Paris, Maspéro, Coll. Cahiers libres, 1964. 205 pages
Parallèlement, la Guinée se rapprochait du monde occidental. Des U.S.A. d'une part, dont en mai 1963, Sékou Touré vantait l'aide efficace et notamment "le Corps de la Paix''. De la France d'autre part. Un rapprochement avait été amorcé en mars 1961 par la nomination d'un ambassadeur de France à Conakry, continué en juillet 1961 par un accord culturel appliquant les protocoles de 1959, symbolisé par l'invitation en août 1961 d'hommes politiques français, Mendès-France, Mitterand et le dernier gouverneur de la Guinée, Maubernat. Malgré les accusations portées contre l'ambassade de France lors du complot dit des enseignants et les menaces d'interdiction de l'aéroport de Conakry aux compagnies françaises en février 1962, on reparlait de rapprochement guinéo-français au moment des accords d'Evian. Saisissant l'occasion, Sékou Touré tendait une branche d'olivier au Général de Gaulle, sous forme d'un message :
"Le Gouvernement et le peuple de Guinée ont accueilli avec une profonde satisfaction la signature de l'accord sur le cessez -le-feu par le Gouvernement Français et le G.P.R.A. en vue de l'Indépendance de l'Algérie. Nous avons apprécié hautement les multiples efforts pour une solution négociée du drame algérien et nous vous demandons de perséverer malgré les difficultés éventuelles dans cette voie juste conduisant au rétablissement de la confiance, base de l'amitié et de la coopération entre la France et l'Afrique."
A la radio, Sékou Touré commentait son message :
"A la faveur du changement de la politique française, le Gouvernement de la République de Guinée modifie sa ligne de conduite à l'égard du Gouvernement Français et souhaite ardemment qu'à l'avenir ses relations bilatérales avec les Etats africains s'inscrivent dans le sens d'une décolonisation réelle, d'une paix et d'une coopération égalitaire."
Ce à quoi, de Gaulle répondit :
"Monsieur le Président j'ai été très sensible à votre message. Apprécié hautement votre sentiment pour ce qui concerne la coopération entre la France et les jeunes pays d'Afrique."
Après la libération symbolique par la Guinée du
pharmacien, M. Rossignol, arrêté lors du premier ''complot",
précédant la libération également symbolique
par la France de deux condamnés guinéens, une mission guinéenne
quittait le 2 avril 1962 Conakry pour Paris. En mai 1962, un service commercial
guinéen était créé à Paris En novembre
1962, le dialogue reprenait pour des négociations économiques,
suivant la réception à l'Elysée de l'ambassadeur de
Guinée.
Il s'agissait avant tout du règlement du contentieux concernant les
dettes de l'un et l'autre pays. La Guinée était redevable
au F.I.D.E.S., au F.A.C. et aux ressortissants français pour la saisie
de billets mais était créditrice pour avoir durant quatre
ans payé les pensions des anciens combattants. A la suite de cette
première phase de négociations, un agenda des questions pendantes
et un calendrier des règlements furent rédigés. Il
était plus ou moins envisagé que la France reprenne son aide
économique à la Guinée au début de 1963.
L'atmosphère devenait de plus en plus chaleureuse puisque dans un
interview de mars 1963, accordé à Nord-Eclair, Sékou
Touré déclarait :
"Si le Général de Caulle veut bien rendre visite à la Guinée, j'en serais heureux. Il sera reçu ici, à Conakry, mieux peut-être qu'il ne l'a jamais été. Nous n'avons pas dit Non à la France, ni à de Gaulle. Au contraire, nous voulions sitôt notre Indépendance acquise et garantie, signer les accords d'association prévus par la Constitution Française. Nous avons toujours souhaité la coopération avec la France. Certainement, je préférerais des techniciens français pour nous aider puisque nous parlons français et que tant de liens nous attachent à la France."
Ne négligeant pas l'éternel féminin, la Guinée
déléguait Madame Sékou Touré à Paris
où l'accueillirent de nombreuses personnalités tant françaises
que guinéennes en avril 1963.
En mai 1963 les accords franco-guinéens étaient enfin signés
portent sur le contentieux, les relations commerciales et l'assistance culturelle
et technique. En forme de symbole, les deux chefs d'Etat s'invitaient mutuellement
et tout laissait à entendre leur acceptation réciproque, Sékou
Touré laissait, sans protester, paraître dans Paris
Match, ce texte, qu'en d'autre temps il n'eût pas manqué de
juger humiliant pour l'honneur de la Guinée :
"Vous voyez, ce n'était qu'un malentendu. Je n'ai jamais voulu faire de peine au Général de Gaulle. Mon discours, je lui en avais fait remettre un exemplaire avant de le prononcer. Mais un de ses ministres, par distraction, l'avait oublié dans le fond de sa poche. Si le général voulait bien venir à Conakry, je promets qu'il serait reçu mieux sans doute qu'il ne l'a jamais été."
Il est vrai qu'il faisait pendant au "vibrant hommage", que Diallo Saifoulaye, oublieux de ses paroles d'antan, avait adressé au Général de Gaulle en arrivant à la tête de la délégation guinéenne à Paris en mai 1963 :
"En venant ici, nous devons dire que notre confiance est totale à l'endroit de l'homme du 18 juin 1940 qui est aussi l'homme de la conférence historique de Brazzaville et aussi du grand référendum de septembre 1958 : j'ai nommé le Géneral de Gaulle.
Le président de la République française incarne les vertus essentielles que nous, Guinéens, saluons avec un respect particulier : l'honnêteté, le courage, la dignité, le patriotisme. Grâce à sa vision saine et réaliste de l'Histoire, le grand soldat a pris la tête de la croisade de libération politique des peuples dont la France assumait jusque-là I'administration."
En octobre 1963, le Gouvernement Guinéen signait un accord avec
la Société américaine Harvey Aluminium pour l'exploitation
des gisements de bauxite de Boké, dont la concession avait été
retirée aux Bauxites du Midi. Cet accord offrait toutes les apparences
d'un accord d'égalité entre la société américaine
et le Gouvernement Guinéen. Cependant les partages des bénéfices
— 65 % pour la Guinée — étaient à la discrétion
de la société américaine qui était seule compétente
pour chiffrer les benéfices "nets" qu'elle réalisait.
L'orientation pro-américaine, la stabilisation à l'égard
des pays communistes s'illustraient dans la distribution des bourses d'étudiants
au titre de l'année 1963-1964. Quatorze bourses nouvelles étaient
accordées pour les pays d'au-delà du rideau de fer, contre
44 pour 1es U.S.A.
Ainsi, peu à peu, s'était refermé le cercle colonialiste
sur un petit pays qui avait essayé un temps de s'en évader.
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