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Guinée Française / Economie


Roland Pré

Gouverneur du Territoire

L'avenir de la Guinée Française

Editions guinéennes. Conakry. 1951. 280 p. cartes, illust.


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Problèmes humains

L'éducation de la masse en Guinée

L'enseignement de la masse a pour but d'instruire et d'éduquer les adultes, hommes et femmes, afin de les préparer à participer effectivement à l'évolution économique, sociale et politique prévue par la Constitution.
Cet enseignement sera donné par le personnel enseignant, les membres des Amicales d'Anciens Elèves et un personnel spécialement recruté et formé à cet effet.
Des Associations amicales d'anciens Elèves et Amis de l'Ecole ont été créés à Labé, Dinguiraye, Kouroussa, Kankan, Siguiri, au cours de l'année scolaire 1948-49.
Les Administrateurs commandant de cercles ont été priés d'apporter tout leur appui moral à ces associations et d'en expliquer les buts aux chefs et aux notables.
Il est prévu une association auprès de chaque école : elles seront crées à partir de la rentrée prochaine et seront groupées en Fédération.
Ces amicales réunissent les anciens élèves et toutes les personnes qui désirent collaborer activement à l'oeuvre d'éducation de l'école. Leurs adhérents sont en général déjà instruits et susceptibles de fournir des cadres bénévoles pour enseignement de la masse: conférenciers en dialectes locaux, moniteurs, animateurs d'associations sportives, etc. Les amicales sont gérées par un bureau élu qui choisit dans son sein les comités des différentes sections : bibliothèques et documentation, sports, cinéma éducatif, etc.
La section de la bibliothèque et de la documentation réunira tout ce qui se rapporte à l'instruction civique et à la législation concernant :

Toute une législation demeure lettre morte depuis quarante ans, faute d'avoir été connu par les intéressés. Elle était pourtant bien adaptée aux besoins et au degré d'évolution des populations rurales. Les nouveaux décrets, les nouvelles lois demeureront, de même, dans le secret des journaux officiels si on ne les fait pas traduire dans les villages.
Faut-il rappeler que nul n'est censé ignorer la loi ?

Cette documentation sera d'abord commentée en une série de conférences faites aux membres des amicales qui, à leur tour, la feront connaître par des cours en dialecte local.
Un bureau de renseignements fonctionnera au siège de l'amicale, puis ensuite dans chaque centre d'enseignement de la masse.
Ce bureau sera à la disposition de tous ceux qui désireront être informés. Le cas échéant, il se chargera de la rédaction des diverses demandes et de la constitution des dossiers.
En un mot, il jouera le rôle du secrétariat de mairie des communes de la Métropole.
Les amicales continueront et compléteront l'oeuvre scolaire.
La distribution de pieds d'orangers greffés en Haute-Guinée à des élèves et des anciens élèves a été faite. Les amicales les aideront à obtenir le certificat administratif de leur terrain afin que plus tard il ne puisse s'élever de contestations.
Elles conseilleront aux adultes de constituer des coopératives agricoles, leur procureront des projets de statuts et les conseilleront. Elles les mettront ensuite en rapport avec le service de l'agriculture.
La formation agricole sera complétée par la formation artisanale dans les sections manuelles des écoles et dans d'autres sections qui seront créées à cet effet. Le but sera de former des artisans cultivateurs, comme il en existe tant dans les villages de France où le maçon, le cordonnier, le menuisier, etc., ont tous leur vigne et leur jardin qu'ils travaillent lorsque la morte-saison leur impose des loisirs forcés.

Cinéma éducatif

Un essai tenté l'an dernier à Kankan et Siguiri a donné d'excellents résultats.
Une tournée de propagande en Moyenne-Guinée sera effectuée en novembre et décembre.
Un appareil 16 mm. sonore est attendu par l'amicale de Dinguiraye. L'amicale de Labé a déjà réuni 100.000 francs C.F.A. pour commander le sien. Nous espérons, au cours de l'année 1950, commander une vingtaine d'appareils.
Un essai de réalisation d'un film documentaire à Kankan a été interrompu par un accident mécanique de la caméra. Cet essai sera repris et nous espérons commander un appareil de prise de son sur fil d'acier qui nous permettra de sonoriser en dialecte local.
La Fédération nationale du Cinéma éducatif fournira

Le ministère de la France d'outre-Mer a promis son appui pour fournir à bon compte des copies de films.
Nous nous sommes mis en rapport avec les actualités françaises, Pathé-journal, etc., pour des montages d'anciennes bandes d'actualités sur les sports, les défilés et revues de troupes, etc.
Une cinémathèque sera constituée à Kankan.
Le cinéma éducatif sera un puissant moyen d'action sur la masse.

Centres d'enseignement de la masse

Les cours auront lieu dans la journée pendant la période qui sépare la récolte de la préparation des semailles, soi environ six mois. Y assisteront tous ceux qui désirent apprendre à lire et écrire et parler le français.
Dans les centres où il existe une école, les maîtres seront chargés chacun d'un groupe d'auditeurs.
Dans les centres où il n'existe pas d'école — et ce seront évidemment les plus nombreux — un moniteur du niveau du cours moyen sera engagé par le service de l'enseignement. Quelquefois on pourra utiliser un membre de l'Amicale.

Programme
  1. En langue française
  2. Cours en dialecte local : comme il a été dit plus haut, ces cours porteront sur l'instruction civique et la législation, et sur des sujets pratiques d'hygiène et d'agriculture.
    Le programme de ces entretiens ne sera pas limité: on consultera les auditeurs pour qu'ils indiquent eux-mêmes les sujets qui les intéresseront le plus.

