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Ethnographie


Jacques Germain
Administrateur en chef des Affaires d'Outre-Mer (ER)
Guinée. Peuples de la Forêt

Académie des Sciences d'Outre-Mer. Paris. 1984. 380 p.


Historique du peuplement Manon
Historique du peuplement Kono-Kpellé
Formation et histoire des chefferies

Si l'origine lointaine des diverses tribus d'Afrique Occidentale est impossible à connaître avec précision suivant une méthode historique rigoureuse, par contre il semble possible de déterminer avec une probabilité suffisante les mouvements migratoires qui ont amené au cours des.siècles ces tribus sur leur lieu d'habitat actuel ou plus exactement les différents courants qui ont abouti à la formation des populations dans le creuset de la région forestière de Haute-Guinée.

En ce qui concerne les Kpellé, Kono et Manon, au cours des tournées que nous effectuions en tant qu'Administrateur, adjoint au Commandant de Cercle de Nzérékoré, et qui nous ont amené dans la plupart des cantons, nous avons procédé à un inventaire complet des villages et à leur décomposition en clans :

le clan est considéré comme l'ensemble des descendants d'un même ancêtre qui respectent les mêmes interdits 110.

Une fiche a été dressée pour chaque village indiquant si possible

Puis à l'aide de ces fiches de village, une fiche récapitulative a été dressée pour chaque clan avec indication des interdits, éventuellement des diverses branches du clan, du ou des villages dont est issu le clan, des villages qu'il a créés ou peuplés, enfin des événements auxquels le clan a été mêlé.

Ces renseignements étaient obtenus à l'aide du recensement que nous effectuions, des récits des vieux notables le soir à l'étape et de nos propres observations. Souvent il nous a fallu interpréter ces récits, nous avons tenté de ne le faire qu'avec prudence : nous espérons ne pas nous être laissé entraîner trop loin par l'imagination.

Bien entendu nous n'avons pu faire ce travail que pour le cercle de Nzérékoré et nous n'avons pas eu connaissance de travaux similaires qui auraient été menés dans les cercles de Macenta, Gueckedou, Kissidougou, d'où un déséquilibre dans l'étude de cette région forestière de Haute-Guinée pour l'époque considérée.

A vrai dire, nous ne nous dissimulons pas le caractère fastidieux que revêt cet historique du peuplement : la nature des événements autant que les conditions de vie de ces populations dans la Forêt ne permettent guère de brillants développements et nous nous excusons auprès du lecteur.

L'Administration française distinguait dans le cercle de Nzérékoré :

La réalité est un peu différente : on trouve :

Mais si l'on descend à l'échelon du clan, les choses apparaissent encore plus compliquées : des clans Manon se trouvent dans des villages Kpellé et réciproquement.

L'étude minutieuse et détaillée de la composition de chaque village du point de vue des clans, fait apparaître un mélange inextricable de clans Kpellé, Kono, Manon, Geh ou Guéré, Dan et Mahou, les uns étant absorbés par les autres ou du moins assimilés si bien qu'on ne peut pas parler de race Kpellé, de race Manon, de race Kono, mais de canton de langue Kpellé, de langue Kono, de langue Manon.

Peut-être la distinction repose-t-elle sur une infusion plus ou moins grande de sang Mandé dans le peuplement primitif, les Manon étant les moins touchés et les Kono le plus 111.

Un fait est certain, c'est que les Manon dont les constituants semblent venir de l'Est, ont eu dans le temps une extension beaucoup plus grande qu'actuellement. Nzérékoré, en particulier, l'actuel chef-lieu du cercle, était Manon, son ancien nom était Nehemkoheba et son nom moderne serait une déformation de Dyeli Koelé (à côté de la rivière Dyeli).

L'avancée maximum du peuplement Manon aurait été vers le Nord-Ouest, le centre du Moné et le Souhoulapeulé et vers le Nord-Est une ligne incluant le Mossorodougou et le Saouro pour rejoindre le nord du massif de Man. Tout l'actuel pays Kono et une partie du pays Kpellé étaient recouverts par l'aire d'extension Manon.

Les mouvements que nous avons décrits aux XVIe et XVIIe siècles ont amené une descente d'éléments Kpellé de direction générale Nord, Sud-Ouest qui d'une part ont fait refluer les Manon vers le Sud avec une limite passant approximativement au sud de la route Guinée-Côte-d'Ivoire et par les pentes du Nimba à l'Est. D'autre part, les Kpellé avancent jusqu'à proximité de la côte entre les Toma et les Manon bousculant ceux-ci vers l'Est, les rejetant dans le forêt du Manaleye.

On a vu que les Kono, eux aussi, ont refoulé les Manon suivant un axe Nord-Sud. B. Holas a bien marqué dans la légende concernant le peuplement du Vépo l'origine Manon d'une partie des habitants 112 et dans celle concernant le peuplement du Saouro l'origine Dan des habitants de celui-ci (plus précisément à notre avis la partie qui a été rattachée au Saouro et qui s'appelait le Nana). Lorsqu'il écrit que les Kono ne sont pas des forestiers et qu'ils ne sont qu'une branche détachée des Mandé, il faut entendre que la dernière vague a été constituée de Mandé mais que loin de trouver la forêt vide jusqu'au Nimba, elle s'est incorporée aux premiers habitants (avec toutes les restrictions nécessaires sur ce terme de premier) Dan, Manon et aussi le verrons-nous, Guéré ou Geh.

On peut se demander quelle distinction peut être faite entre la population Kono et la population Kpellé. En fait, l'origine des clans Kpellé comme celle des clans Kono qui effectuent leur migration durant la période étudiée dans ce chapitre, est le Konian et l'on voit parfois les mêmes clans se diviser : une branche se dirigeant vers le pays Kpellé, l'autre vers ce qui sera le pays Kono.

De l'étude de l'ensemble de ces mouvements migratoires, on peut déduire que les Kono résultent d'un métissage de Mandé (Konianké, Malinké, Diomandé ou Mahou) avec des éléments Manon et Dan, voire Guéré ou Geh. Ceci est tout-à-fait compatible avec l'opinion des anciens des quatre cantons que rapporte B. Holas selon lesquels les fractions les plus septentrionales constituent les plus purs éléments Kono. Ces fractions seraient appelées les Dzogota Bla, c'est-à-dire les puissants et le terme de Kono aurait été attribué par eux aux populations du Sud où le fonds ethnique résiduel de caractère forestier (Manon, Dan) est plus important.

Quand on parle d'élément Kono plus pur, il faut entendre que l'élément Mandé y est prédominant. Mais réduire les Dzogota-bla aux clans Yoma et Togba nous semble hasardeux car le clan Yoma, maître de la terre, n'est peut-être pas Mandé, en tout cas il serait Mandé archaïque (il ne connaissait pas les armes à feu à l'arrivée du clan Togba) et le clan Togba se donne une origine Guéré ou Geh.

A cet aspect complexe du peuplement, il faut ajouter une autre caractéristique, celle de sa mobilité : même sur une période relativement courte, les groupements sont en mouvement perpétuel, les villages sont construits et détruits, changent d'emplacementet nombre de ceux que nous citons n'existent plus. Des ruines de banco, quelques soubassements, une végétation différente, signalent seuls leur ancienne présence.

Parmi ces villages disparus, l'un a une importance toute particulière, Guiépa (en Manon) ou Guiéta (en Kpellé) au Nord-Est de Karana, le grand centre Manon. Les traditions des deux peuples concordent sur ce point. Cependant le clan fondateur porte le nom de Téa ou Tohona pour les Kpellé et de Nia pour les Manon, mais les interdits sont les mêmes et au surplus l'ancêtre serait venu de Missadougou, c'est-à-dire de la région de savane au nord de la forêt, sur le territoire de ce qui est aujourd'hui le cercle de Beyla (Konian).

Il semble cependant que cet ancêtre appartenait à une vague plus ancienne que celles dont parlent la plupart des traditions relatives à une migration venant du Konian. En effet, ce « Mouon » accueille chez lui des chasseurs du Mahou, ce pays de la région de Touba, qui sont probablement des Diomandé détenteurs d'armes à feu que ne possède pas Mouon.
Une autre tradition, Kpellé celle-là, remet en scène le même Mouon dans même village et cette fois c'est un Malinké de Diakolidougo, également situé dans le Konian, qui accompagne son captif, neveu de Mouon, et lui aussi est un chasseur possesseur d'un fusil. Comme le Mahou, Yagbara, qui avait épousé une fille de Mouon et dont les descendants avaient donné leurs chefs aux villages du Manaleye et du G'benson (cantons Manon) et d'autres fondé Nzo, le Malinké Yalakolo Kourouma, devenu amant d'une fille de Mouon, engendre une descendance d'où sortiront les chefs du Sonkolé ainsi que ceux du Tonalé après l'effacement du clan Téa.

Aux chasseurs, il faut ajouter les guerriers : c'est ainsi que nous verrons le clan Gou d'origine Dan venir se mettre au service du clan Kolo de Lainé dans le Konodougou et y introduire les armes à feu qui permettront aux Kpellé du Konodougou de repousser les Konianké.

A Guéasso, le clan de Togba, qui vient au secours des Yomabla, est Geh ou Guéré et formé de guerriers armés de fusils alors que leurs protégés ne connaissaient que les arcs.

On peut donc concevoir que des groupes Kpellé étaient déjà installés en pays Manon, venant des savanes de Beyla quand postérieurement d'autres groupes de provenances diverses mais mieux armés vinrent les rejoindre et en échange de leur protection prirent la chefferie. Ces nouveaux groupes pouvaient aussi bien être des Kpellé laissés en arrière par les vagues migrantes des siècles précédents que des Malinké du Konian, des Diomandé, des Dan ou des Geh.

Le Konian aura une grande importance comme point de départ de ces mouvements de population. On trouve d'ailleurs plusieurs villages du cercle de Nzérékoré qui rappellent cette origine : au nord de l'ancien Guiépa, un Konian du Tonalé, entre Koulé et Zohota dans l'ouest près du Diani un village Kpellé, un troisième, mais aujourd'hui détruit dans le Boo Sud près de Vai.

Le centre le plus souvent cité est Missadougou mais aussi Gbangouno d'où est originaire le clan Mabouan, Konsankoro, d'où vient le clan Koulé, Yarakolita qu'a quitté une fraction Kolié, Diakolidougou et aussi le G'banhana ou pays de Mahana.

Deux questions se posent :

Il est difficile de se prononcer et il est possible que la première hypothèse soit vraie dans un cas et la seconde dans d'autres.

Missadougou aurait été fondé par Falikaman, ancêtre local du clan des Camara, vers le XVIIe siècle et ses enfants (ou descendants ?) auraient essaimé dans les différentes parties du Konian : Koradougou — Simandougou — Famoela — Mahana. Falikaman aurait donné en mariage sa fille, Maynambony, à Mori Konaté, un marabout étranger (probablement Soninké) qui introduisit l'Islam dans le Konian, et c'est sur la tombe de cette fille qu'aurait été construite la première mosquée.
Si l'on en croit les notes prises en 1913 par le Père Bouyssou, fondateur de la mission en pays Kpellé, ce sont des membres de la famille de Falikaman qui furent expulsés de Missadougou et s'établirent en pays Kpellé 113. Sans que cela soit dit, il semblerait que cette expulsion soit due à des causes religieuses. Nous savons bien que selon la tradition recueillie par B. Holas à Lola 114 Zoumassakro (que nous identifions pour notre part à Zoho Missa Koro, frère de Zoho Missa Coma) aurait été le fils cadet d'une famille musulmane Malinké de Missadougou, mais ceci nous semble sujet à caution.

En effet, si on le voit muni d'un Coran et d'un chapelet, il est également dépeint comme un grand magicien nanti de charmes puissants contenus dans une corne de bélier ce qui n'est pas d'un Islam très pur. Il est vrai que dans cette région... !

Mais Zoho veut dire féticheur, sorcier et Zoho Missa Coma est décrit comme un si grand féticheur qu'il initiait les autres avant d'avoir été initié lui-même ! Ce qui pourrait évidemment signifier que nous sommes là devant des Mandé animistes qui n'étaient pas initiés au Polon lorsqu'ils arrivèrent en forêt, mais qui furent vite assimilés au milieu des populations dans lesquelles ils se fondirent.

Il est aussi d'autres groupes Mandé animistes qui se trouvent répartis parmi les Kpellé sans avoir perdu complètement leur personnalité. Les Kpellé les appelle Maninwã.

Dans le Souhoulapeulé ce sont des guerriers venus de Beyla même ; dans le Boo, le Zohota et l'Ourapeulé ce sont des gens de justice et ils venaient du G'banhana.

Personnellement nous n'avons étudié que les Maninwã du Boo-Nord établis dans les villages de Oueya, Booué et Oulo. Ils savent bien qu'ils sont konianké mais leur aspect extérieur est devenu tout à fait semblable à celui des Kpellé. Quelques uns ont conservé des noms Konianké mais la plupart (et en tout cas les femmes) ont des noms Kpellé.

Le type physique a été transformé par métissage certes mais aussi par le milieu géographique et les conditions de vie ; quelquefois cependant le type konianké reparaît assez distinct. Quelques uns sont musulmans mais ce sont de nouveaux convertis qui, se souvenant de leur origine, croient se hausser au niveau des dioulas malinké qui parcourent le pays, en adoptant leur religion. Dans leur immense majorité ils sont animistes et leurs coutumes, si elles sont différentes, sont tout au moins fort semblables à celles des Kpellé : elles ne sont d'ailleurs pas copiées sur celles-ci, ils les ont amenées avec eux. C'est ainsi par exemple qu'ils possèdent une Initiation et un génie, le Coma, frère du Nyomou Kpellé, qui leur sont propres. Lorsque le capitaine Duffner écrit que certains Malinké n'hésitent pas à se faire tatouer de deux points à la nuque ou sous le bras pour être bien accueillis par les Kpellé au milieu desquels ils font du commerce, il se trompe. Jamais un Malinké musulman ne voudra se soumettre à une coutume qu'il juge primitive, ni s'assimiler à des gens qu'il méprise en les traitant de « sauvages ». En réalité ce tatouage de deux points est un tatouage Manimou pratiqué lors de l'Initiation dans la forêt sacrée Manimou (laquelle est voisine de celle des Kpellé mais non la même) par le Coma semblable au Nyomou Kpellé, à l'Afui Toma. Ce Coma n'est pas masqué, il est revêtu d'une étoffe de coton jaune à franges de raphia et décorée de plumes et de cauris. Comme pour le Nyomou il y a le mâle et la femelle et les voix correspondantes.

Lorsqu'une querelle éclate entre Kpellé, les Maninwã font sortir le Coma et tout le monde doit se cacher, ce qui met fin à la dispute. Le lendemain les têtes seront froides pour reprendre la palabre.

