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André Lewin
Ahmed Sékou Touré (1922-1984).
Président de la Guinée de 1958 à 1984.

Paris. L'Harmattan. 2010. Volume I. 236 pages


Chapitre 39 — 5 novembre 1959
Sékou Touré s'adresse une première fois à l'Assemblée générale de l'ONU


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L'histoire des relations entre les Nations Unies et la Guinée, une fois celle-ci admise à l'organisation en décembre 1958, s'articule autour de quelques temps forts.
Sékou Touré s'adresse quatre fois à l'Assemblée générale, en 1959, en 1960 (il y prend même deux fois la parole au cours de la même session), en 1962, puis, après une longue période correspondant aux années de repli où Sékou ne voyage plus à l'étranger, en 1982 234. Il a eu de nombreux entretiens avec plusieurs secrétaires generaux successifs, Dag Hammarskjöld (essentiellement à propos des événements du Congo ex-belge), U Thant, Kurt Waldheim et Javier Perez de Cuellar, qu'il a par ailleurs pu rencontrer lors des sommets des non-alignés ou de l'OUA auxquels il a participé et auxquels les secrétaires généraux de l'ONU étaient en règle générale conviés ; et à l'exception de Perez de Cuellar, les trois autres ont effectué des visites à Conakry.
En 1960, Sékou Touré implique fortement son pays dans l'opération des Nations-Unies au Congo.
En 1966, c'est l'arrestation à Accra de la délégation du ministre guinéen des affaires étrangères. En 1967, la même mésaventure se reproduit à Abidjan. En 1970, c'est la tentative de débarquement des forces portugaises et d'exilés guinéens sur les plages de Conakry. En 1974-75, c'est la négociation menée par l'auteur sous l'égide de l'ONU pour la normalisation des relations diplomatiques entre Conakry d'une part, Bonn et Paris d'autre part, ainsi que pour la libération de nombreux détenus politiques étrangers. Tous ces moments auxquels l'ONU a été mêlée sont traités dans des chapitres spécifiques de cet ouvrage.
Le 29 décembre 1958, deux semaines après l'admission de la Guinée à l'ONU, Sékou Touré envoie à Dag Hammarskjôld 235 des “voeux déférents et très sincères … pour vous personnellement, pour tous les fonctionnaires qui servent à vos côtés sous votre direction éclairée, pour le plein succès de votre haute mission qui conditionne de façon si décisive, à la fois le sort de l'Organisation Internationale, mais aussi et surtout, la paix et le bonheur de tous les peuples de la terre.” et il termine en lui exprimant “notre fidèle gratitude pour tous ce que vous venez de faire en faveur de notre jeune État à l'occasion de son admission à l'ONU”.
Il est vrai que les services des Nations Unies n'ont pas attendu longtemps pour proposer une assistance à la Guinée, qui est pratiquement le premier pays membre devenu indépendant sans que ses relations avec l'ancienne métropole soient harmonieuses et laissent présager une aide substantielle, ce que Dag Hammarskjôld a rapidement compris de ses entretiens avec la délégation française 236.
Diallo Telli, de son côté s'active également, bien qu'il ne prenne officiellement ses fonctions que le 16 avril 1959, lorsqu'il présente ses lettres d'accréditation au secrétaire général (comme nous le décrivons dans le chapitre sur les relations avec les ÉtatsUnis, Ismaël Touré a beaucoup manoeuvré à Conakry pour empêcher la nomination de Telli à New York comme à Washington ; il est finalement parvenu à la retarder de trois mois). Ainsi, dès qu'il apprend que qu'une session extraordinaire de l'Assemblée générale pourrait être tenue en mars 1959 sur le Cameroun, il en informe Sékou Touré et lui propose d'y assister. En même temps, Telli multiplie les démarches à Washington, où il n'est pas encore officiellement accrédité (il ne le sera là aussi qu'en avril) afin d'obtenir pour Sékou Touré des entretiens avec des responsables américains, en particulier avec le président Eisenhower. Il obtient un rendez-vous avec ce dernier pour le 6 mars, mais ne peut assurer à Sékou Touré qu'il sera reçu comme un véritable chef d'État. Finalement, Sékou décide que sa première visite aux États-Unis et sa première apparition à l'ONU devraient coïncider, et que ce serait en octobre. Au grand soulagement de Paris, qui augurait mal d'une intervention de Sékou à l'ONU sur le dossier du Cameroun.
Fin janvier-début février 1959, Benson, un fonctionnaire de l'assistance technique, se rend en Guinée et a plusieurs entretiens avec Sékou Touré, concernant l'assistance technique que l'ONU peut apporter au jeune État. Le chargé d'affaires français Francis Huré rappelle à Sékou Touré qu'en vertu des protocoles du 7 janvier 1959, la Guinée ne peut faire appel à des coopérations tierces que si la France n'a pas été en mesure de satisfaire les demandes guinéennes.
Le 30 avril 1959, c'est le responsable de la sélection des futures missions d'experts onusiens en Guinée, Rosenborg, qui arrive à Conakry. Il a été spécialement choisi par le Français Philippe de Seynes, un inspecteur des finances, ancien collaborateur de Pierre Mendès-France, qui fera une longue carrière à l'ONU comme secrétaire général adjoint à la tête du département des affaires économiques et sociales, dont dépend également l'assistance technique. Mais les choses n'avancent pas très vite, et les experts des pays de l'Est arrivent sur place bons premiers.
Le 29 juin, Sékou Touré écrit à Dag Hammarskjold pour l'inviter à venir en visite officielle à Conakry ; mais la lettre ne lui est remise que vers la fin juillet par Diallo Telli. Le 27 juillet (c'est-à-dire juste avant de partir pour Paris où il compte s'entretenir de la Guinée), le secrétaire général confirme par écrit à Sékou ce qu'il a déjà dit à Telli, c'est-à-dire qu'il accepte avec “avec gratitude” et que ce sera “une (sic) honneur et un plaisir de vous rencontrer”. Il propose même une date, celle du 24 décembre 1959, ce qui ferait selon lui de la Guinée la première étape d'un périple africain de six semaines ; en fait, le secrétaire général fera avant Conakry escale à Dakar et à Monrovia, mais il ne passe qu'une après-midi et une nuit à Dakar, — alors capitale de la Fédération du Mali, et celle-ci n'est pas encore membre de l'ONU — et une brève matinée à Monrovia ; c'est à Conakry qu'il passera le plus de temps — la veillée et la journée de Noël — avant de se rendre à Accra, puis à Lomé — au Togo encore sous tutelle —, à Lagos, à Yaoundé — au Cameroun lui aussi encore sous tutelle —, puis à Léopoldville — au Congo encore belge —, enfin en Afrique du Sud. Le 31 juillet 1959, Dag Hammarskjold passe par Paris et il est reçu longuement par le général de Gaulle. Le secrétaire général tient à aborder le problème de la Guinée, mais le président réagit avec brusquerie à son souhait de discuter ce pays, qui selon, n'a “rien de remarquable”. Il dit à Hammarskjold que la Guinée avait choisi sa propre voie et devait résoudre ses propres problèmes. Il pourrait donner à ce pays une certaine assistance, mais “rien qui me coûte cher”. Il était personnellement convaincu du “déclin inévitable de la Guinée”. Lorsque Hammarskjold lui fit observer que c'était l'intérêt de la France et du monde en général que d'éviter un tel déclin et d'empêcher la création dans la région d'un vide politique, et que la France, en coopération avec l'ONU, devrait essayer d'y contribuer, de Gaulle répliqua qu'il était “complètement non intéressé”. 237
En juillet-août 1959, Adrianus (Adrien) Pelt effectue une mission en Guinée pour y étudier les modalités d'une assistance technique. Adrianus Pelt est un haut fonctionnaire de l'ONU, habitué des missions difficiles ; ce Hollandais a notamment été haut-commissaire des Nations unies pour la Libye de 1949 à 1952, dans la période qui a précédé l'indépendance de ce pays.
