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Guinée Française
Géopolitique — Economie — Sociologie


Maurice Houis

Ancien Directeur de l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN) en Guinée

La Guinée Française

Editions Maritimes et Coloniales. 1953. 95 p.


L'organisation économique

Le commerce et l'industrie.

Le commerce.

Les échanges commerciaux n'ont cessé de progresser depuis la fin des hostilités de la guerre 1939-1945. Les importations, en particulier, ont considérablement monté dès que la Métropole a adopté un régime plus libéral et du fait des investissements publics et privés comme de l'aide américaine. Le tonnage métrique importé en 1947 était de 43.000 tonnes ; il atteint 78.000 tonnes en 1949, 100.000 tonnes l'année suivante et dépasse 160.000 tonnes en 1951 avec une valeur globale de 6.698.812.000 fr. C.F.A. Les pays fournisseurs sont la France et l'Afrique du Nord qui viennent en tête avec 91.500 tonnes (produits alimentaires, automobiles, tissus, textiles). Les U.S.A. (20.700 tonnes) et l'Angleterre (18.500 tonnes) importent surtout des matières premières et du matériel d'équipement.
Le tonnage métrique des exportations passe de 86.950 tonnes en 1949 à 88.510 tonnes en 1950 pour atteindre 94.606 tonnes en 1951, avec, une valeur globale de 2.749.162.000 fr. C.F.A. Cet accroissement s'explique par la possibilité d'exporter sur l'étranger un plus grand nombre de produits et aussi par la suppression des groupements d'exportateurs — organismes officiels — qui détenaient le monopole d'achat d'une grande partie des produits du cru. La série des chiffres pour l'exportation fait ressortir en 1951 l'importance de la production bananière dans l'économie guinéenne, en second lieu celle des palmistes. La première représente plus de 50% du tonnage global, la seconde 32%. La France (Algérie comprise) vient naturellement en tête des pays importateurs avec 82.558 tonnes ; suivent de loin l'Allemagne (7.045 tonnes), les Territoires français d'Outre-Mer (1.276 tonnes), l'Italie (1.235 tonnes), la Hollande, les U.S.A., la Sierra Leone, etc...
Si l'exportation a été jusqu'à présent principalement axée sur la production agricole, l'exploitation accélérée des minerais de bauxite et de fer en modifiera les données dès 1953.

L'industrie.

En dehors du plan d'équipement industriel et de son complément indispensable l'équipement hydro-électrique 1, dont il a été parlé plus haut, il faut mentionner que de nombreuses industries ayant pour objet de pourvoir aux besoins de la population ou de traiter les productions du Territoire sont installées en Guinée 2. Notons également qu'au cours de ces dernières années l'activité d'entreprises métropolitaines s'intéressant au bâtiment ou aux travaux publics a notablement augmenté et qu'une usine d'explosifs chloratés, — conséquence directe de la création du complexe industriel Kaloum-Konkouré — fonctionne depuis deux ans dans la banlieue de Konakry ; par ailleurs un abattoir frigorifique industriel, amorce de la chaîne du froid, est projeté à Mamou.
L'artisanat se manifeste timidement en Guinée mais les plus beaux spécimens ne sont pas toujours ceux qui sont présentés à l'attention du public. Il faut signaler la vannerie chez les Peuls, les tissus teints à l'indigo chez les Sarakolé du Badyar, les poteries de Kankan et certaines vanneries de raphia dans la région forestière. Sans que ce soit l'apanage de tel ou tel groupement ethnique, on trouve des orfèvres, des ivoiristes et des peaussiers dans les grands centres, surtout à Konakry et à Kankan.
Depuis 1948, l'école artisanale de Kindia a été transformée en centre d'apprentissage (menuiserie, charpente, mécanique auto et forge).

Les intérêts du commerce, de l'agriculture et de l'industrie sont respectivement représentés par une Chambre de Commerce et par une Chambre d'Agriculture et d'Industrie, ces assemblées consulaires ayant leur siège à Konakry.

Chantiers des Bauxites du Midi a Kassa
Un des chantiers de la Société des Bauxites du Midi,
ouvert à Kassa (Iles de Los) pour l'expoloitation du minerai
d'aluminium

La monnaie, le crédit et les banques.

Au point de vue monétaire, la Guinée est comprise dans le groupement C.F.A. (colonies françaises d'Afrique) et dans le ressort du privilège d'émission de la Banque de l'Afrique Occidentale dont les billets ont seuls cours légal ; la valeur d'un franc C.F.A. est actuellement de deux francs métropolitains 3.
Le Commissariat du Plan, créé le 6 janvier 1946, a permis le financement du plan d'équipement du Territoire grâce au Fonds d'Investissement pour le Développement Economique et Social (F.I.D.E.S.). Précisons qu'il a en vue les principales réalisations suivantes : mécanisation des cultures, construction de nouvelles routes, installations portuaires, participation à l'exploitation des richesses minières, constructions scolaires et sanitaires, etc. … Le F.I.D.E.S. est géré par la Caisse CentraIe de la France d'Outre-Mer (C.C.F.O.M.) représentée en Guinée depuis 1951 4.