Sauf certains détails sans importance, le fond des coutumes Maninwã est donc le même que celui des coutumes Kpellé. Aussi suffit-il à un Kpellé initié de verser une petite somme aux Maninwã pour ètre initié par eux.

Kpellé ou Malinké animistes, ces nouveaux venus du Konian au milieu du XVIIIe siècle, ont conquis de façons diverses, soit par la force, soit par alliance, soit en échange de leur protection, le pouvoir politique sur les populations tant Manon que Kpellé ou Kono.

Les chefs du canton Manon, celui de Bossou, ne sont pas Manon mais descendent d'un émigrant de Missadougou, Donkoura Doré.

Les chefs du Manaleye (ou Manansèlé en Manon) sont des métis de Mahou (Diomandé) et Kpellé, et ceux du G'benson sont leurs cousins, tandis que la même famille fonde Nzo dans le canton du Vépo.

L'origine Malinké expliquerait que certains chefs aient conservé, et non pas repris ou pris par snobisme comme on pourrait le croire, un dyamu, ou nom de clan, Malinké. C'est ainsi que le chef du Sonkolé, Koly Kourouma (infirmier vétérinaire d'ailleurs converti à l'Islam), appartient bien au clan Kourouma par son ancêtre le Malinké Yalakolo, qui avait eu un fils, Fanyanla, d'une fille de Mouon, chef de Guieta, ainsi que nous l'avons relaté.

Enfin dernière remarque avant d'aborder le détail des migrations, du peuplement et de la formation des chefferies : si d'une façon générale l'organisation politique est morcelée en une quantité de groupes parfois minuscules aux frontières changeantes et à la composition qui ne l'est pas moins, il exista une organisation, nous n'osons dire un Etat, un essai de regroupement prenant l'allure d'une sorte de confédération, c'est ce qu'on a nommé assez pompeusement « l'Empire de Guéasso ».

Le fait est connu de certains auteurs. A. Arcin dans son Histoire de la Guinée française (op. cit., p. 72) écrit :

« Les Guerzé et les Manon, sous l'autorité d'un gar-gara, avaientoccupé la région intermédiaire. Ils paraissent être des métisde Baga et de Mandé, dominés par des familles Malinké »

et plus loin (p. 121)

« A l'extrême Sud s'étaient formées les provinces de Toura etde Kamaradougou ainsi que la confédération Guéré-Guerzé dominéepar ses Gargara Dialonké ».

Ceci recouvre beaucoup d'inexactitudes. En fait Gar-Gara n'est pas un titre royal mais le nom du chef de Guéasso, le sixième depuis la fondation de cet état, Gara-Gara Oulé (le rouge) qui détenait le pouvoir à l'arrivée des Français.

On ne peut dire non plus que c'était une aristocratie de Djallonké qui gouvernait le pays, mais un clan étranger, Geh ou Guéré dit-on, venu sous la direction d'un nommé Togba ou Tokpa porter secours aux premiers habitants appartenant au clan Yoma.

L'original est que cette confédération regroupait des cantons de population différente avec des liens plus ou moins lâches, mais aussi bien Kono que Manon ou Kpellé et même Dan ainsi que nous le verrons dans la troisième partie de ce chapitre. Si ce regroupement a pu se faire assez facilement et semble assez unique dans la région, c'est probablement que la parenté entre ces divers peuples était encore ressentie et que s'ils étaient souvent frères ennemis, ils n'en étaient pas moins frères.

Nous avons vu que l'épicentre du peuplement du Centre et de l'Est du cercle de Nzérékoré était le village de Guiépa ou Guiéta sans qu'il soit possible de l'identifier d'une façon totale comme un centre Manon ou un centre Kpellé. Le canton du Tonalé qui en est issu est maintenant un canton Kpellé. Il ne faisait pas partie à proprement parler de la confédération de Guéasso mais des liens étroits et privilégiés l'unissaient à elle.

Les chefs du Tonalé ont d'ailleurs hérité des maîtres de la terre, qu'ils ont remplacés dans le commandement de ce canton, ce caractère prééminent. Certes ils ne commandent pas aux autres chefs mais ils exercent une sorte de magistrature morale.

On verra 115 que la mort des chefs n'est pas proclamée immédiatement pour des motifs divers et que pour célébrer leurs funérailles, souvent plusieurs années après, le successeur du chef défunt ou sa famille doivent demander l'autorisation au chef du Tonalé. La clôture, c'est-à-dire la case où reposait le cadavre, n'était brisée et les cérémonies accomplies que lorsque le chef du Tonalé avait donné son accord.

A quels événements, à quelles alliances se perdant dans la nuit des temps, faut-il attribuer cette prééminence des premiers habitants d'un Guiépa aujourd'hui disparu ?

Faut-il faire un rapprochement entre le nom de ce cœur du pays Kpellé-Manon (Tonalé), le titre porté par les chefs (Tomou en Kpellé, Domi en Manon) et la Société des gens de justice (le Tohon) ? 116.

PEUPLEMENT DU PAYS MANON

Les événements que nous avons décrits au chapitre précédent provoquèrent l'exode d'éléments Guio, Dan et Guéré vers le Haut-Cavally et le Mani. Du brassage de ces éléments disparates semble résulter le peuple Manon actuel qui par la suite a encore été métissé d'éléments Kpellé et Kono.

Au Nord les Guio, au Sud les Dan que les Manon appellent Mini avaient pénétré sur le territoire de ce qui sera le cercle de Nzérékoré : Saouro-Nana et Vepo ainsi que le sud du Mossorodougou (villages de Manota aujourd'hui disparu et de Zon, Blahegouma). Dans ces régions on trouve de petits clans qui se disent Kono mais dont l'origine est des plus obscures. Ils ne savent guère d'où ils viennent et on ne les retrouve nulle part ailleurs. Il y a de fortes chances pour que ce soit là les restes des habitants primitifs de Manota et de Zon qui ont plus ou moins abandonné leurs noms d'origine. Ce sont les clans Ouéma ou Finé dont le totem est le chien, Ouéa (chien-gazelle-souris), Ouéma (poisson-serpent), Zoan (chien-poisson), Zoa (poisson-miel)

D'autres clans contournant le Massif du Nimba débouchent dans la plaine du Manon (région de Bossou) en passant soit par le Nord (Vépo), soit par le Sud (territoires aujourd'hui libériens).

Par le Nord, c'est le clan G'béré qui abandonne Glan, village Dan qui existe encore aujourd'hui, sous la direction d'un nommé G'béké. Il s'établira à mi-chemin entre Nzo et Zan et se déplacera par la suite pour créer Nyan sur son emplacement actuel. C'est là le premier village manon de la plaine. Nyan se transportera un moment à Daboi, village aujourd'hui disparu entre Thuo et Zan où se réunissent les éléments primaires de la région, lesquels se disperseront assez rapidement.

C'est aussi le clan Zogbon qui quitte la région du Nana alors peuplé de Dan pour se fixer à Koeta.

C'est enfin le clan Gama qui venu du nord du pays Dan, peuple une partie du Saouro (région de Gaman) et descend vers le sud-ouest : Gaman Koné Koné et Gama Yalé dans le Gouan, Zon dans le Mossorodougou. Puis ce clan se répandra en éventail vers le Sud en pays Manon : de Zon à Thuo, qu'il crée et à Dendi et Koéta ainsi que dans le triangle Gokota G'béké, Oueyakoré ; de Gaman Koné à G'bélé et Zan ; de Gama Yalé à G'ba. Vers le Nord en pays Kpellé : de Gaman Koné Koné à Konian et Kéoulenta et de ce dernier village à Batouata.

C'est ainsi que le clan Gama a une branche kono, une branche kpellé et une branche manon tout en étant d'origine très probablement Dan.

Le clan Gou est un clan guerrier d'origine Dan qui s'est établi en pays Kpellé (Konodougou — Béro — Tonalé) et en pays Kono (Lola) avant d'entrer en pays Manon.

Venu de la région de Man sous la direction de Zougoussogoli, il se met au service du clan Kolo de Lainé et introduit le fusil dans ce canton. L'usage de cette arme nouvelle permettra aux Kpellé du Konodougou de repousser victorieusement

Une fraction Gou ira s'installer à Mananko dans le Béro en passant par Didita et Sébélokouta ; une autre dirigée par Soulou Nogoli traversera le Gouan par Kéoulenta où il laissera des éléments et ira fonder Gou dans le Tonalé ; dans ce canton il s'installera à Batouata, Bangouéta, Démon, Oueya, Galapaye. De Gou des groupes vont s'installer à Lola et Gbéké dans le Lola et à Zan dans le Manon.
D'autres clans de même origine contournent le massif du Nimba par le Sud.
Le clan Boti se fixe à G'bélé important village du territoire manon libérien, en passant par Sey. Le clan Zo (que l'on peut rapprocher du clan du Mossorodougou.
Enfin des éléments Geh ou Guéré franchissant le Cavally passent sur la rive libérienne de ce fleuve et poussent des avant-gardes jusqu'en pays manon. Le clan Suo quitte Bo Tonhoui, village de la Côte-d'Ivoire et s'installe à Nyan et plus tard gagnera la région de Gokota-G'Béké dans le Lola. Le clan Sa part de Sã, village libérien et se fixe à Nyan et Bouan ainsi que dans un hameau aujourd'hui disparu, Vei, d'où il va s'installer à G'bélé puis G'Bénéoui. Le clan Gué quitte Ségué pour Dendi.

Le clan Boti dont nous avons parlé plus haut est peut-être lui aussi d'origine Guéré et non Dan, car le nom du village fondé par ce clan, G'Bélé, signifie en langue Guéré : piège à rat.

Nous n'avons pas encore parlé du clan Nia bien que celui-ci soit aussi d'origine Dan. C'est lui qui venu du pays Dan par Zouo et Tonkaran fonda Bouan qui plus tard devint Bossou, du nom du guerrier Kono : Bossoucoura. Une partie du clan s'établit à Bouan et à une époque assez rapprochée de nous se répandit en pays Kono à Lola, Gokota, G'Béké, Oueyakoré dans le Lola, Malou et Zon dans le Mossorodougou sous le nom de Nina.

La tradition Kpellé et la tradition Manon veulent qu'il ait existé dans le Tonalé entre Konian et Bangouéta un village nommé Guiéta ou Guiépa. Ce village était occupé par une famille du clan Nia disent les Manon, dont le chef était Mouon. Tous deux s'accordent pour dire que Mouon était originaire de Missadougou. Or Missadougou dans la région du Konian de l'actuel cercle de Beyla est l'ancien habitat des Kpellé, donc Guiéta a été fondé par un clan Kpellé, le clan Tohona, que les Manons assimilent au clan Nia par suite de l'identité des totems principaux : chimpanzé, chèvre, gazelle.

Suivant une légende, un jour deux chasseurs, deux frères, dontl'aîné se nommait Mahou, arrivèrent à Guiéta venant de la régionde Touba (Côte-d'Ivoire). Mouon leur offrit l'hospitalité et leurparla des méfaits des panthères qui décimaient son troupeau etl'empêchaient de sortir la nuit. Après le repas du soir, Mouoninvita Mahou et son frère à entrer dans l'unique case qui existaità Guiéta, mais ces derniers décidèrent de passer la nuit dehorsà attendre la panthère ce dont Mouon voulut, mais en vain, lesdissuader. Mais Mouon ne connaissait pas le fusil et c'est l'absencede cette arme qui rendait les gens de cette époque si craintifset les panthères si redoutables. Lorsque la bête parut vers minuit,Mahou lui déchargea son fusil dans la tête à bout portant. Suivantla coutume, Mahou offrit la panthère à Mouon son hôte qui, heureuxde l'aide apportée, offrit sa fille en mariage à Mahou. Celui-ciappartenait au clan Ma.

Mahou devint un guerrier et un chasseur fameux dans toute la région et lorsqu'une guerre éclata à l'ouest de Guiéta, il s'y rendit et mit en déroute les ennemis qui s'enfuirent rien qu'en entendant les coups de fusil.

Mahou qu'on appelait aussi Yagbara, eut plusieurs enfants : Zomia, Zofié, Mingoura et Famo (certains prétendent que Zofié et Mingoura seraient les petits-fils de Mahou, les enfants de Famo). Il eut aussi des filles. Son frère ayant eu des relations avec l'une d'elles qui devint enceinte, il l'épousa et ce fut l'origine d'une branche cadette du clan Ma. Plus tard, les deux branches se séparèrent et tandis que Mahou allait s'installer à deux kilomètres de l'emplacement actuel de Karana, des membres de la famille de Mouon allaient se fixer à Bangouépa, Béléhouon et Boouon (dont le nom manon est G'bein).

Que devons-nous retenir de cette légende ? Ceci semble-t-il : alors que des éléments Kpellé avaient déjà quitté Missadougou pour s'installer dans les forêts du sud, en particulier le clan Tohona, les mouvements de population qui affectèrent la Côte-d'Ivoire il y a cent cinquante ou deux cents ans poussèrent vers le sud-ouest des éléments du Mahou ; ceux-ci qui connaissaient le fusil et la poudre affirmèrent leur supériorité tant comme chasseurs que comme guerriers. ils s'allièrent aux premiers occupants et avec eux peuplèrent en partie le pavs au sud de Guiéta.

Yagbara Mahou créa donc Karana au pied du mont Golo que les Kpellé nomment Hoiré, et qui est toujours la résidence de ses descendants, les chefs du Manansélé (canton appelé Manaleye en Kpellé).

Ses descendants se dispersèrent et peuplèrent le Manansélé et le G'Benson. Zomia, qui serait parti vers l'est et aurait fondé Nzo dans le Vépo, eut deux enfants dont l'un, Yarafana, fonda N'Zao, tandis que son aîné Yoma créait Yéi (Yalenzou en Kpellé) ce qui signifie « dans la savane » ; en effet Yéi n'était pas à l'emplacement actuel mais dans la savane plus près de N'Zao.

B. Holas a recueilli une tradition manifestement apparentée à celle-ci, mais qui en est différente sur plusieurs points et qui expliquerait mal l'implantation Kono au Vépo 117.

En effet, c'est bien un habitant de la région située au pied de la montagne Hoiré (qu'il nomme Kohéré ou Kohiré) qui quitte Karana pour aller créer un campement de culture dans une savane proche du Nimba, mais l'informateur de B. Holas en fait un manon prenant femme chez les autochtones (lesquels ?) et ayant pour fils Dzoméa ou Zoméa (notre Zomia ?) d'où descend la famille des chefs de canton du Vépo.

Si c'est un Manon qui s'unit à une femme autochtone alors qu'on sait que les habitants du Vépo étaient primitivement des Manon, comment de cette union a pu naître une lignée Kono ?

