moins appréciés sur le marché mondial.
Malheureusement, ici encore, une maladie crytogamique, la trachéomycose est venue frapper durement cette production en plein essor. De 15.662 tonnes en 1959 — chiffre record — la production est tombée à 7.348 tonnes en 1963. Ce chiffre officiel est peut-être en fait, inférieur à la production réelle, en raison d'un certain pourcentage d'exportations frauduleuses.
Le plan septennal prévoit le redressement et l'accroissement à 20.000 tonnes de cette production.
Pour cela, il est nécessaire de mener une lutte énergique contre la trachéomycose, et l'action des services agricoles ne sera efficace que si elle est appuyée sur une stricte discipline des producteurs.
Il est prévu de multiplier en pépinière des plants de haute productivité et résistants à la maladie afin de rénover les plantations.
Enfin la reprise de la culture de l'arabica dans certaines zones du Fouta devra être entreprise.
Le palmier à huile constitue le troisième fournisseur important de denrées agricoles d'exportation. De 10 à 15.000 tonnes par an dans les années 50, l'exportation des palmistes atteint 20.000 tonnes environ ces dernières années.
Mais ce produit est en fait un produit de cueillette, dont les ressources sont loin d'être pleinement exploitées. Tout en utilisant au maximum les ressources présentes, et en luttant contre les exportations frauduleuses qui portent tort à l'économie nationale, il convient de préparer l'avenir.
Il faudra, à la cueillette et aux peuplements subspontanés, substituer progressivement une véritable culture, en multipliant notamment les espèces naines hautement productives et permettant une récolte facile.
L'arachide, en dehors d'une production vivrière répandue un peu partout, d'ailleurs considérable (évaluée à 25.000 tonnes) est produite pour l'exportation dans la région de Youkounkoun (1962 : 6.000 tonnes).
Le Fouta produit des milliers de tonnes d'oranges et de citrons consommés localement et, pour une faible part, exportés vers le Sénégal. Ces fruits excellents tant en variété qu'en qualité, ne peuvent malheureusement être exploités aussi rationnellement qu'il serait nécessaire : la dispersion des lieux de production, l'insuffisance des moyens d'évacuation, l'absence de conditionnement 12 constituent autant d'obstacles à surmonter. Seule l'écorce est utilisée pour la production d'une centaine de tonnes d'essence d'orange et de citron 13. La concurrence américaine et italienne a malheureusement entraîné le recul de cette activité
(avant la seconde guerre mondiale, la Guinée a exporté jusqu'à 300 tonnes par an) représentant de 45 à 50.000 tonnes de fruits).
Les autres produits de l'agriculture et de l'élevage exportés — cuirs et peaux, miel, cire, gomme, copal, sésame — représentent un échantillonnage de faible importance économique 14.
Le Ministre du Commerce notait à ce propos dans son rapport à la session d'ouverture de l'Assemblée Nationale (Novembre 1963):
« Il est indéniable que l'exportation des produits agricoles accuse dans l'ensemble un recul par rapport à 1958. Cela est dû en partie aux exportations frauduleuses de café et de palmiste sur les pays voisins, mais aussi à une baisse notable de la production pour d'autres produits. »
Nous avons vu que, parmi les causes de cette baisse, figurent en premier lieu les ravages causés par diverses maladies des plantes. Mais il faut y voir aussi l'effet du niveau trop bas des prix, des difficultés d'approvisionnement du marché rural en produits fabriques, qui ont conduit le paysan à se replier sur l'auto-consommation. Nous reviendrons plus loin sur ces facteurs économiques et sur les difficiles problèmes qu'ils soulèvent.
L'auto-consommation — c'est-à-dire la part de la production agricole consommée directement par le cultivateur, ou ne faisant l'objet que d'une commercialisation locale — a toujours représenté l'essentiel de la production agricole guinéenne.
Une enquête faite en 1958 évaluait l'auto-consommation (y compris, semble-t-il, la production commercialisée sur le seul marché intérieur) aux deux-tiers de la production agricole.
Evolution de la production autoconsommée (1958) | ||
Produits | Quantités ( en milliers de tonnes) | Valeur (en milliers de frs CFA) |
Riz | 282 | 4.230 |
Manioc | 330 | 2.460 |
Fonio | 77,50 | 1.162,5 |
Patates | 121 | 998 |
Arachides | 23 | 480 |
Maïs | 55,8 | 1.674 |
Taros | 33,1 | 264 |
Mil | 13,2 | 200 |
Total | 11.648,5 15 |
Il convient évidemment de faire toutes réserves sur la précision de ces chiffres, fondés sur des évaluations en dehors de toute statistique précise : mais on peut considérer qu'ils fournissent des ordres de grandeur valables.
Il est probable que depuis 1958 cette proportion de la production auto-consommé s'est accrue. Le commerce intérieur des produits vivriers — principalement du riz — s'est considérablement rétracté. De ce fait, la consommation des centres urbains et même en brousse, celle des non cultivateurs, a dû être couverte essentiellement par du riz d'importation (24.800 tonnes en 1963).
Cette situation anormale s'explique par le blocage à un taux très bas du prix du riz, mesure dictée par des raisons d'ordre local évidentes, que l'inconscience et la malhonnêteté de trafiquants ont détournée de son but, et qui a abouti à la chute de la production commercialisée, à l'évasion par contrebande d'une partie du riz en circulation. On sait que déjà le relèvement des prix à la production a apporté un correctif à cette situation. Mais on ne peut se borner, dans un domaine aussi vital, à compter sur le jeu spontané des lois économiques. Tout en assurant l'intéressement du paysan à la production commercialisée des produits vivriers, il est clair qu'une stricte discipline devra être observée, des objectifs fixés à la mesure des possibilités des régions, et ces objectifs remplis.
La Guinée présente en effet d'incontestables aptitudes rizicoles. Sous le régime colonial, après la perte de l'Indochine, on avait pensé à faire de la Guinée le « grenier à riz » de l'Afrique Occidentale devant non seulement couvrir ses besoins, mais à approvisionner les pays voisins déficitaires (Sénégal notamment).
Cependant le développement de la culture rizicole exigerait que se substitue, dans une large mesure, à la culture du riz de montagne, qui fournit actuellement 60% de la production au moins, la culture du riz irrigué.
Le riz de montagne est en effet destructeur des sols et de médiocre productivité. Il est vrai aussi qu'il demande moins d'efforts...
La colonisation avait envisagé — mais n'avait fait qu'amorcer — l'aménagement des plaines de Basse-Guinée et des plaines du Niger qui se prêtent à cette culture.
