Paris, Maspéro, Coll. Cahiers libres, 1964. 205 pages
Estimant également qu'une des causes du sous-développement
était la fuite des capitaux, la Guinée créait sa propre
monnaie le 1er mars 1960. Cette création était d'ailleurs
rendue inévitable par le refus des autorités françaises
de modifler les règles de la Zone Franc alors même que certains
néo-colonialistes estimaient qu'il fallait en assouplir la discipline.
Pressentie dans les milieux financiers français depuis un certain
temps, puisqu'aussi bien des journaux comme la Vie Française jugeaient
opportun, début février 1960, d'en avertir leurs lecteurs,
cette réforme fut officiellement annoncée aux Guinéens
à la Conférence économique de Dalaba des 25 et 27 février
1960. Elle était la clé de voûte de la réorganisation
économique de la Guinée.
Sous le titre de Monnaie politique, elle fut présentée au public francais dans Marchés tropicaux comme une mesure d'orgueil personnel :
Monsieur Sékou Touré veut prouver qu'il est vraiment indépendant, disposant desormais des attributs essentiels de la souveraineté, dont le droit de battre monnaie. Car il s'aperçoit qu'il risque de perdre le bénéfice de l'initiative en matière politique.
Elle traduisait en réalité la volonté de donner
au Plan, une base monétaire et financière solide, en permettant
le contrôle du crédit.
C'est ainsi que la parité de la nouvelle monnaie avec le franc français
ne fut pas modifiée. Elle resta de 2 contre 1 malgré les critiques
que la création du C.F.A. avait soulevées en Afrique. On lui
avait notamment reproché d'avoir en pratique doubler pour le consommateur
africain les prix français, déjà élevés
par rapport aux prix mondiaux.
Aucune mesure ne fut prise non plus contre les réserves individuelles.
Les billets furent échangés anonymement et franc pour franc.
Par contre, parellèlement à l'instauration d'une monnaie nationale
le contrôle des changes était institué et une banque
d'Etat, créée à Conakry au capital de 500 millions
de francs guinéens. Elle recevait le statut d'établissement
public, dotée de la personnalité civile et de l'autonomie
financière, régi par la législation commerciale. Elle
obtenait la haute mise sur l'ensemble de l'appareil de crédit guinéen,
en même temps que son Gouverneur était directement responsable
devant le Président du Gouvernement. Elle détenait notamment
le privilège d'émission, le crédit à court terme
par réescompte, le crédit à moyen terme, couvert par
des valeurs matérielles, le contrôle des banques, la trésorerie
de l'Etat et les dépots des fonds d'Etat, des Sociétés
d'Etat. des sociétés mixtes et des coopératives.
Cette création s'accompagna d'un raidissement de la politique à
l'égard des banques étrangères, qui durent dès
juillet 1960, maintenir 50 % de leurs engagements à court terme à
la Banque de Guinée, à laquelle elles devaient en outre demander
une autorisation préalable pour tout crédit égalant
ou excédant 1 million de francs guinéens. En août 1960,
les agences de quatre établissements bancaires français, à
savoir la B.N.C.I., Ia Société Générale, le
Crédit Lyonnais et la Banque Commerciale Africaine, étaient
fermées par décret. Un commissaire du Gouvernement était
nommé pour contrôler les opérations de liquidation La
Banque de l'Afrique Occidentale poursuivait par contre son activité.
Les règles d 'attribution du crédit furent étroitement
soumises aux impératifs du Plan, dans le but de rechercher l'utilisation
la plus productive des moyens financiers disponibles, d'éliminer
le crédit à la consommation et d'accorder aux prêts
collectifs une priorité sur les prêts individuels.
Dès le départ, et malgré des bruits en général
anglophobes répandus pour faire croire qu'il s'agissait là
d'une extension indirecte de la Zone Sterling, Sékou Touré
dans une allocution radiodiffusée exprimait la volonté de
créer une zone autonome :
Aujourd'hui, nos rapports avec la Zone Franc sont de même nature qu'avec les autres Zones monétaires... Nous avons décidé de faire de la Guinée une zone spéciale, c'est-à-dire une maison dont la porte reste ouverte à tous les pays voulant sur une base d'égalité et de réciprocité, coopérer avec elle sur le plan économique et financier.
En juillet 1960, devant la persistance de certaines rumeurs, le Gouverneur de la Banque de Guinée démentait dans un communiqué l'information selon laquelle le franc guinéen serait garanti sur la livre ghanéenne.
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