Notre version nous semble plus vraisemblable car elle fait intervenir un élément Mahou se croisant avec un élément Kpellé (la fille de Mouon) et le métis qui naît de ce croisement donnera une lignée Kono en s'unissant à une femme manon du Vépo ancien.

Par contre il est possible que Zoméa ne soit pas à assimiler à Zomia premier chef du Manansèlé mais que Kossiré soit un frère ou un cousin du Zomia petit-fils de Mahou et que Zoméa ait reçu le nom de son oncle.

Un Polon 117b de Yéi fut transformé par les jeunes initiés de la session qui s'y était tenue, en un village du nom de G'Bili. Plus tard le nommé Koi Yola dirigea une migration de G'Bili vers l'actuel Bounouma en passant par N'Zao et Gonon.

De son côté Zofié se dirigeait vers le sud qui est aujourd'hui le Libéria et s'établissait à G'Bélé d'où partirent beaucoup de groupes qui peuplèrent le Libéria Manon.

Le troisième petit-fils de Mahou, Mingoura, avant dévoilé les secrets du Polon, reçut l'ordre de son aîné Zomia de quitter la région. Il partit donc avec les siens et par la grande forêt du Manansèlé aboutit à la limite des actuels cantons du Niékolé et du G'Benson où il créa Koronhoui (ou Korohouon en Kpellé).

Mingoura averti qu'un nouveau malheur le menaçait, reprit la route du nord-est tandis que certains membres de sa famille continuèrent plus avant vers le sud.

Mingoura lui-même avait créé Veha après Koronhoui et trois de ses fils Félin, Lomé Kéné, Nékoura créèrent respectivement Gola, G'Bala, G'Beipa. Une partie des habitants de Veha ira fonder Bo Mei et c'est de la réunion de ces cinq hameaux que naîtra Dyecké.

A en croire les gens de Dyecké, ce sont les descendants de Mingoura qui auraient fondé tous les villages du G'Benson. La vérité semble être différente. Si en effet la majorité de ces villages a été créée par des membres du clan Ma (que l'on nomme ici Mô) leurs fondateurs venaient des villages de G'Belei et de G'Bao. Le plus ancien village du G'Benson existant actuellement est Zehempa mais sa fondation est postérieure à celle des hameaux qui devaient donner Dyecké puisque G'Bao n'a été créé qu'après le retour de Mingoura dans le Manansèlé.

Mingoura ayant donc repris la route du nord-est, s'arrêta à l'emplacement de Mingouraba devenu par la suite Koatei (source du Koa) et que l'on connaît sous le nom kpellé de Kotozou.

Deux de ses fils Zéka et Séba allèrent fonder l'un Lonhoui (dit Lomou en kpellé), l'autre G'Balimou dans l'actuel canton de Bossou d'où une fraction gagne Moata dans le Tonalé. Une fraction Ma part de Karana et se fixe à Bouan et Zan. De Zan elle ira créer Douzou. De G'Bélé des Manon du clan Ma passent à Koéta et beaucoup plus tard, de nos jours, à G'Bénéoui.

Nous avons vu une première vague Ma atteindre le G'Benson dans sa partie nord : Koronhoui et cinq hameaux qui donneront Dyecké. Une deuxième vague venue également du Manansèlé porta plus loin vers le sud-ouest les avant-gardes manon. Un nommé Zehem quitte G'Bao pour fonder Zehempa, puis Zouho quitte G'Béléi pour créer Kohempa. Un fils de Zouo, Zouala, fonde Zouapa au sud-ouest de Kohempa, où il fut rejoint par des familles du clan Nia sans doute venues de Naapa.

Quelques familles du village de Kohempa appartenant au clan Ma avaient établi un hameau de culture sur l'emplacement de l'actuel G'Bala. Une fraction du clan kpellé G'Ba vint s'unir à elles et ensemble ils donnèrent naissance au village de G'Bala.

Les gens de Danyé, village situé après G'Bala, prétendent descendre d'un nommé Yessé du clan Ma, venu de Diakolidougou (cercle de Beyla). Cette tradition ne doit pas être retenue. Entourés de membres du clan Ma dont la venue du Manansèlé est certaine, les habitants de Danyé ne sauraient avoir une autre origine, mais par imitation de leurs voisins Kpellé, ils tentent de se donner pour originaires de la région de Missadougou, ce qui constitue à leurs veux un titre de noblesse. (C'est un fait courant en Afrique : les villages Nwã à l'ouest du Bandama en Côte-d'Ivoire, inclus administrativement dans le canton Kodé-Béoumi se donnent ainsi une origine Baoulé).

Enfin Sokoro, petit-fils de Zouo fondateur de Kohempa créa le village de Soopa auquel il donna son nom. Soopa à son tour établit une filiale, Nehempa, que créa Kolou Nehem, fille de Sokoro.

Sur les treize villages du G'Benson, huit ont donc été fondés par le clan Ma. Ici comme dans le Manansèlé la prééminence politique de ce clan s'affirme.

Du G'Benson une fraction Ma remonte vers le nord-est, plus précisément de Dyecké et crée Vessono et Loulé. Venant de Karana il crée ou s'établit à Gonon (Manansèlé), G'Beibola, G'Bélépie, G'Boa Davoi et de ce dernier à G'Boa Yila (tous ces villages étant situés dans l'actuel Libéria).

Enfin on signale un clan Ma venant de Missadougou et ayant fondé G'Bipa. A notre avis il s'agit du clan kpellé Molou qui a été assimilé au clan Ma par suite de l'identité des totems. Pour rendre vraisemblable l'origine que se donnent les habitants de Danye, il faudrait supposer que ce même clan Molou a continué vers le sud-ouest mais aucune légende ou tradition ne permet de faire une telle supposition.

Le clan Ma se répandit également en direction du nord : il accompagne le clan kpellé Téa (équivalent du clan Manon Nia) à Konian, tandis qu'un nommé Soo, ayant quitté le Manansèlé après une querelle, alla fonder Soota où l'accompagnait un groupe Téa. Enfin de G'Balimou (Yilapa en kpellé) une fraction Ma va se fixer à Moata et de G'Bipa (Manansèlé), une autre fraction Ma va s'établir à Bangoueta ; ils auront bientôt une prédominance certaine dans ces deux villages qui aujourd'hui encore apparaissent plutôt comme Manon.

Plus à l'ouest, nous retrouvons le clan Ma dans le Sonkolé. Il partit de Loulé (Manansèlé) et suivant les cas prit le nom de Loulé (ce qui n'a peut-être plus qu'une signification géographique et non totémique) ou de Niampala par assimilation (le clan kpellé Niampala ayant pour totem la chèvre comme le clan Ma). Sous le nom de Loulé il fonda un autre Loulé et sous celui de Niampala le village de Guela. Il dut également établir un hameau de culture dans la région de l'actuel Teheouon.

Vers le nord, la pointe extrême de l'occupation manon semble se situer dans le Souhoulapeulé et le centre du Moné. Un clan d'origine manon et venant de Yéi (Manansèlé) d'après la tradition, porte le nom kpellé de K'Poouna et a pour totem la chèvre et le poulet.

Ses totems ne se retrouvent intégralement dans aucun clan manon de Yéi, par contre ce sont ceux du clan G'Bili qui est kpellé. Si plusieurs traditions contrôlées n'établissaient formellement l'origine manon de ce clan que l'on retrouve dans le Bénéouli et le Moné, nous pensons qu'il s'agit là d'une branche G'Bili. Le totem principal du clan K'Poouna étant la chèvre et ce clan venant de Yéi, il doit être une branche du clan Ma, qui a pris par la suite le poulet comme second totem. Il se pourrait également que nous nous trouvions là devant le clan G'Banga représenté à Dulapa (Manansèlé) et qui, comme nous l'avons vu, est issu de l'union d'une femme Ma et d'un homme G'Bili. Les totems du clan G'Banga étant précisément la chèvre (Ma) et le poulet (G'Bili).

Avant d'entrer dans le Souhoulapeulé le clan K'Poouna aurait peuplé une partie du Toffaleye-sud (Nehen-Konvé-Kaloba-Sobada) puis il se serait établi à Oueye, Yaragpala, Niaragpale, Pampole, s'unissant aux autochtones pour créer ces villages dont il devient le chef. A Zobeanta, Bonoma, Ninata, il s'établit à côté des clans kpellé, Niampala, Nona et Kpoulo. Un nommé Lama Douo (ou un de ses ancêtres, Koligbon) crée le village de Palé et y a quatre fils qui se disputent après sa mort. Le premier, La Ouo, quitte Palé et par le Bénéouli et Laminata où il se marie, gagne Gouecké : c'est de cette union qu'est issue la famille des chefs du Moné.

Les trois autres fils demeurés à Palé firent souche: de l'un d'eux sortit la famille des chefs de village et d'un autre celle des chefs de canton.

Revenons à Mouon et à ses descendants, c'est-à-dire au clan kpellé Tohona ou Téa, appelé Nia par assimilation avec un vrai clan manon Nia venu du pays mini pour créer Bouan dans la plaine au pied de la chaîne des Monts Nimba.

Postérieurement au départ de Mahou et du clan Ma du village de Gbliéta, des descendants de Mouon abandonnent à leur tour Guiéta pour se répandre à Bangoueta, Belehouon et G'Bein, ce dernier dans le Manansèlé : ce sont les descendants de Mouon à G'Bein qui sont les maîtres de la terre du Manansèlé. De là, des fractions du clan Nia gagnent Gonon puis G'Boa Yila vers le sud et G'Ba dans l'Est. De G'Ba une fraction reprend le chemin de l'Ouest et s'établit à Koatei mais plus tard certaines familles feront mouvement en sens inverse et s'établiront à Koeta. On voit à quel point le peuplement de ces régions est instable, de continuels mouvements nord-sud, est-ouest, sud-nord, ouest-est amènent un brassage permanent de la population.

Dans l'actuel canton du Manon nous avons donc deux clans Nia complètement différents de par leur origine. L'un, que nous appelerons Nia-Tea, vient du nord-ouest et occupe G'Ba et Koeta, l'autre, que nous nommerons Nia-Mini, vient de l'est et occupe Bouan et Vilapa.

Dans le Manansèlé nous vovons encore une fraction Nia quitter Koatei pour Yossono et une autre s'établir à Loulé d'où postérieurement elle gagnera le Sonkolé et au service des chefs Hononwã de ce canton créera le village militaire de Galaye.

G'Bein reste le centre Nia le plus irnportant et dans le G'Benson ce clan est connu sous le nom de G'Bein.

G'Beinsano était à l'origine un hameau peuplé par le clan Ga, mais un groupe Nia conduit par Koiguei Pélé vint directement de G'Bein et en même temps qu'il accroissait la population au point d'en faire un village, il en prit le commandement.

Koiguei eut un fils, Fanti, d'une femme qu'il avait amenée du Manansèlé. A son tour Fanti eut pour fils G'Beana qui fut un grand chasseur. Il quitta G'Beinsano et construisit quelques cases au centre de son terrain de chasse pour y établir sa famille. Un peu plus tard, il fut rejoint par Naa, qui, avec une fraction du clan Nia, avait quitté G'Bein pour G'Boa Yila puis avait repris sa marche vers le sud : ce fut le village de Naapa.

Enfin de G'Bein part une dernière fraction du clan Nia qui ira créer Samoe dont les chefs seront ceux de toute la région appelée le Vanialeye.

Le clan Manon le plus important après le clan Ma est le clan Ga connu en pays Kpellé sous le nom de Zoobela.

Il est venu du village de Gaa dans le Vépo qui était alors en pays manon ou dan, sous la conduite de Sotigalagba à travers le Mossorodougou, le Lola et le village e Guiéta où il aurait séjourné avant de fonder Nehemkoheba qui donnera ensuite zérékoré. Un petit-fils de Sotigalagba, Félégpé Dolo, quitta Nzérékoré pour créer deux kilomètres à l'est le village de Dorota ; c'est de Nzérékoré et de Dorota que partira le clan Ga-Zogbela qui se répandra dans tout le pays actuellement manon ainsi qu'à Kelema et Zohoya, villages kpellé du Sonkolé : de Dorota une fraction gagne Loulé et Bounouma puis G'Bélé d'où elle passera à G'Bénéoui.

De Nzérékoré une autre fraction gagne Lonhoui, Gonon puis G'Boayila d'où une partie passe à Manaoui et une autre à Guépa, enfin la région au sud du Mani, principalement Ganta (ou Ga en manon), d'où le clan Ga reprit sa marche en direction du nord, soit dans la région voisine, le G'Benson (Zehempa-Nehempa-DyeckéNaapa), soit plus loin dans le Manansèlé (Yéi). On le trouve également à Boussi et Goula (au Libéria) d'où il passe à G'Bala, Danyé et de là se répand à Soopa, Gonon et Kohoui. Quelques éléments venus de G'Bala créent Banzou dans le Niékolé et peuplent une partie de Pela-Pelignan.

Deux autres clans viennent maintenant par ordre d'importance, ce sont les clans Sin et Gonon. Ce dernier est sûrement d'origine kpellé mais celle du premier est beaucoup plus incertaine. Il est sans doute venu du Sud à la suite d'une guerre : on le trouve dans le G'Benson à Zehempa, Kohempa, G'Bala et G'Beinsano; puis sous le nom kpellé de Haghala il fonde Téhéba sous la direction de Zohoouala, qui avec l'aide de ses fils Zougourou et Gpaaho, crée Teheouon dans le Sonkolé. De Teheouon une fraction du clan Sin passe à G'Bein et à Véi dans le Manansèlé et de Véi à G'Bélé.

Le clan Gonon serait venu du Boo (il serait donc d'origine kpellé) par Oulouyakolé, Béta dans le Ounah, Galapaye et Banzou dans le Niékolé, puis il se serait installé à Kolmo (Libéria) enfin il aurait repassé le Mani pour créer Gonon et Kohoui et se répandre à Soopa, Kohempa, Zehempa. De G'Balou Frompa, également au Libéria, il passe à Nehempa et de G'Boa Yila à Guépa.

Le clan Gonon atteindra ensuite le Manansèlé: de Gonon partiront des éléments qui créeront un Gonon dans le Manansèlé en passant par G'Bein et quelques familles s'établiront à Karana et à G'Bipa.

On rencontre encore bien d'autres clans en pays manon, nous n'avons voulu étudier que l'arrivée des principaux. Pour nous résumer, disons que le peuplement du pays manon à partir de 1750 environ, se fait en deux phases, l'une de dispersion, l'autre de regroupement, précédées d'infiltrations Est-Ouest de clans dan et geh ou guéré, intéressant la région autour du Nimba et auxquelles il faut ajouter des apports étrangers et des mouvements internes.

