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Etat-Pays & Société
Quatre ans après l'indépendance


Bernard Charles
Guinée

L'Atlas des Voyages. Editions Rencontre. Lausanne. 1963. 223 p.


Sous bénéfice d'inventaire

Travailler

Le mot figure dans la devise nationale. Les dirigeants s'efforcent de le faire passer davantage dans la réalité. Le principe de la journée continue a été adopté en janvier 1963. Des normes de travail ont même été établies. Il faudra du temps et de la patience pour que ces mesures soient effectivement appliquées. La patience ne fait pas défaut, car c'est la première vertu que l'Afrique enseigne. Mais le temps presse, vu l'urgence des tâches à accomplir pour sortir du sous-développement. Pourtant le Guinéen moyen donne l'impression souvent d'avoir les siècles pour lui, à en croire certains. On s'y met rapidement... demain, demain. Pour y aider, les autorités entendent désormais « lier directement le salaire du travailleur au volume de travail effectué ».
Les résultats officiels des travaux réalisés dans le cadre de l'investissement humain semblent montrer néanmoins qu'il ne faut pas toujours se fier aux apparences. On connaît le principe de l'investissement humain: chacun apporte gratuitement sa force de travail pour des tâches d'intérêt collectif, les autorités administratives fournissent de leur côté matériaux ou moyens de transports.
Le journal Horoya, dans son numéro du 3 février l962, dresse un bilan impressionnant pour les trois premières années. Le voici, car il fait la fierté de la Guinée nouvelle.

1959 1960 1961
1. Constructions
Classes 335 741 572
Hôpital 1 50
Dispensaires, maternités, infirmeries 28 56 50
Permanences du PDG 38 436 779
Mosquées 28 118 214
Logements & bâtiments administratifs 96 180 264
Magasins 227 178 158
Hangars 19 74
Villages types 5
2. Champs collectifs
en nombre 2 324 1 904 3 031
en superficie en hectares 973 2 927 3 396
3. Plantations collectives 249 900 pieds 339 500 pieds
sur 1 639 ha
2 989 850 pieds
sur 2 164 ha
4. Travaux forestiers 30 700 pieds 118 900 pieds
sur 42 ha
2 989 850 pieds
sur 240 ha
5. Génie civil & maritime
Routes (en km.) 7 969 4 832 6 220
Ponts et ponceaux 672 552 1 253
Pistes et terrains d'aérodromes
7
5
Forages de puits
2
12
Bâteaux de pêche
3
3
Bacs
2
Barrages
1
2
Digues (en km.)
2
4
21
Wharfs
1
1
Dallots
223
6. Travaux urbains
Terrains de sports
3
609
295
Marchés
5
10
20
Places publiques
3
11
Piscine
1
1
Arbres plantés
9 500
19 200
Toilettes publiques
34
Fossés d'évacuation
1
Cimetières
69
354

Il faudrait ajouter encore les travaux d'entretien et d'aménagement, par exemple pour les routes (91,1624 et 2 226 km.), les ponts, etc. Même si l'on ne peut prendre tous ces chiffres avec leur rigueur mathématique (des coups de pouce ont été donnés parfois par les sections, des erreurs d'appréciation commises quant aux superficies) ils n'en traduisent pas moins un remarquable effort

Produire

La majorité de la population, plus de 80%, est constituée de cultivateurs répartis dans quelques 4000 villages.

Cultures industrielles

Palmiers/Cocotiers
Palmiers & cocotiers

L'élevage

Il est pratiqué de façon extensive par les Peulh du Fouta-Djalon. D'après des évaluations assez approximatives, le cheptel comprendrait

Pour rénover l'élevage, un programme a été établi en décembre 1962 visant l'éducation du pasteur (il considère son troupeau comme une épargne ou un élément de prestige et non en fonction de son utilité et de sa rentabilité), la suppression des exportations frauduleuses et l'approvisionnement des populations urbaines.