Conclusion

Le directeur de l'école de Labé a été chargé d'une première application expérimentale de l'enseignement de la masse dans tous les villages du cercle. Il est assisté d'un excellent instituteur originaire de la région.
Spécialiste des méthodes actives d'enseignement, ce directeur a commencé à parcourir le cercle avec son imprimerie scolaire et son limographe; les conclusions qu'il en tirera nous guideront pour étendre progressivement cet essai aux principaux centres ruraux de Guinée. Les premiers résultats sont déjà très encourageants.
Nous nous sommes constamment inspirés, pour l'organisation de l'enseignement des adultes, de la circulaire sur la politique indigène du Gouverneur général Eboué.
Comme lui, nous sommes persuadés qu'il ne faut pas vouloir refaire l'indigène à notre image, mais l'élever à partir de lui-même.
L'enseignement de la masse n'est pas une fin en soi. Son but essentiel est d'éduquer le cultivateur africain afin qu'il puisse participer à la mise en valeur du pays en utilisant un outillage mieux adapté lui permettant d'obtenir un meilleur revenu de son travail. Enfin que, socialement, il soit apte à devenir un citoyen de l'Union Française. Cette union ne sera qu'une vue de l'esprit tant que 95 % de la population africaine répartie dans les villages n'aura pas reçu ce minimum d'instruction et d'éducation que nous avons l'ambition de lui apporter.

Le problème de l'habitat africain dans les centres urbains

Le problème de l'habitat africain dans les centres urbains ne peut plus aujourd'hui être différé. L'incroyable spectacle que présente à Conakry les quartiers de Boulbinet ou Coronthie, les « bidons-villes » que sont la plupart des quartiers indigènes de nos grands centres de l'intérieur suffisent à condamner définitivement l'état de choses que notre administration a laissé se créer parce qu'elle s'est laissée surprendre par le phénomène de la subite croissance de nos villes africaines, et que nos textes réglementaires en la matière n'ont, jusqu'à maintenant, visé qu'à organiser une occupation précaire du sol sans se préoccuper de créer un habitat indigène moderne et définitif.
Pourtant, il est évident que de pareilles concentrations humaines ne sont viables que si ceux qui sont ainsi arrachés à la société coutumière du village trouvent à la ville un cadre de vie nouveau qui, par son hygiène et son confort, constitue un progrès vers la vie civilisée.
L'obligation d'offrir ce meilleur cadre de vie est encore plus indiscutable à l'égard de tous les vrais évolués qui, malgré la position sociale et professionnelle qu'ils ont acquise et l'effort du progrès personnel qu'ils ont accompli ne disposent la plupart du temps que de cases malsaines où il est bien difficile de vivre avec une famille à la mode civilisée.
Cet état de choses doit cesser.

Les mesures nécessaires doivent être prises à cet effet. Mais pour aboutir, il faut être réaliste. La proclamation du principe de l'égalité humaine des Métropolitains et des Africains ne suffit pas : les promesses démagogiques encore moins.
Le noeud de la question réside dans ce fait que les occupants des quartiers indigènes ne sont pas propriétaires de leurs terrains et qu'il est bien difficile à un Africain, même très évolué, de construire une maison moderne en dur, sur un sol qu'il n'occupe qu'à titre précaire, surtout lorsqu'il a besoin pour cela d'emprunter. Il serait donc légitime que les occupants évolués, installés sur un lot depuis de nombreuses années et ayant fait un effort de construction sur celui-ci, puissent recevoir gratuitement un titre définitif de propriété.
Mais il n'est pas possible d'admettre que, du jour au lendemain, tous les titulaires d'un permis provisoire d'occuper, sur lequel ils n'ont souvent occupé que des cabanes sans valeur, parfois depuis peu de temps, puissent devenir du jour au lendemain propriétaire d'un terrain qui vaut souvent des centaines de francs l'hectare.
Enfin, les quartiers indigènes ne sont pas toujours bien tracés; le plan a besoin d'être remanié; des espaces verts, des emplacements pour des bâtiments collectifs doivent y être prévus et il n'est pas possible de réaliser l'appropriation privée du sol, tant que ces besoins collectifs n'ont pas été définis et satisfaits.
La première mesure pour résoudre la crise de l'habitat africain dans les centres urbains consiste donc à définir dans quelles conditions un occupant pourra accéder à la propriété, compte tenu de toutes les considérations précédentes.
C'est donc au législateur d'agir pour résoudre ce problème de la propriété foncière urbaine, pendant que l'administration locale de la Guinée, de son côté, en plein accord avec la population, poursuit l'élaboration des plans d'urbanisme de nos différents centres avec le souci exclusif de donner à tous les habitants métropolitains et africains un cadre de vie digne d'êtres civilisés.
Le problème de l'appropriation du sol et du plan des cités une fois résolu, restera encore celui, non moins important, du financement des constructions privées. Même en partant de ce principe qu'au départ la construction de maisons modernes ne pourra être envisagée que pour les familles évoluées seules, celles-ci ne disposent pas en général de ressources suffisantes pour payer les frais de pareilles constructions. Une aide leur est indispensable.
Il faut donc instituer un système de crédit à la construction africaine qui permette d'assurer largement cette aide et dont les assises financières soient suffisamment solides pour qu'il ne vive pas de la mendicité des fonds publics.
Pour qu'un pareil établissement soit sain, un certain nombre de conditions devront être observées :

