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Régime d'Autonomie (Loi-Cadre)
Premières années d'Indépendance


B. Ameillon
La Guinée : Bilan d'une Indépendance

Paris, Maspéro, Coll. Cahiers libres, 1964. 205 pages


2. La Guinée indépendante face à la France.

Dans ce climat interne malsain, la Guinée tenta cependant un rapprochement avec la France, ces tentatives se situant dans un ensemble politique modéré.
Aux lendemains de l'Indépendance, le Président Sékou Touré tenait tant aux instances locales qu'aux instances internationales et notamment françaises des propos apaisants. Les décisions du Gouvernement guinéen n'étaient volontairement entachées d'aucun extrémisme.
Deux jours après la proclamation des résultats du référendum, Sékou Touré acceptait de répondre aux questions de la colonie européenne, dans une séance organisée par la Chambre de Commerce et son Président, Monsieur Pouech.
Dans son discours inaugural, le Président guinéen affirmait le sens qu'il entendait donner au vote de son pays :

"Notre volonté d'indépendance ne doit pas être interprétée comme une volonté de rupture avec la France. Mes réponses se ressentiront donc forcément de notre intention ferme de rester dans le système français."

Et de conclure

"Qu'accédant à l'Indépendance,

  1. La Guinée sera organisée sur la base d'un Etat démocratique et laïque avec comme principes : Solidarité Liberté, Egalité pour tous.
  2. L'Indépendance acquise ne devra pas être comprise comme le signal de grands bouleversement dans les structures existantes :
    - Si des réformes doivent être entreprises, elle le seront par souci d'une meilleure administration et d'une protection plus efficace de l'homme, en vue d'assurer son plein épanouissement.
    - Il ne s'agira donc pas d'innover pour le plaisir d'innover mais de rechercher ce qui convient le mieux pour assurer la prospérité de la Nation.
  3. Le Nouvel Etat de Guinée entend rester dans la Zone Franc et l'un de ses soucis majeurs sera de développer les liens d'amitié qui ont toujours dominé ses rapports avec la France.
  4. La Guinée souhaite aussi nouer avec tous les peuples épris de Liberté, de Justice et de Progrès, des relations d'amitié et de collaboration.
    Mais dans ses rapports avec le Monde extérieur, il n'y a pas de doute que la France gardera toujours la première place. Nous entendons négocier avec elle des accords particuliers dans les domaines qui nous intéressent en commun.
    Ce que sera le contenu et l'étendue de ces accords, il me parait hasardeux de le prévoir dès aujourd'hui, puisqu'en fait, il s'agira de contrats pour la conclusion desquels la volonté de négociation des deux parties est nécessaire pour tel ou tel domaine. Mais les contrats conclus le seront librement, en toute équité, sans aucune arrière-pensée, avec de part et d'autre la volonté sincère de les faire aboutir."

Après son discours, le Président Sékou Touré répondit aux diverses questions complémentaires qui lui furent posées par des auditeurs.
Dans son allocution finale enfin, s'adressant sur un ton vibrant qui devait le faire applaudir par une population européenne jusqu'alors hostile car elle craignait pour le paiement des factures administratives, Sékou Touré affirmait :

"Vous verrez, en faisant la différence de climat social, de climat de paix ou de sécurité de vos capitaux, la notable différence entre une Guinée qui, sans aucune division dans ses organismes politiques, syndicaux, de jeunesse, d'anciens combattants ou de femmes a répondu Non et d'autres populations territoriales fortement divisées en Oui et Non. La Guinée sait, comme elle l'a toujours affirmé, que l'indépendance politique ne peut être qu'un moyen et non une fin en soi, que l'indépendance politique ne trouve sa consolidation que dans le développement économique et dans le climat de paix sociale qui pour le pays pourraient étre retrouvés par les efforts coujugués des uns et des autres.
Vous constaterez qu'à partir du moment où dans tous les autres territoires, toute la jeunesse universitaire, intellectuelle, tout ce qu'il y a de fonctionnaires, c'est-à-dire d'éléments intellectuels, de cadres techniques africains, tout ce qu'il y a de travailleurs a travers leur organisation, d'étéments donc conscients qui se trouvent aujourd'hui même, en tant que minoritaires dans un camp agissant, qu'à partir du 28, le climat de paix, de tranquillité et de sécurité accrue dont vous bénéficierez en Guinée ne sera pas le privilège de vos homologues industriels et commerçants des autres territoires. Vous aurez à faire la constatation, et c'est à partir de ce moment que vous comprendrez qu'il est mieux pour des partenaires de se dire ce qu'ils pensent et de construire sur la base de cette loyauté et de ce courage, sur la base des réalités de ce pays, que de rester à contempler un climat superficiel de paix, mais au sein duquel des contradictions violentes vont tôt ou tard surgir et mettre en cause ce que l'on a cru pouvoir sauvegarder. "

(Applaudissements.)

Le 2 octobre 1958, I'Indépendance était solennellement proclamée avec la même modération. Elle était présentée comme une conséquence même des décisions du Général de Gaulle dont la déclaration du 25 août 1958 était le premier considérant. La République de Guinée n'était pas proclamée populaire malgré ce que d'aucuns espéraient ou redoutaient.


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