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André Lewin
Ahmed Sékou Touré (1922-1984).
Président de la Guinée de 1958 à 1984.

Paris. L'Harmattan. 2010. Volume 2. 263 pages


Chapitre 26
28 septembre 1958. C'est “Non”


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Pour calmer l'“enfant terrible” et faire rentrer Sékou Touré dans le rang, Houphouët-Boigny compte encore sur Ouezzin Coulibaly, président du Conseil de gouvernement de la Haute-Volta, ancien surveillant général de l'école William Ponty de Dakar, respecté de tous depuis son entrée en politique, homme d'union par dessus tout, et qui a toujours eu une réelle influence sur Sékou ; celui-ci lui a d'ailleurs rendu visite juste avant de quitter la capitale française, un mois auparavant. Mais Coulibaly, atteint d'un grave cancer du foie, a été hospitalisé d'urgence à l'hôpital Saint-Antoine de Paris. Il ne peut prendre part au Comité de coordination du RDA prévu le 6 septembre à Ouagadougou pour tenter de rallier la Guinée au “Oui” afin de sauvegarder l'unité du parti. On décide néamnoins de réunir le Bureau politique au chevet du malade. Or, prétextant un communiqué signé le 31 août par Coulibaly, affirmant que le projet de constitution contient “les revendications essentielles” du RDA et critiquant vivement “des déclarations” des jours précédents, Sékou Touré, qui se sent visé et en a interdit la diffusion en Guinée, refuse, le 1er septembre, de se rendre luimême à Paris. Ce jour là, il doit prendre la parole devant la Chambre de commerce et d'industrie de Conakry, ce qui lui paraît également important.
Le 3 septembre, la Guinée sera donc représentée seulement par deux ministres, Bengaly Camara (Travail) et le Dr. Najib Roger Accar (Santé). Ils ne participeront d'ailleurs pas activement aux discussions, au cours desquelles le RDA confmne son option en faveur du “Oui”. Il est certain que la prise de position de Sékou Touré en faveur du “Non” fut pour Ouezzin une épreuve douloureuse, mais il n'est [pas] évident qu'il eût réussi à changer le cours des choses 192.
Coulibaly meurt le 7 septembre 1958 193. Peu après, une délégation du RDA, sans doute suscitée par les démarches alarmistes de Mauberna à Paris et amenée à Conakry par le vice-président du mouvement Gabriel Lisette (choix contestable fait par Houphouët, car Sékou Touré ne l'appréciait guère), tente encore de plaider la cause du ralliement de la Guinée au “Oui” en échange du maintien de liens fédéraux réels entre les territoires de l'AOF 194.
Les obsèques d'Ouezzin Coulibaly ont lieu le 15 septembre à Bobo-Dioulasso en présence de tous les dirigeants du RDA ; à la surprise de tous et à la grande colère d'Houphouët 195, Sékou Touré décide de ne pas assister à l'enterrement, où il se fera représenter par Diallo Saïfoulaye, Ismaël Touré et Moussa Diakité. Par son absence, il enfreint tout à la fois la coutume africaine, l'amitié personnelle et la solidarité politique 196.
“Coulibaly avait été acheté par Houphouët !”, affirme Sékou pour toute explication. Ce même jour, il proclame que la Guinée votera “Non” “pour faire l'économie d'une guerre”. En fait, on ne peut exclure que Sékou ait craint d'être empêché par les autorités françaises de revenir en Guinée à l'issue de la cérémonie, à moins qu'il n'ait préféré ne pas subir de la part de presque tous les autres participants de fortes pressions en faveur de l'unité du RDA, et par conséquent du vote en faveur du “Oui” 197.
A l'issue des obsèques, furieux, Houphouët-Boigny déclare au haut-commissaire Pierre Messmer qu'il “a été très éprouvé par la prise de position de Sékou Touré (et) … qu'il était indispensable de l'abattre en le privant dès le 29 septembre de toute aide de la métropole et en entreprenant une vigoureuse propagande contre lui.” 198.
Le moins qu'on puisse dire est qu'il aura été entendu ! 199
Depuis le Niger, Djibo Bakary envoie à Conakry deux de ses proches, Abdoulaye Moumouni et Ousmane Dan Galadima, afin de s'assurer de l'état d'esprit de Sékou Touré et du PDG, et leur confirmer que lui-même fera voter “non”, en dépit des pressions qui s'exercent sur lui.
Un autre leader africain, dont il est généralement très peu question, Mahamoud Harbi Farah, élu député en janvier 1956 et donc collègue de Sékou Touré au Palais Bourbon (ils sont tous deux apparentés au groupe UDSR, Sékou Touré comme RDA, Harbi comme Indépendant) et devenu en 1957 vice-président du Conseil de gouvernement de la Côte française des Somalis (futur Djibouti), est lui aussi partisan du “Non” ; il souhaite l'indépendance de ce territoire sans divorce d'avec la France, et milite en faveur d'une Grande Somalie ; il se prononce publiquement en ce sens lors d'une conférence de presse à Paris le 7 août et lors d'un discours à Djibouti prononcé cinq jours avant le référendum. Mais à la suite d'une intense campagne encouragée par le gouverneur, le “Oui” l'emportera dans le territoire. 200
Les responsables sénégalais de l'UPS 201, eux-mêmes divisés sur la position à prendre, délèguent en Guinée Mamadou Dia, vice-président du Conseil de gouvernement du Sénégal, afin de tenter de convaincre Sékou Touré de se prononcer pour le “Oui” 202. Lors d'une réunion tenue le 11 septembre 1958 à Rufisque, sous la présidence de Maître André Guillabert, un notable Saint-Louisien, conseiller de l'Union française, futur ambassadeur de son pays en France, Mamadou Dia rend compte des entretiens qu'il a eus le 6 septembre à Conakry. Très impressionné par Sékou Touré, il est évident que Mamadou Dia n'a pu réussir la mission que lui avaient confiée les modérés à l'instigation de Guillabert. A la grande surprise de son interlocuteur, Sékou Touré aurait même suggéré de constituer à Dakar un gouvernement unique qui pourrait intégrer à terme le Sénégal (avec la Casamance), la Guinée, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Sierra Leone, donc reconstituer plus ou moins l'ancien empire du Gabou !

[Note. Dans Histoire des Mandingues de l'Ouest, Djibril Tamsir Niane traite du Gabou [Ngabu] et donne la liste des composantes de cette province de l'empire du Mali, qui ne pouvait logiquement être elle-même un empire. Il est vrai que sous la plume de l'éminent historien Djibril Tamsir Niane, on retrouve ce lapsus calami. … T.S. Bah]