Première phase : dispersion

Après la formation du noyau initial à Guiépa par l'alliance de deux clans, l'un Kpellé venu du Nord-Ouest (Missadougou) le clan Nia-Tea, l'autre du Nord-Est (Touba) le clan Ma, nous assistons à une dispersion suivant trois directions :

Deuxième phase : mouvements de regroupement

Ils se produisent exactement en sens inverse des précédents :

Nous verrons les apports étrangers en étudiant les migrations des clans kpellé et kono ; quant aux mouvements internes ils sont si nombreux qu'il serait fastidieux de les énumérer tous : nous avons d'ailleurs indiqué les plus importants ou les plus typiques.

PEUPLEMENT DU PAYS KONO-KPELLE

Toutes les légendes recueillies dans la région Kono et Kpellé font venir tous les clans rencontrés des savanes du Konian et de celles du G'Banhana (Mahana). Les itinéraires suivis font parfois un détour par le pays à droite du Diani ou par celui des savanes de Touba, mais l'origine lointaine reste la même.

Pour être précis, il faudrait étudier l'arrivée des différents clans par ordre chronologique, mais celui-ci est impossible à connaître avec exactitude. Cependant pour une région donnée, le clan maître de la terre est par définition le premier occupant, nous commencerons donc par l'étude des clans maîtres de la terre avant de suivre les grandes vagues d'invasion venues du nord puis l'expansion des divers clans d'Est en Ouest et inversement.

La tradition veut que le premier clan kpellé descendu des savanes du nord dans la grande forêt soit le clan Téa ou Tohona, qui a donné son nom à la région dite du Tonalé. Nous avons déjà parlé de ce clan à propos du peuplement du pays manon. Le village de Guiépa ou Guiéta était en effet le berceau du clan Téa (que les Manon nomment Nia). C'est là que s'allièrent les clans Téa-Nia et Ma qui se répandirent dans le Manaleye et le G'Benson. Les traditions manon et les traditions kpellé concordent sur ce point.

Guiéta qui n'existe plus aujourd'hui, se trouvait entre Soota et Bangoueta sur une colline située entre les rivières Bélé et Guéya. Le chef du clan Téa vivant à Guiéta était, on s'en souvient, Mouon. Certains de ses descendants sous le nom manon de Nia émigrèrent vers le sud et créèrent en particulier G'Bein, d'autres gardant leur nom de Téa se répandirent dans le Tonalé principalement.

Le village actuellement le plus ancien du Tonalé est Soota. Un nommé Soo du clan Ma originaire du Manaleye (ou Manansèlé en manon), quitta son village à suite d'une querelle et vint se réfugier chez ses cousins à Guiéta où commandait Dongo, un descendant de Mouon. Dongo lui donna un emplacement où Soo accompagné d'un groupe du clan Téa, créa le village de Soota.

Niaragpalé est également une « filiale » de Guiéta créée par un membre du clan Téa nommé Béressely.

Un fils (ou descendant) de Mouon nommé Yaléigbé Téa quitta Guiéta pour se fixer à Holomata entre Galapai et Démou tandis que son frère Séolo fondait Séolota entre Konian et G'Baya. Une guerre éclata qui chassa les habitants de Holomata et Séolota, villages qui furent détruits. Yalégbé et Séolo se réfugièrent à qu'ils quittèrent par la suite pour fonder Konian.

Bangouéta et Moata furent fondés et peuplés par des descendants, immédiats, de Mouon.

Il faut croire que la première migration n'affecta pas le clan Téa dans sa totalité, car on signale une deuxième fraction de ce même clan venue de Missadougou, s'installer à Guiéta postérieurement à la fondation de ce village. Un premier groupe conduit par Keley se fixe à Guiéta qu'il quitte peu après pour créer Tommognéouon, aujourd'hui disparu puis Ouéya. Un deuxième conduit par Molou s'installe temporairement à Guiéta, fonde Poé, puis abandonne ce village pour Bélégnéouon. Ce Molou pourrait être un descendant d'une fille de Mouon, Kolou, qui eut un enfant d'un Malinké comme nous le verrons plus loin.

Dans le Yanialeye et le Sonkolé, le maître de la terre est le clan Boma. Venu de Missadougou, il aurait créé un premier village Boma dans le Bénéouli puis sous la direction de Koliouala, aurait repris la route du sud en suivant le cours de la rivière Loo ; il aurait séjourné près de l'actuel Yéléouana et quittant la Loo près de l'actuel Niampala, se serait dirigé vers l'est où il trouva des pays inhabités. Il fonda Boma Gonikonian dont les habitants se dispersèrent après sa mort, un certain nombre d'entre eux s'établissant à Samoé. C'est de là que partit le petit-fils de Koliouala, Goigpana, pour fonder l'actuel Boma.

Il est difficile pourtant de savoir s'il est le premier habitant au sens absolu du terme, ou s'il est le premier occupant kpellé. Un certain nombre de villages en effet sont indubitablement manon, Samoé par exemple. Or, nous avons vu les membres du clan Boma se réfugier à Samoé après la disparition de Boma Gonikonian L'arrivée des Kpellé dans le Vanialeye serait donc antérieure de très peu à l'arrivée des Manon si plutôt elle ne lui est pas postérieure comme nous le pensons.

Dans l'ouest du cercle, le premier clan est peut-être le clan Mabouan. Il serait venu d'un village nommé G'Bagouno situé dans le cercle de Beyla, en passant par Doffa Toumouna près de Kéora et Kolopala, puis il fonde le village de Mabouan.

Le deuxième clan serait le clan Boo, sa migration est très importante pour les pays entre Oulé et Diani et même pour ceux compris entre le pays manon et l'Oulé, car des fractions d'autres clans l'accompagnaient : G'Ban — G'Bilé — Niampala — Moné. Des querelles entre musulmans et animistes aboutirent à l'exode de Missadougou, d'un groupe nombreux de Kpellé Boo et Dela. Leur chef se serait nommé Miao, il serait passé par Kogola, Ouinzou dans le Béro, Lomou, G'Béla, Kolopala et le sud du Toffaleye créant G'Paï. Son fils Sanahouo qui était né à G'Paï, fonde ou séjourne à G'Paya et Konian.

Sanahouo fait appel au clan Duola dirigé par Mahagpoulé qui se trouvait à Koima dans le Vékéma sur la rive droite du Diani, pour le servir comme guerrier. Mahagpoulé créa le village de Boyéba dans le Toffaleye sud.

L'un de ses descendants Ouoroba G'Bian quitta Boyéba pour fonder Filikolé, le plus petit des trois villages du Zohota (et en 1948 en voie de disparition) à la demande du chef Mabouanmou, le premier occupant de la région.

Trois autres clans sont venus du Konian en passant à l'Ouest du Diani qu'ils ont traversé par la suite, sensiblement à la même époque.

C'est le clan Nyana Oueya qui fonde Koola dans le Toffaleye sud d'où une fraction émigrera dans le Tonalé à Konian et Bélégnéouon.

Le clan Koulé originaire de Kolongo, village de la région de Konsankoro (cercle de Beyla), franchit le Diani et créa Koulé. Une fraction se fixera à Mabouan, une autre à Pampala dans le Toffaleye.

Le clan N'Zebela originaire de Missadougou descend vers le sud par la rive droite du Diani crée N'Zebela, traverse le fleuve et s'installe à G'Paï et plus tard à Kelezala dans le Toffaleye.

En allant vers l'Est, on trouve le clan Nona à Ninata dans le Souhoulapeulé d'où une fraction ira s'installer à Boma. Dans le Béro, un certain nombre de petits clans que l'on ne retrouve guère ailleurs : Olé à Olata, Siba, Mananko et Kolé venant du pays Malinké et s'étant arrêté à Mani Ouomé et Bilékoédou avant de se fixer à Gagbata et Poulo, Kono à Yagbanata venant de Yapangai (Kossa-Guerzé), Zaga à Sibamou. Il est impossible de démêler un écheveau si embrouillé.

Dans le Konodougou par contre où le premier village du canton serait Lainé, le clan arrivé le premier est le clan Téninguéta sous la direction de G'Banga Yoko. Il venait, lui aussi, de Missadougou; après avoir traversé le canton de G'Banhana et celui du Kossa-Guerzé. Il créa Yalamou aujourd'hui en ruines puis Lainé.

Vu l'identité du totem (souris) il est possible que ce clan Téninguéta ne fasse qu'un avec le clan G'Bilé du Sonkolé. La tradition veut en effet que ce dernier soit venu de Lainé et ait gagné le sud-ouest d'où il aurait été chassé par une guerre. Sous la direction de Finlokolo il créa Konala et sous celle de G'Bakoya, il fonda G'Pomohéouon que son petit-fils Lâ Soua abandonnera pour Koléma qu'il établit sur une portion de territoire cédée par le clan Zogbela-Ga de Nzérékoré. De la même façon, un nommé G'Bagpouon du même clan G'Bilé quitte G'Pomohéouon pour fonder Kolihéouon qu'abandonne son petit-fils Kolamon Zouhou pour créer Zohoya. Le clan G'Bilé émigrera également à Loulé et Koulé.

Le sud du Mossorodougou était peuplé de Manon ; ceux-ci étant encore en place, arrivent par le nord deux clans Kpellé : Kani et Goa. Le plus ancien village parmi ceux existant actuellement est celui de Kani. Le clan Kani qui est son fondateur était conduit par un Zohomou originaire de Missadougou ; c'est son fils Zoula qui aurait fondé Harapheta et Horogheta, aujourd'hui disparus, avant de créer Kani. Plus tard il se répandra dans tout le Mossorodougou et à Oueyakoré dans le Lola ainsi qu'à N'Zapa dans le Manaleye et Kinon (Libéria).
Malou doit être le second village. L'initiative de sa fondation est attribuée au clan Goa. Un nommé Haran quitte Missadougou et séjourne à Tono Oumou (région de Touba) et Pogua, puis fonde Harana. C'est là que naîtra un de ses descendants, Baka, qui abandonnant Harana ira fonder Malou. Une fraction ira s'installer à Kani et plus tard le clan Goa se répandra dans tous les villages du Mossorodougou.

Certaines migrations sont beaucoup plus importantes que les précédentes, car les clans qu'elles intéressent seront appelés à jouer un grand rôle au point de vue politique et guerrier. Ce sont eux qui ont donné sa physionomie actuelle aux pays Kono et Kpellé en créant ces chefferies que l'administration qui les avait conservées, nommait cantons.

C'est pourquoi nous avons groupé ces migrations en un second paragraphe sans toutefois pouvoir affirmer avec certitude qu'elles sont toutes postérieures à celles étudiées au paragraphe précédent ; la chose est seulement vraisemblable pour la plupart d'entre elles, les chefs guerriers et politiques étant arrivés après les maîtres de la terre.

D'après la légende, quatre frères : Zoho Missa Coma, Zoho Moussakoro, Barako et... (le nom du quatrième n'est pas connu) quittent ensemble Missadougou et se dirigeant vers le sud atteignent Klya dans le Béro après être passés par le G'Banhana et le Kossa-Guerzé. Là ils se séparèrent : Zoho Missa Coma continua vers le sud-ouest et ses trois frères prirent la direction du sud-est.

Zoho Missa Coma passe une nuit sur le mont G'Bian Ye dans le Moné où il oublia les pinces avec lesquelles il bourrait sa pipe d'où le nom de la montagne. Puis il arrive à Boyeba où vivait Mahagpoulé chef du clan Duola. La femme de celui-ci allait accoucher, Zoho Missa la soigna et en récompense reçut la permission de s'installer près de là. Il créa alors le village qui porte son nom : Zohota et il reçut la chefferie de la région Mabouan, Filikolé - Zohota. C'est le petit-fils de Zoho Missa, Zohota Yagbaolo, qui a laissé le souvenir du plus grand guerrier alors que le souvenir conservé de Zoho Missa est celui d'un sorcier extraordinaire, il était si grand Zohomou qu'il initiait les autres avant d'être lui-même initié ; on lui fit ce reproche et ce sont ses initiés qui l'initièrent ! Partout où il passait, il était mal reçu à cause de ses gris-gris : il traversait les murs et lorsque les mouches le touchaient elles tombaient. Cette réputation s'attacha également à ses descendants, et les gens du Zohota sont si craints de leurs voisins que tous les essais de rattachement de ce canton minuscule à un voisin plus puissant, ont avorté pour cette raison.

Zoho Missa était du clan Maliéma et était accompagné de groupes des clans Blenyé ou Galda et Moné ou Koulata. Son fils Magona aurait créé un village de culture sur l'emplacement du futur G'Balo (canton de Boo).

Le second des quatre frères, Zoho Missakoro, prit la direction du Konodougou où Lainé avait déjà été fondé par G'Banga Yoko et où vivait également le clan G'Ban. Celui-ci occupait le village de G'Ban-Huon dont le chef était G'Banmou Zotoi. Celui-ci reçut Zoho Missakoro comme hôte et lorsque Zotoï mourut, Missakoro préféra se faire enterrer vivant avec lui déclarant que le Kanala 118 liait dorénavant les deux clans. Le fils de Missakoro, Yoakou, reprit la marche vers le sud et créa Gohoba, aujourd'hui en ruines; son fils Yoakou Holomo vint s'installer à Lainé où il devint le guerrier de G'Banga Yoko : celui-ci lui confia bientôt la chefferie. Missakoro aurait été du clan Kolo, parent d'ailleurs du clan Téninguéta.

Les deux autres frères quittant Klya (Béro) passent par Didita et Kokota dans le Gouan et arrivent en pays Manon où Barako fonde Lola tandis que l'un de ses guerriers appartenant à la branche Gokolo du clan Lola quitte Lola pour créer Gokota.

La légende recueillie par B. Holas 119 met en scène un nommé Zoumassakro que nous identifions à Zoho Missa Koro mais qui loin de s'arrêter et finir ses jours de la façon que nous avons vue à G'Ban Huon, serait le fondateur de Lola, chef-lieu d'un des quatre cantons Kono.

Par contre, G'Barko G'Bamou, que l'informateur de B. Holas donne pour un descendant de Zoumassakro, serait d'après nous un frère, peut-être au sens africain du terme, de Zoho Missa Coma et Zoho Missa Koro et porterait le nom voisin de Barako. Alors que suivant B. Holas, G'Barko était né à Lola et ne fit que changer l'emplacement du village créé par Zoumassakro, Barako pour nous est le véritable fondateur de Lola.

Mais on conçoit qu'il soit difficile de choisir une version ou l'autre en l'absence de tout document. La chefferie de Lola échappa d'ailleurs à la famille de Barako ou G'Barko pour passer dans une famille du clan Doré, le même que celui qui imposa sa domination aux Manon de Zan en la personne de Bossoucoura.