Le 13 août 1959, lors d'une conférence de presse, Dag Hammarskjöld, répondant à New York à la question d'un journaliste américain sur le voyage de Pelt, déclare que “cette mission, unique en son genre”, avait pour but d'étudier le meilleur usage possible des ressources, malgré tout limitées, de l'assistance technique des Nations-unies 238, ce qui a une “portée particulière, en raison des difficultés considérables auxquelles doit faire face la Guinée et qui donnent une valeur inaccoutumée aux moyens mis à la disposition de ce pays.”
Pelt retournera en Guinée au début de septembre pour y prendre officiellement ses fonctions. Mourer, un Français mis à la disposition de la Guinée pour plusieurs semaines en 1959 pour organiser l'administration du pays avec l'aide d'experts de l'assistance technique des Nations Unies, propose la création d'une école nationale d'administration et l'envoi de plusieurs experts, parmi lesquels trois Français. Philippe de Seynes estime qu'il faut agir vite si l'on ne veut pas que la Guinée tombe sous l'emprise communiste et pense qu'il faudrait des experts français en assez grand nombre pour contrer l'influence des pays de l'Est 239.
Le 28 septembre 1959, conformément aux recommandations du Comité des contributions, la 5ème Commission fixe à 0,04 % (soit à la quote-part minimale), la contribution de la Guinée au budget de l'ONU. M. Sylla, le délégué guinéen, avait même demandé une exemption totale de contribution, “parce que la domination coloniale a laissé la Guinée dans la situation économique la plus désastreuse” et que “le seul héritage que (le gouvernement français) a laissé à la nouvelle république est une économie sous-développée et un niveau de vie très bas.”
La veille de son départ pour New York 240, où il se rend accompagné par sa femme Andrée Touré, par le président de l'Assemblée nationale Saïfoulaye Diallo et son épouse, ainsi que par Keita Fodéba et Louis Lansana Béavogui, respectivement ministres de l'intérieur et de la sécurité et des affaires économiques et du plan, Sékou Touré fait célébrer en Guinée, la Journée des Nations-unies, traditionnellement fixée au 24 octobre (c'est le jour où la Charte de San Francisco est entrée en vigueur en 1945). Adrien Pelt, le représentant des Nations unies en Guinée, en est tout surpris, car Sékou Touré ne l'a encore jamais reçu bien qu'il soit arrivé depuis un mois.
Apprenant la prochaine arrivée de Sékou Touré à New York, l'ancien ministre socialiste Jules Moch, qui fait partie cette année-là de la délégation française auprès de l'Assemblée générale des Nations Unies, suggère qu'il pourrait rencontrer le leader guinéen, qu'il a côtoyé sur les bancs de l'Assemblée nationale française. Le 26 octobre, le Quai d'Orsay répond négativement : “Je crois qu'il est préférable que M. Jules Moch s'abstienne de prendre contact avec M Sékou Touré. De sérieux différends nous opposent en effet, pour le moment, au gouvernement guinéen. Celui-ci a, en particulier, procédé à l'occupation de l'immeuble où venait de s'installer notre chancellerie. De plus, avec l'encouragement des autorités guinéennes, s'est constitué à Conakry un Comité pour la libération de la Côte-d'Ivoire, qui prône l'insubordination contre M Houphouët-Boigny 241. Dans ces conditions, j'ai demandé à nos ambassadeurs à Washington et à Londres de se tenir à l'écart des manifestations prévues en l'honneur de M. Sékou Touré lors de ses visites aux États-Unis et en Angleterre. J'ajoute enfin qu'il y a tout lieu de craindre que le chef de l'État guinéen ne tire parti de manière tendancieuse et fâcheuse des approches qui pourraient être faites auprès de lui.” 242
Le secrétaire général Dag Hammarskjôld offre un déjeuner en l'honneur de Sékou Touré au restaurant de l'ONU. C'est le ministre Louis Jacquinot qui y représente la France ; Sékou Touré échange avec lui “des paroles empreintes de la plus grande amabilité.” 243.
Le jeudi 5 novembre 1959, en début d'après-midi et pendant près d'une heure et demi (de 15 h. à 16 h. 25), Sékou Touré s'adresse pour la première fois à l'Assemblée générale des Nations Unies 244.
Selon l'ambassadeur Armand Bérard, représentant permanent de la France, le secrétaire général comme le président (péruvien) de l'Assemblée générale, Victor André Belaunde, auraient prévenu Sékou Touré que les discours prononcés en de telles occasions solennelles ne devaient contenir aucune attaque directe contre un pays membre.
Armand Bérard s'est procuré le texte (auprès de l'Agence France-Presse) peu avant qu'il ne soit prononcé; déjà assis au banc de la France, il l'a rapidement parcouru avec Houphouët-Boigny, estimant que “certains passages concernant la Communauté, le choix fait par la Guinée de l'indépendance, les questions de l'Algérie ou du Cameroun (…) atteignaient les limites de l'acceptable (mais) ne justifiaient pas que (la) délégation quittât la salle. Nous nous sommes naturellement abstenus (…) d'applaudir l'orateur après sa péroraison.” 245
Selon l'ambassade, Sékou Touré a prononcé “un véritable réquisitoire anticolonialiste … La tribune des Nations Unies et la disposition de la salle n'ont pas permis au président guinéen de faire montre de toutes ses qualités de tribun, mais son discours, prononcé dans un français assez remarquable, était empreint d'une violence rentrée”, rapporte à Paris Armand Bérard 246.
C'est Félix Houphouët-Boigny, toujours ministre d'État du gouvernement français, que Paris a désigné (intentionnellement, sinon malicieusement) pour présider, en l'absence — voulue — du ministre Couve de Murville, la délégation française. Que peut bien penser le leader du RDA, accompagné d'ailleurs de Philibert Tsiranana, chef du gouvernement malgache, en entendant son jeune et bouillant disciple parler aux Nations Unies en tant que président d'un État africain indépendant ? 247
Une semaine plus tard, le 11 novembre, en plénière, Ismaël Touré prononce une violente diatribe contre le colonialisme, et s'en prend particulièrement à la France, “qui a laissé en Guinée, après soixante ans de présence, 93% d'analphabètes.” Il s'est également élevé contre les expériences nucléaires sur “territoire étranger“, contesté que les États-membres de la Communauté aient donné leur accord à ces essais, et affirmé que l'explosion française était “une entreprise de reconquête coloniale.”