Mamadou Dia lui répond que c'est prématuré. Finalement, Senghor confirme à André Guillabert et à Maître Boissier-Palun 204 que l'UPS fera campagne en faveur du “Oui”. Persuadé d'avoir convaincu Mamadou Dia de sa position, Sékou Touré sera donc ulcéré de voir le “Oui” l'emporter au Sénégal et estimera avoir été trahi.
Après l'échec de ces dernières tentatives de conciliation, les dés sont jetés. Peut-être Sékou Touré aurait-il accepté un mot d'ordre du RDA qui aurait consisté en un vote positif au référendum combiné avec le maintien d'un réel lien fédéral entre les anciens territoires de l'AOF. Ce dernier élément étant obstinément refusé par Houphouët-Boigny et ses fidèles, c'était donc le “chacun pour soi”.
Le 14 septembre, après une campagne d'explications devant les militants, Sékou Touré déclare à la clôture de la 4ème conférence territoriale des cadres du PDG : “Nous voterons ‘Non’à une Communauté qui n'est que l'Union française rebaptisée, la vieille marchandise dont on a changé l'étiquette ; nous voterons “Non” à l'inégalité, nous voterons “Non” à l'irresponsabilité (…) L'indépendance des nègres n'est pas la vengeance des esclaves. La Guinée ne permettra pas qu'un jour il lui soit répondu : Tu as refusé l'indépendance, tu dois maintenant te soumettre à la dépendance.” Et il termine son discours par : “Vive la France démocratique ! Vive l'Indépendance !”.
Après cette conférence, le Parti, soucieux d'éviter toute provocation, n'organisera plus de réunions de propagande. Et Sékou fait lancer dans toutes les langues nationales un appel intitulé: “Échec aux provocateurs”: “Aujourd'hui, le patriotisme signifie : garder son calme et rester calme, rien d'autre ne compte. Le pays unanime a déjà fait son choix. Notre devoir se résume en un mot : “Non”. Jusqu'au jour “J”, le 28 septembre, nous ne voulons rien entendre. On nous insulte, nous ne dirons rien. On nous bouscule, on nous frappe, nous serons sans réaction. On nous gifle, nous dirons merci, merci jusqu'au 28. Nous resterons fermement sourds et muets. Guinéen, tu seras vigilant et tu garderas la tête froide, puisque tu sais qu'à partir du 28, tu seras un homme libre, ayant retrouvé ta dignité après soixante ans d'esclavage presque jour pour jour.” 205
De plus en plus nombreux, des opposants comrnencent à se rallier 206. Le 16 septembre, Diawadou Barry et [Abdoulaye] Ibrahima Barry, dit Barry III, accompagnés par quelques militants des partis UPG-PRA (Union des Populations Guinéennes, section locale du PRA, regroupant les anciens partis BAG et DSG), se rendent nuitamment au domicile de Sékou, qu'entourent Saïfoulaye Diallo et Damantang Camara, pour y discuter de la situation.

[Erratum. Le prénom de Barry III est Ibrahima, et non pas Abdoulaye. — T.S. Bah]

Le 17 septembre, conformément aux décisions prises la nuit précédente, le PDG et l'UPG adoptent en cottunun, à la mairie de Conakry, une déclaration dite “de l'Hôtel-de-ville” en faveur de l'indépendance immédiate 207. Ils sont soutenus par le syndicat UGTAN ainsi que par les formations d'étudiants et de jeunes, dont certains doutent d'ailleurs que Sékou joue franc jeu et redoutent son opportunisme. Les communautés sénégalaises et dahoméennes établies en Guinée se prononcent à leur tour pour le “Non”.
Selon le gouverneur Mauberna, qui en informe immédiatement Paris, la “réponse négative au référendum paraît désormais certaine en Guinée”. Dans une conférence tenue à l'Assemblée territoriale le 20 septembre, Sékou Touré confirmera : “Les jeux sont faits. Le résultat est connu.”
Le 20 septembre, le gouverneur Mauberna (qui a prononcé le 15 septembre une allocution radiodiffusée) exprime son “violent mécontentement” au directeur du Chemin de fer Conakry-Niger, Collorec, parce que celui-ci a révélé à Sékou Touré, au cours d'une réunion restreinte avec des responsables de la compagnie, que l'exploitation ferroviaire serait maintenue en tout état de cause après le référendum. Mauberna estime que cette assurance peut inciter Sékou Touré à penser que la détermination française à tirer toutes les conséquences du “Non” n'est pas totale 208. Ce qui est bien possible. En sens inverse, lorsque Louis Delmas, conseiller de l'Union française de tendance RPF, se targue d'être mandaté par de Gaulle et se répand à travers la ville en menaçant le territoire de représailles massives en cas d'échec du référendum et que Sékou se plaint de son attitude dans une lettre au gouverneur, celui-ci morigène Delmas pour son intransigeance !
Sur les ondes de Radio Conakry, dans tous les lieux à la mode et lors des réunions des militants du PDG, on entend de plus en plus fréquemment la chanson composée par Diély (griot malinké) Mamoudou Kandé et dont les strophes et le refrain se tertninent corntne inexorablement par un “Non… Non” rythmé et redoublé 209. En revanche, Sékou a refusé de laisser diffuser sur l'antenne le disque, envoyé par les services parisiens de la France d'outre-mer, d'une chanson française inspirée d'une rengaine américaine : “Dis moi oui, dis moi non, dis moi oui ou non”, et concluant évidemment en faveur du “Oui” 210.
Quelques observateurs affirment que le Sékou Touré d'alors se montrait peu sûr de lui, hésitant dans ses choix 211.
Un témoin, un Français proche de l'administration, indique par exemple qu'“il était profondément troublé et nerveux, totalement livré à lui-même, condamné à s'enfoncer de jour en jour plus profondément dans son attitude.” 212. Une telle description, peu convaincante, confortait surtout les adversaires du leader guinéen, qui avaient intérêt à le présenter comme un velléitaire ; même jeu pour ceux qui en France estimaient que son régime n'avait aucun avenir. Que Sékou ait été anxieux en cette période, voilà qui est probable et d'ailleurs compréhensible.
Mais, en homme convaincu que l'indépendance n'entraînerait finalement pas de conséquences désastreuses et que des accords de coopération avec la France seraient possibles, il n'avait pas de raison d'être angoissé et inquiet 213.
D'autres témoignages le présentent au contraire comme toujours aussi péremptoire et tout-à-fait sûr de lui 214.
C'est ainsi que Sékou tente de rassurer la communauté des Français de Guinée, dont beaucoup s'affolent. Des transferts massifs de capitaux sont effectués vers la métropole (on parle de 650 millions de francs CFA pendant les trois premières semaines de septembre ) 215 ; en dépit de l'avancement de la date des vacances, les avions sont bondés au départ de Conakry.
A l'invitation d'Auguste Pouech, président de la Chambre de commerce de Conakry, Sékou Touré s'adresse à ses membres le 1er septembre, et dit aux deux cents auditeurs présents : “Si nous devons faire la communauté avec la France sur la base de la balkanisation de l'Afrique, notre coeur et notre raison sy refusent (…) Non, nous n'avons pas demandé l'indépendance, nous avons seulement demandé que le droit à l'indépendance soit inscrit dans la Constitution. (…) Je ne sais encore si nous voterons oui ou non, mais je dis à l'avance : “Evitez de nous pousser dans un vote négatif. Il est inutile de vous alarmer. Nous continuerons à faire des affaires avec vous. Si nous votons oui, il nya pas de problème. Si nous votons non, on nous offre la sécession, mais nous la refuserons, car nous voulons rester avec la France. ”
M. Pouech, d'ailleurs, va se rendre en France du 20 au 23 septembre, en compagnie du président des Français libres de Guinée 216, pour tenter de prévenir le pire, qu'il pressent.
Le 24 septembre, accompagné de deux membres du Bureau Politique National, Sékou informe le gouverneur Mauberna de son désir d'envoyer à Paris, au lendemain du référendum, une mission pour négocier un accord d'association en vertu de l'article 88 de cette constitution qu'il appelle à rejeter. Il ne reçoit pas de réponse ; à Paris, BCG se dit même agacé par le long compte-rendu de la conversation du gouverneur avec Sékou Touré 217.
Ce même 24 septembre, El Hadj Ibrahima Sory Dara, qui fut almamy du Fouta et président de l'association des chefs de canton, sort de son silence :
“En cette période tourmentée où les passions foulent souvent la raison, je me réjouis de l'unité qui se dessine en Guinée face aux événements, en demandant à tous ceux et toutes celles qui accordent du crédit à ma voix de prendre leurs responsabilités et de voter résolument dans le sens de nos aspirations en déposant un bulletin ‘Non’ le 28 septembre.”

