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Presse écrite


Azimut : Le devoir d'informer

L'Indépendant. N° 151 — 29 novembre 1999


Tout comme le Rapport Hervé V. Bangoura et dans une moindre mesure celui de la commission de l'Assemblée nationale, l'interview du ministre des Mines, Facinet Fofana, paru dans notre livraison de la semaine dernière, a été — quoi qu'on pense — une pièce, une de plus, qui pourrait permettre de reconstituer le puzzle Friguia-Anaim. Cela, au-delà des commentaires — que nous avons d'ailleurs fait —, des inévitables supputations et des conflits d'intérêts qu'un tel dossier peut soulever. Certes, et c'est le moins qu'on puisse dire, les déclarations de Facinet Fofana sont, par endroits, entachées “d'incohérence”, et que son refus de démissionner pour permettre à la justice de l'interroger est manifeste, mais nous tenons pour vrai qu'un journaliste s'en tient aux faits, et que c'est sur leur base, et seulement sur leur base, qu'un commentaire crédible est possible. Encore qu'aucune preuve tangible n'a encore été exhibée pour justifier une démission des ministres “cités” dans les deux affaires. Qu'à cela ne tienne.
Si Facinet Fofana n'avait jamais parlé à la vraie presse indépendante, on n'aurait jamais pu disséquer ses propos. Si un résumé du rapport de l'Assemblée nationale, les axes fondamentaux du rapport Hervé et une interview du député Siradiou Diallo, président la commission parlementaire des Mines, n'avaient jamais été publiés, le public n'aurait peut-être jamais su.
Si le “Colossal scandale financier” n'avait jamais été révélé, tout le monde serait maintenu dans le cercle vicieux de l'ignorance. Toutes ces exclusivités sont à l'honneur du journal que vous tenez dans vos mains, “L'indépendant Plus”, l'hebdomadaire qui a révélé à tout le monde — journaux y compris —, le lundi 8 mars 1999, le scandale Friguia.
Pour mémoire, le signataire de l'article, Jean-Baptiste Kourouma, s'était curieusement retrouvé, quelques semaines après, en prison, sur une autre affaire certes, mais dont les ramifications débouchaient tout droit sur l'Affaire Friguia
C'est pourquoi, il est inutile de faire semblant de nier les efforts évidents effectués par notre journal pour, non pas s'ériger en juge capable de prononcer des sentences sans appel, mais en témoin et “consignataire” des faits. Et Dieu sait que ces derniers peuvent être têtus ! Et une interview menée de la façon la plus impartiale possible, même du ministre des Mines au moment où une bonne partie de l'opinion le vouait aux gémonies, ne change rien à cette vérité historique.
Que Facinet Fofana se défende parce qu'il en a le droit est une chose ; que tous ses propos soient considérés comme vérités d'évangile est une autre chose. Idem pour Koly Kourouma, Bocar Ly, Dicko et compagnie !
Nous ne sommes pas des arbitres, nous sommes des témoins de l'histoire qui se donnent le devoir d'informer objectivement. Quoi qu'il en soit, “L'indépendant Plus”, conformément à sa vocation, continuera son travail d'investigation — et au besoin par des interviews de Zorro ou Tartampion — pas pour se faire entraîner dans une polémique inutile, mais pour permettre au public, qui est en réalité le seul juge, de situer toutes les responsabilités. Bribes par bribes, nous sommes persuadés que nos reporters — déjà prêts pour suivre le procès des Bocar Ly et autres qui serait programmé dans les tout prochains jours — parviendront à réunir l'essentiel des informations capables de nous situer sur ce qui s'est réellement passé dans les affaires de Friguia et de l'Anaim. Choisir de suivre les faits jusqu'au bout n'a jamais été et ne sera jamais un crime, encore moins une faute professionnelle en journalisme. Et rien, abolument rien, ne saurait nous distraire…
Le syndrome zaïrois !
La Côte-d'Ivoire serait-elle sur le point de basculer dans l'absurde ? En tout cas, à maints endroits sa situation actuelle rappelle celle du Zaïre — devenu République démocratique du Congo sous Kabila — du maréchal Mobutu Sessé Séko. Comme le Zaïre, la Côte-d'Ivoire traverse une crise politique des plus aigues, comme le Zaïre, elle connaît un conflit ethnique pernicieux à ses frontières (avec ce conflit entre Burkinabè et planteurs ivoiriens, sans doute attisé par le duel Bédié-Ouattara), et comme Mobutu, Henri Konan Bédié s'enferme dans une logique qui n'augure pas des lendemains enchanteurs.
Toutes les "anomalies" qui ont permis, pour emprunter l'expression de Kabila, au "p'tit Rwanda" — soutenu par le Burundi et l'Ouganda — de faire la loi chez le "géant" zaïrois, sont aujourd'hui visibles en Côte-d'Ivoire. Une bonne partie de la population nordique se sent brimée par la loi électorale et, dans le contexte actuel, nul ne saurait prévoir ce qui pourrait advenir…

Saliou Samb


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