Les ressources minières

Leur prospection n'est pas encore achevée mais elle a révélé l'importance et la variété les ressources du sous-sol. Certains gisements (fer, bauxite) sont parmi les plus riches du monde et constituent des réserves considérables.
Actuellement font l'objet d'une exploitation:

Forgerons et hauts-fourneaux
Forgerons et Hauts-fourneaux des armées samoriennes

Les ressources hydro-électriques

Elles sont de premier ordre puisque l'énergie potentielle de tout le territoire atteindrait 63 milliards de kWh et l'énergie productible 12 milliards. Nombre de petites centrales pourraient être installées le long des cours d'eau. Toutefois, c'est le bassin du fleuve Konkouré qui demeure le plus intéressant à aménager car il aurait à lui seul un potentiel de 12 milliards de kWh. Le projet de barrage en terre, envisagé au site de Souapiti, aurait fourni 3 milliards de kWh. à lui seul permettant l'approvisionnement énergétique d'une usine d'aluminium (capacité: 1 200 000 tonnes).
Ce projet n'a pu jusqu'à présent être mené à bonne fin.

Commercer

Les échanges de la Guinée avec l'extérieur ont été les suivants, selon la Direction nationale de la Statistique:

En millions de FG 1956 1957
1958
1959
1960
1961
Importations
Exportations
6 637
5 073
9 250
5 121
12 999
4 874
15 279
7 109
12 328
12 744
17 993
15 175

L'accroissement brusque des exportations à partir de 1960 est dû essentiellement aux exportations nouvelles d'alumine qui à elles seules représentent 47% de la valeur totale des exportations.
Pour 1961, les principales exportations s'établissent ainsi en valeur (milliers de francs guinéens):

Produits agricoles 4 912 182  
Bananes   1 607 317
Café   1 577 753
Palmistes   649 920
Arachides   413 639
Ananas   367 929
Produits miniers 10 061 418  
Alumine   7 146 880
Diamants   1 912 801
Bauxite   608 152
Minerai de fer   393 585
Divers 201 587  
Total général 15 175 187  

Les principaux clients de la Guinée ont été, par ordre d'importance décroissante:

France (alumine: 2 524 969) 2 698 141
Cameroun (alumine) 1 680 045
Union soviétique (produits agricoles) 1 297 427
Norvège (alumine et diamants) 1 189 605
Belgique (diamants: 969 126) 1 030 525
Canada 974 155
Allemagne orientale 966 153
Etats-Unis 908 986
Suisse 778 864

Les sept principaux fournisseurs furent:

Allemagne occidentale 2 775 300
France 2 204 832
Union soviétique 2 087 913
Allemagne orientale 1 617 799
Tchécoslovaquie 1 243 256
Chine 1 146 475
Etats-Unis 916 744

Planifier

Un plan triennal est entré en application le 1er juillet l960, dans l'enthousiasme général: les cheminots, suivis par d'autres catégories de travailleurs, décidèrent de travailler le samedi après-midi pendant trois mois. Préparé depuis un an par une équipe d experts sous la direction du professeur français Ch. Bettelheim, puis établi par le Parti le plan embrasse tous les secteurs d'activité: infrastructure, transports, agriculture, industrie (à l'exception des grands ensembles industriels miniers), santé, enseignement, etc. Il a fait l'objet d'une conférence nationale tenue à Kankan au mois d avril 1960
Les structures du plan comprennent trois sections; une section nationale; une section régionale qui comprend tout ce que la région peut réaliser avec ses moyens; une section spéciale englobant des activités de toutes les sociétés privées. Trois objectifs ont été assignés : amélioration du niveau de vie, décolonisation économique, transformation de la Guinée en pays moderne.
Dans le domaine agricole, on a vu très grand puisqu'il fut décidé d'accroître, en 1963, la production de:

Riz de 45 000 tonnes
Bananes de 70 000 tonnes
Café de 4 000 tonnes
Ananas de 31 000 tonnes
Arachides de 30 000 tonnes
Palmistes de 15 000 tonnes

Les bases d'une industrie légère devaient être jetées par la construction d'usines et de fabriques (produisant des outils agricoles, des charrettes et brouettes, des meubles en bois, des clous, des cigarettes, du tapioca), d'huileries, de rizeries (6 traitant 50 000 tonnes), de conserveries, d'abattoirs.

Dans le domaine de l'enseignement:

Dans le domaine de l'infrastructure administrative étaient envisagés:

Le budget nécessaire au financement de telles réalisations se gonflera peu à peu en fonction des apports extérieurs. Sauf modifications ultérieures toujours possibles, il s'élevait à 41 047 millions de francs guinéens se ventilant ainsi:

Infrastructure et transports 19 096 soit 46,5%
Production 16 185 soit 39.46%
Services sociaux 5 616 soit 13,7%
Fonds de réserve 150 soit 0.4%

Un certain nombre de projets sont d'ores et déjà réalisés, comme

Mais, dans d'autres domaines, les objectifs semblent hors d'atteinte dans le délai qui avait été imparti. C'est le cas des objectifs agricoles et de nombreuses usines, d'importants retards s'étant produits.