[Erratum. Il s'agit ici de Almami Ibrahima Sori Dara II, qui partageait avec Almami Aguibou le titre purement nominal d'Almami. Issus respectivement des branches Alfaya (en résidence en exil à Mamou) et Soriya (en résidence en exil à Dabola) de la dynastie Seediyaaɓe de Timbo, leur fonction avait été abolie à partir de 1897 par l'autorité coloniale, qui annula unilatéralement le traité de protectorat entre le Fuuta-Jalon et la France. Après 1958, Sékou Touré se comporta en renégat abject vis-à-vis de ces deux personnalités, dont il courtisa activement le ralliement et le soutien dans son ascension au pouvoir. Il les persécuta, bouleversa leurs familles, et fit emprisonner, torturer et/ou assassiner leurs filles et fils : Hadiatou Barry (épouse de Tierno Ibrahima Dalaba, Modi Oury Barry, Barry Diawadou, etc. — T.S. Bah]

Le 25 septembre, Sékou ordonne à la police de Kérouané de procéder à l'expulsion vers la Côte-d'Ivoire des quelque 5.000 clandestins qui travaillent, parfois depuis des années, dans l'exploitation artisanale du diamant dans le secteur de Bonodou, dont les mines sont exploitées par la Société Minière de Bey la. Aux populations guinéennes (et aux intérêts économiques français installés en Guinée), il démontre ainsi sa volonté de faire régner l'ordre dans un secteur où les autorités coloniales n'y étaient jamais parvenues 218.

Ce même 25 septembre, sous prétexte d'une escale de routine, l'aviso colonial Paul Goffeny, un ancien bâtiment de 1.000 tonneaux de la Kriegsmarine allemande, relâche à Conakry, envoyé par le haut-commissaire Pierre Messmer pour ramener à Dakar des caisses de billets de banque tout neufs livrés à Conakry quelques semaines auparavant : Messmer craignait que Sékou Touré ne s'en servît comme “trésor de guerre” après l'indépendance 219.
Un commando du 7ème régiment de parachutistes coloniaux arrive le lendemain à l'aéroport, ce qui est ressenti comme une provocation, d'autant que ces militaires se comportent en ville avec une certaine insolence. Un peloton d'escadron de reconnaissance les suit de peu. Les Européens eux-mêmes n'ont guère besoin d'être davantage rassurés, car la Guinée connaît depuis quelque temps un calme absolu. L'enlèvement et l'embarquement des 1.400 kilos de billets neufs auront lieu le 28, à midi, alors que même se déroulait le référendum ! C'est dire que dans l'esprit du haut-commissaire Messmer, le sort de la Guinée ne fait déjà plus aucun doute 220.
Plus tard, Messmer s'étonnera de ce que Sékou Touré, qui ne pouvait ignorer ce coup de main, n'ait pas protesté !
Mais c'est aussi ce même 25 septembre que sont finalisées et expédiées les très fermes instructions que le gouvernement de Gaulle donne à son haut-commissaire en AOF, Pierre Messmer. “Aucun communiqué officiel ne sera publié avant le référendum relativement à la Guinée. Il en a été ainsi décidé pour la double raison qu'il ne serait pas politique d'agir autrement et qu'il convient de laisser la Guinée se placer dans la position de demanderesse le 29 septembre.
La politique du gouvernement à l'égard de la Guinée à l'issue du référendum s'inspire des considérations essentielles suivantes :

  1. Ne donner d'aucune façon à l'opinion locale ou nationale ou internationale l'impression de refuser le fait accompli, d'en éprouver de la rancune ou de se livrer à des actes de représailles.
  2. Se réserver les meilleurs atouts pour les éventuelles négociations ultérieures.
  3. Faire en sorte que les territoires ayant voté “oui” apprécient sans délai la différence de régime.

Cette ligne de conduite exige que rien ne soit rompu définitivement, mais que tout soit remis en cause sans équivoque. La nomenclature et la chronologie des dispositions à prendre se résument ainsi :

  1. Aussitôt après la proclamation des résultats de la Guinée, vous publierez à Dakar et à Conakry le communiqué suivant, identique à celui qui sera donné à Paris : (citation) “L'article 1 de la Constitution spécifie que la République et les peuples des territoires d'Outre-mer qui par un acte de libre détermination adoptent la présente constitution instituent une Communauté. Par le vote du 28 septembre, les électeurs guinéens ont refusé l'adoption de la constitution soumise à leur approbation. De ce fait, la Guinée se trouve séparée des autres territoires de l'AOF qui ont approuvé la constitution.
    De ce fait, la constitution ne sera pas promulguée en Guinée.
    De ce fait, la Guinée ne dispose d'aucune représentation valable à l'intérieur de la Communauté, qu'il s'agisse des organismes métropolitains ou africains.
    De ce fait, la Guinée, ne peut plus recevoir normalement le concours ni de l'administration de l'Etat français, ni des crédits d'équipement. De ce fait, les responsabilités assumées par l'Etat français en Guinée doivent être profondément révisées.
    Afin de ne pas perturber le fonctionnement administratif et financier du territoire, les fonctionnaires de l'Etat français en service en Guinée demeureront à leur poste dans l'immédiat, mais un plan de transfert de ces fonctionnaires, mutés à des postes identiques dans d'autres territoires, sera établi et réglé par le haut-commissaire en AOF et mis en application dans un délai de deux mois par voie progressive et méthodique. De même, la suspension des opérations d'équipement ne permettra aucune initiative nouvelle.” (fin de citation).
  2. Le communiqué ci-dessus doit s'accompagner pour votre édification personnelle ou pour information officieuse des éclaircissements ou précisions suivants :
    1. Le plan de transfert des fonctionnaires ne doit pas s'appliquer de telle sorte qu'il entraîne avant règlement final la disparition d'activités administratives locales indispensables à nos intérêts supérieurs. C'est ainsi que le fonctionnement technique des aéroports et du port doit être assuré. Il en va de même du Trésor et du contrôle financier, qui doivent cependant recevoir des consignes extrêmement fermes de votre part en ce qui concerne la rigueur vis-à-vis de tout engagement de dépense mettant en cause les intérêts français. Au contraire, il ny a aucun inconvénient à ce que les organismes para-administratifs mentionnés dans votre télégramme de ce jour entrent dans le programme d'application de retrait.
      Enfin, en ce qui concerne les fonctionnaires d'origine métropolitaine en service en Guinée mais recrutés et payés par le budget local, aucune disposition particulière n'est à retenir sous la seule réserve que l'Etat français ne pourrait dans l'avenir assurer la garantie du supplément de rémunération qu'ils reçoivent du gouvernement métropolitain, et que dans le cas où ils solliciteraient une mutation, celle-ci serait accordée.
    2. Vous devez savoir à titre personnel que le gouvernement n'entend pas en principe revenir sur les engagements internationaux qu'il a pris en ce qui concerne Fria et qui demeurent en l'état.
    3. Le gouvernement approuve toutes les dispositions militaires — Terre, Mer et Air — que vous avez déjà retenues ou que vous pourriez prendre face à l'attitude du gouvernement de la Guinée et de la population en tout lieu du territoire, en vue d'assurer en tous cas la protection des personnes et si possible des biens des Français.
    4. Il ny aura dans l'immédiat pas d'autre reconnaissance du fait accompli que les dispositions provisoires ci-dessus mentionnées.
    5. Dans le cas où le gouvernement de la Guinée saisirait soit vous-même, soit le représentant de la République à Conakry, de propositions visant à l'établissement de nouveaux rapports avec la France, vous auriez à en prendre acte et à vous retrancher derrière l'obligation d'en référer à Paris. Dans ce cas comme dans celui où il serait saisi directement, le gouvernement se réserve d'examiner ces propositions et de juger si celles-ci sont de nature à entraîner des modifications aux mesures arrêtées ci-dessus. Cette instruction ne vaut pas pour les dispositions de règlement secondaire, qui restent de votre compétence et de celle du représentant de la République à Conakry, dans l'esprit des présentes instructions.” 221

Le 26 septembre, réuni à Paris au 69 du Boulevard Poniatowski, le comité directeur de l'Association des étudiants guinéens en France discute de la situation au pays. Il y a là Keita Dessoufiana (1er vice-président), Charles Diané, Djibril Thiam, Bangoura Linseni, Baldé Hassimiou, Barry Rama … A ceux des membres qui veulent organiser à Paris une grande fête le 28 septembre pour célébrer l'indépendance, Keita Dessoufiana répond prudemment qu'il vaut mieux attendre les résultats du référendum.