Ces aménagements exigent de grands travaux, de lourds investissements, dont l'expérience coloniale a montré que, entrepris à la légère, ils coûtent beaucoup plus qu'il ne rapportent... L'expérience tristement célèbre de l'« Office du Niger » , qui engouffra des dizaines de milliards pour un piètre résultat, doit être étudiée et méditée.
Cela ne veut pas dire qu'il faut renoncer à ces travaux : mais il doivent être précédés d'une étude approfondie des problèmes, tant du point de vue social et humain que du point de vue agronomique, et non pas en se bornant comme on l'a fait trop souvent aux seuls problèmes de génie civil.
Ces travaux doivent être scientifiquement préparés, leur rentabilité assurée et dans ce domaine l'intéressement et la participation conscience des population, doit jouer un rôle essentiel.
Mais sans attendre, certains exemples peuvent être étudiés et médités. De ce point de vue, la riziculture irriguée chinoise et vietnamienne, qui a accumulé une expérience millénaire peu fournir d'utiles leçons, encore qu'il convienne de tenir compte des différences climatiques.
Sans aller si loin, les Baga dans certains secteurs marécageux du littoral, les Kissi dans les fonds de vallée de la région forestière, pratiquent depuis longtemps avec succès des méthodes rationnelles et intensives de riziculture irriguée. Au cours des dernières années, le pays Kissi est demeuré une des seules régions de Guinée à fournit des excédents de riz commercialisables.
Ces méthodes mériteraient d'être étudiées de près et vulgarisées. Mais il faudrait pour cela procéder dans les autres régions, à une véritable reconversion des habitudes culturales, dont la difficulté ne saurait être sous-estimée.
L'aménagement des bas-fonds (notamment dans le centre et le sud de la région forestière) donnerait sans nul doute des résultats aussi bons que ceux obtenus dans les régions de Gueckédou et Kissidougou.
Par ailleurs, la couverture des besoins du marché national en produit, vivriers pourrait être assurée plus aisément par une utilisation plus rationnelle des ressources existantes. Les ressources en tubercules (manioc, patates, taros) sont très insuffisamment utilisées par suite d'habitudes alimentaires irrationnelles ayant abouti à une consommation quasi exclusive du riz.
Combien d'autres cultures pourraient réussir, mais ne sont que peu pratiquées ou même demeurent tout-à-fait inconnues ?
Dans la région forestière — dont on a pu dire qu'avec 1/10è du territoire, elle recelait les 9/10è du potentiel agricole guinéen — on pourrait cultiver l'hévéa, le tabac, le thé, le quinquina.
Ces deux derniers produits sont cultivés à la station de Sérédou. Le quinquina alimente une usine de quinine, que les techniciens coloniaux avaient mise hors d'usage en 1958, et qu'il a fallu plusieurs années pour remettre en route ; une usine de panneaux en particules de bois compressé, en cours d'équipement, permettra l'utilisation des sous-produits.
Le thé pourrait être développé : 60 ha sont actuellement plantés et le plan septennal envisage d'atteindre 2 à 300 ha ainsi que la création d'une usine de préparation avec l'assistance technique de la République Populaire de Chine.
Le tabac fut cultivé pendant la guerre dans les régions de Beyla et N'Zérékoré. Cette culture doit être reprise afin d'atteindre au terme du plan septennal un volume d'environ 400 tonnes, pour couvrir l'alimentation de la manufacture nationale de cigarettes. Ici comme pour le thé, il faut noter l'importance des techniques de préparation, qui jouent un rôle essentiel dans la qualité du produit et qui doivent faire l'objet d'une attention soutenue.
Les tentatives faites en 1959-60 pour introduire l'hévéa ont connu de graves mécomptes par suite des ravages causés par les rongeurs. L'intérêt économique de l'hévéa est discutable en raison de la faiblesse des cours (il est difficile de ce point de vue de concurrencer les régions productrices traditionnelles à gros volume de production) et de la concurrence croissante des produits de synthèse.
Le cacaoyer, jusqu'ici négligé, pourrait donner d'excellents résultats. Il est prévu d'en planter 750 à 1.000 ha.
En Basse Guinée, tout comme en Guinée forestière, la canne-à-sucre pourrait être cultivée avec succès. Cette culture était pratiquement interdite par la colonisation française qui réservait le marché africain aux surplus de ses betteraviers et de ses usiniers coloniaux des Antilles et de la Réunion. Le plan septennal prévoit la prospection aux fins d'introduction de cette culture de divers secteurs de la région de Boké. 3.000 ha permettraient d'alimenter une raffinerie couvrant les besoins nationaux.
Dans le Fouta, outre la culture des agrumes, presque toutes les cultures fruitières ou maraîchères peuvent être introduites avec succès : la pomme de terre vient très bien ; les maraîchers de Dalaba produisent presque toute l'année fraises, tomates, carottes, haricots verts, etc.
Il est évidemment aberrant que Conakry importe d'Europe des légumes frais…
Par ailleurs, certains fruits comme les mangues, les avocats qui n'étaient jusqu'ici l'objet que de la consommation locale, se sont maintenant introduits sur les marchés internationaux et pourraient faire l'objet d'exportations. La Basse Guinée serait la région mieux placée pour ce genre de culture.
Le problème à résoudre est ici celui des moyens de transport.
La Haute Guinée, outre ses aptitudes rizicoles, pourrait produire du coton. L'usine textile en construction par le plan aura besoin d'un approvisionnement annuel évalué à 10.000 tonnes de coton graines, ce qui exigerait un minimum de 12,550 ha de plantation.
Afin d'assurer progressivement l'approvisionnement de cette usine il est prévu de créer une plantation irriguée à haut rendement de caractère industriel, et de développer la culture sèche dans le paysannat.
Les possibilités de l'élevage sont considérables. En Moyenne Guinée, la population, pastorale par tradition, a multiplié le bétail. Dans la région de Télimélé, la densité bovine dépasse la densité humaine... La Haute Guinée permettrait également un grand développement de l'élevage.
Les races bovines de Guinée sont réputées dans toute l'Afrique et le nombre des bovins est évalué à 1.500.000. Les ovins sont évalués à près de 350.000, les caprins à près de 500.000.
Cette richesse est loin d'erre utilisée comme il conviendrait.
Dans la tradition africaine [peule], le bétail était objet de thésaurisation, et cette tradition contribue à maintenir une accumulation de bêtes vieilles et inutiles, faisant obstacle à la commercialisation et au renouvellement du troupeau.
D'autre part, faute de cultures fourragères (qu'il faudrait mettre au point et introduire dans les assolements) le bétail se nourrit comme il peut des herbes et feuillage de la brousse, fort mal en saison sèche. La viande est de ce fait médiocre, les rendements laitiers sont dérisoires. Le lait, consommé caillé ou sous forme de fromage blanc, ne fait d'ailleurs l'objet que d'une commercialisation toute locale.