Se débrouiller

Malgré les ressources en devises que lui procurent ses exportations minières, la Guinée ne pouvait à elle seule assumer en même temps le financement de son plan triennal et le financement de son budget de fonctionnement (celui-ci est de l'ordre de 10 3 12 milliards FG). Le recours à l'aide extérieure était inéluctable et prévu, dans une proportion moindre il est vrai Le Ghana puis les pays de l'Est furent les premiers à proposer une aide massive' soit sous la forme de prêts à long terme et à faible taux d'intérêt, soit en se chargeant de réaliser l'une ou l'autre des actions inscrites au plan, soit encore en en proposant de nouvelles.

En novembre 1960, le Président guinéen dressera un bilan de l'aide fournie par différents pays:

Union soviétique 226 millions de roubles soit 14 milliards FG
Chine 100 millions de roubles soit 6 millards FG
Ghana 6 milliards FG
Tchécoslovaquie 10 millions de dollars soit 2,450 milliards FG
Hongrie 0,600 milliard FG
Pologne 5 millions de dollars soit 1 milliard FG
Yougoslavie 5 millions de dollars soit 1 milliard FG
Allemagne de l'Est 5 millions de dollars soit 1 milliard FG
Allemagne de l'Ouest 15 millions de dollars soit 3 milliards FG

S'y ajoutent depuis 1960:

Etats-Unis 20 600 millions de dollars soit 4,047 milliards FG
Egypte 16 millions de dollars soit 3,920 milliards FG

L'aide offerte atteint donc un total minimum de 43 milliards de francs guinéens et résulte des accords conclus avec la Guinée. On ne sait dans quelle mesure elle a été fournie effectivement, en totalité ou en partie. Pour attirer les capitaux privés, un code d'investissement a été adopté le 5 avril 1962. Il donne, entre autres, des garanties juridiques contre toutes spoliations et toutes nationalisations, le bénéfice d'aménagements fiscaux, la protection douanière contre toute concurrence de produits similaires, la garantie du transfert des revenus dans une certaine proportion et le rapatriement des capitaux et économies. Des nationalisations ayant eu lieu précédemment dans tous les secteurs de l'économie, le rapport du gouvernement précise que « les réquisitions et nationalisations déjà effectuées ont concerné les secteurs de souveraineté, des secteurs abandonnés ou des secteurs en infraction ».

Enseigner

La Guinée a fait un très remarquable effort pour développer l'enseignement et élever son taux de scolarisation. Les chiffres sont éloquents, même si l'on peut critiquer tel ou tel aspect de l'enseignement.

En 1961, un effectif total de 103 494 élèves dont 29 874 filles ont été scolarisés dans les trois ordres d'enseignement (premier degré, second degré général et technique) et les centres d'apprentissage. En 1958, l'effectif total était de 45 400 dont 9 900 filles.
Quant aux étudiants poursuivant leurs études à l'étranger, ils étaient au nombre de 1140, dont 449 pour l'enseignement supérieur et 691 pour l'enseignement technique moyen.

Communiquer

Le développement du réseau routier a bénéficié tout particulièrement des travaux réalisés dans le cadre de l'investissement humain. Selon les chiffres officiels, il y aurait environ 10 000 km. de voies carrossables dont 5 600 km. qualifiés de routes à grande circulation. Une seule néanmoins est asphaltée, celle qui relie Conakry à Kindia (150 km.).

Une voie ferrée, le Conakry-Niger, traverse la Guinée d'ouest en est sur une longueur de 600 km., joignant Conakry à Kankan. Construite pendant les années 1910-1916, elle fait l'objet d'importantes études pour sa modernisation. De 1957 à 1961, le tonnage/km. est passé de 37,6 millions t/km. à 47,8 millions et le trafic voyageurs/km. de 38 à 64 millions. Rien de tel pour faire connaissance avec le pays que de prendre ce train: vous mettrez une journée pour aller à Kankan, mais ne le regretterez pas. Deux autres voies, privées, desservent exclusivement les gisements miniers.
Par avion. on peut joindre quatre fois par semaine, avec Air-Guinée, Siguiri, Kankan, Nzérékoré, Kissidougou ou Boké.