  1. Seuls peuvent y être admis ceux qui disposent de ressources suffisantes pour participer, au départ, aux frais de la construction et assurer un remboursement au moins partiel des sommes qui leur sont prêtées.
    Bien entendu, ils doivent être suffisamment évolués pour qu'on soit certain qu'ils maintiendront en bon état les constructions ainsi réalisées.
  2. Cet organisme doit être largement décentralisé dans sa gestion pour qu'il puisse profiter à tous les centres urbains du territoire et que, cependant, les dirigeants responsables à chaque échelon connaissent parfaitement ceux auxquels ils accorderont leur aide.
    Il serait donc souhaitable de prévoir à cet égard entre le Crédit Immobilier et le futur propriétaire des groupements coopératifs et d'emprunteurs qui pourraient offrir leur garantie collective et leur contrôle local à l'organisme central. Ce système a connu d'ailleurs, en Angleterre, un très gros succès ces dernières années avec le développement des « buildings societies » .
  3. Il faudra qu'un, contrôle technique très strict soit effectué sur les constructions, tant en ce qui concerne le plan que les conditions de réalisation, faute de quoi l'effort du Crédit Immobilier serait fourni en pure perte et il ne disposerait plus d'aucune garantie réelle des fonds prêtés.
  4. Enfin, et c'est la condition la plus importante, il faut que ce Crédit Immobilier puisse trouver dans ses propres opérations l'essentiel des fonds qu'il sera amené à prêter. Ces fonds, en effet, seront très importants s'il remplit son rôle; il faudra compter plusieurs centaines de milliers de francs par case, soit plus d'un milliard au total, compte tenu de l'état de développement actuel de nos centres. Cet argent ne sera remboursé que lentement, et par partie seulement, car trop peu d'Africains, même évolués, disposent aujourd'hui des ressources pour se construire une maison moderne.

Le budget local ne pouvant évidemment fournir de pareilles sommes et ses fonds devant être, en priorité, employés aux réalisations collectives (routes, écoles, dispensaires, etc.) plutôt qu'aux réalisations individuelles, il faut donc trouver des ressources extérieures dont le produit permettra de financer ce Crédit Immobilier.
Certes, il y a bien les ressources du fond fédéral d'habitations économiques, mais il ne faut pas se dissimuler que celles-ci sont limitées, qu'elles sont à partager entre huit territoires et qu'elles sont finalement prélevées sur le budget fédéral qui doit faire face à de nombreuses autres obligations non moins impérieuses.
Il faut donc trouver un mode de financement qui soit propre à la Guinée et qui soit lié à son essor industriel qui s'annonce si prometteur.
Une solution dans ce sens extrêmement intéressante a été récemment mise en avant. Il paraît intéressant de l'exposer ici. La source de financement serait trouvée dans le financement même de la Guinée. Le phénomène de la croissance exubérante de nos centres, en faisant naître ce problème de l'habitat des quartiers africains, a créé en même temps la source de richesse capable de la résoudre.
La plus-value extraordinaire des terrains qui résulte de cette croissance même fait que la vente d'une partie des surfaces qui font l'objet de permis d'occupation temporaires fournira tous les fonds qui permettront à la fois d'édifier de nouveaux quartiers d'habitation selon toutes les règles de l'urbanisme et d'y financer la construction des maisons modernes pour les habitants qui voudront s'y transplanter. Ces maisons, avec les terrains sur lesquels elles seraient établies, deviendraient bien entendu la propriété de nouveaux habitants.
Il suffira donc de fournir à ce Crédit Immobilier les fonds de démarrage qui lui sont nécessaires avant de pouvoir pratiquer cet « auto-financement » .
Nul doute que beaucoup d'habitants de nos sordides quartiers n'accepteraient avec joie une pareille solution qui leur offrirait en toute propriété un habitat digne, dans les quartiers neufs que nous préparent nos architectes urbanistes.
Ainsi, nous ferions éclater avec le consentement unanime et pour le plus grand bien de tous, cet effroyable groupement d'îlots insalubres qu'une imprévoyance coupable a laissé s'instituer dans les centres qui auraient dû être l'exemple attirant de la vie civilisée.