Dag Hammarskjöld arrive donc en Guinée le 24 décembre. Sékou Touré offre un dîner, suivi d'une grande réception. Le 25, jour de Noël, après un rapide tour de la capitale (où la population informée et convoquée réserve au visiteur un chaleureux accueil), ils ont une séance de travail de deux heures, à laquelle assistent également le président de l'Assemblée nationale, tous les membres du gouvernement, et quelques ambassadeurs guinéens de passage. Sékou Touré en profite pour brosser un tableau des difficultés politiques, économiques et administratives du pays, ainsi que des mesures déjà prises ou à prendre pour y remédier. Dag Hammarskjöld répond par un exposé des moyens que l'ONU peut mettre en oeuvre pour aider les nouveaux États, notamment en Afrique, puis il loue les principes qui guident l'action entreprise en Guinée et salue la contribution africaine à l'organisation des Nations-Unies 248.
Ensuite, accompagné de Keita Fodéba, le secrétaire général se rend à Kindia pour y visiter les centres de recherche agronomique et l'institut Pasteur 249. Il repart le 26 pour Accra, après avoir adressé une lettre de remerciements à Sékou, à qui il envoie en même temps, en guise de “modeste témoignage de gratitude”, une pièce d'argenterie suédoise contemporaine.
Mais les experts onusiens ont du mal à accomplir leur mission et éprouvent le sentiment qu'ils servent d'alibi aux activités des spécialistes venus des pays de l'Est. Un Français, Bellec, placé auprès du gouvernement comme expert pour les questions économiques et monétaires, a été complètement tenu à l'écart de la réforme monétaire du 1er mars 1960. Le Belge Courtois, administrateur de la mission, demande à être relevé de ses fonctions, car il se juge inutile. MM. Boisseau (français), expert en météorologie et Fournier (canadien), expert en aviation civile, ne seront pas renouvelés au delà de 1961.
Contre l'avis des experts de l'OIT (dont elle est devenue membre 250), la Guinée met au point un code du travail tellement rigoureux que les entreprises n'y survivraient pas. C'est l'UGTAN qui joue en l'occurrence le rôle moteur dans le sens d'une radicalisation. Le 2 février 1960, la Guinée devient le 82ème membre de l'UNESCO, et adhère en quelques mois à la plupart des institutions de la famille des Nations Unies : OAA-F AO, OMS, OACI, UPU, UIT, OMM, etc. En revanche, comme nous le verrons par ailleurs, l'adhésion aux institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international) posera davantage de problèmes 251.
C'est dans le courant de l'année 1960 que Diallo Telli, et davantage encore Ismaël Touré, pensent que la Guinée devrait avoir à New York une résidence et des bureaux dignes d'elle, afin d'éviter en particulier que le président et les délégations officielles soient obligés de loger dans des hôtels. Ils achètent un immeuble de cinq étages en ville, mais pour la résidence, ils jettent leur dévolu sur une très vaste et belle propriété située à Riverdale, au nord de New York ; cette demeure appartenait depuis une vingtaine d'années à la famille Schwarnm, mais le couple Schwarnm étant décédé dans un accident d'avion, la propriété fut mise en vente ; la mission du Royaume-Uni auprès des Nations Unies s'y intéressa un temps, mais estima finalement que la résidence était trop luxueuse et trop coûteuse pour la Couronne britannique. C'est alors que la Guinée se mit sur les rangs ; la propriété fut d'abord louée, puis achetée, et reste aujourd'hui propriété guinéenne. Le président Sékou Touré y résidera lors de ses visites à New York, ainsi que les ministres et délégations venus de Guinée, de même, bien entendu, que l'ambassadeur Diallo Telli et tous ses successeurs. Les ensembles musicaux et les Ballets guinéens y séjournaient également lors de leurs tournées américaines 252.
Les relations entre la Guinée et l'ONU — et donc entre Sékou Touré et Hamrnarskjöld — sont à partir de juillet 1960 et pour au moins trois ans dominées par l'affaire congolaise (on en trouvera les péripéties dans le chapitre 45 qui lui est consacré).
La visite que Sékou Touré fait en 1960 à New York à l'occasion de la XVème session largement consacrée à la décolonisation lui donne l'occasion de s'exprimer pour la deuxième fois devant l'Assemblée, le 10 octobre 1960 dans la matinée. Il sera le seul orateur ce matin là, car son discours dure 3 heures. S'il est essentiellement consacré à la crise congolaise (sur 125 paragraphes, plus de 50 en traitent directement) où il soutient totalement la position de Lumumba, Sékou Touré en profite pour saluer les progrès de la décolonisation 253, mais aussi pour stigmatiser d'avance ceux qui resteraient soumis aux pièges des impérialistes et des exploiteurs colonialistes. Il réclame une représentation plus équitable des jeunes nations dans les organes onusiens, propose que les puissances coloniales, anciennes et présentes, ne puissent être membres de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique installée à Addis Abeba 254, et demande que les puissances coloniales et les pays qui ont la responsabilité d'une tutelle se voient fixer une date-limite pour l'indépendance des territoires non-autonomes qu'ils gèrent encore.
S'il n'appuie pas la proposition de troïka que vient de faire Krouchtchev, qui, mécontent de l'action d'Hamrnarskjöld au Congo, voudrait remplacer le secrétaire général par une structure tripartite dont les deux blocs et les afro-asiatiques seraient les éléments constitutifs, il suggère que le secrétaire général soit assisté de trois adjoints “représentant les trois grands courants politiques du monde”, chacun étant en plus responsable de la zone géographique qui l'a proposé.
Il fait évidemment allusion à la guerre d'Algérie, dont il dit, dans une phrase qu'il n'explicite pas davantage, que “la France n'est pas seule responsable des massacres d'Algérie”, et où il souhaite que soient organisés par l'ONU un référendum et des élections libres. Il demande que revienne à la République populaire de Chine le siège occupé depuis 1945 par la Chine nationaliste, et que soient reconnus les droits légitimes du “peuple arabe de Palestine” 255.
Enfin, il brosse un tableau de la situation en Guinée, mentionnant au passage le “vaste complot dont le but évident était la recolonisation pure et simple de la République de Guinée”, mettant en cause “certaines ambassades installées à Conakry” ainsi que la “responsabilité de certains officiers de l'armée française stationnée à Dakar”, mais affirmant également que ces provocations se passaient “à l'insu des gouvernements de la Côte-d'Ivoire et du Sénégal.” (il ne dira pas toujours la même chose).
La vivacité des débats sur la décolonisation et sur la situation au Congo perturbe le bon déroulement de cette session, qui est notamment celle où l'on a pu voir Krouchtchev taper de sa chaussure sur son pupitre 256, sans que le président de l'Assemblée, cette année-là l'Irlandais Frederick Boland, puisse obtenir le calme, casse son marteau en tapant sur son pupitre et finit par lever provisoirement la séance. Sékou Touré n'était pas présent à l'Assemblée au moment de cet esclandre, qui a également vu Krouchtchev traiter Eisenhower de “menteur”, Hamrnarskjöld de “fou”, l'ONU de “filiale du Département d'État”, le Conseil de sécurité d'“étable dont la puanteur n'est pas respirable par un honnête homme”, le comité du désarmement de “crachoir” … Mais il a vu la retransmission de la séance sur la télévision de sa chambre d'hôtel.