Dans l'état actuel des méthodes d'élevage et des moyens de collectage (véhicules, réseau routier) la commercialisation du lait frais se heurte à de nombreux obstacles. Il convient cependant de s'y attaquer, car il est absurde qu'un pays de grand élevage bovin comme la Guinée en soit réduit à importer du lait condensé ou en poudre.
D'autre part, la commercialisation du bétail, insuffisante, est en partie détournée des besoins nationaux par la contrebande en direction de la Sierra-Léone, pendant que les villes manquent de viande, surtout en fin de saison sèche. Cette situation n'est pas nouvelle... dans les rapports administratifs de la fin du siècle dernier, les Gouverneurs coloniaux s'en plaignaient déjà, et à cette époque la ville de Conakry ne comptait que quelques milliers d'habitants!
La création de l'Office National de commercialisation du Bétail (Obétail) a permis d'améliorer de ce point de vue la situation difficile du marché de Conakry.
Mais un long travail de conviction sera nécessaire auprès des éleveurs afin d'obtenir un changement radical dans les habitudes et méthodes d'élevage.
Au terme de cet examen nécessairement sommaire, les éléments négatifs de la situation que nous avons soulignés, les difficultés multiples qui s'élèvent devant la solution de chaque problème, pourraient conduire à une appréciation pessimiste.
Rien ne serait cependant plus erroné que de sombrer dans le pessimisme. Autant il est néfaste de fermer les yeux devant les réalités et de se bercer d'un optimisme factice, autant il est néfaste et indigne de jeter le manche après la cognée et de renoncer face aux difficultés.
Que faut-il faire ? Il est sans doute facile d'énoncer des remèdes sur le papier — et il ne manque pas de donneurs de conseils qui s'y entendent. La difficulté est de les mettre en pratique, de surmonter les entraves innombrables léguées par la colonisation : misère de l'équipement et des moyens, routine des habitudes prises.
Le redressement et le démarrage de la production agricole a d'abord pour condition une politique adéquate des prix agricoles. Encore faut-il souligner que ce problème ne peut être isolé de l'ensemble de la politique des prix, et que la marge dans laquelle le niveau des prix peut être amélioré est limitée par le niveau des cours mondiaux.
Il faut évidemment moderniser les méthodes de culture et d'élevage : il faut faire la « révolution agricole » , passer de la culture et de l'élevage extensifs à une culture intensive associée à l'élevage comportant des assolements fourragers et utilisant les engrais.
Là encore, programme aisé à énoncer, mais combien difficile à réaliser... La culture extensive, avec ses feux de brousse dévastateurs, continue à prévaloir parce qu'elle demande moins d'efforts et répond à des habitudes ancestrales. D'autre part, si les « réserves de travail » paysannes sont considérables (mortes-saisons prolongées), les forces de travail disponibles sont souvent utilisées à plein aux moments critiques des grands travaux. Bien sûr, il y a même à ces moments, des forces disponibles à mobiliser mais il ne faut pas en surestimer les ressources.
A longue échéance, l'élévation des rendements n'est concevable qu'en dépassant les moyens purement manuels.
Les objectifs et les moyens, à la fois réalistes et hardis, préconisés par la session de Guéckédou du Conseil National de la Révolution, pour le plan septennal, tiennent compte de toutes ces données objectives.
Il reste que les difficultés étant vues et appréciées objectivement, les dispositions techniques étant prises, c'est de la volonté, de l'élan des populations que l'avenir dépend en fin de compte. Les facteurs naturels sont, dans l'ensemble, favorables à l'essor de la production, et bien plus que dans beaucoup d'autres pays. Une telle situation commande, non le pessimisme, mais un optimisme conscient et raisonné.
On sait que le VIè Congrès du P.D.G. a fixé pour 1970 l'objectif de la réalisation de 500 « unités autonomes de production agricole » , coopératives de production dotées de matériel moderne. Le mot d'ordre a été lancé, pour les coopératives déjà existantes, du strict respect des statuts, prévoyant la fourniture d'au moins 100 journées de travail par an et par coopérateur, la mise en culture d'au moins 65 ares (en culture manuelle) ou 20 ha (en culture mécanisée) par coopérateur. Nul doute que sous le mot d'ordre « tout pour la production » , cultivateurs et techniciens se mobiliseront, feront la preuve de leurs capacités créatrices.
Les victoires remportées par la Guinée dans les batailles pour l'indépendance politique, puis pour l'indépendance économique ont eu une portée qui a dépassé de très loin des frontières de la Guinée et même de l'Afrique.
La bataille pour le « décollage » de l'économie guinéenne a, elle aussi, une portée qui dépasse de loin les limites de la Guinée. Chaque cultivateur, chaque technicien de l'agriculture, est aussi porteur d'une lourde responsabilité, mais en même temps d'une mission exaltante, une part du destin de l'Afrique, une part du destin de l'homme est entre ses mains.
L'industrie de transformation était en 1958 à peu près inexistante :
La Guinée, productrice d'oléagineux, importe son huile et la majeure partie de son savon 16, aucune huilerie n'existant sur place. La Guinée, productrice de café, importait pour sa consommation locale... du café moulu en boîte préparé en France ou du Nescafé !
Compte tenu de ce point de départ, le plan triennal avait pour objectif de créer une série de petites industries permettant de supprimer les importations les plus aberrantes ou d'assurer sur place une première transformation des produits destinés à l'exportation. Le plan septennal doit achever et compléter ce qui' a été entrepris par le plan triennal.
En 1961 et 62 ont été mis en service une saurisserie et un nouvel abattoir à Conakry ; en 1963 sont entrés en service le frigorifique du Port de Conakry (capacité 300 tonnes), la conserverie de viande et de légumes de Mamou, l'Entreprise national de briqueterie et céramique de Kobaya (briques et tuiles)
L'industrie du bâtiment est assurée en grande partie par une entreprise nationale du Bâtiment qui, devenue trop vaste, a été décentralisée en 1963 en plusieurs entreprises (Entreprise nationale de constructions préfabriquées, Entreprise nationale du Bâtiment industriel.)
En 1964, sont entrés en service une manufacture de cigarettes et d'allumettes (construite avec l'aide technique de la République Populaire de Chine), une fabrique de meubles à Sonfonia près de Conakry (avec l'aide technique yougoslave), une usine de sciage et de contreplaqués à N'Zérékoré (avec l'aide technique de l'Union Soviétique), des usines de carreaux, d'exploitation du granit et de fabrication de préfabriqués en béton armé (Guinée et groupe suisse Coficomex).