Comment moderniser en brousse l'habitat indigène traditionnel

Au chapitre précédent, nous avons examiné la possibilité de financer la construction de maisons modernes de type européen pour les Africains évolués, dans les principaux centres urbains de la Guinée française.
A côté de ce problème qui intéresse exclusivement la classe des évolués et qui est essentiellement un problème de financement, puisqu'aucune question ne se pose sur le type de la maison qui ne peut être que du modèle européen, il y a l'immense problème de l'habitat indigène non évolué sur lequel il est non moins urgent que se penchent les Pouvoirs publics.
Or, il ne peut être question pour cette masse indigène non évoluée, d'une transposition de la maison européenne. D'abord nous n'avons pas le moment ni les moyens techniques et financiers d'entreprendre une pareille oeuvre; il ne faut jamais perdre de vue, à cet égard, que la Guinée ne possède encore que quelques centaines d'ouvriers qualifiés du bâtiment susceptibles de nous réaliser de véritables constructions à l'européenne; ensuite, la masse indigène a ses habitudes propres de vie qui conditionnent son habitat, tant en ce qui concerne l'organisation du groupe familial que la répartition des tâches domestiques, le mode de nourriture et le mode de couchage, ce qui imposera encore longtemps une conception de la case africaine très différente de celle de la maison européenne, enfin, il ne faut pas perdre de vue que, dans l'ensemble, les cases indigènes traditionnelles sont adaptées aux conditions géographiques locales : température, climat, matériaux et que ce serait une lourde erreur de ne pas tirer tout l'enseignement de ces constructions primitives pour la rénovation de l'habitat.
Notre effort de rénovation, pour être efficace, devra tenir compte essentiellement de ces considérations, il fixera donc comme objectif de doter progressivement l'ensemble des familles indigènes d'un habitat plus hygiénique, plus durable et plus confortable, sans bouleverser ses habitudes ancestrales et il devra bien entendu s'appliquer tout d'abord au logement des masses qui tendent à se grouper autour des centres, urbains : chefs-lieux de cercle et de subdivision, ou simples postes administratifs. C'est là, en effet, que l'effort est le plus urgent, puisque la concentration des cases, la difficulté de se procurer des matériaux traditionnels ne permettent pas d'y maintenir un habitat du niveau de la case traditionnelle de brousse.
Le problème n'est pas propre à la Guinée ; nous pouvons donc nous inspirer des solutions qu'il a déjà reçues dans d'autres pays; tel est le cas du Maroc, qui a réussi à construire en quelques années des médinas entières pour loger la masse de travailleurs de certains centres comme Casablanca, dans des conditions marquant un réel progrès sur le passé.
La solution a consisté à maintenir la disposition intérieure traditionnelle des habitations et leur aspect caractéristique extérieur, mais en les réalisant selon des procédés de constructions modernes, rapides et peu coûteux, et en y introduisant les éléments d'hygiène.
La solution, chez nous, pourrait être analogue maintenir sans grande transformation le type d'habitation traditionnelle : case ovale pour la Côte, case ronde du Foutah ou de la Forêt, les réaliser en dur avec des procédés modernes de constructions rapides et peu coûteux, sur lesquels nous reviendrons ultérieurement ; leur donner ainsi un caractère durable ; les équiper enfin des aménagements d'hygiène indispensables comme au Maroc : sol cimenté, fosse sceptique, écoulement rationnel des eaux, etc.; enfin, foyers avec cheminées pour les cases des régions froides et humides.
Bien entendu, le groupement traditionnel de ces cases, par carré familial, devra être maintenu avec possibilité de les réunir par des vérandas fermées, le cas échéant.
Une telle solution répondrait parfaitement aux données du problème que nous énoncions tout à l'heure : ne pas bouleverser les habitudes de vie et les coutumes des populations qui n'ont pas encore pris nos moeurs européennes; conserver et adapter les fruits de l'expérience qui ont amené au type actuel d'habitation que tous les urbanistes s'accordent à reconnaître comme parfaitement adapté aux conditions géographiques. Corriger cependant celle-ci de ses défauts essentiels qui sont l'absence d'hygiène, la précarité des matériaux, d'où le caractère éphémère des constructions.
Mais cette solution doit encore répondre à une condition non moins essentielle : c'est qu'elle ne soit pas coûteuse et qu'elle soit réalisable rapidement avec une main-d'oeuvre inexpérimentée.
On peut estimer, dans les circonstances actuelles, qu'il serait pleinement répondu au problème ainsi posé si nous arrivons à construire en matériaux durables un ensemble constitué de deux ou trois cases rondes réunies par une véranda comportant une douchière et un cabinet avec fosse septique, avec revêtement du sol en ciment ou des murs crépis au kaolin du pays, pour une somme de l'ordre de 60 à 80.000 fr., et dans un laps de temps moyen de quelques semaines, sous la surveillance d'un spécialiste européen ou même indigène.
Techniquement, le problème est déjà résolu. Au Maroc tout d'abord. Ce pays a réussi à construire une série de telles cases avec le procédé dit « de la fusée céramique » , qui n'est autre chose que la transposition moderne des modes antiques de construction assyro-chaldéens,
La durée moyenne de construction de telles maisons est de l'ordre de quarante-huit heures à une semaine. Les matériaux sont essentiellement des éléments de terre cuite fabriqués sur place et enrobés dans un mortier de ciment. La main-d'oeuvre se compose d'un ou deux spécialistes et de manoeuvres indigènes. Le prix de revient, toute proportion gardée, est celui que nous énoncions tout à l'heure. Les U.S.A., de leur côté, ont mis en oeuvre une autre solution non moins ingénieuse. Les modernes Américains n'hésitent pas aujourd'hui à vivre dans une case ronde construite selon un procédé extrêmement expéditif qui consiste à gonfler au compresseur, sur le terrain choisi pour l'implantation, un énorme ballon de caoutchouc de la dimension de la maison, à revêtir ce ballon d'une première couche de ciment projetée au pistolet, sur laquelle on pose des éléments de treillage recouverts d'une deuxième couche de mortier : il n'y a plus ensuite qu'à dégonfler le ballon quelques jours après, à percer dans la coupole ainsi réalisée des ouvertures en hublots agrémentés d'une visière protectrice du soleil et de la pluie, à cimenter le sol, à installer la douchière, les W.C., et les quelques cloisonnements nécessaires, et le home est prêt à recevoir ses habitants.
Un des architectes qui consacrent actuellement leur talent à doter la Guinée de constructions modernes et qui revient récemment d'Amérique, nous disait qu'avec quelques ballons de cette espèce on pourrait, en quelques mois, reconstruire n'importe quel quartier indigène de nos centres urbains.
Il ne faut dissimuler que de tels projets entraîneront évidemment de fortes critiques, à la fois celles de ceux qui s'imaginent qu'un décret suffirait pour doter chaque Africain d'une maison moderne type européen, celles également des éternels opposants à tous changements dans les méthodes ou les habitudes, celles enfin des futurs bénéficiaires eux-mêmes qui s'imaginent souvent naïvement que le fin du fin du progrès consiste en une case carrée avec véranda, pourvue d'un toit en tôle ondulée.
Il n'y a cependant que des solutions de cette nature à un problème aussi vaste que la reconstruction de l'habitat d'un territoire entier.
Elles ont, de plus, le mérite de correspondre à l'ordre naturel des choses qui veut un habitat européen pour les évolués des centres urbains déjà acquis au mode de vie correspondant, un habitat à l'indigène mais hygiénique et en matériaux durables pour les Africains non-évolués des centres administratifs ; enfin, le maintien dans les villages de brousse de l'habitat traditionnel indigène qui conserve là toute sa valeur puisque les habitudes ancestrales de la population n'y ont point encore été bouleversées.
Et surtout qu'on sache écarter tous préjugés enfantins à l'égard d'un type d'habitation qui conserve les éléments valables de l'habitat indigène traditionnel et nous sauve de la triste imitation d'une architecture banlieusarde déjà condamnée dans tous les pays civilisés.

