André Lewin
Ahmed Sékou Touré (1922-1984).
Président de la Guinée de 1958 à 1984.
Paris. L'Harmattan. 2010. Volume II. 263 pages
Chapitre 22. — 16 janvier 1957
Sékou Touré et la création de l'UGTAN
La plupart des syndicats, parmi lesquels la CGTA bien sûr, mais aussi la CGT (la seule exception, comme toujours, reste Force Ouvrière 49), conviennent très vite qu'il importe d'aller plus loin que la simple unité d'action en AOF, et qu'il faut s'étendre à l'ensemble de l'Afrique francophone, et même si possible aux anglophones. Il en a déjà été question lors d'une toute première conférence syndicale panafricaine organisée à Dakar, du 10 au 14 avril 1947, par la Fédération Syndicale Mondiale, et à laquelle assistent des délégués (africains et européens) venus de l'AOF et de l'AEF, mais aussi de l'Algérie, du Maroc, du Nigeria, de la Sierra Leone, de la Gambie, du Congo belge et même de l'Afrique du Sud 50. Des années plus tard, on en reparle lors de la réunion à Bangui en avril 1956, à l'initiative de la CGT, des deux comités de coordination AOF-Togo et AEF-Cameroun ; sans doute la CGT espère-t-elle récupérer par ce biais l'influence qu'elle vient de perdre avec la création de la CGTA quelques jours auparavant.
Quelques mois plus tard, du 16 au 19 janvier 1957, se tient à Cotonou un congrès où sera discutée et approuvée la création d'une centrale unique pour l'ensemble de l'Afrique, l'Union Générale des Travailleurs d'Afrique Noire (UGTAN). Sékou Touré et David Soumah y arrivent l'un et l'autre en retard, alors que les délégués de la CGT ont déjà commencé à orienter les travaux. Il n'y a toutefois pas de représentants de l'AEF, ni d'envoyés des pays anglophones : le Ghana est pourtant sur le point de devenir indépendant, en mars 1957 51.
Mais lors d'une réunion de la Confédération Internationale des Syndicats Libres tenue à Accra en janvier 1957, presque en même temps que la réunion de Cotonou, a précisé sa propre conception du syndicalisme (plutôt rassurante pour les participants anglo-saxons) et de son rôle dans l'unité de l'Afrique.
De toutes les clauses de la nouvelle Charte, la plus discutée au cours des séances tenues dans la salle du grand cinéma de Cotonou prévoit que la nouvelle Union “est indépendante de toute formation politique ou philosophique. Elle se réserve le droit de soutenir toute action conforme aux intérêts des populations africaines” (article 3 des statuts).
Tous les syndicats existants devront donc se désaffilier des centrales françaises ou internationales auxquelles ils avaient été jusque-là liés. Par ailleurs, l'UGTAN ne s'affiliera à aucune des internationales syndicales; elle refuse, malgré la pression de certains cadres, de se lier à la Fédération Syndicale Mondiale 52.
Diverses questions politiques sont également abordées : le congrès “s'élève vigoureusement contre le massacre de nos frères camerounais et algériens, après la répression sanglante de Madagascar et de l'Indochine”, “s'inquiète que la Loi-cadre n'aboutisse à la balkanisation de l'Afrique” alors que “l'objectif est l'émancipation des Peuples de l'Afrique tout entière (…) et la lutte pour la liquidation du régime colonial”. La résolution doctrinale fmale annonce “la lutte pour la liquidation du régime colonial, l'émancipation des travailleurs et la sauvegarde des libertés publiques”, 53.
La proposition de David Soumah condamnant à la fois la politique fiançaise en Algérie et l'intervention soviétique en Hongrie (novembre 1956), n'est pas adoptée, malgré le soutien de Sékou Touré et Diallo Seydou 54. Profitant de l'absence, pendant une journée, de Sékou Touré, ses adversaires parviennent à empêcher son élection à la tête de la nouvelle centrale. C'est donc un comité directeur provisoire de I'UGTAN qui est constitué à Cotonou, comprenant 14 membres 55, dont cinq sont originaires de Guinée, et deux observateurs, dont l'un est originaire de Guinée 56.