Le 26 septembre, sur ordre de Paris, le gouverneur Mauberna quitte Conakry, “rappelé pour consultations” 222.

Le 28 septembre, jour même du référendum, à 9 heures du matin, Jean Risterucci, inspecteur général des affaires administratives de la France d'Outre-mer, nommé la veille, arrive à Conakry pour “assurer la continuité de la représentation française” 223. Sans nul doute a-t-il déjà dans ses dossiers la note qu'il est chargé de remettre à Sékou Touré au lendemain du référendum si le résultat, comme tout le monde le pressent, est négatif 224.
Aux Etats-Unis, les perspectives du lendemain du référendum préoccupent les responsables. A l'approche de la date du scrutin, Hubert Humphrey, membre influent de la Commission des affaires étrangères du Sénat, se déclare “inquiet du vide créé en Guinée et au Niger”, et propose que les États-Unis “comblent immédiatement le vide que la France est susceptible de laisser pour éviter une mainmise soviétique sur ces territoires.” 225 Le 27 septembre, à Paris, l'ambassadeur américain Houghton effectue une démarche officielle auprès de Louis Joxe, secrétaire général du Quai d'Orsay, pour lui exprimer l'inquiétude des autorités américaines au sujet de la Guinée et informer Paris que “les Etats-Unis veulent en Guinée précéder l'URSS” si la France devait s'en aller. Une démarche identique est effectuée par un conseiller de l'ambassade américaine auprès du gouverneur Léon Pignon, membre du cabinet du ministre de la France d'Outre-mer, qui lui conseille simplement d'“attendre l'évolution”.
Les derniers jours se passent dans le calme.
“Les soirées de ces jours historiques furent les plus silencieuses et les rues des villes les plus désertes que l'on ait jamais connues : dans une unanimité totale, le peuple de Guinée faisait littéralement le vide devant d'éventuelles provocations qui auraient pu tout compromettre. Et malgré certaines tentatives isolées, en dépit de quelques manoeuvres d'intimidation ou de corruption vite neutralisées, aucun incident ne s'est produit. La Guinée entre dans l'indépendance au milieu du calme le plus absolu.” 226
La veille du scrutin, Mgr de Milleville, archevêque de Conakry, adresse une lettre à Sékou Touré, afin de préciser la position de l'église catholique 227. Ce même 27 septembre en fin d'après-midi, Sékou Touré réunit autour de lui ses ministres et quelques rares visiteurs privilégiés. L'un d'entre eux est le Père Joseph Roger de Benoist, venu de Dakar afin de couvrir l'événement pour l'hebdomadaire catholique Afrique Nouvelle, dont il est le rédacteur en chef ; après avoir obtenu de Sékou Touré une longue interview exclusive, le Père de Benoist reste en Guinée et assiste à la proclamation de l'indépendance le 2 octobre ; l'interview paraîtra le 3 octobre 228.
Le 28 septembre, le scrutin se déroule sans incident 229. Tout est tranquille. Les parachutistes français, dont la présence avait provoqué quelques incidents mineurs, ont défilé dans le calme le samedi, lors de la célébration par anticipation de leur patron, Saint-Michel. Il est vrai que depuis le samedi 27 septembre, les bars et les cinémas sont fermés, les restaurants ne servent plus de repas après 21 heures, et toutes les manifestations, réunions et même “tam-tam” sont interdits. Sékou Touré passe la majeure partie de la journée à la Mairie ; lorsqu'il se rend au bureau de vote, il donne en sortant de l'isoloir à André Blanchet, le correspondant du Monde présent à ses côtés, celui des deux bulletins (le blanc, signifiant “oui”) qui ne lui a évidemment pas servi : “Je vous fais cadeau de mon “Oui”, lui dit-il 230. Il ajoute à l'intention de son interlocuteur: “Le moment venu, nous élèverons une statue à la mémoire du général de Gaulle, lorsque nous aurons l'argent pour le faire !” 231.
1.200.171 électeurs guinéens (sur 1.405.986 inscrits) rejettent le projet de constitution par 1.130.292 “Non” et 56.959 “Oui” 232. Les résultats sont centralisés et rendus publics le lundi matin, mais il n'y a aucune manifestation collective d'enthousiasme, car le gouvernement a donné l'ordre aux Guinéens de se rendre nortnalement au travail : “Ce n'est pas à l'heure de l'indépendance qu'il faut commencer à se reposer”. Bien entendu, une telle consigne ne s'explique que par l'emprise du PDG sur les masses guinéennes. De plus, comme l'ont expliqué au Père de Benoist plusieurs responsables comme Diallo Saïfoulaye, Keita Fodéba, Camara Faraban sans parler de Sékou Touré lui-même, il y avait la ferme volonté des dirigeants d'éviter tout incident ou manifestation de joie qui pourrait détériorer le climat des rapports franco-guinéens. Comme le remarque le Père de Benoist, qui en a été le témoin quelques mois auparavant, le calme absolu qui règne dans les rue de la capitale guinéenne n'a rien de comparable avec les heures de joie délirante qui ont marqué le succès des partis nationalistes togolais lors du scrutin qui a eu lieu au Togo le 27 avril.
En France, prié de commenter au journal télévisé les résultats officiels du référendum, le ministre de la France d'Outre-mer Bernard Cornut-Gentille, ulcéré par le vote guinéen, laisse à la dernière minute le soin de le faire à son collaborateur Émile Biasini 233.
Ainsi le peuple de Guinée met-il fin à la période coloniale et à ce que Sékou Touré, dans l'un de ses Poèmes militants, appelait “l'insolite présence”.