L'urbanisme

L'organisation communale des lotissements dans le nouveau Conakry

La ville de Conakry développe actuellement ses tentacules dans la presqu'île du Kaloum, à l'entour des trois grands axes de communication sur lesquels s'articulent naturellement ses nouveaux quartiers et villages :

Dans cet espace allongé et étroit qui s'étend entre l'isthme de Tombo et les futures mines du Kaloum, nous avons d'abord assisté à une véritable prolifération de cases, de maisons d'habitation, d'ateliers et d'entrepôts de bâtiments administratifs. Ce sont maintenant des groupes entiers de constructions qui vont sans plus s'y édifier, sans attendre un plan d'urbanisme dont l'ordonnance se dégage dès maintenant de la disposition des lieux et des activités. Il était en effet nécessaire de pourvoir sans plus tarder aux besoins de logements de plus en plus considérables qui ne peuvent plus trouver satisfaction ; et d'entreprendre la réalisation d'un programme d'habitat moderne africain.
Aussi plusieurs lotissements y sont-ils actuellement en projet et même en cours de réalisation. L'un situé à Donka sur les terrains des anciens « placers du Niger » qui viennent de faire retour à l'Etat et surtout destiné à ceux qui voudront construire entièrement à leurs frais de nouvelles cases d'habitation. L'autre, qui n'est encore qu'un projet, à Dixinn Foulah, servirait à ceux des habitants de ce village qui désirent construire leurs cases en les remplaçant par des habitations modernes dans un quartier rationnellement aménagé avec l'aide financière de l'Administration. Le troisième, également à l'étude, dans la zone de la route sud, permettrait de pouvoir faire profiter immédiatement les habitants de Conakry d'une première expérience de maisons modernes édifiées sous le contrôle de la Commission locale des habitations économiques et avec les fonds prévus à cette fin.
Dans les trois cas, il y a à résoudre le même problème qui consiste à donner l'équipement d'une cité urbaine — voirie, eau, électricité — et à assurer les servitudes quotidiennes de la vie citadine (nettoiement, police de la voirie, de l'hygiène, entretien des rues, places et jardins), alors qu'administrativement ces lotissements n'ont aucune vie collective, aucune ressource propre, aucun organe administratif à l'inverse d'une, commune ou même d'un simple village indigène.
La solution définitive consistera évidemment à englober plus tard toute cette presqu'île du Kaloum dans un « Grand Konakry » en faisant déborder les limites actuelles de la commune au delà de l'isthme de Tombo. On peut concevoir également qu'il soit créé une ville soeur, la « future Taïnakry » , la « ville de l'intérieur » qui ferait pendant à sa soeur « Conakry » , la « ville de la mer » .
Ces solutions, malheureusement, ne sont pas pour l'immédiat ; elles sont liées au problème de la réforme communale dans l'Afrique française et elles ne peuvent donc s'appliquer aux problèmes immédiats que posent ou vont poser nos nouveaux lotissements dont la naissance ne pouvait être plus longtemps retardée.
Il a donc fallu chercher des solutions qui puissent à la fois s'appliquer sans délai et qui soient limitées au problème immédiat d'assurer la vie collective de chacun de ces lotissements sans engager l'avenir de la future agglomération.
Ces solutions, qui sont actuellement en cours de préparation, s'inspirent des notions de « syndicats de propriétaires » ou de « coopératives de propriétaires » déjà expérimentés avec succès dans des cas analogues en France et à l'étranger. Le principe en serait que chacun des propriétaires de lots, en acquérant son titre, adhère obligatoirement au syndicat ou à la coopérative dont il devient un des membres responsables. Ce syndicat ou cette coopérative est chargé de gérer les intérêts collectifs des habitants du lotissement et de les représenter à l'égard des tiers ou de l'Administration. Bien entendu, ils sont gérés conformément à la loi par un Conseil d'administration et une Assemblée générale. Grâce à l'existence de ces organismes, la communauté des habitants du lotissement prend une existence légale et peut se charger d'assurer certains services collectifs tels que l'enlèvement des ordures par exemple ; elle peut aussi traiter légalement au nom de tous, par exemple passer un contrat collectif au nom des usagers dans la distribution de l'eau ou de l'électricité.
Il pourrait sembler que les deux solutions « syndicats » et « coopératives » soient identiques. Il n'en est pas tout à fait ainsi et le choix de l'une ou de l'autre permet de nuancer les objectifs poursuivis par la communauté des habitants du lotissement. Le syndicat est l'instrument le plus souple pour assurer un certain nombre de services limités. Il convient à un lotissement dont les propriétaires ont déjà des moyens suffisants pour réaliser eux-mêmes, individuellement et sans aide, l'installation de leur habitation. La coopérative, au contraire, permet d'envisager la mise en commun de tout ou partie des ressources des propriétaires pour réaliser collectivement, en tout ou partie, les constructions qu'ils entendent édifier. Elle constitue, par conséquent la formule la plus adaptée pour un lotissement dont les constructions doivent être réalisées en série ou soumises à des obligations collectives de financement.
Toutes ces formules paraîtront peut-être trop neuves ou inutiles à ceux qui estiment que la case construite n'importe comment et plantée n'importe où et dont les habitants peuvent vivre sans se préoccuper du voisin, constitue la formule idéale d'habitat, Nous ne pensons pas que sur de pareilles bases la presqu'île du Kaloum puisse devenir autre chose qu'un affreux « bidon-ville » aux maisons lépreuses et aux rues désordonnées, dont les futurs habitants constitueront plus tard les citoyens aigris d'une triste banlieue. Ce n'est pas ainsi que les Guinéens conçoivent le développement de leur pays et ils entendent faire de Conakry non seulement une grande cité, mais une cité modèle.