Dès le 20 janvier 1957, ce comité directeur se réunit à Dakar et désigne en son sein un secrétariat collectif formé de cinq membres, Sékou Touré et Alioune Cissé (Sénégal, ex-CGT) pour les affaires administratives et les revendications syndicales, Abdoulaye Diallo et Abdoulaye Bah (Sénégal, ex-Cheminots) pour les relations extérieures, Eddoh Koffi (Dahomey, ex-Cheminots) comme trésorier ; David Soumah et Septime Thomas seront les observateurs de la CATC. L'ascendant de Sékou au sein de ce groupe est certain, mais il est vrai que les syndicalistes fidèles à la CGT y sont plus nombreux que ceux de la CGTA. C'est sans doute ce qui amène certains observateurs à écrire : “L'opération lancée par le RDA pour constituer une centrale qui serait le volet syndical du mouvement avait partiellement échoué” 57, cependant que dans un rapport du 8 février 1957, le haut-commissaire Gaston Cusin affrrme qu'“il est nécessaire d'établir une liaison aussi étroite que possible avec la CGTA et son principal leader, Sékou Touré. Cette organisation est en effet la seule capable de faire avorter le mouvement de fusion ou de servir de contrepoids à l'influence d'Abdoulaye Diallo et Cissé Alioune au sein de la Centrale unifiée au cas où cette demière se constituerait en définitive.”
Par ailleurs, la réunion de Cotonou avait également préconisé la formation d'une centrale africaine indépendante regroupant tous les syndicats et unions d'Afrique de l'Ouest francophone ou anglophone.
Immédiatement après la réunion de Cotonou, Sékou Touré se rend donc à Accra où il prend contact le 23 janvier avec les syndicats des colonies britanniques, eux-mêmes réunis en présence de Nkrumah, pour les inciter à se joindre à une centrale africaine unique.
C'est ainsi que sont jetées au début de 1957 les bases de l'Union Générale des Travailleurs d'Afrique Noire (UGTAN). Mais sa création formelle n'interviendra que lors de son premier congrès tenu à Conakry peu après l'indépendance de la Guinée, du 15 au 18 janvier 1959, en présence de délégations venues pour l'essentiel de pays francophones d'Afrique noire : Guinée, Sénégal, Mauritanie, Soudan, Dahomey, Togo, Haute Volta, Niger, Cameroun, Congo-Brazza, Gabon, Tchad et République centrafricaine.
Sékou Touré en fut évidenunent élu président.
La question du cumul des mandats syndicaux et politiques, dont Sékou Touré a été l'un des adeptes, a été soulevée à plusieurs reprises au cours des années précédant l'indépendance. Du 8 au 10 mars 1958, les dirigeants de l'UGTAN se réunissent à Bamako pour trouver une solution au problème de la compatibilité des fonctions syndicales avec les charges publiques et les postes de responsabilité politique : à cette époque, Sékou Touré, outre ses fonctions syndicales en Guinée, en AOF et à I'UGTAN, était :
- député français, membre du Grand Conseil de l'AOF
- vice-président du Conseil de gouvernement de la Guinée
- conseiller général de Conakry maire de Conakry
- membre du Comité Régional d'Aménagement de la Guinée !
Neuf fonctions pour un seul homme ! Cette multiplicité des charges retarda la mise en place des structures défmitives de l'UGTAN, qui aurait dû être tertninée en juin 1958. Elle entraînait aussi des conséquences paradoxales : chef du Conseil de gouvernement guinéen, Sékou Touré menaçait de réprimer vigoureusement toute grève, comme celle que les fonctionnaires de l'AOF voulurent lancer en février 1958. “Patron” et supérieur hiérarchique des fonctionnaires et employés publics de Guinée, il se trouvait placé dans une position impossible lorsqu'il devait négocier sur des revendications précises présentées par un syndicat dont il était lui-même le secrétaire général ! “Il arriva qu'on ne savait plus qui négociait pour le gouvernement et qui représentait les travailleurs.” 58.