A côté du F.I.D.E.S. trois autres organismes, d'inégale importance quant à leurs ressources et à l'origine de celles-ci, assurent la distribution du crédit. D'abord les banques qui dispensent surtout le crédit à court et à moyen terme :

Le Génie Rural, dont le rôle est plus modeste, s'adresse aux petites entreprises, ainsi que le Crédit Mutuel Agricole qui consent directement aux cultivateurs des prêts à court terme et, sur décision de Dakar, des prêts à long terme. Enfin, les Sociétés Indigènes de Prévoyance (S.I.P.) fonctionnent dans le cadre plus restreint des Cercles ; elles ont donné lieu à diverses critiques et certaines ont été remplacées par des coopératives ne groupant que des volontaires.
L'effort très poussé qui permet à la Guinée de s'équiper mériterait de se poursuivre longtemps encore. Il est à craindre malheureusement que les prêts et avances ne soient pas maintenus au rythme antérieur.
L'équipement économique de la Guinée appelle quelques remarques. Les investissements pour l'année 1950 ont atteint 2 milliards C.F.A. alors que la circulation fiduciaire à la date du 1er janvier 1951 avoisinait 630 millions C.F.A. Si l'on met en balance le volume de ces investissements avec les revenus du territoire évalués en 1950 à 25 millions C.F.A. et dont la moitié découle de la production agricole, on est frappé par la faiblesse des moyens financiers et du pouvoir d'achat des autochtones ; la quantité d'espèces détenue par les habitants est en effet très faible. De plus, ce déséquilibre met en relief la part de l'initiative européenne dans la vie économique de la Guinée. Il ne faut pas y voir toutefois le signe d'une crise économique, car l'effort d'équipement est indiscutable et les réalisations sont nombreuses et concrètes, mais seulement celui d'une crise de trésorerie générale sur le plan public et privé, commune d'ailleurs à tous les pays dont la vie économique, soudainement ébranlée, adopte un mode d'équipement de niveau supérieur. La masse monétaire est liée à la production et elle s'accroîtra dans la mesure où cette dernière augmentera, surtout si quelques réformes sont apportées à l'appareil administratif dont la lenteur des paiements a gêné plus d'un entrepreneur. Souhaitons, enfin, qu'il soit mis rapidement un terme à la disproportion actuelle entre les activités européennes et africaines.

Le régime foncier et la réglementation forestière et minière.

Soumis aux textes généraux pris pour l'ensemble de l'A.O.F., nous n'en donnerons ici qu'un aperçu sommaire 5.
Le régime de la propriété varie suivant qu'il s'agit de terrains urbains ou ruraux. Dans les centres lotis, les terrains sont aliénés par adjudication publique et le cahier des charges comporte une clause résolutoire de mise en valeur. Les centres non lotis, de moins en moins nombreux, suivent le régime du permis d'occuper, personnel et précaire ; toutefois une installation provisoire peut être rendue définitive si l'occupant demande la mise en adjudication ou la cession de gré à gré. Les terrains ruraux sont concédés après publicité à titre provisoire. Si les travaux effectués sont conformes au cahier des charges, les terres sont immatriculées à l'expiration du délai prévu et attribuées à titre définitif après avis de l'Assemblée territoriale ; sinon, la déchéance est prononcée.
La réglementation forestière prévoit l'octroi, après avis de l'Assemblée territoriale, d'un permis d'exploration portant au maximum sur 10.000 ha, puis d'un permis d'exploitation portant sur 2.500 ha.

En matière de réglementation minière, il est prévu une autorisation personnelle délivrée par le Haut-Commissaire de l'A.O.F. pour telle ou telle substance minérale et qui peut conduire à l'octroi de la concession proprement dite. Les différents stades prévus sont le permis exclusif de recherche sur 25 kms et le permis d'exploitation pour une durée renouvelable de 4 ans. S'il est prouvé par des travaux réguliers que le gisement est exploitable, le permis d'exploitation est transformé de droit en concession valable 75 ans par arrêté du Haut-Commissaire, après avis de l'Assemblée territoriale. Des permis généraux de recherche peuvent également être attribués.

Notes
1. Une centrale thermique est prévue à Kankan.
2. Citons entre autres :

des industries travailant pour le bâtiment

3. En 1952, la circulation fiduciaire mensuelle a varié entre un milliard et 1.362 millions C.F.A. ; un accroissement sensible est à prévoir dans un proche avenir, du fait du démarrage des exploitations minières.
4. Concours financier accordé par la Caisse centrale à des Etablissements publics, à des Sociétés privées et d'Economie mixte de la Guinée Française au 30 juin 1952 (en millions C.F.A.) :

  Engagements Versements
Sur fonds propres de la Caisse Centrale
Avances aux Communes mixtes 134,4 65
Avances aux Etablissements publics 5 5
Avances aux Sociétés d'Economie mixte 810 425
Participation au capital des Sociétés privées. 216,7 216,7
Avances aux Etablissements privés Signalé pour mémoire vu la difficulté d'évaluer la partie des crédits utilisés en Guinée par rapport à ceux attribués à la Fédération  
Aval en faveur d'Entreprises Travaux Publics. (Crédits directs-Réescompte)  
Sur fonds F.I.D.E.S.
a) Participation au capital
Energie électrique Guinée 100,9 100,9
Société immobilière Guinée 52,9 52
b) Exécution du Plan de l'A.O.F. (Guinée)
Programmes Autorisations engagements Crédits paiement Dépenses ordonnancées
Nos. 0-1-2 6,891 4,861 3,449

5. Consulter L'Ouest Africain Français par le Gouverneur Spitz. Déjà cité.


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