Notes
192. Dans son ouvrage Ouezzin Coulibaly, le lion du RDA (Presses Universitaires de Côted'Ivoire, Abidjan 1995), Semi-Bi Zan écrit à ce propos (p. 207) : “On peut dire que dans ces conditions, il y avait en Guinée une fausse note, une sorte d'infidélité à la mémoire de Ouezzin Coulibaly.”
193. Le journal du PDG Horoya publiera en septembre 1965 un article signé de Savané Moricandian, directeur général des services d'information, affirmant, sans avancer de preuves, que Coulibaly est décédé des suites d'une maladie “aggravée volontairement par la perfidie dont l'Histoire révélera un jour mobiles et auteurs.” Cet article est le premier hommage rendu en Guinée à Coulibaly depuis son décès, sept années auparavant.
194. Voici en quels termes Gabriel Lisette relate lui-même cette mission (séance du 7 mars 1980 de l'Académie des Sciences d'Outre-mer à Paris). “Je suis de ceux, on le sait, qui ont été très affectés par la situation dramatique créée après le “Non” du 28 septembre 1958 dans les relations entre la Guinée et la République Française, et dans les relations de la Guinée avec plusieurs de ses voisins francophones. Je fus l'un des derniers compagnons du président Houphouet-Boigny à avoir des contacts avec Sékou Touré avant le référendum du 28 septembre 1958. En effet, à l'occasion des obsèques de Ouezzin Coulibaly, au début du mois de septembre 1958 à Bobo-Dioulasso, le Comité de Coordination du RDA envoya à Conakry une délégation composée de Jean-Marie Koné (président du Conseil de gouvernement du Soudan), Doudou Guèye (vice-président du RDA-Sénégal), Abdoulaye Singaré (membre du Comité de Coordination-Soudan) et moi-même (vice-président du RDA et président du Conseil de gouvernement du Tchad). Cette délégation, que je dirigeais, avait pour mission d'étudier les conditions d'un rapprochement des points de vue entre la Section Guinéenne et la majorité du Comité de Coordination aux fins de parvenir à une position unanime du Mouvement par le “Oui” au référendum du 28 septembre. Après trois jours de discussions, la 3ème nuit (nous discutions beaucoup la nuit, comme souvent en Afrique), Sékou Touré décida que la délégation guinéenne aux obsèques de Ouezzin Coulibaly, dirigée par son frère, Ismael Touré, se rendrait avec nous à Bobo-Dioulasso et y resterait après la cérémonie pour rencontrer le Comité de Coordination. Les échanges de vues commencés aussitôt après les funérailles s'annonçaient plutôt positifs, quand tomba une dépêche AFP indiquant que Bakary Djibo avait décidé de faire voter “Non” au Niger. Ismael Touré déclara alors que cet élément nouveau l'amenait à solliciter de nouvelles instructions de Sékou Touré, du fait que celui-ci avait beaucoup inspiré la prise de position de Bakary Djibo. Nous étions à une vingtaine de jours du Référendum, les négociations ne furent jamais reprises. On connaît la suite. Sans cette “dépêche d'Ems”, peut-être aurions-nous abouti, peut-être pas ; en tout cas il subsistera toujours un doute.” (L'auteur a rencontré un autre membre de cette mission, qui lui a confirmé en tous points ce compte-rendu. Entretien avec Abdoulaye Singaré, ancien ministre du Soudan-Mali, Bamako, 20 janvier 2002) Le texte définitif du projet de constitution ayant déjà été publié, on se demande comment les nouvelles propositions plus “fédéralistes” d'Houphouët eussent encore pu être prises en ligne de compte. En quittant Conakry, Gabriel Lisette déclare à l'Agence France-Presse : “La Guinée a décidé de suivre une voie différente de l'ensemble des sections du RDA en AOF et en AEF. Je souhaite pour la Guinée que cette option ne contrarie pas l'émancipation réelle du peuple guinéen ; mais dans l'éventualité où cette expérience se révélerait négative, elle éclairerait de toute façon la route du RDA et des peuples africains.”
195. Télégramme de compte-rendu de Pierre Messmer au ministère, 16 septembre 1958 (archives AOM, série affpol, carton 281).
196. Toutefois, Madame Andrée Touré y sera présente, en compagnie de Madame Coulibaly et de nombreuses autres militantes du RDA. Les deux femmes ont ensemble ramené la dépouille mortelle de Paris à Abidjan puis à Bobo-Dioulasso (conversation avec Andrée Touré, Dakar, 16 juin 1997).
197. Sékou Touré fait pourtant à la radio, le lendemain du décès, une déclaration émouvante et particulièrement positive sur le disparu. Cette déclaration est reprise dans La Liberté du 14 septembre : “C'est avec une profonde douleur que les populations guinéennes, et plus particulièrement les dirigeants et les militants du RDA ont appris le décès de leur compagnon de lutte, Ouezzin Coulibaly. Ouezzin Coulibaly, en plus de ses fonctions électives de Conseiller municipal d'Abidjan, de député de la Côte-d'Ivoire, de Conseiller territorial et de president du Conseil de gouvernement de la Haute-Volta, était surtout une des lumières les plus rayonnantes du RDA depuis 1946. Ouezzin était connu légendairement de toute l'Afrique noire comme le symbole de l'intelligence, du courage tranquille et de la bonté. Il est resté de son vivant l'ami, le confident honnête et le conseiller désintéressé de tous. Toujours avec le sourire aux lèvres, la foi ardente dans les destinées de notre pays, avec l'âme d'un homme qui se veut un instrument conscient de l'évolution des siens, Ouezzin Coulibaly a appartenu indistinctement à toutes les générations composant notre mouvement. Sans lui, le Parti démocratique de la Côte d'Ivoire aurait succombé sous le poids de la répression entre 1947 et 1951. Sans lui, le RDA de la Haute-Volta n'aurait pas connu de victoire rapide. Sans lui, la Direction Fédérale du RDA ne serait pas cohérente. Ouezzin Coulibaly avait des qualités humaines qui ont exclu dans ses rapports avec ses compagnons de lutte, l'opportunisme, le calcul, l'intérêt personnel et la jalousie. Konaté exprimait la vraie sagesse africaine, Ouezzin incarnait, quant à lui, la sérénité et l'enthousiasme que le dirigeant politique, fier de son peuple, possède dans l'accomplissement de son devoir, pour que vive et prospère son pays. L'Afrique perd en la personne de Ouezzin Coulibaly un de ses meilleurs fils, un fils au caractère noble, aux possibilités immenses et au large rayonnement Les populations de Guinée, qui ont apprécié les qualités de cet homme dans les épreuves les plus dures, et qui ne cessent de le présenter comme l'exemple d'une vie active toute engagée dans le combat pour la justice et la liberté des peuples africains, sont en deuil depuis que leur ami tant aimé s'est éteint à Paris. Elles adressents leurs condoléances à la famille du disparu et partage sa peine.”
Par ailleurs, Sékou décide que le 9 septembre sera en Guinée jour de prières et de recueillement pour le disparu. Mais il ne sera plus publiquement question d'Ouezzin Coulibaly en Guinée jusqu'en 1965 !
198. Télégramme envoyé par Pierre Messmer le 19 septembre 1958 depuis Ouagadougou peu après les obsèques d'Ouezzin Coulibaly, auxquelles le haut-commissaire avait assisté.
199. Le même Pierre Messmer écrira pourtant, dans Les blancs s'en vont (Paris, Albin Michel, 1998, page 271) : “La rupture totale qui intervint entre la France et le Vietnam ou la Guinée n'était de l'intérêt de personne.”
200. Mahamoud Harbi quitte le territoire début octobre 1958, visite Le Caire, puis Moscou et Pékin, et finit par s'installer en Somalie. Le 28 septembre 1960, jour anniversaire du référendum, il disparaît victime au départ de Djibouti d'un accident d'avion (qualifié d'attentat français par ses partisans) alors qu'il se rendait en Europe.
201. L'Union Progressiste Sénégalaise avait été créée le 8 avril 1956 par regroupement de plusieurs autres formations politiques ; Mamadou Dia en fut nommé secrétaire général.
202. C'est en réalité à l'instigation d'Ismael Touré, qui ne sentait pas encore la Guinée prête à l'indépendance, que cette mission aurait été envoyée auprès de Sékou (conversation de l'auteur avec Mamadou Dia à Dakar, 8 mars 1997). Mamadou Dia raconte lui-même cette visite dans son ouvrage Mémoires d'un militant du tiers-monde (Publisud, 1985) : “Sékou Touré, jusqu'au Congrès du PRA à Cotonou n'avait jamais dit qu'il voulait l'Indépendance. Il était, plutôt, avec Houphouet, pour réclamer une sorte de Fédération. C'est après les incidents de Conakry qu'il a pris la décision de rompre et de voter “Non”, au Référendum. A ce moment-là, j'ai rencontré un de ses proches collaborateurs (Ismaïla Touré) qui, lui, pensait qu'il serait souhaitable que je puisse voir Sékou Touré pour discuter avec lui, estimant que j'étais, peut-être, le seul homme d'État Africain qu'il écouterait (…) Parce que mon interlocuteur pensait que nous avions raison, nous, au Sénégal de défendre la thèse de l'indépendance dans l'Unité. Nous disions : Indépendance Oui, mais indépendance dans l'unité ; et qu'il fallait, d'abord, réaliser l'unité avant de prendre l'Indépendance. Il pensait donc, que, si je pouvais rencontrer Sékou Touré, je pouvais le convaincre de nous rejoindre, en acceptant de voter “Oui”, afin que, ensemble nous préparions l'Indépendance. J'ai fait état de cette conversation au cours des débats qui ont eu lieu au Conseil Exécutif de l'UPS, sur la question de savoir s'il fallait voter “Oui” ou “Non”. Et j'ai été mandaté par le Conseil Exécutif unanime pour aller prendre contact avec Sékou Touré. On a, donc, suspendu les débats. L'on pensait que l'acceptation de Sékou Touré permettrait au Conseil Exécutif d'adopter, unanimement une telle solution : voter “Oui”, pour prendre, ensuite, l'Indépendance, ensemble. Dans ces conditions, au lieu d'être deux, nous aurions été trois (avec le Soudan) à prendre l'indépendance et à constituer une Fédération. C'est muni d'un tel mandat que je suis allé à Conakry. J'ai discuté avec Sékou Touré. Il n'y a eu rien à faire. Il m'a dit que c'était trop tard, que c'était une question de dignité, qu'il s'était défini publiquement, qu'il avait pris toutes ses dispositions. Sékou Touré disait qu'il comprenait notre situation au Sénégal, où ce n'était pas la même chose ; que lui, il avait supprimé les chefferies. Il n'avait pas le problème de marabouts que nous avions au Sénégal. En résumé, il me dit: “Oui”Je comprends que vous soyez obligés de temporiser. Mais, pour moi, toutes les conditions sont réunies pour voter “Non” et prendre notre Indépendance. (…) Devant l'échec de la mission, Abdoulaye Ly et ses amis se sont détachés, ont démissionné, pour constituer le PRA-Sénégal, avec Assane Seck, Amadou Moctar Mbow (le futur Directeur général de l'UNESCO), Thierno Ba, Diara Diouf, Abdoulaye Guèye, etc J'avais dit à Sékou Touré : “De toutes manières, nous devons nous retrouver après le référendum”. Et lui, d'approuver : “Je suis engagé, je ne peux pas reculer. Mais, après le référendum, nous pourrons nous retrouver”.
203. Certains documents situent cette rencontre le 9 septembre.
204. Maître Léon Boissier-Palun, métis franco-dahoméen — sa mère était la fille d'un chef traditionnel du Dahomey/Bénin, son père un fonctionnaire colonial —, est à l'époque établi comme avocat à Dakar. Aux côtés de Senghor, il a participé à la création du Bloc Démocratique Sénégalais. Il présida — avant Houphouët-Boigny — le Grand Conseil de l'AOF. Il sera ambassadeur du Sénégal à Londres, puis à Paris, et délégué du Bénin à l'UNESCO. Né le 29 juin 1916 à Djougou (Dahomey/Bénin), il est décédé à Paris le 19 octobre 2007.
205. Totalement convaincus du succès du “Non” au prochain référendum, les membres de la conférence commencent dès ce moment à discuter du futur hymne national, de la couleur du drapeau, de la devise de la Guinée indépendante.
206. Le 3ème Congrès du PDG (23/26 janvier 1958) avait déjà appelé les partis rivaux “à tirer les leçons des événements et à prendre résolument la décision de rejoindre les rangs constitués par le Peuple de Guinée (…) (et à) s'élever au-dessus de l'amour-propre, au-dessus des complexes, de la rancoeur, de l'égoisme et de la jalousie”.
207. Les signataires de l'accord du 17 septembre 1958 sont, pour I'UPG-PRA Barry Diawadou, Barry III, Diallo Abdoulaye, Bah Thierno, Fofana Abdoulaye, Kane Aliou Badara ; pour le PDG-RDA Touré Sékou, Diallo Saifoulaye, Diakité Moussa, Camara Damantang, Touré Ismael, Louis Lansana Béavogui, Camara Daouda.
208. Information confirmée à l'auteur par la veuve d'un ancien cadre supérieur des Chemins de fer de Guinée, René Poupin, qui fut affecté en Guinée de 1945 à 1958 (entretien avec madame veuve René Poupin, Paris, 26 février 2006).
209. Cet air, qui accompagne une partie du film Et vint la Liberté (film réalisé après l'indépendance pour retracer les grandes étapes de l'histoire du pays) et qui continue à être populaire en Afrique de l'Ouest, a été composé par le griot Diély Mamadou Kandé, en compagnie de sa femme et de son jeune frère, dès le 25 août au soir, lors de la visite du général de Gaulle. Il l'a fait écouter à Moussa Sanguiana Camara, puis à Keita Fodéba (lui-même griot), qui a tout de suite compris le parti que l'on pouvait en tirer et a fait effectuer des enregistrements à la radio nationale le 21 septembre.