Pour 1965 est prévue l'entrée en service d'une usine de filature et tissage, (Guinée et groupe anglais Midland Bank); un complexe industriel de panneaux de particules (utilisant l'écorce de quiquina) à Sérédou; un complexe de boissons hygiéniques et de lait chocolaté à Foulaya (Kindia), une tôlerie d'aluminium avec la firme américaine Harvey, une laiterie et une fromagerie avec l'aide technique soviétique à Ditinn où l'implantation d'une ferme d'Etat est très avancée.
A ces entreprises mixtes réalisées avec la collaboration de capitaux privés, il faut en ajouter d'autres toujours prévues dans le cadre du plan septennal : une verrerie, une tannerie-fabrique de chaussures, une usine de jus de fruits.
En matière d'équipement énergétique, l'achèvement en 1963 de la centrale hydro-électrique de Kalé, construite avec l'aide technique yougoslave, a permis de doubler la capacité initiale de l'usine des Grandes Chutes : la puissance installée est de 10.000 à 20.000 kw.
Deux projets de petites centrales sont en cours : aux chutes de Kinkon 17 (Fouta-Djallon) pour l'alimentation en électricité de Labé, Pita et Dalaba ; en région forestière près de Macenta (Sérédou).
Le grand projet d'aménagement du Konkouré (barrages de Souapiti et Amaria) demeure en suspens : l'ensemble (barrage, centrale et usine d'aluminium) représenterait un investissement d'au moins 60 milliards d'anciens francs. La retenue d'eau créerait un lac de 400 Km2 environ (les 3 /5 du lac de Genève).
La production d'électricité (3 milliards de Kw/h par an) serait absorbée en totalité par une usine d'aluminium fournissant 160.000 tonnes d'aluminium par an, soit l'équivalent de la production française de 1957.
L'affaire avait été envisagée par un consortium groupant Fria et Bauxites du Midi (pour Boké), avec participation de Montecatini (Italie). Mais le plus clair des 60 milliards devait être fourni, directement ou indirectement, par l'Etat Français.
En dehors du Konkouré, la Guinée dispose, tant dans le Fouta-Djalon que dans la dorsale guinéenne (région forestière) d'un énorme potentiel hydroélectrique. Disposant en abondance de fer et d'aluminium, elle a en sa possession tous les éléments nécessaires à la création d'une industrie lourde du fer et de l'aluminium.
Mais pour l'instant elle ne dispose pas de capitaux nécessaires à l'édification de telles industries.
L'exploitation des ressources minérales, qui sont considérables et extrêmement variées, et dont l'apport représente depuis 1961 plus de la moitié des exportations en valeur (actuellement près de 70 %) s'est bornée jusqu'à présent à l'extraction de minerais bruts exportés tels quels ou après une transformation sommaire. Cette mise en exploitation est récente, si l'on met à part l'or du Bouré (région de Siguiri), objet d'une exploitation millénaire par des méthodes artisanales. (Toutes les tentatives d'exploitation industrielle — en dernier lieu celle du « Bureau Minier de la France d'Outre-Mer » à Banora en 1959 — ont échoué) 18. Le diamant a été exploité à partir de 1963 ; le fer et l'aluminium à partir des années 1951-53.
Nous allons passer rapidement en revue les principales de ces ressources, exploitées ou en réserve.
Minerais de fer
Le minerai de fer du Kaloum (banlieue de Conakry) est exploité à ciel ouvert depuis 1953. La production a dépassé 1 million de tonnes en 1957, est tombée en 1959 à 350.000 tonnes, remontée en 1962 à près de 700.000 tonnes 19. La teneur du minerai latéritique (recouvrant d'un épais manteau un soubassement de durite très riche en fer et en chrome) est supérieure à 50 %. L'exploitation à ciel ouvert et la proximité du port minier de Conakry offrent pour l'exploitation des conditions de rentabilité exceptionnelles. Toutefois, ce minerai exige pour son utilisation des installations spéciales en raison de sa teneur élevée en chrome.
On a annoncé fin 1963 que de nouveaux procédés de traitement avaient été mis au point, permettant d'éliminer le chrome. Second inconvénient : le minerai pulvérulent le plus abondant et le plus riche (57 % de teneur) ne peut être utilisé jusqu'à présent. Un procédé d'agglomération peu coûteux, s'il était mis au point, multiplierait les réserves exploitables. Mais même dans les conditions actuelles d'exploitation, les réserves reconnues atteignent près de 50 millions de tonnes.
L'exploitation est assurée par la « Compagnie minière de Conakry » , consortium international dont les parts se répartissent de la manière suivante :
Le minerai fut jusqu'en 1960 exporté essentiellement vers la Grande-Bretagne et l'Allemagne (les actionnaires étant en même temps utilisateurs).
La nécessité d'installations spéciales pour utiliser le minerai, les facilités d'approvisionnement en minerais de fer, le peu de sympathie des actionnaires pour le régime guinéen avaient abouti à un fort recul des commandes et de la production. La reprise actuelle est due à des achats de pays socialistes (Pologne notamment 20)
D'autres gisements existent en Basse Guinée: mentionnons la lentille d'hématite de Yomboiéli, près de la frontière de Sierra-Léone.
Mais les plus importants sont ceux des chaînes du Simandou et du Nimba (région forestière).
Ces arêtes de quartzites sont, en surface, imprégnées de magnétite avec une teneur en fer supérieure à 60%. Les réserves, énormes, n'ont pas encore été évaluées 21. Leur exploitation, dans les conditions actuelles (c'est-à-dire pour l'exploitation) pose de nombreux problèmes. Elle supposerait la construction d'une voie ferrée pour l'évacuation et les frais de transport pèseraient sur le prix de revient.
Le Gouvernement guinéen avait d'abord songé à exiger des exploitants éventuels la construction d'une voie ferrée assurant l'évacuation par Conakry ou Benty, qui aurait ainsi desservi la région forestière. Ce projet s'est révélé irréaliste (tracé trop long ; le transport du minerai serait exclusif de toute autre utilisation)
Puis la Guinée a sollicité, et obtenu, l'autorisation d'évacuer le minerai par le territoire libérien (il faudrait ou bien construire une voie ferrée, ou bien obtenir l'autorisation d'emprunter celle construite au Libéria par la L.A.M.C.O., Société qui exploite le Nimba du côté libérien et exporte son minerai par Grand-Bassa.
Deux groupes principalement sont en compétition pour la concession du Simandou et du Nimba : un groupe « européen » animé par le consortium « Consafrique » , un groupe américain, plus ou moins soutenu par des intérêts japonais. Un accord avait été conclu avec le premier mais il ne paraît pas que ses clauses aient été respectées. En tout état de cause, le Gouvernement guinéen exige l'exploitation par une société mixte dont il détiendrait 50 % du capital ; il souhaite une mise en exploitation rapide pour financer ses investissements.