Cette ambiguïté était déjà apparue lors du 3ème congrès du RDA tenu à Bamako en septembre 1957, où Sékou Touré avait confirmé que la lutte des classes restait “le principe fondamental du mouvement ical”, mais que “les conseils de gouvernement et les assemblées territoriales devraient, sur la base d'un programme général constructif, demander la patience des syndicats pour certaines de leurs exigences qui devront céder la priorité en particulier aux revendications des paysans, artisans et pêcheurs africains”.
Le 2 février suivant, s'adressant aux délégués du personnel RDA menaçant de faire grève, il rappela que la grève dirigée contre les “organismes du colonialisme” ou le patronat était une bonne chose, “mais lorsqu'elle est dirigée contre un Gouvemement africain, elle affecte l'autorité africaine, renforçant par là même, dans le rapport de force qui s'établit entre le pouvoir dépendant et le pouvoir dominant, l'autorité de ce dernier (…) Le syndicalisme pour le syndicalisme est historiquement impensable dans les conditions actuelles. Le syndicalisme de classe l'est tout autant (…) Le mouvement syndical est obligé de faire sa reconversion, pour rester dans la même ligne d'émancipation.” 59.
Enfin, la pression des cadres les plus engagés dans l'action politique (et Sékou Touré ne fut pas l'un des moins insistants) amena la réunion de Bamako à confirmer l'autorisation du cumul entre fonctions syndicales et politiques. D'autres leaders syndicaux, tel David Soumah, refusèrent en revanche des postes gouvernementaux pour rester cohérents avec eux-mêmes.
Sékou Touré aura ainsi à plusieurs reprises joué, au profit de sa position propre et de celle de son mouvement, la carte de la politisation syndicale et de l'unité d'action : en Guinée même avec l'Union des syndicats confédérés de Guinée en 1946, puis au niveau de l'AOF avec le comité de coordination de la CGT en 1951, à nouveau pour l'AOF avec la CGTA en 1956, et enfin à l'échelle africaine avec l'UGTAN en 1957.
Une semaine après la proclamation de l'indépendance, le comité directeur de l'UGTAN se réunit à Conakry les 9 et 10 octobre 1958, salue les développements intervenus en Guinée comme une grande victoire et décide de mobiliser les travailleurs des autres territoires en faveur de l'indépendance.
Sékou Touré n'a jamais caché sa préférence pour un syndicalisme engagé ; il ne s'est sans doute jamais exprimé aussi clairement que dans son rapport de doctrine et d'orientation au Congrès constitutif de I'UGTAN du 16 au 19 janvier 1959 à Conakry, alors qu'il vient de prendre ses fonctions de président de la Guinée et au moment où il accepte la présidence de l'Union ; cas probablement unique d'un chef d'Etat à la tête d'un syndicat international. La Fédération syndicale mondiale est représentée par son secrétaire Marcel Bras, la CGT par Léon Mauvais et Philippe Lebrun, secrétaires confédéraux, et Irving Brown est revenu à Conakry pour la circonstance. “Le Congrès, dit Sékou Touré, rejettera catégoriquement la conception hypocrite et réactionnaire, inspirée par le colonialisme, soutenue par ses agents, et qui tend à vouloir enliser le mouvement syndical dans un réformisme préjudiciable à tous égards aux intérêts vitaux des travailleurs”.
Valable au niveau d'un Etat, cette conception l'est également sur le plan de l'Afrique tout entière, et puisque l'impérialisme et le colonialisme agissent encore sur l'ensemble du continent, il est normal que la lutte syndicale prenne elle aussi cette dimension. A cet égard, Sékou est très précis : “Ce sont les succès des mouvements de libération qui créent les meilleures conditions et de nouvelles possibilités pour la satisfaction progressive des besoins matériels et culturels des travailleurs et des peuples africains. Ce sera l'issue victorieuse du mouvement d'indépendance qui ouvrira la voie à la véritable solution des problèmes économiques et sociaux (…) L 'UGTAN entend user pleinement de son droit de soutenir toute action politique qu'elle juge conforme aux intérêts des travailleurs et des peuples africains.” Enfin, Sékou Touré réaffirme dans son rapport la nécessité d'un syndicalisme authentiquement africain indépendant des centrales métropolitaines, mais aussi des Internationales “marxiste, socialiste et idéaliste”.
