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Guinée Française
Géopolitique — Economie — Sociologie


Maurice Houis

Ancien Directeur de l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN) en Guinée

La Guinée Française

Editions Maritimes et Coloniales. 1953. 95 p.


La structure politique et administrative

L'organisation politique et administrative.

La Guinée Française — un des huit Territoires de l'Afrique Occidentale Française — est administrée de Konakry par un gouverneur de la France d'Outre-Mer, assisté d'un secrétaire général et d'un Conseil privé ayant voix consultative (décret du 22 décembre 1946) ; elle jouit de l'autonomie administrative et financière.

L'organisation politique. — La loi du 6 février 1952 a institué en Guinée, comme dans chacun des Territoires de la Fédération, une Assemblée territoriale élue pour cinq ans au scrutin de liste majoritaire à deux tours et ayant pour rôle essentiel la gestion des intérêts du Territoire, le vote du budget, des impôts et des programmes administratifs. Elle comprend 50 conseillers

L'Assemblée territoriale tient deux sessions ordinaires par an dont l'une est consacrée au budget. Elle a voix consultative en matière de concessions, de recherche minière, de régime domanial et de plans d'équipement. Son importance politique est très grande puisqu'elle est chargée d'élire 5 représentants qui siègent l'Assemblée fédérale à Dakar — le Grand Conseil de l'A.O.F. — ainsi que 2 sénateurs et 4 conseillers de l'Union Française.

La Guinée élit au collège unique 3 députés à l'Assemblée Nationale depuis la loi du 23 mai 1951, alors que celle du 5 octobre 1946 ne lui attribuait que 2 sièges.

L'organisation administrative. — Le Territoire comprend 20 Cercles administratifs dont certains se partagent en une ou plusieurs subdivisions. Chaque Cercle est commandé par administrateur de la France d'outre-Mer assisté d'un adjoint. Les subdivisions ont à leur tête des administrateurs adjoints ou des fonctionnaires du cadre de l'administration générale. Un Conseil de notables, nommé par le gouverneur sur proposition du commandant de Cercle, se réunit avant l'établissement de chaque plan de campagne pour donner son avis sur les affaires locales.

Cercles et subdivisions
Superficie au km2
Nombre d'habitants
Densité au km2
Ethnies dominantes
Basse-Guinéee
Konakry
270
52.104
192,9
Sosso, Baga, divers.
Boffa
9.100
59.811
6,5
Baga, Sosso, Peuls.
Boké
12.850
79.632
6,1
Baga, Nalou, Landournan, Peuls,Sosso.
Dubréka
6.200
64.788
10,4
Sosso, Baga, Peuls
Forécaria
4.500
60.220
13,3
Sosso, Mmani, Peuls
Fouta-Diallon
Dabola
Subdiv. Dinguiraye
Subdiv. Farana
35.000 117.076
3,3
Peuls, Dyalonke, Kouranko
Toucouleurs, Peuls, Malinké
Malinké, Kouranko
Dalaba 5.000 86,153 17 Peuls, Malinké
Gaoual
Subdiv. Youkounkoun
17.000 93,447 5,4 Peuls, Tenda
Badiaranke, Koniagui, Bassari, Peuls
Kindia 12.000 79,486 6,6 Sosso, Peuls
Labé
Subdiv. Mali
Subdiv. Tougué
23.800 381,120 16 Peuls
Peuls
Peuls
Mamou 8.000 67,488 8 Peuls
Pita
Subdiv. Télimélé
12.650 192.987 15,2 Peuls
Peuls
Haute-Guinée
Kankan 30.000 140.500 4,6 Malinké
Kouroussa 16.000 74.038 4,6 Malinké
Siguiri 23.500 139.555
6
Malinké, Wassoulonké
Guinée Forestière
Beyla 21.400 126.030 5,8 Malinké, Peuls, Guerzé
Guéckédou 4.400 92.131 20,9 Kissi, Malinké
Kissidougou 9.475
100.409
10,5
Kissi, Malinké
Macenta 15.000 100.910 6,7 Toma, Guerzé, Malinké
Nzérékoré 9.000 183.982 20,4 Guerzé, Manon, Kono
Totaux
275.145 2.291.867 8