Le succès en fut immédiat et éclatant, et l'on n'entendait pratiquement plus autre chose ! Dès le lendemain du référendum, Sékou Touré félicita le griot, au nom du Bureau Politique National, pour sa contribution à la victoire du “Non” au référendum (témoignage de Diély Mamoudou Kandé recueilli par Valéry Gaillard pour le film Le jour où la Guinée a dit non (déjà cité).
210. Témoignage d'Émili Biasini, responsable auprès de Bernard Cornut-Gentille de la communication du ministère de la France d'Outre-mer, recueilli par Valéry Gaillard lors du tournage du film Le jour où la Guinée a dit non (déjà cité).
211. On peut également rappeler que l'un des vice-présidents de la Fédération des Étudiants d'Afrique Noire en France (FEANF), un étudiant congolais (et métis) en sciences Joseph van den Reysen, écrit en septembre dans la revue L'Étudiant d'Afrique Noire: “Identifier Monsieur Sékou Touré à la classe ouvrière africaine, voilà une escroquerie monstrueuse, qu'il faut dénoncer. Le Sékou Touré de la communauté franco-africaine, le Sékou Touré ministre de la loi-cadre grassement payé avec l'argent des travailleurs, le Sékou Touré qui pousse les Guinéens au meurtre: représente-t-il les travailleurs ? Le Sékou Touré et compagnie qui parlent de “liquidation du système colonial”, de lutte pour “l'émancipation”, de “décolonisation”, mais ils évitent de prononcer le mot-clé de notre temps : “Indépendance”. Ce même van den Reysen envoie le 17 septembre 1958 un message alarmiste à Dag Hammarskjöld, secrétaire général des Nations-Unies.
212. M. Dequecker, “La Guinée de la loi-cadre à l'indépendance”, conférence prononcée en décembre 1959 au Centre Militaire d'Information et de Spécialisation pour l'Outre-mer (CMISOM).
213. Rappelons par exemple qu'à Dakar, devant le général de Gaulle, le ministre de l'intérieur du Sénégal, l'avocat Valdiodio Ndiaye avait déclaré le 25 août : “Je peux, et j'ai même le devoir de déclarer que demain, tous les “oui” ne comporteront pas une renonciation délibérée à l'indépendance et que tous les “non” ne traduiront pas une volonté de rupture complète.”