Le frère de Barako se dirige vers l'Est et se fixe à Manota, village Manon de ce qui sera le Mossorodougou. Sa réputation est celle d'un grand guerrier. Un nommé Kagara, chef de Malou ou de Kani, l'aurait appelé à son secours lors d'une guerre et lui aurait donné sa fille en mariage pour le récompenser de ses services. Il a un fils à Manota qu'il nommera Mossourou. Le chef Togbalo de Guéasso, tenu en échec par un village, aurait fait appel au guerrier Mossourou Lolamou et en reconnaissance l'aurait nommé chef de la région du Mossorodougou.

Mossourou eut lui-même plusieurs enfants. Mamourou Ougnan fondateur de Fagnan, Dorota, Zouata puis de Guélémata où se réunirent les trois villages précédents. Il aurait poussé ensuite jusque dans le Manon et serait retourné à Guélémata.

Son frère Moriba se serait séparé de lui après la fondation de Zouata pour aller créer son propre village : Guimpo.

Une branche du clan Lola, nommée Bira se détache de Guélémata et sous la direction de Kassié Zan crée Kassiéta.

Une autre branche qui porte le nom de Bona vient directement de Mssadougou sous la direction de Labila, en passant par Nyomorodougou. Labila créa Pana où il eut deux fils Mini et G'Blé qui fondèrent ou contribuèrent à peupler Donota, Belegouma, Kablita, Zogota, Gapouta. Une guerre détruisit ces villages et chassa les habitants qui se réfugièrent dans le Konodougou. Lorsqu'ils revinrent au pays, ils se groupèrent en deux villages : Zéassou (famille de Mini) et Bélégouma (famille de Bélé).

Postérieurement à l'arrivée du clan Lola, le clan Fahan quitte le Konian conduit par Taa Monlé il traverse le Karagoua et se fixe à Manota où naîtra Kassié le petit-fils de Taa Moulé. Lorsque le clan Lola sous la direction de Mossourou quittera Manota pour créer Guélémata, le clan Fahan l'accompagnera et c'est de Guélémata que partira Kassié pour créer les hameaux de Béata, Kamayé, Oumon ou Néta, Guébéta qui se réunissent pour donner Fahan. Un frère de Kassié, Zougo, également petitfils de Taa Monlé était demeuré à Manota, il quittera ce village pour créer Zougueta. Les habitants de Manota, manon et clan Goa, désertent alors leur village et vont tous se fixer à Zougueta.

Remarquons que Zoho Missa Coma, Zoho Missakoro, Barako et le père de Mossourou sont donnés comme frères. Or, le premier est Maliéma, le second Kolo et les deux derniers Lola. Il y a là une contradiction, ou bien étaient-ils frères utérins et non consanguins, ou bien simplement frères de race ?

La constitution du Sonkolé et du Tonalé en chefferies est le fait du clan Hono ou Kolié dit Kourouma. Là encore nous retrouvons le village de Guiéta signalé déjà par les Manon Nia et les Kpellé Téa comme le premier centre du cercle de Nzérékoré.

La légende suivante conservée dans la famille de G'Baya tente d'expliquer la formation du clan Hono :

« Un Malinké du nom de Kourouma de Diakolidougou (cercle de Beyla) avait un captif Kpellé du nom de Mouon Mali (neveu de Mouon). Un jour Yalakolo Kourouma discutait avec ses camarades sur le genre de végétal qui donne la noix de cola, certains disaient que c'était un arbre qui donnait ce fruit et d'autres prétendaient que c'était une liane. Le captif Kpellé Mouon Mali déclara que ce fruit provenait d'un arbre et que son oncle Mouon, grand chef Kpellé, en était possesseur. Yalakolo Kourouma surpris par la nouvelle et curieux de connaître le fameux arbre, promit la liberté à son captif s'il le conduisait au pays Kpellé. Ils vinrent alors rendre visite à Mouon qui, heureux de voir son neveu libéré, montra le colatier à Valakolo, lequel réalisa aussitôt sa promesse. Mouon offrit une case à l'étranger qui refusa d'y loger ayant l'intention de s'installer dans le hamac suspendu sous la véranda. Mouon avertit le Kourouma que ce n'était pas prudent car une panthère venait souvent au village la nuit, Yalakolo, grand chasseur, s'entêta à rester sur la véranda. La nuit venue la panthère comme d'habitude vint rôder autour de l'enclos où se trouvaient les moutons ; Yalakolo la tua d'un coup de fusil et l'offrit à son hôte le lendemain matin.

Yalakolo Kourouma devint l'amant de Kolou Kolou, une fille de Mouon dont la case était contiguë à la sienne ; lorsqu'il constata que Kolou était enceinte il s'enfuit. Quand Mouon demanda à sa fille de qui elle était enceinte elle répondit : « Molou Béla Kôka », c'est-à-dire : (le mouton Malinké m'a engrossée », d'où le sobriquet de Moloubelalo (fils de mouton malinké) donné à la famille de G'Baya . Mouon Kolou accoucha d'un garçon auquel on donna le nom de Faagna ou Fagnanla qui veut dire inconnu ou intermédiaire (c'est-à-dire métis de malinké et de kpellé). Mouon Kolou maltraitée dans sa famille parce qu'elle n'avait pas voulu donner franchement le nom de Yalakolo Kourouma, qui aurait dû être poursuivi, s'enfuit alors chez son amant avec son enfant.

Fagnanla, qui grandit dans la famille de son père, devint riche après la mort de ce dernier. Il était détesté par la plupart de ses demi-frères parce que bâtard, il était cependant plus riche et plus puissant qu'eux. Devant cette situation, il quitta Diakolidougou avec deux de ses frères Gohéli et Golodé.

Fagnanla reçut les surnoms de : Hénamou (propriétaire de fortune), Honamou (coupable de faute), Kolihein (chose recherchée). C'est ainsi que ses descendants prirent le nom de Hono ou Kolié.

Yalakolo aurait séjourné à Guiéta, sans doute plus longtemps que ne le dit la légende, et il devait être accompagné de toute une fraction du clan Kolié car avant de retourner à Diakolidougou on le voit fonder des hameaux dans le Tonalé : Houyé, Poulomou, Baouhon, Diekolé et s'installer à Moata dont il prend la chefferie.

Lorsque Fagnanla reviendra du nord avec Gohéli et Golodé, il s'installera d'abord à Diékolé près de Moata et Démou, puis passant par Bangouéta, Karana et N'Zao, il entre dans le territoire du clan Boma où il trouve Gofali Boma à qui il demande l'hospitalité. Celui-ci l'emmène chez son chef Koliouala, qui reçoit les étrangers et donne sa petite-fille Deibolo Kolou en mariage à Fagnanla.

Un jour Koliouala avait décidé sur les indications d'un devin, de faire le sacrifice de sa propre fille qu'il devait enterrer vivante en présence de tous les membres de sa famille pour que la chefferie reste toujours dans son clan. Mais le jour du sacrifice arrivé, seules deux autres filles de Koliouala, Deibolo et Deikolo étaient présentes au village ; elles assistèrent au sacrifice sans pleurer et leur père les bénit prédisant que les enfants qu'elles auraient commanderaient le pays et protègeraient le clan Boma puisque les membres de celui-ci n'ayant pas assisté au sacrifice perdraient la chefferie.

Deibolo fut mariée à Guéaa le fondateur de Loulé (Sonkolé) et de cette union naquit Deibolo Kolou qui épousa Fagnanla : les descendants de Fagnanla et de Déibolo Kolou sont les chefs du Sonkolé.

Fagnanla créa le village de G'Baya à un emplacement différent de l'actuel, lequel fut choisi par Togba Ilé, l'un des descendants de Fagnanla.

Fagnanla désigna par la suite son frère Gohéli pour accompagner Koli Gponomou chef d'une fraction du clan Ma de Loulé (Manaleye) venu se mettre sous la protection du clan Kolié. Ils créèrent ensemble Tolazou puis se rapprochant de G'Baya fondèrent Galaye.

Zédéi Houi, un cousin de Fagnanla qui vivait à G'Baya, reçut une portion de territoire où il créa Vinyémou entre l'actuel G'Bottoye et Galaye. Après une guerre qui détruisit Vignémou, Zédéi Houi déplaça son village qui reçut le nom de Gbottoye. »

Une autre fraction du clan Hono venue de Diakolidougou, sous la direction de Zohomou et ses frères Fali, Gpola et Zilédolo par le cours de l'Oulé jusqu'à Kobéla puis par Niéma, Banzou, Niampala et Déla (villages aujourd'huî disparus entre G'Bili et Téai) vont créer le village de Komou.

Le clan Hono se répandit encore à Guéla, Téhéouon, Samoé, Loulé et Ouinzou.

Le passage à Guiéta et l'établissement à Moata d'une fraction du clan Kolié, Hono conduite par Vala Kolo Bila, attira d'autres groupes du même clan dans Tonalé.
Les ancêtres des chefs actuels du Tonalé quittent Missadougou passent par Hihou (Karagoua), Lainé (Konodogou) Goâ et Niaragpale (Tonalé) puis ils créent le village de Galapai.

Une fraction du clan Kolié, sous la direction de Soulou Kolié, venue de Yarakolita (cercle de Beyla) par Boala, Ouinzou et Goueeké prend la chefferie du village de Bangouéta.

Enfin un nommé Solo Kolié suivant le même chemin (Missadougou-Boola-Gouecké), fonde Bomiata, village aujourd'hui disparu qui se trouvait entre Gama Koné Koné, Gobouta et l'actuel Démou. Il se marie et de son union naissent en particulier deux enfants : Kolihaha Bolo et Bolo Ouo. Avant sa mort, il crée un petit village qui portait le nom de Bémou et qui se trouvait près de Bangouéta : il a aujourd'hui disparu.

C'est alors Koli Haha Bolo qui crée Ouo Loyeba entre Galapai, Batouata et l'actuel Démou. Une guerre l'en chasse jusqu'à Hihou entre Malou du Mossorodougou et Fogna du Konodougou : c'est là que meurt Kolihaha.

Son frère Bolo Ouo revient dans le Tonalé, crée un premier Démou sur la piste entre Bangouépa et l'actuel Démou, qui se déplacera encore jusqu'à son emplacement définitif.

Nous avons laissé le clan Boo à G'Pai et Konian dans le Toffaleye sud où il s'était fixé sous la direction de Miao puis de son fils Sanahouo. Ce serait ce dernier qui aurait poursuivi la marche vers le sud. Il séjourne dans la partie nord du Boo à Oulo, Ouéya et Bamakaman. Il envoie un groupe de pêcheurs créer le village de Lonhouéya (déformé en Lohandia par les européens) à proximité des chutes de l'Oulé (Ga Oulai).

Les descendants directs de Sanahouo qui se trouvent actuellement dans le sud attribuent à celui-ci la fondation de tous les villages que nous venons de nommer. Si l'on interroge les gens du nord, c'est un tout autre son de cloche que l'on entend. Ainsi Oulo ne serait qu'un hameau de Ouétoa : de Missadougou, un nommé Zoria Bonian Boomou aurait été chassé par la poussée musulmane et serait venu fonder Ouétoa dans le Boo nord. Un descendant de Zoria nommé Ouassilé aurait fait ses champs sur l'emplacement de Oulo et le village de culture serait devenu le village le plus important du Boo (1780 habitants en 1947). Ouassilé vivant du temps de Kaman Kékoura, la fondation de Oulo serait relativement récente et Zoria Boman étant venu à Ouétoa avant Zoho Missa Coma la fondation de ce dernier village serait très ancienne.

Booué avait été fondé par Magona, fils de Zoho Missa Coma, donc Sanahouo n'a pu que le développer. Dans ce village, qui succéda au hameau de Booua, les Boonwã sont les maîtres de la terre mais le clan G'Bili y est aussi très important. Il vint de Pampolé dans le Souhoulapeulé et fut d'abord l'hôte des Boonwã, un emplacement lui fut donné pour construire un village et la soeur du chef Boomou épousa le chef G'Bilimou et un certain nombre de ses membres descendit l'Oulé jusqu'à Tamou dont il ne reste plus que des ruines aujourd'hui : le chef G'Bilimou épousa une femme de ce village puis vint à Booué où le suivit tout Tamou. Ceci se serait passé au temps de Sanahouo, car la femme n'ayant pas d'enfants, alla demander à Sanahouo qui se trouvait à Ouéya (dont Booué dépendait), une jeune épouse pour son mari. Elle l'obtint, ce fut Kolou Kilé qui eut deux fils dont descendent les chefs actuels de Booué.

Ainsi ayant soit fondé, soit restauré, soit soumis à son pouvoir les villages du Boo-Nord, Sanahouo leur envoya des messages leur demandant de lui fournir des contingents pour continuer sa marche vers le Sud, ils refusèrent et Sanahouo dut continuer avec ses seules forces, ce fut l'un des premiers signes d'opposition entre le Sud et le Nord, opposition qui à l'avenir devait devenir plus marquée.

Poursuivant sa progression, Sanahouo envoie de ses gens fonder N'Zabyaye, puis, dit la légende, le bruit courant qu'un lion devait venir attaquer le chef, des guerriers Douala allèrent s'installer dans un hameau fondé par Bangan Koula Boomou originaire de Booua, hameau qui devint Yaragpalé (passage du lion). En fait les Doualanwã ne sont pas venus pour attaquer le lion légendaire, mais ont été appelés par les Boonwã pour les défendre contre les Toma.

On signale ensuite Sanahouo à Gottoye, Komou et Vanhian (où l'on montre la trace de sa chaise, de son doigt et de sa main sur le rocher).

Le fondateur de Komou était un nommé G'Boï G'Balamou né à Ouaita. Celui de Gottoye se nommait Siaman Gotto, il venait de Ouyéyé dans le Souhoulapeulé en passant par Ouétoa et Vanhian. Ce dernier village avait un hameau de culture, G'Bana Goma, sur le chemin de l'actuel Melegpouma : Siaman Gotto s'y rendit accompagné de ses frères Guessia et Gotto Zoua. Ce dernier construisit un peu plu loin les premières cases d'un village qui fut appelé Gotto Zouata en son honneur. Ce village fut peuplé outre de la famille Siaman Gotto, des habitants de G'Bana Goma, ainsi que d'un certain nombre d'habitants de G'Banhié et de guerriers Doualanwã de Yaragpalé

Poursuivant sa route, Sanahouo arrive à Donhouéta qui sera son établissement définitif. Donhouéta aurait été un village de culture détaché de l'ancien G'Banhié. Un Lolamou nommé Domia, du village de Hangon (sur la piste de G'Banhié à Yéké), avait épousé une Boomou nommée Heya de l'ancien village de Yessié (sur la piste de Voui à Donhouéta). Ils eurent un fils Heya Koly et une fille Ma Donhoué. Cette famille fonda le village de G'Banhié.

