Le Lynx. N° 402 - 6 décembre 1999
"Tout se passe dans une gare qui n'a pas de rails. Les comédiens sont coincés entre les troupes gouvernementales et les rebelles. Les canons tonnent. Ils sont sept à se retrouver dans cet endroit perdu. Six vont mourir, seule une femme enceinte d'un Chinois va survivre". Telle est brièvement résumée la tragi-comédie des Indépendan-tristes. de feu Williams Sassine, le Lynxassassin, jouée le 1er décembre au Centre Culturel Franco-guinéen. En présence entre autres, de la famille Sassine était là, des lynxournalistes conduits par Souleymane Diallo, directeur du Lynx.
C'est un groupe de 7 comédiens sénégalaids sortis de l'Ecole nationale des arts de Dakar, qui nous a restitué sur scène l'oeuvre de Willy. Comme décor : une gare abandonnée, jonchée de débris.
Tout a commencé vers 20h et poussières lorsque derrière le Centre culturel un train de Friguia passa avec ses sifflements. Quelle coïncidence ! Après quoi, une comédienne portant un fardeau, entre sur scène et s'avance vers la gare. Elle se couche tournant le dos au public. D'autres ne tarderont pas à se pointer avec leurs bagages. "On devait pourtant nous attendre, mais seuls les moustiques sont au rendez-vous" s'écrie l'albinos. Un autre de renchérir: "une gare, des morceaux de rails, pas une goutte de train, pas un passager ". Il n'achève pas sa phrase que déjà des coups de canons tonnent. Voilà l'environnement dans lequel se joue les Indépendan-tristes.
N'est-ce pas notre chère Afrique où les Indépendances ont trahi et tout saccagé? Une Afrique en morceaux où certains Chefs d'Etat, après les indépendances, ont utilisé toutes les cordes pour pendre. Aussi la pièce "Les indépendan-tristes" retrace la triste réalité des rebellions, des mercenaires façon Bob Denard (que l'albinos tue dans la pièce). "On ne sait plus qui tire sur qui " s'est exclamé l'albinos par qui tout est arrivé. On l'aide à tuer et on l'abandonne. C'est ça aussi l'Afrique. "C'est de l'Afrique de Sankara, de Bokassa, de Idi Amine" dont parlent les acteurs. "Entourés par la guerre qui opposent forces et troupes gouvernementales, regroupés dans une gare où l'on a volé les rails. Les gens n'ont aucun espoir. Sauf raconter des histoires, en attendant la mort prochaine. Mieux vaut mourir de nos vérités que de nos mensonges", clame avec hilarité, un des comédiens désemparés. "Que chacun raconte une histoire", renchérit en sanglot une comédienne.
Et l'albinos de narrer sa vie dans les bars-maquis, du courant qu'on coupe, de ses déboires avec les putes. Le douanier raconta lui, les filouteries dans un port, des massacres entre Mauritaniens et Sénégalais. Le saxophoniste qui imitait au début le sifflement du train se lamente sur la vie passée de son père retraité qui ne trouve comme interlocuteur que le papayer de leur cour familiale. "Car tout ce qui vit entend", aimait-il à dire à son fils. Pour terminer leurs histoires, puisqu'il ne restait plus rien à raconter, les comédiens ont parlé tous de musique. Tout cela rythmé dans une chorégraphie frisant l'absurde, avec les bruits des Kalachnikov. C'est la mort qui approche. "On ne sait plus qui tire sur qui ".
Parmi les 7 indépandan-tristes, le premier à être zigouillé est l'albinos. Il tombe en vociférant : "La vie, c'est comme un livre, elle se lit à l'oeuvre". Un autre, avant de succomber a clamé : "Je suis Africain, je sais mourir". Le douanier, lui, avant de s'en aller a soutenu que : "Quand on est dans la merde, il n'y a ni passé ni présent ". Le saxophoniste évoque une "Afrique où les contes de fée sont devenus conte du feu ". La 7è indépendan-triste, une femme, a refusé de mourir. "Tout être est plus grand que sa mort ", a-t-elle crié avant de s'en aller avec sa grossesse et ses bagages, tout en chantant "Mayé". Et retentit le morceau "Guerre civile" du rasta foulosophe Alpha Blondy. Fin.
Faut-il signaler que la pièce "les Indépendan-tristes" a été jouée au Festival de théâtre de francophonie en Limousin (France) au mois de septembre dernier. Et au mois de novembre, au Festival du théâtre des réalités à Bamako. La pièce est mise en scène par un belge, Jean Claude Idée. Il n'a vraiment pas manqué d'idées, pardi !
Le Bah Zooka
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