[Erratum. De Gaulle était à Conakry le 25 août. C'est le lendemain mardi 26 août qu'il fut accueilli à Dakar . Consulter G. Chaffard “Conakry et Dakar”T.S. Bah]

De son côté, Gaston Cusin, haut-commissaire à Dakar jusqu'au 15 juillet 1958, relève dans une note secrète adressée au général de Gaulle le 22 septembre : “Monsieur Sékou Touré m'a déclaré lui-même, dans de nombreuses conversations au sujet de l'indépendance, qu'il ne pouvait croire à la suppression de l'aide financière française lorsqu'il voyait Marocains et Tunisiens, complices du FLN algérien, recevoir d'importantes subventions. Il ajoutait que, s'il en était ainsi les Africains comprendraient qu'à leur tour, il convenait sinon d'organiser des maquis, du moins de faire au micro des postes étrangers quelques déclarations retentissantes.”
214. Ainsi le père Joseph-Roger de Benoist, directeur de l'hebdomadaire catholique Afrique Nouvelle, créé par les Pères Blancs et publié à Dakar de 194 7 à 1987, fréquemment en délicatesse avec son archevêque, Mgr Lefebvre, en raison de ses attitudes progressistes, s'est rendu sur le conseil de celui-ci à Conakry le 27 septembre ; il demande à Mgr de Milleville, archevêque de Conakry, la liste des questions qui préoccupent les églises à la veille du référendum. Connaissant bien le leader guinéen depuis plusieurs années, sachant que celui-ci sait fort bien se servir de la presse, le père de Benoist obtient sans difficultés un rendez-vous avec Sékou Touré, chez qui il passe la fin de l'après-midi et la soirée du 27 septembre ; ils sont seuls au début, mais petit à petit, le salon de Sékou se remplit. A aucun moment, Sékou ne laisse percer la moindre nervosité, la moindre angoisse devant le scrutin du lendemain, ni devant ses conséquences éventuelles (entretien du père Joseph-Roger de Benoist avec l'auteur, Dakar, 13 octobre 1996).
215. Recueil du Bureau d'études de l'AOF, période du 15 au 21 septembre 1958, page 82.
216. En dehors du parti gaulliste RPF et des Français libres, une association pour le soutien de l'action du général de Gaulle vient au mois d'août de se créer en Guinée, sous la présidence d'Éric Allégret.
217. Sékou Touré avait déjà évoqué ce souhait avec le gouverneur quelques jours plus tôt (Archives d'Outremer, Affpol, carton 281, dossier 6). Dans un bulletin 11.369/A daté du 25 septembre, le SDECE affirme que “selon ses informateurs”, une fois l'indépendance obtenue, Sékou Touré effectuera une démarche à Paris pour proposer la mise en commun de la monnaie, de l'armée et de la diplomatie ; il précise que parmi les moyens de pression qu'utiliserait Sékou si sa proposition n'était pas acceptée, il susciterait une grève générale des travailleurs affiliés à l'UGTAN dans les pays qui auront voté “oui”.
218. Au début de l'année 1957, à la suite de la prise de fonctions d'un nouveau gouverneur britannique, environ 30.000 guinéens avaient été expulsés de Sierra Leone, où ils travaillaient illicitement dans les mines de diamant. La plupart d'entre eux s'étaient regroupés dans la région de Guéckédou. Sékou Touré et Saifoulaye Diallo avaient fait du 20 au 25 septembre 1956 un déplacement en Sierra Leone, où les discussions avec le futur Premier ministre Milton Margay avaient largement porté sur ce problème. Mais Sékou Touré avait affirmé que “les frontières sont artificielles et le gouvernement français doit davantage ouvrir et mieux exploiter les gisements guinéens.”
219. Archives de la FOM, série Affpol, carton 281, dossier 6, télégramme du 22 septembre de genesuper/dakar à ministère de la FOM. Pierre Messmer raconte cet épisode dans ses mémoires, publiés sous le titre : Après mot de batailles… (Albin Michel, 1992) : « A Paris, la Caisse centrale et la direction du Trésor sont indignées qu'un gouverneur ose se mêler des questions de monnaie, domaine réservé au ministre des finances, alors Antoine Pinay. Le temps presse. (…) Sous le mauvais prétexte d'assurer la sécurité des Français le jour du référendum, j'envoie à Conakry le 25 septembre, à bord d'un navire de la marine nationale, une compagnie de parachutistes dans laquelle un solide commando a l'ordre écrit et signé de ma main de se faire remettre les milliards et de les transporter aussitôt à bord du navire qui les ramènera à Dakar. Le recours à la force est autorisé jusqu'à l'ouverture du feu exclusivement, sauf cas de légitime défense. Quand les paras sont en mer, je rends compte au ministre. Quelques heures plus tard, je reçois un télégramme signé Pinay et Cornut-Gentille m'ordonnant d'annuler mon expédition. (…) Je réponds sans hâte par un message chiffré volontairement incompréhensible. Je gagne ainsi vingt-quatre heures et tout est terminé sans accroc quand l'ordre d'annulation m'est sèchement confirmé. Je n'ai pas l'insolence de demander s'il faut renvoyer les milliards à Conakry… ». Les télégrammes échangés avec le ministère de la France d'Outre-mer sont clairs : “Après toute une semaine pendant laquelle j'avais maintenu les décisions prises en ce qui concerne encaisse Guinée et refusé de céder aux manoeuvres dilatoires de l'Institut et à l'opposition formelle du ministère des Finances, je vous confirme que j'ai reçu instruction Matignon renoncer opération enlèvement.” (Télégramme n° 397-398 du 27 septembre 1958 du ministre de la France d'Outre-mer au haut-commissaire à Dakar). Messmer répond deux jours plus tard : “Devant passivité Institut qui risquait de compromettre gravement intérêts français, j'ai décidé enlever de Conakry la partie des stocks de billets neufs non émis qui n'étaient pas nécessaires à la vie économique du territoire soit environ 1, 700 Milliards/CFA. (…) Ma décision, dont je revendique responsabilité, est évidemment contraire aux instructions de votre télégramme 397-398 du 27-9-58 mais je pense qu'en raison des circonstances vous voudrez bien l'approuver.” (Télégramme n° 782-783 du 29 septembre 1958, soit le lendemain du référendum et alors que l'opération d'enlèvement est déjà terminée !) L'aviso Paul Goffeny fut ultérieurement affecté au Service Hydrographique de la Marine ; il devait faire de nouveau escale à Conakry en mai 1963 dans le cadre d'une campagne de relevés océanographiques. Cette visite fut cependant annulée à la dernière minute. Selon un courriel à l'auteur en date du 17 novembre 2008, MM. Boubacar Sampiring Diallo et Kory Koundiano, deux agents de la Banque centrale de Guinée qui ont rédigé un ouvrage (non encore publié) sur la monnaie guinéenne, “Pierre Messmer nous a reçus le 30 septembre 2004 à son bureau à l'Institut de France. S'agissant de l'opération d'enlèvement d'une partie de l'encaisse en francs CFA de l'agence de l'Institut d'Émission à Conakry, il nous a confirmé que l'ordre a été donné par lui seul, sans se référer au général de Gaulle, qui ne l'a pas désapprouvé après coup. Il était sûr que le Ministère de Finances aurait refusé l'autorisation s'il l'avait consulté. Il a décidé d'envoyer le commando pour éviter que Sékou Touré “ne fasse hold up sur la caisse”. A notre question, M. Messmer a répondu que si M. Sékou Touré avait été informé que cette opération allait avoir lieu le 28 septembre 1958, il l'aurait sans doute empêchée au moyen d'une manifestation de masse, auquel cas les parachutistes français, qui n'avaient pas reçu l'ordre de tirer, auraient reculé et l'opération aurait échoué.” Les affirmations de M. Messmer ne se recoupent cependant pas avec celle de Robert Julienne dans son livre Vingt ans d'Institutions monétaires ouest-africaines, 1955-1975 — Mémoires (Éditions L'Harmattan) ; selon ce dernier, l'ordre d'évacuer les billets donné par Messmer le 25 septembre et reconfirmé le 26 avec réduction du montant à F. CFA 2,2 milliards, a été suspendu en fin d'après-midi sur instructions venues de Dakar. C'est plutôt le gouverneur Risterucci qui, arrivé à Conakry le 28 septembre et après consultations avec les personnalités appelées à participer à l'opération, qui décida d'une évacuation limitée aux grosses coupures non émises (F. CFA 1.150 millions) et signe, à l'intention du directeur de l'agence de la BCEAO à Conakry, une réquisition de ce montant que l'année évacue à Dakar.”