L'importance de la population est variable selon les Cercles. Les chiffres démographiques que nous donnons dans le tableau ci-dessus sont valables au 1er janvier 1952.
On remarquera que la plus forte densité est celle du Cercle de Konakry où se manifeste une importante concentration urbaine. Le bloc des Kissi place le Cercle de Guékédou au second rang.
Certains Cercles du Fouta ont également une population assez dense ; par, contre celle de la Haute-Guinée est très clairsemée bien que le groupe malinké — 500.000 individus environ — soit second en importance numérique après les Peuls (870.000). Il faut placer ensuite les Sosso (244.000) et les Kissi (150.000). Rappelons que ceux que nous avons classés dans la rubrique minorités ethniques forment à peu près une masse de 600.000 individus 1.

Les trois grandes villes de Guinée Konakry, Kankan, Kindia, sont des communes mixtes (élevées au 3e degré fin 1952), avec un ConseiI municipal élu qui, sous le contrôle de l'administrateur-maire, participe à la gestion des affaires municipales. Labé, Mamou et Siguiri sont communes mixtes du 1er degré (Conseil municipal nommé) depuis le 1er janvier 1953 2. Le tableau suivant montre l'importance démographique des trois premiers centres et leur évolution rapide 3 :

1926 1936 1945 1954
Pop. globale Europeens Pop. globale Europeens Pop. globale Europeens Pop. globale Français Etr.
Konakry 8.865 799 18.600 1.210 26.000 2.000 39.000 2.500 675
Kankan 9.800 190 9.982 220 14.000 349 19.000 200 155
Kindia
7.000
373
8.600
480
13.000
250
175

Carte politique et administrative. Guinée Française

L'organisation militaire et la sûreté.

La Guinée Française forme une Subdivision militaire comprenant :

Réorganisés récemment par arrêté général, les services de Police comprennent

Ils assurent la police judiciaire, les renseignements généraux et la sécurité publique. Leurs effectifs sont malheureusement trop faibles. Toutefois ils reçoivent l'aide de deux autres formations:

L'organisation financière.

Le régime financier de la Guinée participant de l'organisation financière et des règles budgétaires, fiscales et douanières qui régissent la Fédération d'Afrique Occidentale, bornons-nous à rappeler que depuis 1946 l'Assemblée territoriale délibère sur le projet de budget établi par l'administration, l'initiative des dépenses appartenant tant à l'Assemblée qu'au chef du Territoire. Ce dernier rend exécutoires par arrêté, le Conseil privé entendu, les délibérations concernant les impôts, taxes et contributions qui deviennent ainsi définitives, sauf annulation par le Conseil d'Etat dans un délai déterminé ; en matière d'emprunts elles ne peuvent être annulées que par le Conseil d'Etat.

Le budget local de 1953 s'élève à 3.071.994.000 fr. C. F. A., arrondis à 3.072.000.000 fr. C. F. A. 4.

Budget Local de la Guinée Française. Exercie 1953
Dépenses

Budget de fonctionnement
Fr. C.F.A.
Dette publique
276.800.000
Dépenses de fonctionnement des Services
15.625.000
Gouvernement général, Inspections et Services d'Administration générale
306.953.000
Services judiciaires
50.115.000
Services de Sécurité
138.817.000
Services Financiers
29.430.000
Services Economiques (1)
296.646.000
Services de Travaux et d'Infrastructure
120.275.000
Services Sociaux
647.500.000
Exploitation et Etablissements industriels
110.269.000
Dépenses communes et diverses
95.938.000
Travaux d'entretien
317.254.000
Contributions imposées par des dispositions législatives, réglementaires contractuelles ou résultant de conventions internationales
7.100.000
Reversements et ristournes
124.035.000
Subventions, fonds de concours, bourses et allocations
53.237.000
Prêts et avances
76.000.000
Versement au budget d'équipment et d'investissement
30.000.000
Dépenses d'approvisionnement des magasins
126.000.000
Dépenses d'ordre
Total Budget de fonctionnement
2.821.994.000
(1) Direction et Inspections
56.093.000
Agriculture
141.937000
Elevage
43.207.000
Eaux et Forêts
42.409.000
Mines
6.500.000
Dépenses d'ordre
6.500.000
Budget d'équipement et d'investissement
Travaux d'infrastructure
63.100.000
Constructions
157.900.000
Participation à la constitution du capital de sociétés d'Etat et sociétés d'économie mixte
9.000.000
Contributions, subventions et fonds de concours pour équipement et investissment
20.000.000
Total Budget d'équipement et d'investissment
250.000.000
Total général des dépenses
Budget de fonctionnement
2.821.994.000
Budget d'équipement et d'investissment
250.000.000
Soit :
3.071.994.000