Désireux d'intervenir de nouveau notamment sur le thème de la décolonisation, Sékou retarde légèrement une visite à Cuba, où l'a invité Fidel Castro, et s'adresse une deuxième fois à l'assemblée le 13 octobre en premier orateur de la matinée, obtenant pour cela l'accord du délégué des États-Unis, M. Wilcox, qui s'était inscrit en première position. Il estime devoir le faire, car il est le seul des chefs d'État d'Afrique ou d'Asie encore présent à New York et souhaite que le débat ne soit pas pollué par des incidents regrettables et hors de propos. Il centre donc son intervention improvisée, longue d'une bonne demi-heure et assez remarquable par le ton et le contenu, sur l'idée universelle de liberté et fait —avant la lettre— l'éloge de la diversité culturelle. Il critique, sans le mettre en cause directement, Krouchtchev pour son attitude de la veille et ses prises de position agressives, ainsi que le délégué philippin qui l'avait provoqué ; en fait, Sékou Touré fait habilement appel au “groupe auquel appartient la Roumanie pour qu'il n y ait, autour du débat et au cours des débats, aucune propagande qui fasse perdre de vue la signification que doit nécessairement revêtir pour les peuples la conclusion des débats, à savoir l'unanimité, l'adhésion profonde et honnête de toutes les nations à un idéal qui a toujours été proclamé comme étant celui des Nations Unies : la liberté, le droit de chaque peuple à disposer de lui-même. De même, nous ferons appel à ceux qui se sont sentis visés, afin qu'ils comprennent qu'aucune réponse ne peut être comprise par la conscience universelle, sauf celle qui affirmera ici d'une manière solennelle la volonté unanime des Nations-Unies d'adopter cet amendement 257 … en démontrant que la salle de l'ONU est proche d'une statue, la statue de la Liberté. Je persiste à dire que pour nous, ce n'est pas la liberté américaine que la statue magnifie, mais la liberté de tous les peuples, de tous les hommes ... Je fais appel à ceux qui sont libres depuis des siècles et je leur demande de nous apporter leur soutien actif, leur soutien engagé, afin que cet amendement soit adopté à l'unanimité et que les peuples d'Afrique, comme toute l'opinion internationale, se ressaisissent en comprenant la valeur historique des Nations Unies.”
Le délégué amencain, qui prend alors la parole, tient “à féliciter le président de la République de Guinée pour son discours dont l'idée centrale, à savoir que tous les hommes doivent être libres partout, est chaleureusement partagée par la délégation des États-Unis”, qui espère “qu'il ny aura pas d'objection à ce que cette question soit examinée en séance plénière.”
William David Ormsby-Gore, ministre d'État dans le gouvernement britannique (et sur le point d'être nommé ambassadeur à Washington auprès de Kennedy) commence ensuite son allocution en se référant “à la déclaration vraiment remarquable du président de la République de Guinée”, ajoute qu'il “ferait de son mieux pour suivre la voie constructive qu'il nous a montrée à tous.” Il poursuit, en se ralliant à l'idée de la discussion en plénière que le Royaume-Uni avait jusque-là combattue : “J'ai écouté avec respect le président de la République de Guinée et je peux dire que j'approuve de nombreux points de son importante déclaration. Je suis sûr que nous ferions bien de réfléchir à ce qu'il a dit ...” Le délégué du Népal, qui aurait préféré discuter de ces problèmes d'abord en 4ème commission, se rallie lui aussi, “par déférence envers les désirs des nouveaux États membres d'Afrique” à une discussion en plénière.
Et Krouchtchev lui-même, sans d'ailleurs se référer explicitement à l'intervention de Sékou Touré 258, se félicite de ce que “la déclaration relative à la liquidation du régime colonial” (ce n'est pas le véritable intitulé de cette déclaration) soit finalement discutée en plénière :

“Il n y a pas de cas désespéré. Même pour des colonialistes tels que les Espagnols et les Anglais, la situation n'est pas irrémédiable. Avec un bon lavage de cerveau, ils commencent à avoir une vue juste de la question examinée ... Nous sommes très heureux de voir que notre proposition reçoit l'appui des États-Unis et que même le Royaume-Uni, pays colonialiste par excellence, votera à nos côtés. J'accepte leur main et je la serre.”

Le président de l'Assemblée, Frederick Boland, reprend alors la parole pour dire que “tant que le président de la République de Guinée est encore parmi nous et dans l'esprit de l'appel qu'il a lancé ... et si l'Assemblée est d'accord, je lui demande de manifester par acclamation qu'elle adopte l'amendement de l'Union soviétique.”

C'est ce qui se passe effectivement. Sékou Touré ne regrette certainement pas d'être resté un peu plus longtemps à New York, car il a fortement contribué à faire avancer ce débat. La résolution elle même sera adoptée le 14 décembre par l'Assemblée générale avec 89 voix pour et neuf abstentions ; elle prendra rang, sous le nom de résolution 1514 sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux, parmi les textes historiques de l'ONU et de l'histoire de la décolonisation 259.
Sékou Touré revient aux États-Unis et à l'ONU deux ans plus tard, en 1962. Il a notamment une bonne raison de vouloir être présent : l'Algérie, indépendante depuis juillet, doit être admise aux Nations Unies au cours de cette session, en présence d'Ahmed Ben Bella. Sékou Touré prend la parole le 9 octobre dans l'après-midi, le lendemain de l'admission de l'Algérie, pour un discours qui durera près de deux heures. Une partie de cette intervention est consacrée à saluer le combat des Algériens et l'indépendance de l'Algérie ainsi que la présence de son “compagnon de lutte et ami” Ben Bella, mais il mentionne aussi le fait que l'Assemblée générale est présidée cette année-là par le Pakistanais Zafrullah Khan alors que U Thant est depuis quelques mois secrétaire général : “les deux postes suprêmes de l'organisation sont ainsi occupés par les dignes représentants de ce monde afro-asiatique dont une des pages les plus glorieuses de la lutte pour la liberté et la dignité vient d'être magnifiquement écrite par le peuple algérien.”
Sékou Touré consacre ensuite de longs développements à l'unité africaine (moins d'un an après, en juin 1963, l'OUA aura été créée, et le représentant de la Guinée à l'ONU, Diallo Telli, en sera encore un an plus tard élu premier secrétaire général). Il s'agit d'affirmer notre “africanité, c'est-à-dire notre personnalité, de favoriser la construction harmonieuse, le développement rapide, l'épanouissement total d'une Afrique authentiquement africaine. L'Afrique a ses besoins, ses conceptions, des habitudes qui lui sont propres. Elle ne désire nullement se parer de vêtements qui, empruntés à d'autres, n'ont pas été taillés à sa mesure, et elle le cherche moins encore … Nous avons conscience qu'il nous faut rebâtir l'Afrique.