220. Diverses autres mesures “de précaution” sont également envisagées, comme par exemple l'arrêt des émissions et le démontage partiel des installations de Radio Conakry (télégramme no. 762-764 du 25 septembre 1958 de Pierre Messmer au ministre de la France d'Outre-mer).
221. Télégramme no. 386/394 du 25 septembre 1958 de France d'Outre-mer au haut-commissaire à Dakar. On verra que ces instructions seront appliquées de manière rigoureuse, à la fois dans leur lettre et dans leur esprit. Elles figurent aussi dans le Fonds privé Foccart (carton 61, dossier 199). Le 29 septembre cependant, le conseiller diplomatique du haut-commissaire à Dakar, Chambard, déclare à Diallo Telli qu'“on arrangera ça”. (conversation d'Alain Plantey avec l'auteur, Paris, 18 mars 2002).
222. Trois ans plus tard, en août 1961, l'ancien gouverneur retournera en Guinée, invité par Sékou Touré, en même temps que François Mitterrand et Pierre Mendès-France à la 3ème conférence du PDG Sékou Touré lui adressera de très flatteuses louanges dans son allocution publique de bienvenue (voir le chapitre sur ce voyage de François Mitterrand).
223. Gouverneur hors classe de la France d'Outre-mer, Jean Risterucci, né en 1911, breveté en 1931 de l'École nationale de la FOM, rapportera de sa brève mission en Guinée le surnom de “Restera-t-il-ici ?”. En fait, il sera nommé ambassadeur de France au Gabon (de 1960 à 1963), puis président directeur général de la société de mise en valeur de la Corse.
224. Peu actif pour ce qui est des relations avec la Guinée pendant les débuts de la mise en place des institutions de la Loi-cadre et l'action du Conseil de gouvernentent, le ministère de la France d'Outre-mer redouble d'activité à l'approche du référendum et de ses résultats négatifs prévisibles, en liaison avec les affaires étrangères pour les aspects internationaux. C'est ce que note également Bernard Charles (“La transformation des relations de pouvoir entre le Gouvernement général, le Ministère de la France d'Outre-mer et la Guinée ( 1956- 1958)” in AOF Réalités et Héritages, Dakar, Direction des Archives du Sénégal, 1997) : “(Le ministère) va reprendre un rôle actif important dans la rupture des liens entre la France et la Guinée au cours des derniers mois d'existence de la colonie, en étroite collaboration avec le haut-commissaire Messmer. A en juger par le nombre de télégrammes, de lettres et de rapports, jamais la Guinée n'avait tenu, semble-t-il, une telle place dans les préoccupations du ministère de la France d'Outre-mer et dans celles du Gouvernement Général de Dakar : pour la période allant du 15 Septembre au 31 Novembre 1958, au moins 180, dont une bonne cinquantaine émanant de la rue Oudinot. Pour sa part, Risterucci, venu à Conakry au titre de la mission française de liquidation, en recevra directement plusieurs d'un ton cassant comme celui-ci où se trouve précisé ce que son rôle est et n'est pas: ‘(…) Vous devez vous abstenir des conférences de presse inutiles et imprudentes comme celle que vous avez faite hier (…)’. Mais le véritable lieu du pouvoir est désormais à Matignon avec le général de Gaulle … Le mieux que pourra faire son ministre de la France d'Outre-mer, Bernard Cornut-Gentille, concernant la Guinée, sera de programmer avec efficacité le départ de la France décidé par le Général après son passage à Conakry, de freiner la reconnaissance du nouvel État et de tout faire pour que la sécession ne soit pas payante aux yeux des autres territoires ayant choisi la Communauté. Voir aussi le chapitre 34, ainsi que (pour toute la préparatton diplomatique avant et au lendemain de l'accession de la Guinée à l'indépendance, et notamment les tentatives pour empêcher son admission à l'ONU) mon livre Diallo Telli, le destin tragique d'un grand africain, Paris, Éditions Jeune Afrique, Collection Destins, 1990, 225 p.
225. Note secrète du SDECE n° 11424/A du 26 septembre 1958.
226. Claire François, “L'indépendance de la Guinée”, Cahiers Internationaux, No. 100, novembre 1958.
227. Le texte intégral, publié pour la première fois dans l'ouvrage du père Gérard Vieira L'Eglise catholique en Guinée, Tome II (1925-1958), Dakar, 1998, est donné en annexe, ainsi que les commentaires de ce dernier.
228. Voir le témoignage exclusif du Père Joseph Roger de Benoist en annexe.
229. Dans les bureaux de vote, les électeurs trouvent deux bulletins, un pour le “oui”, un pour le “non”, ainsi qu'une brochure de huit feuillets comportant le texte complet du projet de constitution, ainsi que le texte du discours prononcé par le général de Gaulle le 4 septembre place de la République à Paris. On trouvera reproduit en annexe le paragraphe de cette allocution consacré à l'Outre-mer, qui ne laisse aucun doute sur la rupture des liens qui résulterait d'un vote négatif.
230. On trouvera en annexe l'essentiel de ce qu'André Blanchet écrit à propos de ce scrutin dans Le Monde. Voir aussi la note 234 sur la couleur des bulletins de vote.
231. Il faut également signaler que Sékou Touré a fait à plusieurs reprises l'éloge de la politique de décolonisation menée par le général de Gaulle, y compris pour la Guinée. Ainsi, dans son discours à l'Hôtel-de-Ville de Paris, le 17 septembre 1982, répondant à Jacques Chirac, maire de Paris : “Nous avons vu en lui (général de Gaulle) un patriote sincère, guidé par l'ardente volonté de donner à la France, non seulement sa liberté, mais aussi sa personnalité et sa dignité. Et nous pensons qu'il est resté confonne à ces objectifs qu'il s'était fixés. Nous soulignons aussi le fait que n'eût été le général de Gaulle, peut-être l'indépendance de la Guinée aurait été une réalité de l'avenir, mais pas celle de l'année 19S8. Nous lui sommes donc redevables de l'indépendance de la Guinée. Une analyse des faits démontre que le général de Gaulle avait un sens de la dignité et que son comportement était caractérisé par l'harmonie entre le dire et le faire (…) Et l'histoire retient que la Guinée aura, sans effusion de sang, fait le passage qualitatif d'un stade colonial à un stade de souveraineté totale. Et chaque fois que nous ferons l'histoire de notre pays, nous rendrons hommage à celui que nous considérons comme élément détenninant de cette accession de la Guinée en quelques heures à l'indépendance, à la suite d'un référendum. Et d'ailleurs en signe de reconnaissance, pour toutes les oeuvres que nous avons eu à publier — le 28ème tome sortira ce mois-ci des presses — le premier exemplaire était adressé au général de Gaulle de son vivant.”
232. C'est dans le Fouta Djalon, à Labé, à Dalaba et à Mali, que le “Oui” obtient le plus de voix (27.440 “oui” à Labé, près de la moitié du total). Faranah, la ville familiale de Sékou, n'enregistre aucun vote “oui” ; à Guéckédou et à Youkounkoun, on ne compte qu'un seul bulletin “oui”; la capitale Conakry donne 991 “oui” contre 39.232 “non”. Lors de la proclamation de l'indépendance par l'Assemblée territoriale le 2 octobre, les chiffres donnés seront : 1.136.324 “non” contre 56.941 “oui” ; les chiffres officiels, légèrement différents (en baisse pour le “non” et en hausse pour le “oui”), seront publiés peu après. On remarquera au passage que Sékou Touré n'a jamais incriminé les quelque dizaines de milliers de voix qui se sont portées sur le “oui”, alors qu'Houphouët-Boigny semble s'être fortement offusqué des quelques centaines de votes “non” qu'a connus la Côte-d'Ivoire. Les chiffres officiels des résultats du référendum figurent en annexe.

[Erratum. Lire mon blog réfutant ce passage du livre d'André Lewin. — Tierno S. Bah]

233. Conversation d'Émile Biasini avec l'auteur, Vienne, automne 1995. Voir aussi son livre L'Afrique et nous, Paris, Odile Jacob éd., collection Opus, 1998.

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