Conakry - Kindia - Mamou - Dabola -Kouroussa -Kankan
604 km.
Conakry - Boffa - Boké - Frontière Guinée portugaise 391 km.
Conakry - Forécariah - Benty 175 km.
Kindia - Télimélé - Gaoual 312 km.
Mamou - Dalaba - Pita - Labé 152 km.
Labé - Youkounkoun - Frontière du Sénégal 306 km.
Labé - Mali 121 km.
Dabola - Faranah - Kissidougou 350 km.
Dabola - Dinguirave 150 km.
Kankan - Siguiri - Frontière du Mali 215 km.
Kankan - Beyla - Nzérékoré - Frontière Côte-d'Ivoire 575 km.
Kankan- Macenta 275 km.
Guékédou - Macenta - Nzérékoré 254 km.
Kankan - Kissidougou 184 km.

La révolution guinéenne n'a laissé vivre qu'un seul journal, Horoya, organe du PDG, trihebdomadaire, et un seul bulletin d'agence, celui de l'Agence guinéenne de presse, quotidien. Très libéralement d'ailleurs, Horoya publie assez régulièrement les heures d'émission de radios étrangères comme la BBC anglaise. Louable souci de neutralisme radiophonique: ses lecteurs peuvent ainsi comparer, souvent sur la même page, les programmes de Ici, Bonn, Ici Washington (La Voix de l'Amérique) et Ici Moscou.

Ne pas confondre

PDG-RDA
Parti démocratique de Guinée — Rassemblement démocratique africain.
BPN
Bureau politique national (du PDG)
CNTG
Confédération nationale des travailleurs guinéens.
UGTAN
Union générale des travailleurs d'Afrique noire (mise en sommeil depuis l'indépendance des Etats africains voisins en 1960).
JRDA
Jeunesse du Rassemblementdémocratique africain (organisme du Parti regroupant tous les jeunes Guinéens et Guinéennes depuis l'âge de 7 ans).

Pour tout ce qui concerne le domaine économique (industrie, commerce, finance, transport, etc.), vous apprendrez vite à jongler avec les initiales ou les noms suivants:

AGRIMA
Entreprise nationale pour l'importation et la vente de matériel, outillage, produits nécessaires à l'expansion de l'agriculture.
ALIMAG
Entreprise nationale pour l'importation, l'achat à la production, la vente de biens de consommation alimentaires.
BATIPORT
Entreprise nationale pour l'importation et la vente du matériel et des matériaux nécessaires à l'industrie du bâtiment.
BGCE
Banque Guinéenne du commerce extérieur.
BNDA
Banque nationale de développement agricole.
BCRG
Banque centrale de la République de Guinée (détient le privilège exclusif de l'émission des billets et des pièces de monnaie).
CNCIH
Crédit national pour le commerce, l'industrie et l'habitat.
DIVERMA
Entreprise nationale pour l'importation et la vente de marchandises diverses.
EMATEC
Entreprise nationale pour l'importation et la vente de matériel technique.
ENAT
Entreprise nationale d'acconage et transit qui a pour objet le chargement et le déchargement des navires.
FRIA
Compagnie internationale dont le siège est à Conakry depuis un décret guincen de 1960. Il désigne aussi le nom de l'agglomération où se trouve l'usine. — Avant de « monter à Fria », vous aurez le plus grand intérêt à prendre d'abord contact avec la « base » de Conakry (9e avenue). Le sens des public relations y est particulièrement développé.

Les actionnaires de la Compagnie sont:

Le groupe Péchiney est chargé de la direction de l'affaire.

GUINEXPORT
Entreprise nationale pour l'achat et l'exportation des produits guinéens
INRDG
Institut national de Recherche et documentation guinéen
LIBRAPORT
Entreprise nationale pou l'impartation et la vente de matériel et articles de bureau, de papeterie et de librairie
ONAH
Office national des hydrocarbures pour l'importation et la vente.
SNA
Société nationale d'assurances.
SONATEX
Entreprise nationale pour l'importation et la vente d'articles textiles et d'habillement.
TRANSMAT
Entreprise nationale pour l importation et la vente de matériel roulant, à l'exclusion du matériel agricole


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