Conquérir puis proclamer l'indépendance d'un pays, et lui conserver ses anciennes structures coloniales revient à labourer un champ et s'abstenir de l'ensemencer tout en espérant une récolte … L'Afrique n'a besoin ni de recettes philosophiques, ni de théories doctrinales ; elle a besoin de coopération loyale, d'aide désintéressée et d'amitié sincère. Ces besoins-là sont sans limite. Malgré cela, elle n'échangera ni une parcelle de sa souveraineté, ni un symbole de son indépendance contre une aide quelle qu'elle soit, pas plus que contre une amitié aussi pure soit-elle, ou une coopération aussi bénéfique qu'elle pourrait apparaître…” Il en appelle ensuite à l'unité d'action contre le partage du monde en blocs idéologiques et contre le “nouveau mercantilisme” des marchés internationaux. “C'est pourquoi je me permets de lancer un appel pressant aux peuples d'Asie et d'Afrique afin que la solidarité africano-asiatique aille chaque jour en se renforçant vers une unité d'action de plus en plus efficace, qui doit avoir pour souci essentiel d'imposer aux conflits latents de l'antagonisme idéologique à travers lesquels s'épuisent les nations hautement développées, un élément nouveau et parfaitement coriforme aux intérêts supérieurs et solidaires de la société universelle.” Il aborde enfin les modifications de structures que devrait selon lui effectuer l'ONU, en souhaitant l'instauration d'une procédure d'appel en révision des résolutions et décisions de l'Assemblée générale, une réforme du Conseil de sécurité qui tienne compte de l'égalité des États (ce qui est une manière déguisée de contester l'existence de membres permanents et du droit de veto), la suppression du Conseil de tutelle “qui incarne à lui seul toutes les possibilités légales de colonisation multinationale et une réédition rénovée du traité de Berlin”, une reconversion du droit conformément aux intérêts des peuples (ce qui est une manière là encore déguisée d'opposer les droits de l'homme aux droits des peuples, ou tout au moins de subordonner les premiers aux seconds), etc. …
Et Sékou de conclure par une de ces belles envolées politico-lyriques dont il avait le secret : “L'idéal incarné par notre révolution nationale dépasse infiniment le destin de la Guinée; c'est dire que dès notre indépendance notre peuple s'est intégré à la société universelle et qu'il n'entrevoit aucune autre forme de bonheur humain que celui qui pourra être dispensé indistinctement à tous les hommes et à tous les peuples sans limitation aucune. Cette voie dans laquelle nous nous sommes engagés ne souffre aucun compromis ; elle débouche sur un monde à jamais débarrassé de l'égoïsme, des honteuses pratiques d'oppression et d'exploitation, et de l'injustice sociale. Notre confiance dans l'avenir est à la mesure de notre détermination et nous avons la conviction profonde que la conscience humaine saura transcender les contradictions d'une époque qui s'achève et aborder résolument avec réalisme et clairvoyance une nouvelle époque de l'histoire universelle. Loin de nous interroger pour savoir si nous devons mourir pour telle ou telle cause, nous savons avec certitude que notre devoir est de vivre et de créer. Vive l'ONU ! Vive la solidarité internationale ! Vive la paix !”
Sans aucun doute, Sékou Touré aurait pu être l'un des orateurs inspirés qui année après année donnent le ton à l'Assemblée générale, et auxquels on se réfère constamment. Pourtant, pendant vingt ans, jusqu'en 1982, sa voix ne se fera plus entendre dans l'enceinte onusienne. Les relations entre l'organisation et la Guinée seront parfois tendues, parfois revendicatrices, rarement apaisées.
En février 1963, Alpha Diallo, dit “M'en parler”, [Lire l'erratum au chapitre 35. — T.S. Bah] directeur de l'information à Conakry et président de I'URTNA (Union des radiotélévisions nationales africaines) se rend à New York afin de demander l'aide des Nations unies pour son organisme. Il est reçu par U Thant. Il était passé à Washington où il a été reçu par le président Kennedy, sensible à la recommandation de son ami Sékou Touré.
Fermée — et même expulsée — de Guinée après l'assassinat de Lumumba début 1961, la mission de l'ONU à Conakry sera ouverte de nouveau au début de 1963, avec comme directeur l'Égyptien Marachi, qui reste en poste quelques mois seulement et a des démêlés de tous ordres avec les autorités guinéennes, en particulier parce que le pays bénéficie d'un certain nombre de projets israéliens. En août 1963, il est remplacé comme représentant résident intérimaire de l'ONU et de l'assistance technique par le Grec Georges Alexandre Manousso, qui est diplomate de carrière.
En 1965, le directeur général de l'UNESCO, le Français René Maheu, se rend pour une visite officielle en Guinée ; treize ans plus tard, en mars 1978, ce sera le tour de Mahtar Mbow, qui était déjà venu à Conakry en 1968 comme ministre sénégalais de la culture, de la jeunesse et des sports sous le président Senghor.
L'année 1966 voit l'ONU s'occuper à deux reprises de la Guinée, les deux fois en liaison avec l'accueil réservé par Conakry à Nkrumah après le coup d'État qui a mis fin à son pouvoir 260.
Le 25 avril 1966, le Ghana dépose une plainte contre la Guinée au Conseil de sécurité des Nations Unies. Les nouvelles autorités ghanéennes ne sont pas opposées au fait que l'ancien président de leur pays vive son exil comme réfugié politique en Guinée, mais protestent contre l'autorisation qui lui est donnée d'utiliser Radio Conakry pour attaquer le gouvernement ghanéen et de se servir de la Guinée comme d'une base de reconquête du pouvoir. Les actes hostiles et la quasi-déclaration de guerre de Conakry constituent une menace pour la paix et la sécurité internationale. Le 27, la Guinée répond que la plainte ghanéenne est injustifiée, que tous les faits allégués sont imaginaires et que le Conseil devrait classer l'affaire.
Quelques mois plus tard, fin octobre, c'est la délégation guinéenne, conduite par le ministre des affaires étrangères Lansana Béavogui, qui est bloquée dans la capitale ghanéenne alors qu'elle se rendait à une réunion ministérielle préalable au IVème sommet de l'OUA à Addis Abeba. Cette arrestation provoque une crise avec Washington (la délégation voyageait à bord d'un avion de la compagnie américaine PANAM 261) et avec Accra.
L'affaire suscite également un grand émoi à Addis-Abeba. Le 2 novembre, U Thant s'entremet, lance un appel au Ghana pour qu'il relâche les Guinéens, mais demande également à Sékou Touré de laisser la Croix Rouge ou une agence internationale “acceptable” venir vérifier si certains Ghanéens se trouvant en Guinée voulaient ou non retourner au Ghana. Le 4 novembre, Accra accepte la proposition d'U Thant. De son côté, Sékou Touré a promis le 2 novembre que la Guinée prendrait en charge financièrement le voyage de tout Ghanéen qui déciderait de revenir dans son pays.
La crise s'apaise petit à petit, mais l'année suivante, un événement semblable tend les relations avec la Côte-d'Ivoire 262.
En effet, le 26 juin 1967, revenant d'une session extraordinaire d'urgence de l'Assemblée générale des Nations Unies sur le Moyen-Orient, convoquée à la suite de la guerre des Six Jours, Béavogui et sa délégation (qui comprend l'ambassadeur auprès de l'ONU Achkar Marof) sont arrêtés à Abidjan lors d'une escale de leur avion de la KLM. Les diplomates hollandais et les agents de la compagnie hollandaise KLM à Conakry sont mis en résidence surveillée.
A New York, les ministres des affaires étrangères de l'Algérie, du Mali et de la Mauritanie demandent à U Thant d'intervenir en faveur de la libération de leur collègue guinéen. Le 3 juillet, Arsène Usher, leur homologue ivoirien, leur répond qu'Abidjan considère la détention de Béavogui et d'Achkar Marof comme le seul moyen de forcer Sékou Touré à libérer les Ivoiriens qu'il détient sans justification. U Thant envoie José Rolz-Bennett, secrétaire général adjoint pour les affaires politiques spéciales, en mission de “bons offices”. Mais Abidjan continue de lier les deux affaires 263.