Ma Donhoué devenue adulte, fit un champ à quelques distances sur l'emplacement de l'actuel Donhouéta. Sanahouo trouva donc Ma Donhoué dans ce hameau et l'épousa. C'est ainsi que fut créé Donhouéta. A la mort de Sanahouo un de ses fils, Koly Kéla lui succéda. Il épousa sa marâtre et de leur union naquit Zendei Takaran duquel descend Dombo chef du Boo en 1948.

Sanahouo étendit son pouvoir sur les villages environnants Melegpouma et G'Banhié.

L'origine légendaire de Melegpouma est la suivante : un nommé Zomia qui habitait un hameau près des chutes de l'Oulé était chasseur d'éléphant. La poursuite d'un animal blessé l'entraîna loin vers le sud. Petit poucet Kpellé, il monta sur un arbre et vit non pas une lumière mais une fumée vers laquelle il se dirigea. Il trouva une jeune fille qui lui donna de la nourriture et l'emmena chez son père à G'Banhié, lequel offrit une large hospitalité à l'étranger, très large même puisqu'il le logea dans la case de sa fille. Le lendemain, aidé d'un homme de son hôte, il alla à la Recherche de l'éléphant blessé qu'il trouva mort près l'Oulé à Djoué (Ourapeulé). Tout se termina par un mariage entre l'étranger et la fille de son hôte et le jeune ménage alla se fixer sur l'emplacement de Mélégpouma. Ils eurent sans doute beaucoup d'enfants.

De Donhouéta, Sanahouo (ou ses descendants) envoya des gens fonder la plupart des autres villages du Boo Nord.

C'est ainsi qu'il envoya des chasseurs franchir la chaîne des Maka Yé. Ils aboutirent d'abord à l'emplacement de Véké puis se dirigèrent vers l'emplacement du futur Kouliyé. Enfin, ils laissèrent un homme, Vo Oura dans le pays de Tinsou. Son fils Bono avait envoyé sa soeur en mariage à N'Zabyaye, celle-ci revenant voir ses parents cassa la gourde qu'elle avait sur elle et l'eau qui se répandit donna naissance (sic) à la rivière Hakonélé-Ya (l'eau-que-boit-ta-sœur) qui se jette dans l'Oulé. Le confluent est un lieu sacré pour les Boonwã qui y font des sacrifices. Bono fit ses champs sur l'emplacement de Yaï et son hameau de culture se transforma plus tard en village : Yaï.

De même furent construits Folofonié et Yoa. G'Banda Niankoly Koutou, Boomou de Donhouéta, est le fondateur de Yoa qui s'augmenta de l'apport du clan G'Bala venu de Donhouéta avec Holomo Dooui, lequel était un guerrier au service de Tésilé, guerrier de Bamakaman.

G'Banfala est également un village satellite de Donhouéta ainsi que Tooui et Tonota. En ce qui concerne ce dernier village, l'origine est plus incertaine. Il semble qu'il ait succédé à l'ancien village de Ziamou entre Tonota et Vai et que les éléments qui l'avaient formé étaient originaires les uns de Donhouéta, les autres de Donatabéré. Comme tous ces villages, Tonota a dû être détruit et reconstruit plusieurs fois, si bien qu'il possède plusieurs familles pouvant se dire valablement fondatrice bien que d'origines différentes.

Enfin, Sanahouo envoya fonder Yomou, où il séjournait quelques fois et qui devait plus tard, supplanter Donhouéta. Sanahouo avait placé comme chef de village le nommé Toua Olo. Celui-ci auparavant avait construit quelques cases sur la colline située entre Yéké et Yomou. A cet endroit se trouvait un arbre auquel les guerriers suspendaient leurs armes, d'où le nom de Yomou (ce qui est suspendu). Quittant l'ancien emplacement, Toua Olo, vint sur celui de l'actuel Vomou.

Le dernier village est Ouloukola, de fondation assez récente, par les guerriers de Konian (ancien village créé pat les gens de Yaï). La date doit se placer entre 1900 et 1908 puisqu'elle coïncide avec l'arrivée des français dans le Nord du cercle de Nzérékoré.

Le clan Boo franchit l'Oulé et se répandit au Libéria ainsi que dans les régions de l'Ourapeulé du Ounah et du Niékolé, c'est-à-dire jusqu'au pays manon où quelques éléments pénétrèrent.

Dans l'Ounah nous le trouvons à Dissai venant de Tinsou, à Galia venant de Yaragpalé, à Daniné venant de Béméyé (Libéria) et à Ouloukoyé venant de Zéoua (Libéria). De ces différents centres, il se répandit à Télikolé, Béata, G'Baolé, Lagbara, G'Bottoyé, Manakoyé, Bémégé et Oulouyakolé.

De N'Zabyaye partit également une fraction du clan Boo qui créa le village de Boo dans le Niékolé, de là il s'installa dans différents villages de ce canton : Banzou, Naouais, Bagouné, Haouolo et Koema.

L'Ourapeulé a vu arriver le clan Boo de deux directions : directement de la région du Boo par traversée de l'Oulé, indirectement en remontant du Ounah. On le trouve à Péla, Yilata, Peninzou, Ténia, Ouéta et Pela-Bélignan.

Enfin sous le nom de G'Po le clan Boo s'est installé en quelques points du pays manon : à Karana et G'Belei dans le Manaleye, à Kohempa venant de N'Zabyaye (Boo) et à Kohooui venant de Boo (Niékolé) dans le G'Benson.

Lorsque le clan Boo descendit de Missadougou vers la forêt, il était accompagné du clan Dela auquel le lie le Kanala 120. Les deux clans se séparèrent dans le Boo Nord, toutefois une fraction Dela continua à accompagner le Boo.

Le chef du clan Dela était Foningaman ; il envoya son fils Koninia Yananan reconnaître dans la grande forêt du sud un lieu propice à la fondation d'un vinage. Un Boomou accompagna Koninia Yananan et tous deux se reposèrent à l'emplacement de Djoué et tandis que le Boomou traversait l'Oulé, Koninia prenait la direction du Sud-Est. Il atteignit ainsi l'emplacement de Belignan. De là il envoya ses guerriers vers le sud, ils trouvèrent sans doute quelques champs et un village de culture occupé par des Boonwã. C'est de ces deux clans qu'est issu le village de Pela. Une autre fraction Dela partait de N'Zabyaye fonder Peninzou et Galaye.
On retrouve également ce clan à Nona, Velata, Ténia et Ouéta dans l'Ourapeulé. Il est représenté dans presque tous les villages du Ounah. De Pela-Bélignan une fraction Dela remonta sur le Sonkolé (Nzérékoré, Dorota, Boma, G'By, G'Bili, Keléma, Konala) et jusque dans le Souhoulapeulé (Palé) d'où il gagne Teai et et Oueya dans le Moné.

Le pays que le clan Boo avait quitté, le Toffaleye, fut peuplé ainsi que nous l'avons vu, par les clans N'Zebela, Koule et Nyana Oueya qui étaient descendus des savanes par la rive droite du Diani. Par contre, le clan G'Ban conduit par Malawaga vint du G'Banhana (cercle de Beyla) par la rive gauche et créa Pampara. Les descendants de Malawaga sont aujourd'hui les chefs du Toffaleye.

Les différents clans que nous avons vu émigrer du cercle de Beyla vers le cercle de Nzérékoré se sont ensuite mélangés et il a fallu l'occupation française pour arrêter ce brassage qui rendait si instable le peuplement de la région.

Du Zohota où il s'installe en premier, le clan Maboua se répand dans le Souhoulapeulé à Niaragpalé et Ninata et dans le Moné Niampala, Bangounai et Koronta. Vers le sud il gagne le Boo, l'Ounah (Béata, Béméyé et Dihié) et l'Ourapeulé (Nona).

Le clan Koulé se répand en éventail vers le Souhoulapeulé et le Sonkolé d'une part, le Zohota, le Toffaleye, l'Ourapeulé et l'Ounah d'autre part.

Le clan N'Zebela se retrouve à Niaragpalé, Pampolé, Zohouta dans le Souhoulapeulé, Nionta, Togbata Niampola, Niéma dans le Moné, à Zohota et Mabouan dans le Zohota, à Péla, Koeplita et Péninzou dans l'Ourapeulé, à Zouéta dans l'Ounah. La fraction établie à Galapaye et Bangouéta a été amenée en captivité au temps des guerres contre N'Zzébéla Togba.

Le clan Duola avait traversé le Diani à l'appel du clan Boo. Un groupement Duola marcha vers l'Est sous la direction de Yalakoli. Celui-ci ayant épousé une femme Niampala, il s'établit sur le territoire de ce clan. Lâabié, frère de Yalakoli, transporta le village sur son emplacement actuel, Duola, dans le Sonkolé. De Duola des groupes de ce clan allèrent se fixer à Guéla, Samoé et G'By.

Dans une autre région, celle du Boo, nous avons vu les guerriers Duolanwã suivre le clan Boo et s'installer à Yaragpalé, Gottoye et Tonota. De Yaragpalé des groupes gagnent Galia dans l'Ounah et de là se répandent à Dissai, G'Bottoye et Oulouyakolé.

Après l'arrivée du clan Duola dans le Sonkolé, le clan G'Bili venu des savanes à Pampolé dans le Souhoulapeulé s'établit sur le territoire du clan Zogbela/Ga et crée G'Bilita sous la direction d'un nommé Zo. Son frère Zokoli, transportera G'Bilita à un nouvel emplacement et le village se nommera Ouinzou. Un habitant de Ouinzou, Kaimon, suivi de ses frères Souhoukolo et Higpiyegbé, quitta son village et fonda G'Bilida ptiis G'Bili sur le territoire du clan Duola. Il y fut rejoint par une fraction du clan G'Bili conduite par Zodeiba et son frère Ouropa qui avaient quitté Ouéyé dans le Souhoulapeulé à la suite d'une querelle. Kaimon, avant sa mort, passa le commandement à cette dernière fraction, la première devant conserver le Zoholâa.

Monkoné quitte à son tour Ouinzou et fonde By : son arrière-petit-fils Soua Dahan abandonnera l'emplacement pour un nouveau, mais le village conservera le même nom. Soua Dahan avait dû quitter l'ancien By à la suite d'une guerre au cours de laquelle le village fut détruit, il se réfugia à Ouéta (Ourapeulé) d'où il partit pour créer le nouveau By.

De Ouéta le clan G'Bili se répand dans l'Ourapeulé à Koeplita, Péninzou, Galaye, Péla, de Péla il gagne l'Ounah (G'Baole) et le Niékolé.

De Ouinzou un groupe se rend dans le Moné à Niama et du Souhoulapeulé un autre groupe s'établit à Koronta (Moné) tandis qu'un troisième venu de Pampolé s'établit dans le Zohota et dans le Boo à Booué.

Pour ne pas quitter la région de l'Ouest, nous aurons encore à signaler la migration du clan Gouéou qui, de Pampolé, se fixe dans le Niékolé et de Missadougou vient s'établir à Lonhoueya dans le Boo d'où il se répand dans l'Ounah et l'Ourapeulé.

Le clan G'Ban, chef du Toffaleye, se retrouve à Mabouan dans le Zohota, à Koeplita, Péla-Bélignan dans l'Ourapeulé.

En pays Kono on trouve également un clan G'Ban mais son totem au lieu d'être l'aubergine, comme en pays Kpellé, est la chèvre ; aussi ne s'agit-il peut-être que d'une homonymie et nous avons sans doute là deux clans différents. Ce clan G'Ban Kono se trouve principalement dans le Saouro à G'Ban et Dangbessou, dans le Mossorodougou à Guélémata, Fahan et Zouguéta, dans le Lola à G'Béké, Oueyakoré, Lola et Gokota. Dans ces deux derniers cantons, il vient de Soulouta dans le Gouan. Il a même poussé des pointes en pays Manon : à Kankoré (ou Kansono) venant du Gouan et de Kankoré à Dyecké, à Moata venant de Lola.
Autre clan Kono, le clan Douna venant de Missadougou mais ayant séjourné à G'Poï dans la région de Touba, s'installe dans le Nord du Saouro à Garasso et Soota d'où il se répand dans le Mossorodougou à Guélémata, Kassieta, Fahan et Bélégouma, dans le Lola à Lola.

Quant au clan Saouro qui a donné son nom à une région Kono de l'Est, il peuple les villages de G'Bata, Guéta, Bouzouta, Dirita, Pinéta, G'Béké dans le Saouro, Zeassou et Bélégouma dans le Mossorodougou.

Signalons enfin le clan Nana dans la région de Tongarata et le clan Iro d'origine Dan dans la région Iro-Kogota.

B. Holas a recueilli la tradition orale sur le peuplement de ce canton du Saouro sur lequel nous n'avions pas nous-même d'éléments, aussi la citons-nous in extenso 121 :

« A Moussadougou, dans l'actuel cercle de Beyla, vécut dans les très anciens temps Tangalan Saoulomou G'bâ, en querelles perpétuelles avec ses proches. Un jour, las de ces manifestations d'hostilité, Tangalan Saoulomou G'bâ finit par quitter son village natal, accompagné de sa famille ainsi que de celle de son neveu utérin nommé Gamamou.
La première halte des émigrants fut à l'emplacement de l'actuel village de Gamakonékoné où ils s'installèrent pour quelques temps, dans le voisinage des Yacouba qui occupaient déjà cette partie du pays. Bientôt, les nouveaux venus eurent une guerre avec les anciens occupants. Après avoir subi une défaite, Tangalan Saouromou G'bâ dans l'embarras fit appel à son neveu, guerrier réputé. Celui-ci en effet, se distingua par son courage dans les combats qui suivirent et emporta enfin une glorieuse victoire. Les Yacouba vaincus se replièrent vers l'Est. Et c'est en souvenir de cet exploit guerrier que Gamakonékoné reçut son nom : gama (c'est aussi le nom de l'actuel chef-lieu du Saouro, Gama) signifiant adroit, sûr de son coup en parlant du guerrier, et Konékon, officiellement orthographié konékoné, signifiant graviers et, par extension, le gisement de ceux-ci. Par conséquent le nom Gamakonékoné serait à comprendre comme village construit sur des graviers et habité par la famille Gamablã (pluriel de Gamamou).

La paix ainsi établie ne dura cependant pas longtemps et fut continuellement troublée par des affaires matrimoniales suscitées par la répugnance de la population autochtone à donner ses femmes aux jeunes gens de Moussadougou, qu'ils continuaient à considérer comme des intrus.

Les Saouroblã et les Gamablã se remirent alors en route, dans la direction nord-est pour aboutir dans l'actuel canton de Saouro. C'est là que Tangalan Saouromou G'bâ fonda un village où il a vécu quelques années ».