Avec prudence, le plan septennal guinéen se borne à prévoir la poursuite des recherches et des négociations.
La bauxite est exploitée depuis 1951 dans l'île de Kassa (archipel de Los) rattachée administrativement à Conakry. L'exploitation se fait en carrière. Le minerai est simplement lavé, puis séché, et directement chargé dans les cargos miniers.
De 480.000 tonnes en 1955, la production a subi de grandes fluctuations : 300.000 tonnes en 1958 et 1959, 520.000 tonnes en 1960, 384.000 tonnes en 1961. La nationalisation, début 1962, a créé de sérieux problèmes de débouchés: réduite à 54.000 tonnes en 1962, la production est remontée à plus de 100.000 tonnes (184.000 tonnes exportées en 1963) 22.
Le gisement est d'ailleurs en voie d'épuisement. On pourrait exploiter l'île de Tamara, mais les difficultés d'évacuation y seraient beaucoup plus considérables.
A Fria, le gisement de Kimbo a été mis en exploitation début 1960. L'ensemble des gisements de Fria représentent 75 millions de tonnes de réserves de minerai à 43 % de teneur. L'éloignement de la mer supposait ici la création d'une usine d'alumine permettant de réduire le poids du minerai 23 et la construction d'une voie ferrée de 145 km, évacuant l'alumine par un port minier construit à Conakry sur crédits de l'Etat français (c'est la seule opération que l'Etat Français ait continué à financer après l'indépendance de la Guinée).
Commencés en 1957, les travaux étaient largement avancés en Septembre 1958 (32 milliards d'anciens francs investis sur 68) et la Société, malgré les « risques » , décida d'achever l'opération. La mise en route eut lieu début 1960. La production d'alumine est passée de 185.000 tonnes en 1960 à 400.000 tonnes en 1961, et 460.000 tonnes en 1962 (tout près des 480.000 tonnes qui représentent la capacité de production des installations actuelles) 24. En 1962, l'alumine de Fria a représenté 58 % en valeur des exportations guinéennes. Le capital de la Société internationale Fria est réparti comme suit :
Cependant, les statuts donnent la majorité des sièges du Conseil d'administration à Péchiney-Ugine, promoteurs de l'opération, qui continuent à en assurer la direction technique.
La production est en principe répartie entre les participants au prorata du capital engagé. La part de Péchiney-Ugine est en partie exportée au Cameroun pour être transformée en aluminium à l'usine d'Edéa, d'où la plus grande partie du métal est réexpédiée en France. La transformation sur place de l'alumine en aluminium, qui créerait les bases d'une industrialisation de la Guinée reste subordonnée à la création du barrage et de l'usine hydroélectrique du Konkouré.
Dans la région de Boké, la Société des Bauxites du Midi (en réalité société canadienne filiale de l'Aluminium of Canada Ltd.), qui avait déjà entrepris l'exploitation de Kassa, avait obtenu une concession et un contrat du même type que celui de Fria. Le gisement, à 120 km de la mer, représente d'importantes réserves d'un minerai à 57-58% de teneur en alumine : la mise en exploitation supposait la construction d'une usine pour la transformation de la bauxite en alumine, l'évacuation grâce à une voie ferrée aboutissant à la mer, la construction d'un port minier à Kakandé, sur le Rio-Nunez. Toutefois, au montent de l'indépendance, les travaux étaient beaucoup moins avancés qu'à Fria (simple installation d'un wharf pour le débarquement du matériel, travaux préparatoires d'équipement).
Il semble que la société se soit révélée incapable d'assurer les investissements prévus : en 1960, un consortium international comprenant les principaux producteurs d'aluminium du monde occidental (Aluminium of Canada, Reynolds, Kayser, Olin Mathieson, Pechiney, Vereinigte-Aluminium-Werke, etc.) fut constitué pour poursuivre l'exécution du projet. Mais à la fin de 1961, la société de Bauxites du Midi se déclarait incapable d'assurer ses engagements et demandait une modification des accords prévus (renonciation à l'usine d'alumine, simple exportation de bauxite brute). Dans le privé, les représentants de cette société accusaient les participants de Fria d'avoir refusé finalement leur concours financier, sans lequel l'opération ne pouvait se faire. Quoi qu'il en ait été, le gouvernement guinéen donna à la société un délai de grâce pour remplir ses engagements, à l'issue duquel toutes les installations et entreprises des « Bauxites du Midi » (Kassa et Boké) fureur nationalisées.
Nous avons dit la situation à Kassa. Pour Boké, le gouvernement guinéen a conclu fin 1963 avec la société américaine Harvey Aluminium Limited un accord prévoyant la création d'une société mixte dont 65 % des bénéfices iraient à la Guinée 24 comportant la création d'une usine d'alumine et même, dès 1965, d'une tôlerie d'aluminium qui sera provisoirement approvisionnée par des lingots importés.
Il existe d'autres réserves de bauxite en Guinée :
Il est exploité depuis 1936 aux confins de la région forestière dans le triangle Kérouané-Beyla-Macenta. L'exploitation en fut assurée jusqu'au mois de Février 1961 par deux sociétés privées, l'une française, la Société Minière de Beyla, ayant son siège à Bounoudou, l'autre britannique, la Soguinex (de loin la plus importante), filiale de la De Beers, le plus puissant monopole mondial du diamant, ayant son siège à Fenaria et sa principale exploitation à Banankoro.
A partir de 1956, suivant de près un mouvement analogue qui s'était produit en Sierra-Léone, une « ruée vers le diamant » aboutit à l'invasion des périmètres concédés et non exploités par des milliers d'exploitants africains venus de tous les coins de l'Afrique occidentale. Pour régulariser la situation, le territoire de la Guinée racheta en 1957 une partie des périmètres, qui fut attribuée aux exploitants artisanaux jusque-là « clandestins » , regroupés dans une coopérative, la Bekima 26 (Février 1957).
L'appui apporté aux « clandestins » contre les sociétés dans une conjoncture politique donnée, ne pouvait être maintenu longtemps après l'indépendance. L'exploitation individuelle démontrait la richesse des gisements et la carence des sociétés concessionnaires, qui semblent avoir eu pour mission moins de se livrer à une exploitation sérieuse des gisements que de les « bloquer » pour le compte de la De Beers 25. Mais ses résultats étaient techniquement désastreux (écrémage superficiel, laissant en place une partie du diamant désormais inexploitable dans des conditions de rentabilité acceptable).
Elle posait de graves problèmes sociaux : création de véritables « villes » de paillotes (atteignant pour certaines peut-être 30.000 habitants), dépourvues de toute voirie et de toute hygiène, échappant au contrôle de l'administration. Des « caids » armés y exerçaient le pouvoir réel, les transactions s'y faisaient en dollars et livres sterlings 26.
