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Presse écrite

Culture. — Les défis de l'an 2000

La Lance. N° 160 — 12 janvier 2000


Nous voilà dans l'an 2000. Avec tous les espoirs pour la culture guinéenne qui se cherche encore. C'est le moment des bilans.

L'année 1999 a été riche en événements culturels, mais bien des choses restent encore à faire en matière de show biz. Aussi bien sur la plan musical, que dans le domaine du théâtre, de la peinture… Pour ne citer que ceux-là. Toutefois, nos artistes ont réussi à sortir du lot quelques oeuvres remarquables. Cela, malgré le non professionnalisme des producteurs de K7, la piraterie et le clientélisme de certaines agences de spectacles.

L'événement culturel phare de l'année 1999 en Guinée aura été l'organisation de la première biennale de percussions à Conakry. En mai 1999, des percussionnistes venus des quatre coins du monde ont égayé le public de la capitale. De Femi Kuti, l'héritier de l'Afro-Beat, de feu Fela Anikulapo Kuti, en passant par El hadj Djély Sory Kouyaté, Tupi Nago du Brésil, Brunero Genero d'Italie, Elvin Jones de Jazz Machine (USA), Mamadi Kéïta et les maîtres du Djimbé, on s'est rendu compte que le tam-tam est toujours un grand instrument qui permet à toutes les musiques de s'exprimer. Placée sous le signe des retrouvailles, cette manifestation a atteint ses objectifs, malgré la fausse note occasionnée par une présence trop remarquée des forces de l'ordre. Quelque part, on a eu droit à une “biennale sous bottes surveillance”. N'empêche, le public, bon enfant s'est adapté. Et on a dansé dans les quartiers, sur les plages, les places publiques.
En matière de musique, des artistes sont sortis de l'ombre avec de nouvelles K7.

ont été les plus en vue.

On n'oubliera pas non plus, la sortie de

Trois albums à ranger très vite dans les archives du culte de la personnalité du Président Lansana Conté. Comme quoi, le griotisme se porte bien dans le show biz guinéen.
Côté rap, il n'y a pas eu beaucoup de hip hop.

Mais dans “l'underground” beaucoup de petits groupes de rappeurs se cherchent encore. En mal de producteurs, ils roulent leurs bosse de play-back en play back dans les différentes dédicaces.
Un des temps forts de l'année 99 a été la tournée du Bembeya Jazz à Bamako courant juillet. Avec un management de Mass Production, les musiciens guinéens ont égayé le public bamakois au cours d'un concert mémorable tenu au prestigieux Palais des Congrès de Bamako. Sur un autre plan, Sékouba Bambino du Bembeya Jazz, Oumou Dioubaté et Kandia Kouyaté du Mali, ont effectué une tournée dénommée “Griot Groove” courant octobre/novembre dans plus de dix pays européens. Partout, la musique mandingue était à l'honneur à travers des concerts géants.
Côté spectacles, on retiendra le passage de Pierrette Adams, Tiken Jah Fakoly, Adama Dahico, Aïcha Koné, Baaba Maal, Ismaël Lô

Les fiascos les plus retentissants furent la deuxième édition de la nuit des femmes d'Afrique et le report du concert de l'albinos béni Salif Kéïta.

En matière de production et de distribution de cassettes, il y a eu beaucoup de piraterie. Ce phénomène a surtout touché les productions ivoiriennes, amenant le BURIDA (Bureau Ivoirien des Droits d'Auteurs), à saisir son homologue guinéen, le BGDA. La dernière affaire en date n'est autre que celle des “Tueuses du Mapouka”, opposant la maison Gris Gris Production à Amacif.

En théâtre, on retiendra le sacre de La compagnie Taïbou à Abidjan. On n'oubliera pas non plus l'organisation des journées nationales du théâtre et de la semaine du théâtre à Conakry. Côté représentation, des jeunes comédiens guinéens en collaboration avec une compagnie marseillaise “Cartoon” ont joué une pièce intitulée “Le Comte d'hiver”. Ils s'apprêtent à effectuer une tournée au mois de mars 2000 dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest. Au mois de novembre, c'est la compagnie Arc-en-ciel qui a représenté la Guinée au Théâtre des réalités de Bamako. Avec la pièce intitulée “L'emblème”.
On ne peut également passer sous silence le passage de la troupe sénégalaise Les 7 Kouss à Conakry. Ils ont bouclé l'année théâtrale en nous présentant au mois de décembre Les Indépendants-tristes de feu Williams Sassine. La pièce ultime de l'écrivain et chroniqueur du Lynx dans laquelle la réalité frise l'absurde.
Enfin, dans le domaine du théâtre, on regrettera la disparition du groupe DTN des planches. Cette jeune troupe qui ambitionnait de donner un nouvel élan au théâtre guinéen, n'arrive plus à se produire. Pourtant, ses représentations de “La page de l'histoire”, du “Tana de Soumangourou”, de “Il était une fois l'alphabète” et de “La création du monde et autres business” de Arthur Muller, présageaient un avenir radieux.
En littérature, l'on retiendra surtout les efforts réalisés en matière d'édition du livre en Guinée. Avec des maisons comme Gandal, des écrivains en herbe ont pu s'affirmer. La littérature de jeunesse commence à se développer. Comme parutions, on notera :

L'événement littéraire phare de l'année 1999 a été le passage à Conakry de l'écrivain Thierno Monenembo au mois de mars à l'occasion des journées de la Francophonie. Un retour au pays on ne peut plus triomphal avec de nombreux contacts et conférences-débats animés par l'écrivain.
Le Centre Culturel Franco-Guinéen inauguré le 21 juillet 1999 donnera, à n'en pas douter, une vigoureuse impulsion aux activités culturelles à Conakry. Il a d'ores et déjà abrité “La fête du livre” organisée les 15, 16 et 17 novembre.

Tout au long de l'année 1999, nous avons pu constater que les organisateurs de spectacles n'ont pas toujours été à la hauteur des événements. Il faut d'abord déplorer la violence des agents de sécurité, prompts à frapper le premier spectateur venu, sans savoir s'il a un ticket d'accès ou non. Sur scène même, la qualité du son a été médiocre au cours de plusieurs dédicaces. Enfin, le play-back gagne du terrain, ouvrant la voie à la facilité.
Souhaitons vivement que la création récente de l'Agence Guinéenne de Spectacles permette de rectifier les erreurs commises en 1999. Car, notre culture a besoin d'une nouvelle vision pour l'an 2000. Une vision dans laquelle les artistes sauront ce qu'ils veulent. Les organisateurs, les dirigeants et encadreurs, aussi. Bonne année 2000 !

Azoka Bah