Les problèmes urbains de Conakry

La ville de Conakry se développe avec une rapidité extrême qui ne peut que s'accentuer avec l'industrialisation du territoire et particulièrement avec la mise en exploitation des deux gisements de bauxite et de fer qui bordent la cité.
La population de la ville et de ses annexes de la presqu'île du Kaloum a aussi presque doublé depuis 1939. Ce rythme ne peut que s'accélérer à l'avenir : aussi, les autorités responsables de la ville ont-elles entrepris de ne pas se laisser distancer par cette évolution.
Nous parlerons plus loin de l'aménagement général de tout l'ensemble Conakry-presqu'île du Kaloum.
En ce qui concerne Conakry même, un gros effort est actuellement en cours, portant principalement sur les édifices publics, l'électrification, l'assainissement, l'adduction d'eau et la voirie. Cet effort est financé à la fois par le budget Fidès et accessoirement les budgets locaux et fédéraux et par la municipalité elle-même qui y consacre tout l'excédent de ses ressources et vient, de plus, d'obtenir un emprunt de 62 millions de la Caisse Centrale.

Edifices publics

En dehors du projet de nouvel hôpital territorial qui va être mis au concours incessamment et dont la réalisation permettra d'affecter aux besoins des seuls habitants de Conakry l'actuel hôpital Ballay, des travaux financés par le budget local, et qui sont en cours d'achèvement, permettent, dès la fin de cette année, de tripler la surface actuelle du dispensaire de Conakry.
Sur le plan de l'enseignement, un centre scolaire unique en A.O.F. est également en voie d'achèvement à Boulbinet, dans un site admirable, en bordure de mer : il comportera sept classes ultra-modernes pourvues chacune d'une pièce-lavabos et d'un débarras, une grande salle de travaux pratiques équipée de la même manière, une bibliothèque scolaire, une grande salle de conférence. Un dispensaire scolaire, permettant de suivre l'état sanitaire de tous les élèves de la ville, y sera adjoint, ainsi qu'un stade scolaire très vaste. Ces travaux seront financés par le budget territorial.
La municipalité doit construire de son côté un hôtel de ville, dont les travaux seront entrepris le 1er janvier prochain sur fonds du budget de la ville et un nouveau marché sur fonds d'emprunt de la Caisse centrale.
Le budget local a financé la construction de deux maisons de la jeunesse et des anciens combattants, toutes deux en voie d'achèvement.
Enfin, la transformation en zone portuaire de l'emplacement actuel du stade municipal va permettre probablement de reconstruire, sans aucun frais, un magnifique stade le long de l'isthme de Tumbo, à la jonction des deux villes Conakry et Tanakry.

Electricité

Une nouvelle centrale thermique est actuellement en cours d'achèvement, permettant de tripier la puissance disponible et surtout de mettre hors service le matériel ancien, complètement usagé.
Le premier groupe de la nouvelle centrale vient d'être mis en service. Le second le sera d'ici quelques jours. Deux autres groupes sont déjà arrivés sur place et leur mise en place est prévue pour le début de l'an prochain. La puissance sera alors portée à 1.500 kwa.

Assainissement

La ville de Conakry est située dans une île dont le développement total, en suivant la route de la Corniche, est de 8 km. La longueur de cette Īle est de 3 km., sa largeur moyenne est de 1.200 m. L'île de Conakry est reliée à la presqu'île de Kaloum par une digue artificielle dite « Pont de Tumbo » , de 10 m. de largeur et 300 m. de longueur environ, empruntée par la route intercoloniale no. 4 « Guinée-Soudan » et par la voie ferrée métrique Conakry-Kankan.
L'île se présente sous la forme d'un mamelon très aplati, dont la partie culminante est à la cote + 15 m. (à l'emplacement du château d'eau).
De cette zone culminante le sol s'abaisse progressivement avec des pentes plus ou moins faibles, jusqu'à la route périphérique formant la corniche en bordure de mer.
Cette topographie détermine trois bassins naturels pour l'écoulement des eaux.
La population totale de Conakry s'élève à 40.000 habitants dont 30.000 dans l'île et 10.000 dans la banlieue au delà du « Pont de Tumbo » . Les 30.000 habitants de l'île se répartissent ainsi :

Quartiers Population
Coronthie et Tumbo 12.000
Boulbinet 8.000
Hôpital 6.500
Centre 3.500

Conakry ne possède actuellement qu'un réseau d'égouts rudimentaire, constitué soit par des aqueducs maçonnés et couverts, soit par des fossés à ciel ouvert. Ces égouts se déversent directement le long de la Corniche, ce qui constitue un danger permanent pour la santé publique.
Pour faire disparaître ce danger, les autorités locales ont fait établir un projet d'assainissement à chasse d'air.
Le système d'égouts à chasse d'air est constitué ainsi qu'il suit :

  1. En service courant, c'est-à-dire dans l'intervalle des opérations de-curage, évacuation libre et en vase clos des eaux usées par la simple gravité, comme dans le système à chasse d'eau ordinaire;
  2. Pendant les périodes de curage, circulation forcée et à grande vitesse de l'affluent, provoquée par des manoeuvres mécaniques;
  3. Réalisation du curage sans aucun recours à la distribution d'eau de la ville. Les conduites d'évacuation partant des immeubles sont étanches et aboutissent à un collecteur qui, à intervalles convenablement choisis, est mis en dépression au moyen de pompes à vide installées à l'usine de réception.
    Il en résulte des chasses d'air équivalentes aux chasses d'eau du système d'égouts ordinaires.