SITUATION DE LA CHEFFERIE A L'ARRIVEE DES FRANÇAIS

Les alliances entre villages et entre cantons étaient particulièrement instables, et l'unité politique était avant tout ce que nous avions appelé « le canton ». Plusieurs cantons pouvaient s'allier, mais jamais ils ne formaient une véritable confédération unie et durable. L'alliance était contractée dans des circonstances déterminées et pour une durée limitée sous la pression d'événements extérieurs, une menace d'invasion ennemie par exemple : c'est ainsi que nous voyons le Manaleye et le Sonkolé unir leurs forces pour résister aux Toma, qui seront vaincus près de G'Baya. Remarquons que ce sont deux cantons de peuplement différent, l'un Manon, l'autre Kpellé; par contre, deux cantons Kpellé peuvent être ennemis (le Boo et l'Ourapeulé par exemple), même si les chefs des deux cantons sont du même clan, tels les chefs du Sonkolé et du Tonalé qui appartenaient tous deux au clan Kolié.

Il existait pourtant une exception : « l'empire » de Guéasso qui groupait des cantons Kono, un canton Manon, des villages Dan et même des régions Kpellé. Les liens semblaient plus fermes qu'ailleurs, ce qui n'empêchait d'ailleurs pas deux cantons de la confédération de se faire la guerre, ainsi le Manon-Bossou et le Mossorodougou, chose foi-t compréhensible puisque le prétexte habituel de ces guerres ne ressortait nullement de la haute politique mais d'affaires privées : rapt de femme d'un village par un habitant d'un autre village, par exemple.

Etant donné la précarité des alliances, nous donnerons la situation de la chefferie à une date choisie, vers 1905, c'est-à-dire juste avant la pénétration française.

genealogie de la famille de Zohota
Généalogie de la famille commandant le Zohota.

A l'Est nous avons l'Empire de Guéasso, au Centre la province du Moné dont les chefs résidaient à Gouecké. Trois chefs entretenaient des relations entre eux : ceux de G'Baya (Sonkolé), de Galaye (Ourapeulé) et de Koléa (Toffaleye).

Dans le Nord-Ouest, le Zohota, le Toffaleye, le Souhoulapeulé et le Vékéma (canton de la rive droite du Diani) étaient en général alliés.

Dans le Sud-Ouest, le Boo s'opposait à tous ses voisins sauf le Soilkolé et le Moné.

Enfin le Manansèlé et le G'Benson, par suite sans doute de leur origine commune, sont toujours restés en paix l'un avec l'autre mais luttaient séparément contre leurs ennemis, séparés qu'ils étaient par la grande forêt du Manansèlé.

LA CONFEDERATION DE GUEASSO

Autrefois tout le Karagoua appartenait au clan Yoma dont le totem est la panthère et qui en porte les traces sur le visage. A ce moment les Konianké n'avaient pas encore dépassé la région du Mahana et la forêt était occupée par les clans Kpellé et Kono. Les Mahouka par contre étaient installés dans la région de Touba.

Un clan d'origine obscure nommé G'Béa ayant attaqué le clan Yoma, celui-ci fit appel à un chef Guéré (ou Geh ?), Togba, qui vint avec ses guerriers armés de fusils, ce qui était une nouveauté car les G'Béablã et Yomablã n'avaient que des arcs.

genealogie des chefs de Gueaso
Généalogie des chefs de Guéasso.

Lorsque la bataille eut lieu, les G'Béablã s'enfuirent au premier coup de fusil et demandèrent la paix.

Togba, protecteur de ses hôtes, devint un protecteur encombrant et il fallut lui passer la chefferie mais le clan Yoma, maître de la terre, avait droit à une part de butin en cas de guerre, en particulier au premier captif. De nous jours encore, il a droit aux premiers fruits d'une amende et d'une façon générale, il conserve le règlement des affaires coutumières.

Les descendants de Togba en même temps qu'ils essaimaient dans la région fondaient un empire qui ne devait prendre fin qu'avec la révolte de 1911 contre la domination française. Il comprenait le Karagoua, le Saouro, le Nana, le Vépo, le Lola, le Mossorodougou et d'une façon plus lâche le Béro, le Konodougou et les villages de Gô et Diawassou dans le Gouan.

Il commandait également les Manon du Bossou et les Dan-Mini (ou Yafoba), jusqu'à G'Bapleu et Depleu dans le canton de Sibileu du cercle de Man en Côte-d'Ivoire. D'autre part, il était allié aux chefs du Tonalé.

Les Togbablã ont pour totem le chien, mais ils portent sur les joues les marques de la panthère, signe distinctif de leurs hôtes Yomablã.

Togba (ou l'un de ses descendants) eut deux fils, Monsia et Gomoulo ; le fils de ce dernier, Gara Gara, surnommé Oulé (le rouge) par les Konianké, fut le plus grand chef de la dynastie. Il étendit son empire vers le Nord jusqu'au Fakouroudougou en direction des Konianké et jusqu'à Morigbadougou en direction des Mahouka.

L'actuel Guéasso avait été fondé par un autre fils de Togba, G'Banan, qui créa également Tonon. Un troisième fils, Labila, créa Labilasso. Le quatrième, Yaké, eut deux fils, G'Banan et Yamalo, et le fils de ce dernier, Gono, fonda Gonota. Enfin la création du village de Guéoué à côté de Tonon est le fait d'un cinquième fils, Foumbé Bouaké.

genealogie de la famille de Mosorodugu
Généalogie de la famille commandant le Mossorodougou.

A la mort de Togba, la succession échut à Labila. En troisième lieu vint G'Banan puis Gomoulo. Après celui-ci vint Pokocé, fils de Labila. Pokocé s'étant montré cruel et dur, le pays Kono ne voulut plus lui obéir et lui préféra Gara Gara Oulé, fils de Gomoulo.

Lors de la révolte de 1911, Guélémata, Tongarata, c'est-à-dire le Saouro, le Mossorodougou nord, le Nana, restèrent fidèles à la France, mais les parties de l'Empire de Guéasso situées plus au sud, se révoltèrent et Gara Gara Oulé, suspect, fut arrêté et ses états démantelés.

Dans le Mossoroudougou, nous avons vu un Lolamou prendre la chefferie de Manota et son fils Mossorou étendre sa domination sur toute la région. Il eut pour successeur son fils, Mamourou Ougnan. A la mort de celui-ci, le pouvoir revint successivement à ses fils Gapka, Zohomou et Loho.

VEPO

Zoméa étend son pouvoir en dehors de Nzo sur l'ensemble des Kono du Vépo. Il eut deux fils Duo et Kooulo, celui-ci en tant que cadet quitta Nzo pour fonder Kooulenta et son aîné devint le chef guerrier du Vépo. Il aurait été en fonction au moment de l'arrivée des français, aussi cette généalogie simplifiée rapportée par B. Holas 122 nous paraît suspecte si on la compare à la généalogie de la branche cousine du Manansèlé qui compte cinq chefs après Zomia jusqu'à l'arrivée des français alors que le Vépo n'en aurait compté qu'un, mais on sait que les gardiens de la tradition sont coutumiers de ces raccourcis. Ou bien faut-il admettre que Kossire était le frère de Zomia, qu'il eut un fils qui reçut le nom de son oncle, et qu'il ne faut pas assimiler l'un à l'autre ? Nous avons déjà fait cette hypothèse en traitant du peuplement.

Généalogie de la famille commandant le Vépo, en intégrant les données de B. Holas.

SAOURO

Nous citerons également B. Holas qui a recueilli la tradition relative à la formation de la chefferie du Saouro 123 :

« Un étranger nommé Toungara, parti de Gouéké (village guerzé dans le canton de Moné, cercle de Nzérékoré), vint s'y installer peu après et épousa une des filles de Tangalan Saoulomou Gbâ. Le nouveau village prospérait, et la procréation fut nombreuse. Voyant son village surpeuplé par rapport aux moyens de subsistance que la nature avoisinante leur offrait, les chefs des Saouloblã et des Gamablã décidèrent de changer leur demeure. Toungara devint alors le chef, et à partir de ce moment-là son village fut appelé Toungarata, village de Toungara.

Le village fondé dans la suite par Tangalan Saouromou Gbâ prit le nom de Gbâta Blémou, ce nom étant composé comme suit :
Gbâ, nom propre du fondateur ; ta, village ; blé, espèce d'un grand arbre (dont nous n'avons pas réussi à identifier le nom scientifique) à feuillage touffu ; mou, au pied, celui qui est au bout, et par extension aussi descendant.

genealogie de la famille du Saouro
Généalogie de la famille commandant le Saouro.

Pour des raisons inconnues, Tangalan Saouromou Gbâ et ses fidèles abandonnèrent ce dernier village à leur tour, et la forêt engloutit bientôt les ruines.

Cependant, en souvenir de la localité abandonnée, la nouvelle demeure commune des deux familles fut appelée Gbâta.

Le territoire occupé maintenant par les deux familles devint considérable. Seulement, l'insécurité régnait dans cette partie d'Afrique. Afin de mettre son domaine toujours grandissant à l'abri des attaques de l'envahisseur, Tangalan Saouromou Gbâ, vieilli, chargea son neveu toujours à la fleur de l'âge de s'installer au sommet d'une colline voisine qu'il jugeait comme un point stratégique avantageux. Gamamou obéit et y construisit un village fortifié, nommé dès lors Gama. A la mort de son oncle Tangalan Saouromou Gbâ, il prit le commandement de tous les autres villages fondés par son oncle. Ce fut le début du canton Saouro dont Gama devint le chef-lieu.

Le successeur de Gamamou fut Fan, son fils aîné. A ce dernier succéda Guénè, second fils de Gamamou. A la mort de ce dernier, prit le commandement son frère cadet Dénon. Après lui, son fils aîné, Gbogolo, prit le commandement et fut suivi par ses fils, respectivement Gbégbé et Koumo. A la mort de Koumo, qui survint peu avant la pacification française, succéda à la chefferie son fils aîné appelé aussi Gbégbé, vivant encore de nos jours. Gbégbé, à qui nous devons le présent récit, prit le commandement à l'âge de ig ans au moment où les sofas de Samory menaçaient son pays.

Vu le rôle qu'il avait joué dans la pacification du pays aux côtés des troupes françaises, il fut ensuite reconnu par l'Administration comme chef titulaire du canton Saouro. Il exerce toujours cette fonction assisté, étant donné son âge avancé, d'un de ses fils, Kaman Bamba ».

MANON

Dans le Manon, la famille des chefs n'est pas d'origine Manon mais Kono. L'ancêtre Donkoura Doré (Lolamou) était venu de Missadougou à Lola où il eut un fils, Mapéri, et un petit-fils, Bossoucoura. Celui-ci ayant commis une faute coutumière en « Forêt Sacrée », dut s'exiler. Il alla s'installer à Zan qui par la suite devint Bossou en son honneur. Etant d'une famille influente et possédant des attaches hors du canton, il acquit une situation éminente et prit le commandement de la région. Son fils Labila lui succéda, remplacé par son fils Goba. C'est sous ce dernier que se produisit l'occupation française.

genealogie de la famille du Manon
Généalogie de la famille commandant le Manon.

Le village de G'Bélé (au Libéria) était en général l'allié des villages du Manon-Bossou. Le village de G'Ba le compte pourtant au nombre de ses ennemis.

Les Geh (ceux de Doui et de Lan Niguipa principalement) semblent avoir vécu en assez bons termes avec les Manon et même avoir été leurs alliés. Cependant au début de son installation, le village de Nyan s'est battu contre eux.

Le fait que Bossou se reconnaissait vassal de Guéasso ne l'empêchait pas de faite la guerre aux Kono du Vépo, du Lola et du Mossorodougou. Il eut également à lutter contre les Kpellé de Samoè et de G'Baya.

KONODOUGOU

Dans le Konodougou, la famille de Zoho Missakoro ayant pris la chefferie de Lainé, étendit son autorité sur toute la région. Le premier chef fut Yoakou auquel succédèrent ses fils, Holomo Paquilé, Koligbalo et Tato.

Sous le règne de Holomo Paquilé, un chef Konianké, Sai Diomandé, vint attaquer Lainé. Il pilla et incendia le village et s'en retourna avec de nombreux captifs. Puis ce fut le tour de Yarakoli, fils de Holomo, et de son frère Koyali sous le commandement duquel les Kpellé du Béro et du Konodougou unis aux Kono du Karagoua, eurent à repousser une attaque des Kpellé de G'Baya qui s'étaient avancés jusqu'à Doulouba dans le Gouan.

Après Kayali, Kogho, fils de Koligbolo prit la chefferie et ce fut sous son règne que se produisit l'arrivée des français.

genealogie du Konodugu
NOTA : Le dixième chef fut un Malinkè Mousma Sako qui
avait usurpé le pouvoir à la faveur de la situation trouble crééepar la révolte
Généalogie de la famille commandant le Konodougou.

TONALE

Sans faire partie des états de Gara-Gara-Oulé, le Tonalé entretenait pourtant de bonnes relations avec Guéasso. Avant que le clan Kolié ou Hono ne quitte la savane, l'ancêtre des chefs du Tonalé, Bitien, était porte-sac de Togba. Il eut des relations avec une femme de son maître et la rendit enceinte. Il s'enfuit avec le sac et la femme qui accoucha d'un fils, Nyama Vegbei, lequel selon la coutume, fut considéré comme le fils de Togba. Aussi, depuis ce temps, la famille des chefs de Galapaye porte-t-elle les cicatrices des Togbablà ou Donzo du Karagoua, mais vu leur origine, ils portent celles des femmes qui sont au nombre de six.

Lorsque le chef de Galapaye est malade, on offre des colas au sac soigneusement conservé.

Pour expliquer le mouvement apparent Est-Ouest du soleil, on dit que lorsque le soleil quitte Togba, il va se reposer dans les mains du Honomou.

Cette alliance s'est concrétisée lorsque le Tonalé étant entré en guerre contre le Gouan, il appela à son secours le chef de Guéasso Gara-Gara-Oulé qui accourut aussitôt.

Avant l'arrivée des Hononwã la chefferie du Tonalé appartenait aux Tohonwã ou Téanwã de Guiéta puis de Soota. C'est au temps de Holo Téamou que Bitien vint s'installer dans le Tonalé. Des frictions se firent sentir entre les deux clans sous Néma Soua, successeur de Nyama Yegbéi, alors que Bangha Nyanha avait succédé à son beau-frère Hoho Téamou. Il fallut une guerre où Néma vainquit Bangha Nyanha à Soota pour que s'affirma la suprématie des Koliénwã sur les Téanwã. Les premiers eurent la chefferie guerrière et politique tandis que les seconds restaient les maîtres de la terre.

Après Néma Soua vint son fils Koly Koliémou et c'est à cette époque que se place l'arrivée des français. Avant la venue des Hono-Koliénwã, les villages « filiales » de Guiéta étaient unis entre eux ainsi qu'au Sonkolé et au Manaleye et à quelques villages du Gouan et du Manon.