La Guinée procéda en Mars 1961 à la nationalisation de l'exploitation du diamant (expropriation des sociétés, expulsion des « individuels » ). La société nationale créée pour l'exploitation du diamant, avec le concours soviétique, a réalisé en quelques années un effort remarquable de prospection et découvert les « pipes » de Kimberlite recelant le diamant (exploité seulement jusqu'ici sous forme alluvionnaire). La production pourrait être portée rapidement de 50.000 carats (1963) à 300.000.
En Octobre 1963, le Gouvernement guinéen, a autorisé à nouveau l'exploitation individuelle, sur un périmètre d'ailleurs très limité, dans la région de Kérouané. La mesure, techniquement très regrettable, n'obtint pas les résultats attendus: les diamants recueillis, comme on pouvait s'y attendre, passèrent pour l'essentiel en fraude vers le Libéria 27.
La commercialisation du diamant se trouve en effet dépendre très étroitement de la conjoncture financière et monétaire. Sous le régime français, en raison du prix d'achat officiel trop bas, une grande partie de la production artisanale (et prétendent certains, une partie appréciable de la production des sociétés) passait en contrebande sur le marché libre de Monrovia (Libéria).
Dès l'indépendance la création par l'Etat guinéen d'une bourse du diamant à Kankan (où le Gouvernement se contentait de percevoir une taxe modérée sur les transactions) aboutit au renversement du courant. Les exportations de diamants s'élevèrent en 1959 à près de 5 milliards d'anciens francs
La création du franc guinéen en 1960 renversa de nouveau l'orientation du trafic et la Bourse du diamant, transférée à Conakry perdit son activité. Il ne semble pas que les tentatives faites fin 1963 d'y ranimer les transactions privées par la réouverture des exploitations individuelles puissent aller très loin: les trafiquants préféreront toujours un règlement en devises libres, à un paiement en francs guinéens inconvertibles, quel que soit le prix consenti. L'exploitation individuelle ne peut alimenter que la contrebande, en saccageant les ressources diamantifères guinéennes. Le Gouvernement a pris acte de l'expérience en mettant définitivement fin le 8 Novembre 1964 à toute exploitation privée du diamant.
Par ailleurs, il faut signaler que la prospection systématique du territoire guinéen par le service géologique a abouti à la découverte de très nombreux gisement de minerais rares 28.
En 1958, le service géologique se réduisait à une « boîte aux lettres » , percevant les droits miniers ; il ne possédait même pas les cartes géologiques de la Guinée, ni les plans des concessions minières ! Tout était à Dakar, ou avait été emporté par les « techniciens » français. Dès 1961 le service géologique s'organisait avec l'aide de techniciens soviétiques, polonais et hongrois notamment. Il dispose aujourd'hui d'une solide infrastructure et d'un personnel qualifié ; le résultat des prospections effectuées autorise les plus grands espoirs.
L'extrême faiblesse de l'industrie, l'obligation de consacrer l'essentiel de l'agriculture marchande à des produits exportables pour s'assurer en contrepartie les produits manufacturés nécessaires, expliquent l'importance décisive du commerce extérieur, héritage de l'économie de traite.
Avant la réforme monétaire, les années 1958 et 1959 donnèrent les résultats suivants:
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1958 | 1959 | |
Exportations |
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Importations |
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Couverture des exportations par les importations 48,5 % 60 %
Le déficit de la balance commerciale tenait à deux facteurs essentiels :
La Guinée demeurant dans la zone franc, le contrôle des changes était assuré par la France. La zone franc continuait à fournir en 1959, 74 % des importations (contre 18 % pour les pays à monnaie convertible 31, et 8 %pour les pays socialistes). Au cours des deux premiers mois de 1960, les importations en provenance de la zone franc étaient tombées à 60 % celles venant des pays socialistes avaient atteint 26 %.
La réforme monétaire du 1er Mars 1960, la création du franc guinéen et le retrait de la Guinée de la zone franc ont été suivis d'un véritable blocus monétaire français à l'égard de la Guinée. Il en est résulté :
En 1960 et 1961, les pays socialistes ont supplée la France dans la fourniture des produits fabriqués et de certains produits alimentaires (bière, sucre, lait condensé, etc.) et surtout ont livré de très importantes quantités de matériel d'équipement, dans le cadre du plan triennal.
En échange, la Guinée ne pouvait apporter que ses produits agricoles (dont la production était d'ailleurs en recul) les produits miniers — sauf le diamant — demeurant entre les mains du secteur privé. La baisse instituée sur les prix des denrées de première nécessité (riz, sucre, etc.) n'a pas eu les effets désirés en effet, malgré des importations considérablement augmentées, la pénurie est apparue, pour une part du fait de l'accroissement du pouvoir d'achat et de la demande, mais surtout du fait de la contrebande intense qui faisait passer ces produits dans les territoires voisins (Mali, Côte d'Ivoire) avec un bénéfice considérable.
A partir de 1962, la Guinée a dû restreindre considérablement ses importations de denrées de consommation et de matériel d'équipement (véhicules notamment).
Le commerce avec la zone franc et les pays à monnaies convertibles est alimenté essentiellement par l'alumine de Fria.
En 1962, les importations se sont élevées à 16 milliards de francs guinéens :
Les exportations n'ont représenté que 12 milliards :
dont
Les exportations agricoles sont absorbées en presque totalité par les pays socialistes, mais ne couvrent pas la moitié des importations en provenance de ces pays. La balance commerciale, bénéficiaire de 414 millions en 1960, est redevenue déficitaire. Les importations ne sont couvertes qu'à 75 % ; l'amélioration pour 1958 et 1959 tenant à l'énorme apport de l'alumine de Fria (faute de quoi les exportations seraient tombées de 7,3 milliards en 1958 à 3,3 milliards en 1962).
Année 1962: Importations (par provenance) en millions de francs guinéens.
U.R.S.S | 3.260 |
France | 2.381 |
U.S.A | 1.814 |
Allemagne Fédérale | 1.253 |
Tchécoslovaquie | 841 |
Pays-Bas | 650 |
Pologne | 618 |
République Démocratique Allemande | 549 |
République Arabe Unie | 547 |
Japon | 539 |
Italie | 516 |
Yougoslavie | 382 |
Exportations (par destinations) en millions de francs guinéens.