En outre, des rentrées d'air, provoquées par des appareils spéciaux émulsionnent les liquides en les oxydant, réalisant ainsi une véritable auto-épuration en vase clos.
Le projet à chasse d'air spécialement étudié pour Conakry comporte trois réseaux, savoir :

Chaque réseau comprend les installations complètes.
Le projet d'assainissement de Conakry peut donc être réalisé en trois tranches.
Les dépenses à prévoir pour chacun des réseaux ci-dessus sont :

Réseau nord
42.000.000
Réseau est 63,000.000
Réseau sud 58.000.000
Total
163.000.000

Un crédit d'engagement de 125 millions a été inscrit sur la tranche décennale 1947-1956 du plan Fidès.
En attendant la réalisation de ce projet dont les études sont terminées, la municipalité de Conakry a entrepris de doter immédiatement la ville d'un système de cabinets publics qui sont actuellement en construction.
Il s'agit d'édifices comportant vingt-quatre cabines chacun, avec chasses d'eau et sièges à la turque. Ces cabinets donnent sur de vastes galeries de circulation. A l'entrée, un vaste box vitré où se tient en permanence le gardien, permettra de surveiller les usagers et de leur délivrer les accessoires nécessaires aux soins de propreté.
Ces édifices ont été particulièrement étudiés pour assurer une parfaite évacuation des matières usées. Ils correspondent au dernier cri de la technique.
Deux sont dès maintenant en cours d'achèvement, cinq autres viennent d'être mis en adjudication, un sixième sera construit ultérieurement.
Le financement des deux premiers a été assuré directement par le budget municipal. Celui des cinq autres est assuré sur les fonds d'emprunt à la Caisse centrale.

Voirie

La voirie urbaine de l'actuelle ville de Conakry atteint un développement total de l'ordre de 60 km. dont 25 environ de chaussées empierrées et bitumées.
Il reste donc 35 km. de voirie à améliorer (trottoirs et caniveaux à aménager, chaussées à empierrer et à bitumer).
Ces chiffres situent l'ampleur des problèmes que posent pour la municipalité de Conakry la seule question de la voirie. Jusqu'à ce jour, elle n'avait pu que remettre en bon état de viabilité les rues bitumées, dont l'entretien courant n'avait pu être assuré convenablement de 1940 à 1947.
Deux tâches importantes et urgentes s'imposent désormais aux autorités municipales, en matière de voirie: celle de transformer en voies urbaines « définitives » les 35 km. de rues non encore aménagés, mais aussi celle de pourvoir aux dépenses de premier établissement des artères de la banlieue dans le cadre du plan d'extension de la ville.
La première partie, soit l'aménagement de la voirie urbaine, est actuellement commencée. Sur le crédit de 61 millions obtenu par la ville de la Caisse centrale, 24 millions ont été consacrés au bitumage d'une première tranche d'une douzaine de kilomètres.
La seconde partie des travaux d'aménagement de la presqu'île doit être réalisée sur les fonds du Fidès. L'emploi d'une première tranche a été prévue dès cette année. En attendant de pouvoir l'employer, l'aménagement a cependant été entrepris sans plus tarder avec les moyens locaux.
Quant à la troisième partie, elle ne pourra également être réalisée qu'avec les fonds du Fidès. Cependant, une première tranche pourra peut-être être entreprise à l'occasion de la création du nouveau stade si les négociations qui sont actuellement en cours à ce sujet aboutissent favorablement.

Adduction d'eau

La ville de Conakry a une population de 40.000 habitants dont 30.000 environ dans le périmètre de l'île où est bâtie la ville. Elle est actuellement alimentée en eau par un dispositif d'adduction dont la portée n'excède pas 3.000 ml par jour. D'autre part, ce dispositif est en relation directe avec la pluviométrie et, en saison sèche, le cube d'eau disponible n'est guère que de 1.200 à 1.500 ml par jour.
En raison de l'accroissement de population constaté au cours des dernières années et des besoins que réclame l'hygiène moderne, cette quantité d'eau est devenue insuffisante. Il est donc indispensable d'augmenter le cube d'eau journalier mis à la disposition de la population et d'en assurer la répartition rationnelle avec une pression suffisante dans tous les quartiers de la ville.
Les améliorations prévues portent :

L'augmentation du débit de la conduite d'adduction existante sera obtenue par la construction de deux barrages, réservoirs dans le massif montagneux et boisé du Kakoulima et par le doublement de le conduite actuelle sur 42 km.
Le premier barrage prévu (celui du Lamékouré) est en cours de construction.
La conduite actuelle de 300 mm. sera doublée par une conduite de 400 m., depuis le bassin de rupture projeté au km 42 le nouveau réservoir sera placé à 8 km. du centre de Conakry, ce qui permettra la desserte en eau de toute la banlieue. Il alimentera par gravité les réservoirs actuels qui seront réservés pour les besoins du port et deux nouveaux réservoirs.
L'amélioration de la qualité de l'eau sera obtenue :

  1. par filtration : batterie de 5 filtres à sable à lavage
  2. par stérilisation : le dispositif de stérilisation sera placé au réservoir principal il comportera une cuve de distribution.

