Paris, Maspéro, Coll. Cahiers libres, 1964. 205 pages
Cependant aux yeux de Sékou Touré, c'est-à-dire
au yeux du secrétaire et créateur de l'U.G.T.A.N., une action
panafricaine authentique ne pouvait se limiter au plan des gouvernements.
Elle devait se prolonger sur le plan du syndicalisme.
Certes avait été déçu l'espoir conçu
au moment du référendum de faire éclater la Communauté
par une grève générale. Aucun écho sérieux
n'avait répondu à l'appel lancé en ce sens le 29 août
1958 au Cinéma Vox de Conakry par Sékou Touré. L'implantation
de l'U.G.T.A.N. restait trop limitée aux villes, et son audience,
au rares éléments conscients d'un monde ouvrier peu détribalisé.
La constatation de cette faiblesse numérique ne découragea
pas Sékou Touré qui entendit la combattre par la force de
l'idéologie. Dès octobre 1958 lors de la réunion du
Comité Directeur, il affirmait la part effective prise par l'Union
dans les 'Non' exprimés dans les autres territoires, il lui affectait
comme tâche d'amener les gouvernements qui avaient fait voter Oui
à réclamer l'Indépendance. Il octroyait ainsi au syndicalisme
africain le premier rôle dans la lutte révolutionnaire anti-colonialiste.
Dans un communiqué d'octobre 1958, l'U.G.T.A.N. affirmait que le
scrutin du référendum avait été une véritable
mascarade qui s'était déroulée sous la pression directe
de l'armée et qui s'était accompagnée d'une vaste campagne
de chantage et de corruption.
Par là il s'agissait tout autant de dénoncer de réels
abus que de remonter le moral de troupes auxquelles on entendait demander
une action énergique.
Rappelant que l'action particulière de l'U.G.T.A.N. "est
inséparable de l'action générale des peuples d'Afrique
pour leur libération complète du joug colonial",
prenant acte " de l'affirmation des élus et dirigeants politiques
africains qui ont voté et fait voter 'Oui' au référendum
et qui déclarent n'avoir choisi la Communauté que pour mieux
préparer l'accession à l'Indépendance", le
Comité Directeur réuni à Conakry les 9 et 10 octobre
1958 appelait "les Unions Territoriales et les Fédérations
professionnelles, les travailleurs et les masses populaires de tous ces
territoires a multiplier les efforts pour contribuer à faire aboutir
cette volonté populaire à l'Indépendance, condition
indispensable pour l'Afrique de retrouver son unité", et invitait
"expressément les organisations syndicales et toutes les forces
démocratiques africaines à tout mettre en uvre pour que les
Assemblées Territoriales, dans le délai de quatre mois, qui
leur est imparti, optent unanimement et fermement pour l'Indépendance".
Cette dernière revendication devait échouer. Néanmoins
le Comité Directeur dans les mois suivants renforçait l'organisation.
En janvier 1959, lors du premier Congrès Général tenu
à Conakry, il amplifiait les thèses anti-colonialistes affirmant
la primauté de l'Indépendance et la nécessité
de l'Unité syndicale sous le leadership de fait de la Guinée
:
"Avec le référendum du 28 septembre dernier la lutte des travailleurs et des peuples d'Afrique Noire contre le colonialisme est entrée dans une phase nouvelle.
L'accession de la Guinée à l'Indépendance est, en Afrique Noire, une grande brèche dans le système colonial de l'impérialisme français.
Et ce dernier tente aujourd'hui de s'adapter et s'efforce, sous des formes nouvelles, de maintenir sa domination dans les pays africains de la Communauté. Mais en même temps, la volonté d'indépendance grandit et s'affirme avec force à l'échelle de toute l'Afrique. Pour atteindre ses propres effectifs, pour contribuer à faire aboutir rapidernent cette volonté populaire, l'U.G.T.A.N. doit élever le niveau de son action.
Ses organisations et ses militants dans les Etats de la Communauté doivent lutter fermement pour le triomphe de la cause de l'Indépendance Nationale.