France | 2.036 (essentiellement alumine) |
République Démocratique Allemande | 2.036 (essentiellement bananes. agrumes, et autres produits agricoles) |
Cameroun | 1.410 (alumine) |
Norvège | 1.173 (alumine) |
U.S.A. | 1.223 (alumine) |
Pologne | 690 (fer, alumine) |
U.R.S.S. | 625 (produits agricoles) |
Tchécoslovaquie | 470 (produits agricoles) |
Pays-Bas | 468 (produits agricoles) |
Belgique | 284 (diamant) |
Yougoslavie | 144 |
Si l'on met à part l'alumine de Fria, l'importation et l'exportation sont contrôlées par des Sociétés d'Etat dont nous aborderons rapidement la genèse.
Dès 1959 une Société mixte, la « Société africaine d'expansion » fut créée pour entreprendre les opérations commerciales avec les pays socialistes. Dans le courant de l'année, elle fut remplacée par une Société d'Etat, le « Comptoir Guinéen de Commerce extérieur » (C.G.C.E.) qui eut d'abord le même rôle, puis reçut le monopole de certaines importations (bière, sucre, allumettes, ciment.
A la suite de la réforme monétaire, le C.G.C.E. se vit attribuer le monopole de fait du commerce extérieur, puis il se doubla du « Comptoir Guinéen du Commerce Intérieur » (C.G.C.I.) qui reçut le monopole du commerce de gros, créa des filiales dans toutes les régions, et un réseau de « magasins d'Etat » dans presque toutes les villes, quartiers et villages.
En Octobre 1963, leur liquidation a été décidée, l'Etat renonçant définitivement au commerce de détail (sauf reprise par les collectivités locales sous forme coopérative) ; l'abolition du monopole du commerce extérieur a été à nouveau proclamée.
En fait, si le monopole de droit a été aboli (il l'avait déjà été en 1961), le monopole de fait est demeuré à peu près intact. La carence de l'initiative privée a conduit l'Etat à reprendre en mains le commerce de gros et de demi-gros et l'on assiste, dans l'opinion, à un revirement en faveur du commerce d'Etat.
Les réajustements à une politique trop aventurée dans les débuts ne justifient nullement certaines spéculations concluant, hors de toute information sérieuse sur les réalités locales, à un retour de la Guinée dans la voie capitaliste.
Il reste en effet que le monopole des sociétés de traite a été brisé : les grandes sociétés (S.C.O.A., C.F.A.O., Niger-Français, Peyrissac, Chavanel) ont dû liquider la plus grande partie de leurs installations (certaines ont été réquisitionnées) et se bornent à maintenir un comptoir central « en veilleuse » à Conakry.
Les banques ont été nationalisées, remplacées par quatre banques d'Etat spécialisées :
La Société Nationale d'Assurance s'est substituée aux assureurs privés.
Dans le domaine des transports, l'Office National des transports routiers exploite des lignes d'autobus créées depuis 1960 à Conakry et sur divers itinéraires à l'intérieur du pays.
En 1961, grâce aux crédits soviétiques, chaque région avait reçu une dotation en camions qui avait permis la création « d'entreprises régionales de transport » . Il a fallu les liquider fin 1963, la plupart étant déficitaires et le matériel hors d'usage. Le camionnage routier a été depuis expressément réservé au secteur privé.
L'Office National des Chemins de fer de Guinée a repris la gestion de l'ancien « réseau » (en fait ligne unique) Conakry-Niger, soit 662 Km de voie métrique, dont le déficit était tel en 1958 qu'on envisageait son abandon. La réfection des voies et du tracé, urgente, est prévue.
Depuis Octobre 1960, la compagnie nationale Air-Guinée avec 7 appareils, assure les lignes intérieures (Conakry-Boké-Labé ; Conakry-Kankan-Kissidougou-N'Zérékoré) et une liaison avec Bamako comportant escale à Siguiri.
Un des grands problèmes du pays, condition essentielle de tout développement économique, est l'extension et l'amélioration du réseau routier. La réfection de la route bitumée Conakry-Kindia a été réalisée, et son prolongement jusqu'à Mamou est en cours.
Sur le plan maritime, un service national d'hydrobus assure la liaison entre Conakry-ville et les Iles de Los. La Guinée a acheté en 1963 un minéralier de 15.000 tonnes, le Simandou, destiné à transporter les minerais exportés du secteur d'Etat.
La Société Nationale Entrat a le quasi monopole du transit maritime et de l'acconage.
Il est facile de critiquer et de monter en épingle telle on telle difficulté de l'économie guinéenne.
Mais il y avait deux voies possibles: celle du néo-colonialisme, avec sa façade brillante certes, ses progrès parfois impressionnants dans la production des matières premières de traite, mais comportant le maintien de la misère profonde des masses, le maintien de l'asservissement ; l'autre choisie avec courage par la Guinée, celle de l'indépendance économique, de l'indépendance réelle avec ses difficultés, tenant à des faux pas sur un chemin jamais frayé mais surtout aux conditions objectives léguées par le passé colonial.
La disparité entre les prix des matières premières exportées et ceux des produits importés est une première cause de difficultés, générale à tous les pays sous-développés.
Autre problème commun à beaucoup de pays sous-développés l'évolution de la production doit être considérée dans son contexte démographique. Aucun recensement valable n'ayant été opéré en Guinée, on ne peut qu'évaluer sa population (probablement plus de 3 millions d'habitants) 29.
Mais une étude démographique par sondage réalisée en 1954-55 indique que la Guinée, avec un taux de mortalité de 40% aurait un taux de natalité de 62 %, soit un taux d'accroissement annuel de 22 %, l'un des plus élevés du monde. La population de la Guinée, si ces taux se maintiennent, est appelée à doubler en moins de quarante ans.
On ne peut qu'approuver dans cette situation la décision prise par la Guinée d'introduire, dans le cadre d'un enseignement polytechnique, le travail productif à tous les niveaux de l'enseignement. Cette juste décision se heurte toutefois — on le comprend aisément — à de grandes difficultés de mise en oeuvre si l'on veut éviter le « bricolage » et donner au travail un caractère réellement éducatif (à la différence des « écoles rurales » de l'époque coloniale où il prenait l'allure d'une version scolaire du travail forcé).
A ces difficultés d'ordre très général, s'ajoutent des problèmes plus spécifiquement guinéens :
Le courage coûte cher : mais à terme, seul le courage paie.
Notes
1. Sékou Touré, rapport au VIe Congrès du Parti Démocratique de Guinée (Décembre 1962).
2. On avait imaginé en France d'invoquer le traité de 1904 par lequel la Grande-Bretagne cédait les Iles de Loos, pour justifier un coup demain militaire sur ces îles-position stratégique face à Conakry — qui aurait été transformées en base militaire de l'O.T.A.N.
La réticence des allié atlantique à cautionner une telle opération obligea le Gouvernement Français à y renoncer. Ceci se passait au début de 1959.