Le 28 juillet, dans une lettre remise à Siméon Aké, ambassadeur de Côte-d'Ivoire auprès de l'ONU, U Thant refuse de lier la détention de Béavogui et celle des Ivoiriens, notamment en raison de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Le 11 août, Aké remet au secrétaire général une lettre rejetant son argumentation. Le 15 août, U Thant informe le Conseil de sécurité qu'il devra songer à d'autres voies pour remédier à une situation qui viole le principe de l'immunité diplomatique. Le même jour, la Guinée décide de ne plus participer aux travaux des institutions spécialisées des Nations Unies jusqu'à la libération de Béavogui. Le 16 août, Sékou déclare que la Guinée saisira le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale à sa prochaine session. A New York, Houphouët-Boigny rend une visite de courtoisie à U Thant le 23 août, mais sans résultats positifs 264.
Le 21 septembre, Radio Conakry annonce la libération de l'équipage du Ker-Isper et le 25, celle de François Kamano. Arsène Usher déclare le 25 que — les deux conditions ayant été remplies — Béavogui et Achkar Marof étaient immédiatement libérés. Le 27 septembre, Sékou Touré demande encore que la session de l'Assemblée générale qui vient de s'ouvrir à New York discute de l'affaire, mais le 4 octobre, Houphouët-Boigny déclare que ce n'est plus nécessaire, l'affaire étant réglée.

Une année se passe encore, et intervient alors l'affaire Achkar Marof, ambassadeur et représentant permanent de la Guinée auprès des Nations-Unies. Né en 1930 à Coyah, métis libano-guinéen, Marof a suivi à Paris les cours de l'École Bréguet et y a fait la connaissance de Keita Fodéba, qui l'a recruté comme acteur et chorégraphe pour ses Ballets africains. Après l'indépendance, il devient conseiller culturel auprès de l'ambassade de Guinée aux États-Unis et membre de la délégation guinéenne auprès de l'ONU. En 1964, il est ambassadeur de Guinée auprès des Nations Unies, et préside, après son prédécesseur Diallo Telli, le Comité spécial contre l'apartheid (il a d'ailleurs fait publier en 1965 un livre, Apartheid en Afrique du Sud, 285 pages, paru aux éditions PNU).
Le 10 décembre 1967, jour anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, les Ballets Guinéens, auxquels il a appartenu, donnent dans la salle de l'Assemblée générale une représentation de chants, de musique et de danses qui reçoivent un accueil enthousiaste.
U Thant, qui a pris Marof en amitié, lui propose en 1968 de devenir Haut-Commissaire des Nations Unies pour la Namibie. Mais le 17 octobre de cette même année, Achkar Marof se rend à Conakry, convoqué par Sékou Touré, qui affirme qu'il a commis des malversations, et le fait enfermer au Camp Boiro. U Thant essaie, lors d'une visite à Conakry qu'il effectue les 3 et 4 janvier 1970, de le faire libérer en intercédant auprès de Sékou Touré ; mais en vain. Achkar Marof sera fusillé en janvier 1971 265.
Le Français Roger Polgar devient représentant résident du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) au printemps 1970. Il vient de Guinée équatoriale, où il a coordonné depuis la mi-1969 l'aide onusienne au régime de Macias Nguema. Quelques mois après sa prise de fonctions, il donne après le débarquement de novembre 1970 un témoignage rapide en envoyant à U Thant une première relation des événements qui corrobore celle de Sékou Touré. Mais on se méfie de lui comme ressortissant français, et il quittera la Guinée fin 1972. Il sera remplacé par le Yougoslave Rajko Divjak.
Le débarquement/agression du 22 novembre 1970 amènera de nouveau l'ONU à s'intéresser à la Guinée, qui a immédiatement saisi le Conseil de sécurité au lendemain de cette invasion, le 22 novembre 1970.
Le 23 novembre, le Conseil de sécurité, présidé par la Syrie, adopte à l'unanimité une résolution présentée par ses membres africains et asiatiques exigeant le cessation immédiate de l'attaque année (qui n'est pas qualifiée d'agression) subie par la Guinée et le retrait des troupes extérieures et des mercenaires. Le Portugal n'est pas mentionné dans le texte de la résolution.
Une mission d'enquête sera envoyée rapidement; en fait, elle arrive à Conakry dès le 25 novembre. Elle est composée des représentants permanents du Népal (M. K.hatri), de la Zambie (M. Mwanga), de la Colombie (M. Waldenna), de la Finlande (M. Jacobson) et de la Pologne (M. Kulaga). Ces diplomates sont accompagnés de quelques fonctionnaires du secrétariat, dirigés par M. Debrito, un Brésilien, chef de la section d'information du Département politique. L'un des très bons amis de l'auteur, François Giuliani, journaliste français travaillant pour l'agence Reuter, puis entré au secrétariat et qui lui succédera comme porte-parole du secrétaire général, fait également partie de la mission. Celle-ci rencontre évidemment toutes les autorités guinéennes, plusieurs chefs de mission diplomatiques, des représentants des comités locaux du PDG et de la population, et peut interroger un certain nombre de militaires portugais faits prisonniers la semaine précédente.
Sur la base de son rapport, le 7 décembre, le Conseil de sécurité condamne le gouvernement portugais pour l'agression du 22 novembre (par 11 voix pour, et 4 abstentions : États-Unis, Royaume-Uni, France, Espagne). Le représentant de la France, Jacques Kosciusko-Morizet, explique l'abstention française par l'insuffisance d'informations, mais condamne formellement l'agression et exprime la “sympathie du gouvernement français à la république et au peuple de Guinée”. Mais à l'ONU, l'affaire n'ira guère plus loin.
La Guinée est élue membre non-permanent du Conseil de sécurité pour les années 1972-1973, au titre de l'Afrique, ce qui implique qu'elle a obtenu la majorité nécessaire des deux tiers des voix 266.
C'est ainsi que Jeanne Martin-Cissé, ambassadeur et représentante permanente de la Guinée auprès des Nations Unies de 1972 à 1976, sera la première femme à présider cet organe important de l'ONU en novembre 1972.
A la suite de divers incidents frontaliers dans lesquels sont impliqués des opposants guinéens exilés, Sékou Touré demande à Jeanne Martin-Cissé de déposer plainte contre le Sénégal et la Côte-d'Ivoire en octobre 1973. Le président du Nigeria Yakubu Gowon, président en exercice de l'OUA, se rend à Conakry en février 1974 et réussit à persuader Sékou Touré de retirer sa plainte “au nom de l'unité africaine”.
Quelques mois plus tard, du 2 au 4 mars 1974, dans le cadre d'une tournée à travers treize pays d'Afrique de l'Ouest, le secrétaire général de l'ONU Kurt Waldheim visite la Guinée. Il a plusieurs entretiens avec Sékou Touré, participe à une manifestation au Stade du 28 septembre, à deux soirées artistiques au Palais du Peuple, et se rend en hélicoptère à Fria le 3 mars. C'est au cours de cette visite que se nouent les premiers fils des négociations qui permettront à l'auteur de parvenir en juillet 1974 à la normalisation des relations entre la Guinée et la République fédérale d'Allemagne et à la libération de trois détenus politiques allemands, ainsi qu'en juillet 1975 à la normalisation des relations entre la Guinée et la France et à la libération d'une vingtaine de détenus (ces différentes actions menées sous l'égide de l'ONU sont rapportées en détail dans plusieurs autres chapitres de cette biographie).