L'UGTAN connaîtra trois ans plus tard un moment difficile, du fait de la division de l'Afrique en blocs rivaux, groupe de Casablanca, plutôt radical, et groupe de Monrovia, plus modéré. A l'appel du Conseil de solidarité afro-asiatique, les pays progressistes parviennent non sans mal à créer, lors d'une réunion tenue à Casablanca du 25 au 30 mai 1961, l'Union Syndicale Panafricaine, dont Ben Seddik, secrétaire général de l'Union Marocaine du Travail, devient le secrétaire général. En janvier 1962, c'est en revanche la création à Dakar d'une union proche de la Confédération Internationale des Syndicats Libres, nettement anticommuniste, la Confédération Syndicale Africaine ; la plupart des syndicats des pays “modérés” adhéreront à cette union et Ahmed Tlili, secrétaire général de l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens, en devient le président.
La double appartenance préconisée par le Kenyan Tom Mboya est repoussée ; les syndicats des pays “modérés” refuseront les uns après les autres d'adhérer à l'USP, et ceux qui l'avaient fait s'en retireront progressivement. L'UGTAN fait ainsi double emploi avec la nouvelle institution, proche de la Fédération Syndicale Mondiale. C'est une déception pour Sékou, pour qui l'action syndicale reste un moteur essentiel de la lutte.
Au cours des années, de nombreuses réunions syndicales se tiendront à Conakry :
- conférence mondiale des enseignants en juillet 1960
- conférence syndicale afro-européenne en 1969
- conférence des ministres africains du travail et des responsables syndicaux africains en 1974
- comité exécutif de l'Organisation de l'Unité Syndicale Africaine (OUSA) en 1981
Aussi n'est-il pas étonnant que se tienne dans la capitale guinéenne, en décembre 1982, un colloque sur l'histoire du mouvement syndical africain, au cours duquel Sékou fut qualifié de “dictionnaire vivant du mouvement syndical”. “Je suis syndicaliste et je resterai syndicaliste jusqu'à ma mort”, avait-il coutume d'affirmer. Lors de la clôture d'une conférence de syndicalistes et de travailleurs de la CEDEAO, le 22 mars 1984, quelques jours avant sa disparition, son tout dernier discours sera consacré à un rappel nostalgique de cette période exaltante de sa vie : “Je suis avant tout l'un des vôtres”, leur dira-t-il. Ce seront ses dernières paroles publiques.
Notes
49. En effet, parmi les délégations guinéennes, la CATC de David Soumah, le syndicat des médecins [d'Ignace Deen] et le Syndicat des enseignants de l'AOF de Koumandian Keita assistaient également à la réunion de Cotonou ; par contre, le syndicat Force Ouvrière refusa de se joindre au nouveau mouvement.
50. A l'invitation de la FSM et avec l'accord des autorités coloniales, sont représentés la CGT (encore unitaire, dont la délégation est dirigée par André Tollet et Bouzanquet), les syndicats soviétiques, les Trade Unions britanniques (leur délégation est dirigée par Sir Walter Citrine), le CIO américain, et 58 délégués représentant 18 unions de syndicats des colonies françaises, britanniques, belges. Il y a évidemment une forte proportion de délégués “blancs”.
51. Le congrès réunit 170 délégués et observateurs venus des divers territoires de l'AOF (dont évidemment une très forte délégation — une cinquantaine de personnes — du Dahomey), 6 venus du Togo, 5 du Cameroun.
52. “Qu'on l'admette ou non, si la FSM est indissolublement liée au camp communiste, la CISL est difficilement détachable du camp occidental”, écrivent Meynaud et Salah-Bey dans leur ouvrage sur Le syndicalisme africain (Payot, Paris, 1963).
53. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que sous l'impulsion de Sékou Touré et de quelques autres sections locales, l'UGTAN se prononce à son congrès de Bamako les 10 et 11 septembre 1958, pour le “non” au référendum. Dans la plupart des territoires, les partis au pouvoir (Bloc Sénégalais, Mouvement socialiste africain et sections du RDA) avaient avec leurs leaders pris position pour le “oui” et le mot d'ordre syndical y fut donc rejeté ; au Niger, Diori Hamani prit la place de Djibo Bakary. Les conflits entre UGTAN et RDA furent particulièrement vifs en Côte-d'Ivoire et à l'automne 1959, Houphouët fit expulser vers la Guinée le responsable local du syndicat.
54. En dépit de certaines de ses prises de positions critiques vis-à-vis de Paris, les autorités françaises accueillent plutôt favorablernent la création de l'UGTAN. Dans un projet de lettre (finalement non envoyée) du ministre de la France d'Outre-mer au haut-commissaire de I'AOF à Dakar, on lit : “Ce mouvement pouvait a priori être considéré — et il n'a pas manqué de l'être effectivement — comme favorable à notre avenir en Afrique (…) Toute solution paraît préférable à une mainmise renforcée du communisme international sur le syndicalisme africain.”
55. Soit 2 représentants pour chacun des syndicats suivants: CGT, CGTA, Cheminots, Médecins, Enseignants, Union autonome du Cameroun, Union autonome du Togo, et 2 observateurs pour la CATC.
56. Les représentants guinéens sont Diallo Abdoulaye [dit 'Ghana'] (ancien vice-président de la FSM, à l'époque ministre du travail du Conseil de gouvernement du Soudan-Mali), Sékou Touré et Diallo Seydou (CGTA), Ignace Deen (secrétaire général du Syndicat des médecins en AOF), Keita Koumandian (secrétaire général du Syndicat des enseignants de l'AOF); l'observateur guinéen est David Soumah (secrétaire général de la CATC après l'avoir été de la CFFC-AOF).
57. RP. Joseph-Roger de Benoist, L'Afrique occidentale française de 1944 à 1960, Nouvelles Editions Africaines, Dakar, 1982.
58. Jean Meynaud et Anisse Salay-Bey.
Le syndicalisme africain. (op. cité)
59. Peu après, le ministre du travail du Conseil de gouvernement de Guinée, Camara Bengaly, déclare devant une réunion de l'UGTAN qui se tient à Conakry du 23 au 25 mai 1958 : “Les travailleurs, sans renoncer à aucun de leurs droits mais convaincus de la nécessité d'en user à bon escient, feront oeuvre de reconversion pour devenir les précieux collaborateurs des élus authentiques du peuple et plus particulièretnent du jeune Conseil de gouvernement dans sa mission de réaliser le bonheur de tous les Guinéens par le travail dans l'amour (…) L'orientation de notre Mouvement Syndical doit fatalement correspondre à la politique générale voulue par nos populations. Toute conception syndicale contraire à cette orientation doit être écartée, combattue courageusement pour être définitivement éliminée.” Sékou Touré écrira lui-même dans Horoya (3 mars 1962): “Les syndicalistes ne sauraient prétendre se placer au dessus du Peuple pour diriger la Révolution, sans agir contre la pratique populaire de la démocratie ou faire échouer la Révolution elle-même. Contre eux se dresseraient immanquablement les éléments populaires les plus dynamiques conscients d'être frustrés de leurs droits et menacés dans leurs intérêts”. Et bien des années plus tard, le 30 mai 1983, dans son discours de clôture du 6ème Sommet de la CEDEAO tenu à Conakry : “Nous disons également aux syndicats, quelles que soient leurs exigences, de ne jamais perdre de vue qu'on ne peut partager ce qui n'existe pas. Nous subissons encore les séquelles de la domination, de l'exploitation. Nous ne sommes pas encore maîtres de fixer les prix même de nos produits et c'est pourquoi nos revenus nationaux sont maigres. Que les travailleurs africains ne se comparent donc pas aux travailleurs des pays développés et qu'ils n'aient pas d'exigences qui compromettent l'évolution harmonieuse de nos sociétés. Qu'ils se forment en pennanence pour se qualifier sans cesse, seule condition pour rendre nos produits abondants et compétitifs.”