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Presse écrite


A propos de l'interview de Facinet Fofana

La Lance. N° 155 — 8 décembre 1999


Je voudrais tout simplement faire un commentaire sur l'interview que le ministre des Mines M. Facinet Fofana vous a accordée. Après avoir lu entièrement cette interview en réponse au Rapport Hervé-Vincent, je n'ai pas été d'accord avec le ministre dans cette affaire. D'entrée de jeu, il confirme lui-même avoir été contacté par Ly et Dicko qui sont venus lui dire comment ils ont fait le montage, et lui, en tant que ministre, leur aurait dit “vous êtes jeunes cadres, ne brisez pas vos carrières pour rien”. Là, il y a quelque chose qui cloche. D'abord, pourquoi Ly et Dicko ont eu le courage de venir lui parler du montage aussi scandaleux que dangereux pour le pays tout entier qu'ils ont fait? C'est qu'ils se sentaient fort de quelque chose bien avant qu'ils aient décidé de venir le voir et l'informer du montage. D'autre côté, le ministre essaie de rendre cette affaire hautement sensible de façon à effrayer ceux qui suivent le dossier. Il le fait quand il affirme que le rapport sur ce dossier n'était destiné qu'au président de la République, et au président seulement, comme si les autres Guinéens n'avaient pas le droit d'en être informés. Il se dit être déçu par le fait que le président a été trahi du fait de rendre ce rapport public. C'est dommage. Il oublie que la Guinée appartient a tous les Guinéens, pas seulement au président de la République. S'il est convaincu de sa totale innocence dans cette affaire comme il le prétend, il n'a aucun souci à se faire quant à la question de rendre cette affaire publique. S'il estime vraiment que rendre cette affaire publique est une trahison à l'endroit du président, qu'il nous en donne, de façon explicite, toute l'explication; qu'il ne se limite pas à dire simplement que le rapport devait demeurer secret au public. Le ministre, par ailleurs, parle des comptes que Ly aurait eus à l'extérieur, et comment ces comptes sont alimentés. Il est, lui, accusé d'avoir des comptes et des avoirs à l'extérieur, là il n'en fait pas mention. Du moins, il se contente de dire tout simplement “les gens m'accusent d'avoir des maisons et des biens ici et à l'extérieur comme si je si n'en avais pas le droit”. Mieux, le ministre doit savoir que sa version n'est qu'une version de l'histoire. Pour être tout à fait crédible, elle doit être confrontée à la version des autres accusés qui sont aujourd'hui détenus. Pour le moment, il peut tout dire profitant du fait qu'il a accès aux médias.
Parlant des attaques du président de la commission, le ministre affirme que M. Siradiou a peur d'eux. Il a peur d'eux parce que, lui, il est capable de faire venir les grands hommes d'affaire, et que Kassory est capable de débloquer des fonds immenses pour le pays. Il va plus loin en disant que Siradiou se rend compte que Conté a des hommes. M. Facinet, et comme tant d'autres ministres d'ailleurs, doit apprendre à respecter les Guinéens. Il n'est pas rare, en Guinée, de voir un ministre saisir les médias pour donner sa version de l'histoire sur un problème posé sans pour autant donner la même occasion à l'autre partie de porter sa version de l'histoire à l'opinion publique. Ça, c'est pas juste et c'est pas sérieux. Aussi, quand ils doivent s'adresser aux Guinéens, qu'ils sachent quoi dire et comment le dire.

« Mais je pense que Siradiou veut régler des comptes politiques. Il a peur de nous. Il pensait que Conté n'avait personne. Coup sur coup, il découvre que Kassory arrive à s'entendre avec le Fonds Monétaire pour boucler le programme sur trois ans. Il découvre que Facinet amène tous les grands de l'industrie mondiale ici. On pensait que le Président Conté n'avait personne. On découvre qu'il a des chevaux. Il faut les arrêter avant qu'il ne soit trop tard. C'est ça son problème. Alors, il ne faut pas qu'il nous égare. »

M. Siradiou a accusé en se basant sur des éléments concrets qui sont aujourd'hui connus de tout le monde, que le ministre à son tour nous dise avec preuves à l'appui que ces accusations sont fausses.
Ici, nous ne voyons pas la politique, nous ne voyons que les faits. C'est que environ 6 milliard de francs guinéens ont disparu, le problème est qu'il faut situer les responsabilités et retrouver les vrais coupables. Il ne faut pas que le ministre pense qu'il peut nous faire avaler de n'importe quoi en disant que Siradiou a peur ou est jaloux d'eux.
A mon avis, les arguments que le ministre avance ne sont pas à la mesure du poids des accusations. S'il avait le souci réel de prouver son innocence et prouver aux Guinéens qu'il est le cadre qu'il faut à la Guinée comme il le prétend, il devrait considérer une démission au poste du ministre pour répondre aux questions de la justice.
C'est la seule façon valable dans cette affaire. Autrement, quoi qu'il fasse, quoi qu'il dise, n'aura de poids devant le Guinéen averti.

Mahomet Condé
Dallas, Texas
email: condemd10@hotmail.com


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