En juillet 1975, Sékou Touré a peut-être songé que Diallo Telli pourrait faire un bon secrétaire général de l'ONU lorsque le tour d'un candidat africain serait venu ; de cette manière, il l'éloignait également de la Guinée, où certains considéraient l'ancien secrétaire général de l'OUA, devenu ministre de la Justice, comme un éventuel rival de Sékou. Celui-ci en a explicitement parlé devant l'auteur et devant l'intéressé le 14 juillet 1975, lorsqu'il a organisé un déjeuner à l'occasion de la normalisation des relations entre Paris et Conakry. Mais Diallo Telli a réagi de façon réservée, en faisant valoir qu'il avait déjà passé trop d'années de sa vie hors de son pays.
Et lorsque le Sommet de l'OUA s'est tenu à Maurice en juillet 1976, il était déjà trop tard pour Telli, qui allait être arrêté quelques jours plus tard 267.
Le problème du respect par la Guinée des droits de l'homme est à partir des années 70 régulièrement abordé, en particulier par les ONG. Quatre anciens ambassadeurs des États-Unis en Guinée ont cosigné un rapport présenté à ce sujet à l'ONU par Amnesty International.
Kurt Waldheim, présent à tous les Sommets de l'OUA pendant les dix années de son mandat (1972-1981), y rencontre Sékou Touré à partir de celui de Khartoum en 1978, le premier de ceux auxquels le leader guinéen participe après plus de dix années d'absence. Ils se verront également à Monrovia en 1979, à Freetown en 1980 et à Nairobi en 1981. C'est lors de ce dernier sommet que Sékou Touré et Waldheim parlent du Tchad et du Sahara occidental, deux problèmes sur lesquels Sékou Touré est particulièrement actif.
Au cours d'un voyage aux États-Unis en août 1979 (où il est également reçu par le président Carter), Sékou Touré rend une visite à l'ONU, où il n'est pas venu depuis 1962. Mais l'Assemblée générale n'est pas en session, et il ne peut donc y prendre la parole ; mais il a un entretien avec le secrétaire général Kurt Waldheim. Sékou Touré participe à Belgrade à la 21ème session de la conférence générale de l'UNESCO, où il prend la parole le 6 octobre 1980. Il y rend évidemment hommage à son ami Tito, qui a disparu peu de temps auparavant, et met l'accent par ailleurs sur la communication et sur le rôle des langues.
Du 26 juin au 1er juillet 1982, Sékou Touré est de nouveau en visite officielle aux États-Unis. Le 29 juin, il prend la parole devant l'Assemblée générale des Nations Unies, qui tient une session extraordinaire consacrée au désarmement.

Notes
234. Cette année-là ce sera lors de la session extraordinaire sur le désarmement. En 1979, lors d'un voyage aux États-Unis, Sékou passe quelques jours à New York, mais l'assemblée générale n'étant pas en session, il se borne à rendre visite au secrétaire général, qui est alors l'Autrichien Kurt Waldheim.
235. Sékou Touré utilise l'orthographe “Hammarskjoeld” ; l'auteur retient l'orthographe utilisée par le secrétaire général lui-même.
236. En fait, jusque-là, seulement l'indépendance de l'Indonésie d'avec les Pays-Bas s'est faite avec difficulté (et de fortes pressions du Conseil de sécurité) et les relations entre La Haye et Djakarta ne seront jamais rassérénées, jusqu'à l'époque actuelle.
237. Brian Urquhart, Hammarskjöld, New York/London, 1994. (Traduction de l'auteur).
238. A cette époque, l'ONU ne dispose sur son budget ordinaire que de modestes crédits d'assistance technique dans les domaines de sa compétence, ainsi que de crédits un peu plus importants provenant depuis 1949 de contributions volontaires à un programme élargi d'assistance technique (PEAT). En 1959 sera créé un Fonds spécial, également alimenté par les contributions volontaires des États, destiné à financer des projets plus importants. Le PEAT et le Fonds spécial seront fusionnés en 1966 au sein du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), qui existe encore aujourd'hui.
239. Selon plusieurs conversations dans les années 70 et 80, à New York et à Paris, entre l'auteur et Philippe de Seynes sur les voyages que ce dernier a effectués en Guinée. Le prédécesseur de Philippe de Seynes à son poste, le Français Henri Laugier, devient à son retour en France après sa retraite président d'une association d'amitié France-Guinée.
240. Il s'agit du premier voyage qu'il fait hors d'Afrique depuis l'indépendance : après une escale à Accra et à Lisbonne il visite New York et [d'autres villes des] États-Unis (26 octobre-8 novembre), la Grande Bretagne (9-15 ;ovembre), l'Allemagne fédérale (15-17 novembre), l'Union soviétique (19-26 novembre), la Tchécoslovaquie (27-30 novembre) et le Maroc (1-4 décembre), ayant annulé une visite prévue en Tunisie.
241. Le leader ivoirien fait justement partie cette année là de la délégation française, comme on le verra.
242. Télégramme diplomatique TD n° 5014 du 26 octobre 1959, signé Diplomatie (archives ONU H 3 B 2-1)
243. Il est assez étonnant que Louis Jacquinot ait pu accepter cette invitation, alors que Jules Moch avait été prié de ne pas rencontrer Sékou Touré. C'est ce même Louis Jacquinot, alors ministre d'État chargé des Départements et Territoires d'Outre-mer, qui sera pris à partie par Conakry en novembre 1965 comme l'un des inspirateurs du complot qui provoquera la rupture des relations diplomatiques.
244. Cette durée excédait largement la moyenne (environ une demi-heure) des discours habituels des chefs d'État ou de gouvernement devant l'Assemblée générale. Le record jusqu'ici est celui que prononça Fidel Castro l'année suivante, en présence de Sékou Touré, lors de la 872ème séance plénière, le lundi 26 septembre 1960 : 4 heures 20. C'était au cours du débat sur la décolonisation ; Sékou y prit également la parole, mais en octobre.
245. Télégramme diplomatique chiffré n° 2221-24 du 5 novembre 1959 (Dossier GU 92, Archives du Quai d'Orsay)
246. Télégramme diplomatique en clair n° 2219 du 5 novembre 1959 (Dossier GU 92, Archives du Quai d'Orsay).
247. Bien des années plus tard, Sékou Touré dira à l'auteur qu'il était convaincu que cette circonstance avait accéléré chez Houphouët-Boigny la décision de faire accéder rapidement la Côte d'Ivoire à l'indépendance complète. Dans un entretien avec l'auteur (Paris, 15 novembre 2004), Jean Foyer, qui était en 1960 secrétaire d'État aux relations avec les pays de la Communauté après avoir été le conseiller juridique d'Houphouët, confirmera que ce dernier, accompagné du leader malgache Philibert Tsiranana, en quittant les Nations Unies pour se rendre à leur hôtel new-yorkais, le Waldorf-Astoria, ne parlaient que de la prestation brillante et très applaudie de Sékou, et se disaient qu'eux aussi devraient maintenant passer de l'autonomie à l'indépendance ; Jean Foyer a confirmé ce propos lors de sa communication à l'Académie des Sciences d'Outre-mer du 16 janvier 2007 sur la décolonisation française ; il a ajouté que le discours de Sékou et les réactions des leaders africains avaient fortement poussé le général de Gaulle, jusque là réticent, à se résoudre à envisager l'évolution de la Communauté et l'indépendance progressive des territoires, ce qu'il déclarera nettement lors de son propre discours à Saint-Louis du Sénégal, quelques semaines plus tard, en décembre 1959.