Dans la seconde période, c'est-à-dire après que les Koliénwã eurent pris la chefferie, le Tonalé est allié à Guéasso contre le Sonkolé, le Manaleye, l'Ourapeulé, l'Ounah, le Niékolé et les Toma du Yékéma.

SONOKOLE

« Son » est le nom d'un cours d'eau à proximité du village de G'Baya, qui a donné son nom au canton, celui du Sonkolé

Sous Fagnanla, le Sonkolé comprit sept villages : Boma, Loulé, G'Baya, Galaye, G'Bottoye, Komou, Ziléta.

A Fagnanla, succéda son fils Moloubéla, puis le fils de celui-ci, Moloubéla Doma, enfin Togba le fils du précédent. Il étendit son autorité sur le canton de Yanialeye (Samoé, G'Bili, Guéla, Konala, G'By, Ouinzou, Koulé, Duola), qui devint son vassal. Il obtint également le ralliement du territoire du clan Zogbéla, dont le chef, Goi Koya, reconnut son autorité, laquelle s'étendit alors sur les villages de Soota, Konian, Niaragpalé, Ouéya et Béléhouon qui se mirent sous sa protection contre le chef Koly Honomou de Galapaye (Tonalé). C'est à ce moment que le Sonkolé atteint sa plus grande extension et Togba Ilé est considéré comme le plus grand chef de la dynastie.

genealogie du Sonkole
Généalogie de la famille commandant le Sonkolé.

Les ennemis du Sonkolé étaient : les Konianké et les Toma qui plusieurs fois marchèrent sur G'Baya et furent repoussés, difficilement, semble-t-il, avec l'aide du Manaleye — les Kpellé de Téai dirigés par Hipo Ouo et ceux de Souhoulé dans le Gouan, sous la conduite de Kéa Togba.

Enfin une guerre ayant éclaté entre Magnan Holomo et le village de Konala, dont le chef refusait de rendre à Magnan le cheval qu'il lui devait, tout le Sud du Sonkolé fut détruit. Il fallut l'intervention de Togba Ilé qui remboursa le prix du cheval, pour mettre fin à cette guerre.

A l'arrivée des Français, Kéamou, dit Kontoro, succéda à son frère Bilizian, fils aîné de Togba Ilé. Ce chef entretint des relations avec Magnan Holomo de Kobéla et Ouolo Koly de Galaye (Ourapeulé) qui étaient nos principaux adversaires et qui comptaient à eux trois sur le soulèvement général de tout le pays.

OURAPEULE-OUNAH

L'Ourapeulé ne constituait pas une seule chefferie. Alors que dans le Boo, la famille de Miao s'assurait la suprématie dans toute la région entre Oulé et Diani, l'Ourapeulé restait très divisé et les villages ou groupements de villages avaient à combattre leurs puissants voisins de Donhouéta, de N'Zébéla et de Karana et en même temps les villages rivaux.

Dans cette lutte, ils faisaient parfois imprudemment appel aux étrangers Toma, Konianké ou Kpellé, qui ne tardaient pas à ne plus faire de différences entre alliés et ennemis et à piller les uns comme les autres.

On notait trois centres principaux :

BOO

Dans le Boo, dès leur installation dans le Sud (Donhouéta Yoa, etc.), les Kpellé ont à faire face aux attaques d'ennemis Toma et Kpellé venus de l'autre côté de l'Oulé et du Diani. C'est ainsi que Sanahouo doit résister aux attaques des Toma de Doro (dans l'actuel cercle de Macenta) contre Donhouéta et des Kpellé libériens de Hayé qui craignent la fortune grandissante de Donhouéta.

Toutes les guerres se ressemblent et les chemins d'invasion sont classiques : Valanta au Nord-Ouest, Donhouéta au Sud-Ouest et l'Ile de Tinsou, sont les points les plus souvent attaqués. Nous avons peu de renseignements sur les périodes de commandement de Sanahouo à Dombo Tokolon, c'est-à-dire intéressant les chefs Koly Kélé, Zendei Takalan, Yolo et Pogba Yolo Bla.

Le règne de Dombo peut se situer aux environs des années 188o-1890 et nous possédons plus de renseignements grâce à de vieux guerriers de ce temps encore vivants.

Les attaques des Toma se produisaient plus particulièrement contre les régions du Boo-Nord et du Boo-Centre qui étaient souvent tenues de faire appel, aux Kpellé d'autres cantons pour se défendre. Au temps de Dombo, la première attaque des Toma venant de G'Baoulenta, canton de Nyénou du cercle de Macenta, fut dirigée contre Valanta vers 1885, mais elle fut repoussée. Il en fut de même pour une tentative contre Yaragpalé, mais à la troisième fois les Kpellé durent se replier sur Komou, Gottoye et G'Belaya (village aujourd'hui détruit entre Donhouéta et le Diani), d'où ils purent enfin refouler les Toma et les poursuivre de l'autre côté du Diani jusque sur leur territoire.

Enfin, après une courte période de paix, les Toma reviennent à l'assaut du Boo et repoussent les Kpellé au-delà de l'Oulé. Ceux-ci se reforment au Libéria, à G'Bénéfalaye, et refoulent les Toma au-delà de Yoa.

Obligés de se garder à l'Ouest, les gens du Boo devaient également faire face au Sud aux Kpellé du Libéria qui trouvaient des appuis et des complicités jusque dans le Boo : à l'intérieur des villages frontières les clans rivaux n'hésitaient pas à faire appel aux ennemis contre leurs adversaires, quitte après cela à combattre ceux qu'ils avaient appelés. C'est ainsi que des Doualanwã dénonçaient aux Kpellé Libériens les préparatifs de guerre des gens de Tonota et que ce village et ceux des environs, furent rasés plusieurs fois de suite. Pour mieux résister, certains villages importants comme Yoa, s'entourèrent d'une enceinte dont les angles étaient de gros fromagers.

genealogie de la famille du Boo
Généalogie de la famille commandant le Boo.

Souvent la guerre avait pour origine des intérêts tout à fait particuliers : un Kpellé libérien enlève la femme de Koui Olo guerrier de Yéké. Celui-ci se rend au Libéria pour la réclamer et il lui est répondu qu'elle n'y est pas, qu'il faut consulter les gris-gris. En fait de gris-gris, il utilise la force et Dombo, chef du Boo, doit se mêler de cette affaire qui dégénère en une guerre intéressant toute la région. Des guerriers ennemis venant de Hayé (Libéria) menacent Donhouéta ; la rencontre a lieu non loin du Diani, les envahisseurs sont repoussés et leur chef Koliba est ramené à Donhouéta où on l'égorge. Des chefs Kpellé libériens Yagbaolo Pé et Bato envahissent le pays et détruisent tous les villages entre Diani et Oulé, à l'exception de Oulo. Une partie des habitants de Yai alla se réfugier en pays Manon à Dyecké dans le G'Benson. Yagbaolo Pé s'installe à Tinsou d'où il commande le Boo.

Les autres cantons Kpellé profitèrent de l'occasion pour se jeter sur le Boo. Seuls le Moné et le Sonkolé ne prirent pas part à la curée. Une partie des habitants du Boo sous la conduite du grand guerrier Bakoli Yilé, se réfugia à Goueeké (Moné), les autres avec Dombo à Kassata (Libéria).

Vers 1906, les Kpellé du Boo commencent la reconquête de leur pays sous la direction effective de G'Bili, fils de Dombo, lequel meurt à Tinsou sur le chemin du retour.

Les relations de Dombo avec le fameux chef Konianké Kaman Kekoura de Kuonkan semblent avoir été bonnes. Celui-ci descendant vers le Sud, entend parler du chef du Boo et lui demande alliance : Dombo lui envoie alors son frère à Zoro ou Zorzor, et pour sceller l'alliance, une jeune femme de sa famille. Plus tard, lorsque Kaman Kékoura fut remonté à Kuonkan, G'Bli alla l'y saluer au nom de son père.

Les relations du Boo-Nord avec Kaman Kékoura semblent avoir été moins cordiales. On sait que la fondation de Oulo fut le fait du clan Boo mais lorsque les guerriers de Kaman Kékoura menacèrent le village, le chef Ouassilé dut faire venir un guerrier du nom de Goulazoho G'Bolonghan du village de Soulouta dans le Gouan. Ce dernier vint, accompagné de ses frères et compagnons. Pendant les guerres que Oulo eut à soutenir contre Kaman et contre N'Zebela Togba, le chef Toma, la chefferie revint tout naturellement aux guerriers de Soulouta. A Goula-Zoho succéda son frère G'Boassilé lequel eut pour héritier son fils Moaté Yegben.

MANANSELE

La famille des chefs du Manansèlé est celle de Zomia, l'aîné des petits-fils de Mahou ; installée à Karana, elle n'en bougea jamais.

A Zomia, succéda son fils Péléguelé, mais à la mort de celui-ci, son fils Damey étant encore à l'Initiation, la « régence » fut exercée par un notable, Togodoro, qui appartenait également au clan Ma. Lorsque Damey fut devenu un homme mûr, on lui remit le commandement. Son fils Dan Zomia lui succéda, mais il mourut foudroyé et fut remplacé par son fils Goïgho qui a la réputation d'avoir été grand féticheur de la forêt sacrée. A sa mort le notable Oualada de Yei devint chef et c'est sous lui que se produisit l'arrivée des Français.

genealogie de la famille du Manaleye
Généalogie de la famille commandant le Manaléyé.

Les guerres les plus importantes eurent lieu contre les Kono de Lola et de Sinzou (Karagoua), les Kpellé de Gouecké et surtout contre les Toma de N'Zebela Togba et les guerriers de Ouolo Koly, chef de Galaye (Ourapeulé) soutenu par ses alliés de Bignamou et Haoulo dans le Niékolé.

Dans ces guerres, les alliés de Karana étaient tous les villages du Manansèlé actuels il faut ajouter Yilapa et Bangouepa. Parfois les Kpellé faisaient alliance avec les Manon, spécialement contre les tentatives du chef Toma N'Zebela Togba, qui fut défait à G'Baya, grâce à la coalition des chefs du Sonkolé et du Manansèlé. Le danger passé, le vieil antagonisme Manon-Kpellé reprenait le dessus, et il est curieux de constater que les meilleurs guerriers qui défendirent les villages Manon contre les tentatives d'incursion Kpellé appartenaient à des clans précisément d'origine Kpellé.

G'BENSON

Par contre, les Manon du G'Benson eurent à lutter contre tous leurs voisins sauf le Manansèlé, sans aucune aide extérieure et furent battus la plupart du temps. Pris comme dans un étau entre les Kpellé du Niékolé, du Ounah, du Boo, de l'Ourapeulé, d'une part, les Manon du Libéria d'autre part, le G'Benson était voué à la disparition en tant que groupement politique sans l'arrivée des français.

Les premières décades de l'installation des Manon dans le G'Benson sont pleines de lutte sans intérêt : Gna Soua, fils de Mingoura, conduit la lutte contre les Kpellé du Niékolé, qui sont vainqueurs le plus souvent ; les Manon passent alors le Mani pour se réfugier au Libéria où ils ne sont pas toujours bien reçus.

Le petit-fils de Gna Soua, Kérinképé, est lui aussi un grand guerrier. C'est lui qui fut le premier à introduire le cheval au G'Benson : le sien venait de Soo dans l'Ourapeulé.

C'est ainsi qu'on arrive à des temps mieux connus. Les nouvelles venues du Nord annonçaient la guerre en pays Malinké et les Manon suivaient de loin les péripéties des luttes de Samory. L'un des adversaires de celui-ci, Moriba, vaincu, prit la fuite vers le Sud et s'installa entre Diakolidougou et Boola, puis se dirigea vers Ouinzou. Bien entendu, il se heurta aux Kpellé et ceux-ci se coalisèrent pour résister à l'invasion malinké ; vaincus, ils appelèrent à l'aide le fameux chef Toma, N'Zebela Togba. Mais Moriba se porta à sa rencontre en traversant le Tonalé et le Toffaleye. La bataille eut lieu dans le Zohota : N'Zebela Togba avait fait appel au chef de Galaye déjà nommé, Ouolo Koly, leurs forces unies battirent Moriba qui dut reculer vers le Nord.

Les alliés décidèrent alors de se tourner vers le Sud pour de nouvelles conquètes. Ils marchèrent sur G'Bignamou contre le chef du Niékolé, Yaoulo ; celui-ci fut rapidement vaincu et se soumit à condition que ses vainqueurs l'aidassent à conquérir un autre territoire. C'est ainsi que les trois compères N'Zebela Togba, Bian Ouolo Koly et Yaoulo commencèrent la conquête du G'Benson. Les Kpellé trouvant Dyecké trop fort pour eux, marchèrent sur Soopa tandis que N'Zebela Togba devait prendre Dyecké. Après une heure de combat les habitants de Dyecké furent réduits à l'impuissance. La « capitale » étant prise, les Kpellé jugèrent inutile de poursuivre leur marche sur Soopa et rejoignirent Dyecké pour partager le butin. Les alliés poursuivant les fugitifs brûlèrent G'Bei sur l'autre rive du Mani, mais les Manon du Libéria se coalisèrent et battirent Kpellé et Toma : beaucoup de vaincus se noyèrent en traversant le Mani à la nage. Cependant, N'Zebela Togba restait fort et les Manon demandèrent la paix : elle fut conclue à Haoulo. Les gens du G'Benson pouvaient réoccuper leurs villages. Du coup, les Manon ayant demandé le concours de leurs ennemis de la veille, les Kpellé du Niékolé, se retournèrent contre leurs anciens alliés et attaquèrent le village libérien de G'Bei : ils reçurent d'ailleurs une sévère leçon dont notre vieil ami Nioké, Zohomou de Dyecké, conservait un souvenir ému qui le faisait frémir à quarante cinq ans de distance. Assagis, ils retournèrent à leurs cultures.

Notes
110. Voir deuxième partie, chap. VII, p. 316.
111. B. Holas. Les masques Kono. Op. cit., pp. 15-17-18
112. B. Holas. Ibidem, p. 22.
113. M.H. Lelong. Nzérékoré, l'Evangile en forêt guinéenne. Op. cit., pp. 24-25.
114. B. Holas. Les masques Kono. Op. cit., p. 19.
115. Voir deuxième partie, chap. VI, p. 187.
116. Voir deuxième partie, chap. VIII, p. 237.
117. B. Holas. Les masques Kono. Op. cit., p. 22.
117b. Polon : stage d'initiation en « forêt dite sacrée ».
118. Voir deuxième partie, chap. VII, p. 210.
119. B. Holas. Les masques Kono. Op. cit., p. 19.
120. Voir Deuxième Partie, chap. VII, p. 210.
121. B. Holas. Les masques Kono. Op. cit., p. 23.
122. B. Holas. Ibidem, p. 23.
123. B. Holas. lbidem, pp. 23-24.


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