L'U.G.T.A.N. dénonce les manuvres actuelles de l'impérialisme français qui s'ingénie à exploiter l'aspiration des masses africaines à l'Unité pour faire obstacle à l'indépendance des pays africains de la Communauté Française, pour les opposer aux Etats Africains Indépendants - en premier lieu a la République de Guinée - pour empêcher la réalisation des Etats-Unis de l'Ouest Africain dont l'union Guinée-Ghana constitue le seul noyau véritable.
L'U.G.T.A.N. est convaincue qu'il n'est pas possible de reconstituer l'Unité de l'Afrique, d'affirmer pleinement la personnalité africaine, d'uvrer positivement à la solution des problèmes économiques, sociaux et culturels africains sans l'acesssion à l'indépendance.
Elle est convaincue que la réalisation de l'Unité Africaine par les peuples africains et pour les peuples africains passe obligatoirement par la conquête de l'Indépendance. L'U.G.T.A.N. approuve les Résolutions et Décisions de la Conférence des Peuples Africains d'Accra qui a groupé les représentants qualifiés de plus de 200 millions d'hommes des pays dépendants et indépendants d'Afrique et qui, unanime, a déterminé des objectifs communs, des voies et moyens d'action en vue de la disparition rapide, complète sur le Continent Africain du colonialisme et de l'édification de la Confédération des Etats-Unis d'Afrique.
L'U.G.T.A.N. travaillera hardiment à l'application de ces résolutions et de ces décisions.
Elle prendra en particulier toutes initiatives nécessaires pour l'unification de toutes les organisations syndicales afficaines, contribution décisive à l'Unité Africaine.
Le Congrès attire l'attention des travailleurs sur les tentatives de division du mouvement syndical africain, les met en garde contre les manuvres grossières auxquelles se livrent certains soi-disants dirigeants syndicaux, qui acceptent de cautionner des scissions dirigées contre l'U.G.T.A.N., la seule organisation syndicale qui défend réellement les intérêts des travailleurs ef des populations. Il constate que ces soi-disantes centrales autonomes ne sont que des instruments serviles entre les mains des colonialistes."
De fait, les tentatives de création de nouveaux syndicats avortèrent
toutes. Ce fut notamment le cas pour l'Union Syndicale constituée
en août 1959 sur l'initiative de la Côte d'lvoire et sur la
base des pays de l'Entente (Organisation politique groupant la Haute-Volta,
le Dahomey, le Togo et la Côte d'Ivoire) pour répondre au Congrès
Général de l'U.G.T.A.N. de Bamako de juillet 1959 où
la tendance guinéenne l'avait emporté.
Le journal, porte-parole du colonialisme, Marchés Tropicaux de juillet
1959 exprimait les craintes du capitalisme et le sens qui serait celui de
la nouvelle Union :
"Si la tendance guinéenne de l'U.G.T.A.N. s'imposait en Afrique occidentale, nul doute que dans un avenir plus ou moins proche, les jeunes républiques s'engageraient dans le sillage de la Guinée. Mais on peut faire confiance à Monsieur Houphouët-Boigny qui, lui, a misé sur la Communauté. Le Congrès du 15 août à Abidjan doit marquer le départ d'une nouvelle U.G.T.A.N., d'un mouvement syndical rénové qui permettra à la Communauté de s'affirmer de jour en jour davantage sur le sol africain."
Cette crainte pouvait être d'autant plus forte qu'en novembre 1959, la confédération panafricaine réunie à Accra créait une nouvelle fédération, indépendante des fédérations mondiales déjà existentes, la Fédération syndicale panafricaine (F.S.P.A.). D'autant plus que le leader de cette organisation, Sékou Touré, allait donner un dernier lustre à son succès en entreprenant un tour du monde. La France en était exclue dont la presse se contenta de ridiculiser le Président Guinéen en photographiant, tel France-Soir, ses chaussettes trouées !...
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