248. Selon les termes du communiqué de presse SG/883 distribué le 28 décembre 1959 par le service de presse de l'ONU à New York.
249. Jean Morel, chef de la station de l'Institut des Fruits et Agrumes Tropicaux (IFAT) de Kindia, se voit menacé d'expulsion au début de janvier 1960, pour avoir mal accueilli le secrétaire général. M. Morel explique que les laboratoires étaient fermés le jour de Noël et qu'en effet, la visite avait dû être raccourcie. M. Guillerme, directeur général de l'IFAT à Paris, ayant présenté des excuses à Sékou Touré, celui-ci avait levé la mesure d'expulsion, dont on pense qu'elle avait été demandée par Keita Fodéba, qui avait accompagné Dag Hammarskjöld lors de sa tournée à Kindia.
250. Quelque temps après l'admission de la Guinée à l'OIT, des délégués français déposent une plainte contre la Guinée pour “travail forcé”. Il s'agit de mettre en cause ce que Sékou Touré a appelé “l'investissement humain”, qui consiste pour les habitants des quartiers urbains ou des villages en un travail gratuit sur des chantiers d'intérêt général , sans être payés ou en étant rémunérés en rations alimentaires. Ancien syndicaliste lui-même, Sékou Touré avait été ulcéré par cette plainte, qui ne semble d'ailleurs pas avoir eu de suite, et en parlait encore avec amertume à l'auteur près de vingt années plus tard.
251. Seule exception : le GATT (ancêtre de l'Organisation mondiale du Commerce), auquel la Guinée n'adhéra jamais, contestant les règles du commerce international.
252. Indications fournies à l'auteur par Jay Schwamm, fils du couple en question, lors d'une conversation à Millbrook près de New York (22 octobre 2004).
253. Quinze pays africains, presque tous francophones, ont été admis le 20 septembre, le Sénégal et le Mali, séparés depuis le récent éclatement de la Fédération du Mali, le sont une semaine après.
254. Cette commission avait tenu à partir du 29 décembre 1958 sa première session, en présence du Négus Hailé Sélassié et de Dag Hammarskjöld. Une vingtaine de pays avaient envoyé des délégations, dont la Guinée (membre depuis deux semaines à peine de l'ONU ; mais aussi la Belgique, l'Espagne, la France, l'Italie, le Portugal et le Royaume Uni, puissances (encore) coloniales sur le continent.
255. Ce même 10 octobre, il a eu un entretien avec Golda Meir, alors ministre des Affaires étrangères d'Israël.
256. Il avait été ulcéré par l'intervention du président de la commission des affaires étrangères du Sénat des Philippines, Lorenzo Sumulong, qui avait suggéré que l'on applique également à l'Union soviétique la déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, parce que la politique que Moscou pratiquait en Asie centrale et en Europe centrale pouvait être assimilée à du colonialisme. Cette affaire donnera lieu le 13 octobre à un échange de droits de réponse aigres-doux entre le délégué des Philippines et Nikita Krouchtchev.
257. Il s'agit en fait d'un amendement de procédure proposé par l'URSS, afin que le projet de déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, ainsi que toutes les propositions d'amendements, soient discutés directement en plénière, et non renvoyés en Première commission (comme pensaient le faire les Occidentaux, que ce soit pour respecter un certain formalisme ou pour gagner du temps sur un texte qui les mettait directement ou indirectement en cause), ou en Quatrième commission, celle qui s'occupe des questions coloniales, comme le proposaient divers pays d'Asie.
258. Ce qui est un peu surprenant, car l'Union soviétique, qui mise déjà sur la Guinée, est en train de s'y implanter fortement par ses diplomates, ses experts et ses projets. De plus, Krouchtchev lui-même a reçu Sékou Touré le 24 novembre de l'année précédente lors de sa visite en URSS.
259. Les abstentionnistes sont : Australie, Belgique, République Dominicaine, France, Portugal, Espagne, Afrique du Sud, Royaume Uni, États-Unis.
260. Pour plus de détails sur ces deux affaires, voir le chapitre 61 consacré à la fin de Nkrumah.
261. Voir le chapitre 38 sur les relations avec les États-Unis.
262. Entre temps, la Guinée a signé le 28 février 1967 les deux Pactes des Nations-Unies sur les droits de l'homme, l'un sur les droits civils et politiques, le second sur les droits économiques, sociaux et culturels ; il est vrai que ces deux textes font une place importante aux droits collectifs plutôt qu'aux droits individuels dont s'occupe davantage la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, ce qui correspond tout à fait aux idées de Sékou.
263. La décision d'U Thant de choisir pour cette mission José Rolz-Bennett, qui était depuis peu son chef de cabinet, n'était peut-être pas très opportune, au moins en ce qui concerne Sékou Touré. Rolz-Bennett, un juriste de nationalité guatémaltèque (mais également salvadorien, autrichien et britannique par ses origines) qui avait représenté le Guatemala à l'ONU avant de rejoindre en 1958 le secrétariat, avait notamment été pendant deux ans le représentant du secrétaire général Dag Hammarskjôld (puis de U Thant) au Katanga auprès de Moïse Tshombé, l'un des grands adversaires de Patrice Lumumba et donc de Sékou Touré.
264. On trouvera en annexe le récit fait par un témoin — haut fonctionnaire de l'ONU — de cette affaire, puis de l'affaire Achkar Marof. Il s'agit d'lssoufou Saidou Djermakoye, ancien conseiller de l'Union française, ancien ministre du Niger, ancien représentant permanent du Niger auprès de l'ONU, et qui occupa divers postes importants dans cette institution auprès des secrétaires généraux U Thant et Kurt Waldheim. Ses souvenirs, communiqués à titre personnel à l'auteur, sont en voie de publication.
265. Son fils Daniel [Erratum. — Le fils aîné d'Achkar et réalisateur du film s'appelait David. — T.S. Bah] lui a rendu un bel hommage dans son film Allah Tantou (La Volonté d'Allah), réalisé en 1990.
266. La Guinée sera de nouveau élue pour les années 2002-2003, ce qui lui vaudra de présider le Conseil au mois de mars 2003, en plein débat sur les opérations militaires en Irak.
267. En revanche, en 1972, lorsqu'il ne fut pas réélu secrétaire général de l'OUA, Diallo Telli avait fait part à Kurt Waldheim de son intérêt pour un poste onusien. Cet entretien eut probablement lieu lors du Sommet de l'OUA tenu à Rabat en juin 1972, où Di allo Telli ne fut pas réélu, et qui fut aussi le premier auquel assista Kurt Waldheim ; ce dernier souhaitait effectivement renforcer son équipe par un ou deux Africains, mais il était déjà en négociations avec le Somalien Abbi Farah, le Nigérien Djermakoye, le Sierra Leonais James Jonah.
L'affaire n'eut donc pas suite.

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