Aux recettes, les impôts directs et taxes assimilées (dont une nouvelle taxe dite de Cercle créée en 1951) viennent en tête avec 1.671.680.000 fr. C. F. A. dont 1.243.560.000 sont issus du seul impôt personnel alors que les patentes et licences ne représentent encore que 116.200.000 fr. C. F. A. ; suivent les impôts indirects 124.000.000 fr. C. F. A. Les ressources budgétaires s'accroissent fortement du fait de l'apport du F. I. D. E. S., qui permet de financer les grands travaux d'équipement.
L'effort financier de la Guinée en matière sociale et économique s'inscrit manifestement dans le budget en cours d'exécution.

L'organisation judiciaire.

Elle ne diffère pas de celle des autres Territoires de l'A.O.F. La réforme du 30 avril 1946 qui a supprimé en Afrique Noire la justice indigène en matière pénale a amorcé en Guinée une réorganisation des tribunaux qui se poursuit encore. C'est ainsi que 15 justices de paix à attributions correctionnelles limitées ont été créées le 2 août 1946 ; celles de Kankan et Macenta n'ont pas tardé à être transformées en justices de paix à compétence étendue et il en sera prochainement de même de la plupart d'entre elles (Mamou, Labé, Beyla, Nzérékoré, Dabola, Kindia, Kissidougou, Siguiri, Boké, Kouroussa).
L'organisation antérieure (décret du 3 décembre 1931) continue à fonctionner en matière civile et commerciale pour les autochtones qui ne possédaient pas la qualité de citoyens français avant le 30 avril 1946. Des tribunaux du 1er degré dans chaque circonscription ou commune mixte et du 2e degré aux chefs-lieux de Cercle sont respectivement présidés par les chefs de circonscriptions et les commandants de Cercle, assistés d'assesseurs versés en droit coutumier. Dans la plupart des circonscriptions, des juridictions coutumières connaissent des litiges entre autochtones. Instituées depuis 1948, elles sont destinées à prendre de l'importance car, bien suivies et présidées par des personnalités locales particulièrement qualifiées, elles sont susceptibles de créer et de développer une véritable jurisprudence et d'orienter l'évolution des coutumes dans un sens conforme à la vie et à l'esprit des populations. Un tribunal colonial d'appel se tient à Konakry et une Chambre d'annulation fonctionne à l'échelon Fédération.
Le Tribunal de Première instance de Konakry connaît au civil et au commercial des affaires concernant les Européens et les autochtones qui se réclament de la juridiction française, en matière correctionnelle de tous les délits commis dans son ressort par les Européens et les Africains.
Le Procureur de la République près le Tribunal de Konakry est Chef du Service judiciaire, la Guinée étant comprise dans le ressort de la Cour d'Appel de Dakar. Une Cour d'Assises tient deux sessions annuelles au chef-lieu du Territoire.
Il y a 4 avocats-défenseurs à Konakry et 2 à Kankan.

Notes
1.Se reporter au chapitre consacré à l'étude des groupements ethniques.
2. Boké et Nzérékoré le seront en cours d'année (1953).
3. On retrouve cette même évolution dans les chiffres comparés de la population en Guinée :

1910 1914 1926 1945 1951
Population globale 1.821.000 1.810.000 2.096.000 2.120.000 2.291.867
Français 912 1.082 1.135 2.454 4.657
Etrangers 688 84 1.127 1.681 2.395

4. Il n'est pas sans intérêt de donner les chiffres de quelques budgets antérieurs :

1922 14.772.194 frs métro
1928 36.030.679
1930 49.453.609
1939 77.889.000
1942 116.129.000
1950 1.475.000.000 frs C. F. A.
1951 1.976.330.000
1952 2.954.237.896


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