3. La base de la fiscalité coloniale était constituée par le « minimum fiscal » ou capitation, impôt direct uniforme perçu sur chaque adulte sans considération de revenu et perçu par l'intermédiaire de la chefferie qui en rejetait le poids sur les pauvres. Son taux annuel, variant de 825 F. CFA suivant les régions, en 1954, était ramené uniformément à 700 F. en 1958. Il a été supprimé en 1961, et remplacé par une « taxe de région » de l'ordre de 350 F, dont le montant est intégralement réservé aux collectivités locales (régions administratives).
4. Il y eut en fait de multiples provocations dans les rues de Conakry et à Dalaba (où les paras firent sauter à la dynamite et incendié leurs bâtiments au moment de l'évacuation). La population avait reçu pour consigne de ne pas y répondre et cette consigne fut rigoureusement observée.
5. Somme versée par le mari aux parents de l'épouse qui pouvait dépasser 100.000 F. (dans un pays où les salaires minima étaient de l'ordre de 5.000 par mois).
6. Le Comité du Parti et son président est soumis à réélection tous les 2 ans. Ils exercent les fonctions dévolues jusqu'en 1961 au Conseil du village et au Maire. En fait, déjà, la plupart du temps, la composition des deux organismes était à peu près identique.
Après la réforme de structure intervenue le 8 novembre 1964, ces Comités comprennent 10 membres élus au suffrage universel sans distinction de sexe et d'âge, l'âge minimum pour prétendre à la carte du parti étant fixé à 18 ans. Jusqu'en 1964, le Comité comprenait :
Par ailleurs, sont désormais inéligibles dans les organismes dirigeants du parti :
De plus, les Comités de base comporteront désormais un effectif minimum de 3.000 habitants et des Comités P.D.G. sont créés au niveau de chaque unité de production : usines, entreprises, services, sociétés.
7. L'archevêque européen de Conakry, Mgr de Milleville, qui avait protesté contre cette mesure (adoptée par le Congrès du P.D.G. en 1959 et exécutée dans le délai prescrit de 3 ans) et qui avait cherché à dresser les catholiques contre elle, fut expulsé. Le Vatican s'inclina et nomma un archevêque Africain, Mgr Tchidimbo, pour le remplacer.
8. Franc des « colonies française d'Afrique » (= 0,02 F. 1963), toujours utilisé dans les autres pays de l'ex-Empire, exception faite du Mali. Seul changement : C.F.A. veut dire aujourd'hui « Communauté financière africaine » .
9. De 700 m. à 3.300 m., ce qui lui permet de recevoir les Boeing 707 et les TU-114.
10. Inauguré le 2 Octobre 1964.
11. L'infrastructure a absorbé 57,4 % des crédits du plan, au lieu des 36,39% prévus.
12. Ces fruits excellents n'ont pas un aspect extérieur « commercial » , ce qui rend difficile leur placement sur les marchés extérieur.
13. Ou autres agrumes, bergamotiers, etc.
14. Exportations 1963 par le port de Conakry : peaux : 432 tonnes, sésame : 334 tonnes
15. Soit environ le double de la valeur des produits agricoles exportés, qui se montait à 5,971.8 millions.
16. La savonnerie du « Comptoir Commercial Franco-Africain » (maison de commerce privé) à Kobaya produit 1.400 tonnes pour une consommation de 4 à 5.000 tonnes par an.
17. Construite avec l'aide de la République populaire de Chine. Puissance : 320 Kw (Horoya, no. 457, 7 juillet 1964).
18. Après des travaux de recherches poursuivis de 1948 à 1958, le « Bureau minier » avait mis en route, en Décembre 1958, une usine de traitement, qui ne put fonctionner que quelques mois.
19. Exportations 1963 : 560.000 tonnes ; 1964 : 701.000 tonnes
20. Exportations 1964 : Pologne 360.000 tonnes, Allemagne : 117.840, Grande-Bretagne : 152.000 tonnes, Autriche : 47.700, R.A.U : 12.700 tonnes.
21. Pour le seul Nimba, il est question de 700 millions de tonnes de minerai à plus de 65 % de teneur en fer.
22. Production pour les 5 premiers mois de 1963 : 50.000 tonnes. Les chiffres de productions pour l'année entière ne sont pas encore publiés mais les statistiques du port indiquent 184.000 tonnes exportées.
23. Il faut compter 3 à 3,5 tonnes de bauxites pour produire 1 tonne d'alumine
24. Il est prévu que cette capacité pourra être portée ultérieurement au triple par des installations complémentaires.
25. La première réunion du Conseil d'Administration de la Société mixte « Bauxite de Guinée » s'est tenue en Juin 1964.
26. Superficies rachetées pour 90 millions de francs C.F.A.
27. Tout au moins en ce qui concerne la Soguinex
28. Les exploitants individuels étaient en 1959 au nombre de 41.200 dont la moitié environ déclarés : 4.003 « mastas » (entrepreneurs) et 14.450 mineurs (soit une moyenne de 3,5 mineurs par « masta » .
29. Horoya du 5 decembre 1963 : « Halte aux trafiquants de diamants. » Fermées en Mai 1964, les mines du secteur individuel sont réouvertes du 1er Août au 31 Octobre 1964. Les problèmes sociaux posés par l'exploitation individuelle sont mis en lumière dans Horoya (No. 473 du 31 juillet 1964)
30. Source : Rapports à la conférence de Kankan. Le Bulletin de statistique publié en 1964 indique les chiffres suivants :
Année | Valeur (en milliards de francs) |
1964 | 2,5 |
1962 | — 1 |
1961 | 3,8 |
1960 | 4,3 |
La production de l'Entreprise guinéenne d'exploitation des diamants ne représente que 500 millions d'anciens francs par an
31. Dollar, Sterling, Mark.
32. Il y a eu réduction, de 1961 à 1962, des importations en provenance de République Démocratique Allemande (1,6 milliards en 1961 ; 548 millions en 1962), de la Tchécoslovaquie (1,2 milliards en 1961, 841 millions en 1962) et de la République Populaire Chinoise (1,1 milliard en 1961, 133 millions en 1962), mais augmentation des importations en provenance de l'URSS (2 milliards en 1961, 3,2 milliards en 1962).
33. La conférence économique des cadres de la Fédération de Conakry-I (Conakry-Ville), réunie le 7 Juin 1964, a adopté à l'unanimité une résolution où on lit notamment :
« ... La Conférence fidèle à la ligne définie par le Parti pour un assainissement du secteur commercial pour l'élimination du capitalisme marchand ... se prononce pour :
34. Evaluation au 31 Août 1962 : 3.139.728 habitants (Bulletin spécial de statistique, no. 1, 1964).
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