Le réseau de distribution dans la ville sera modifié et complété.
Le nouveau réseau comportera de nombreuses bornes-fontaines et trente-six bouches à incendie.
Le port sera pourvu d'une alimentation directe, à partir des réservoirs actuels rendus disponibles par les installations nouvelles projetées.
Le devis estimatif établi en décembre 1948 par la Compagnie générale des Eaux à l'étranger pour l'amélioration de l'adduction d'eau de Conakry s'élève à 700.000.000 francs.
Un tel projet ne peut être réalisé qu'à longue échéance, mais son établissement permet une réalisation rationnelle, par tranches successives, suivant un cadre technique nettement défini.
Une prévision de 220.000.000 de francs a été faite à ce titre au plan décennal 1948 du budget spécial.
Les réalisations entreprises sur cette première tranche de crédits sont :

Ces premiers travaux ont déjà fait l'objet d'un crédit d'engagement sur le Fidès 1949, étant donné leur urgence manifeste.

Une vision du futur Conakry :
l'aménagement régional de la presqu'île du Kaloum

Enserrée dans son île, la ville actuelle de Conakry n'est plus susceptible d'expansion. Pourtant elle est vouée par la nature à un rapide développement à la fois parce qu'elle est le chef-lieu d'un territoire dont les perspectives économiques sont particulièrement brillantes et parce qu'elle se trouve elle-même être la capitale d'une région en passe de devenir le plus important centre minier de toute l'Afrique occidentale.
La solution d'avenir ne peut être trouvée que dans l'aménagement grandiose et rationnel de toute cette région que la géographie comme l'économie ont d'ailleurs si fortement particularisée et qui comprend la presqu'île du Kaloum, l'île de Conakry, l'archipel de Loos.
L'axe principal en sera le futur autostrade Manéa-Conakry par où s'écoulera le trafic qui afflue de l'intérieur sur le noeud de route de Manda, trafic général du Foutah et de la Haute-Guinée, régulier et non spécialisé, trafic bananier de la Basse-Côte.
Cet axe traversera sur toute sa longueur la presqu'île du Kaloum, c'est-à-dire la mine de fer, ce qui interdit le développement de toute autre activité le long de son parcours, l'aérodrome mis à part. Les installations de toutes natures (habitat, commerce, industries, administrations) qui voudraient se grouper autour du centre de Conakry auront donc le choix de s'installer soit à l'extrémité sud, c'est-à-dire Conakry et son faubourg de Taïnakry, soit à l'extrémité nord, au carrefour de Manéa.
Le Sud, ce sera le port commercial et minier avec ses maisons de commerce, l'administration du territoire avec ses bureaux, la grande ville avec ses écoles, ses hôpitaux, ses hôtels, ses lieux de plaisir; ce sera le Conakry proprement dit. La surface restreinte, par son extension sur la presqu'île, sera rapidement limitée par la mine de fer et l'aérodrome; i refoulera toutes les industries non essentielles vers le Nord et tous ses habitants épris de grand air vers les îles de Loos.
Le Nord, ce sera, au carrefour des routes, la cité industrielle satellite de Manéah où l'on peut prévoir dès maintenant l'installation des industries complémentaires de l'activité agricole, des matériaux de construction et de diverses industries secondaires alimentées en énergie bon marché par l'usine hydroélectrique toute proche de « Grandes-Chutes » .
Entre le Nord et le Sud, au km. 12 de l'autostrade, s'insérant entre la mer et la mine de fer, l'aérodrome avec sa cité de l'Air desservant à la fois Conakry, Taïnakry et la cité satellite de Manéah. Enfin, accrochées à ce grand ensemble mais vivant leur vie propre, les deux grandes exploitations minières « Bauxites du Midi » à Kassa et « Compagnie Minière de Conakry » au mont Kaloum, donneront le ton de leur activité bruyante par la puissance de leurs moyens et de leurs réalisations, Véritables « kolkoses industriels » , chacune de ces exploitations aura en plus de ses installations proprement minières, sa centrale électrique, ses ateliers généraux, son service d'eau, ses cités européennes et africaines, avec' écoles, dispensaires, terrains de jeu et de sport. La Compagnie Minière aura sa propre ligne de chemin de fer et les Bauxites leur port privé.
Dans une phase ultérieure mais relativement proche, tout cet ensemble sera étroitement soudé, non pas, comme on pouvait se l'imaginer autrefois, parce que les différents morceaux se seront rapprochés au point de se confondre, niais parce que des moyens de transport à haute fréquence et à grande vitesse auront en fait supprimé les distances : de la mine de Conakry à travers Taïnakry, des rames auto-motrices à grandes vitesses pour les voyageurs alterneront avec les trains de minerai, de la cité satellite de Coyah à Conakry, des services d'autobus suivront l'autostrade ; du port de Conakry au port des Bauxites et aux différentes escales des îles, des vedettes ultra-rapides franchiront sans arrêt le faible bras de mer qui les séparent.
Dans la journée, la ville de Conakry grouillera de toute une population suburbaine attirée par ses administrations, ses bureaux privés, son port, ses maisons de commerce. Le soir, elle retombera dans la paix et, de la terrasse de ses buildings, on pourra contempler les innombrables lumières des îles de Loos, la frange scintillante de la côte nord de Taïnakry, et, dominant le tout, les puissants projecteurs des mines du Kaloum travaillant la nuit comme le jour à abattre la montagne de fer.
Telle paraît être la vision du futur « Grand Conakry » . Il ne s'agit pas là d'un conte de fée ni d'une anticipation à la Wells, mais de la description raisonnable de ce qui pourrait être réalisé dans moins de vingt ans si nous savons saisir la chance que le destin nous offre.

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