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Denise Paulme
Les Gens du Riz
Les Kissi de Haute-Guinée

Paris. Librairie Plon. 1954, 1970. 324 p.


Chapitre XIII
Magie


Sara et Kowã

Le visiteur est toujours frappé, dans un village kissi, par l'abondance et la variété des sarala (sing. sara, sala), terme que les indigènes traduisent par « sacrifice », plus souvent par « fétiche » ; ce dernier mot accompagné d'une mimique — sourire réticent, paupières tombantes — qui marque le détachement de l'informateur à l'égard de pratiques regrettables témoignant de la faiblesse intellectuelle de ses congénères. Dans quelle mesure lui-même partage cette faiblesse demeure un point sur lequel insister serait une faute de tact.
Le terme n'appartient pas aux seuls Kissi : en zone soudanaise et aussi dans toute la forêt atlantique (Guinée française, Sierra-Leone, Liberia, Côte d'Ivoire), le mot sara et ses variantes (sala, saré, salé, sarakhé ... ) s'entend aujourd'hui dans le sens d'offrande, sacrifice ; par extension, objet protecteur consacré, amulette 1. Chose curieuse, ce mot désignant une institution si répandue que d'aucuns ont pu la tenir pour caractéristique du monde noir est un emprunt : il vient, par le canal du malinké, de l'arabe sadaka, aumône. L'arabe lui-même l'aurait tiré de l'hébreu 2.
Mgr Bazin, qui signale l'origine étrangère du mot en bambara, indique pour saraka trois sens :

  1. aumône
  2. consécration par l'imposition des mains
  3. malédiction, exécration, imprécation.

Le même auteur traduit sara, c'est-à-dire le terme qui nous intéresse plus directement, par : paiement, salaire, solde ; et aussi satisfaction, réparation : « Sara yoro, lieu d'expiation, purgatoire », précise-t-il 3.

Chez les Kpelle de la forêt libérienne, voisins des Kissi, « ... sale est généralement traduit par « médecine ». Le mot offre un sens très étendu, il s'applique à des substances, à des formules, à des actions et jusqu'à des organisations dont on croit qu'elles possèdent des pouvoirs particuliers. Ce pouvoir peut être curatif : des drogues importées, et des techniques opératoires peuvent être dites sale. Les poisons sont également sale. Les formules, les battements de tambour, les danses et tout ce qui peut concourir à chasser les sorciers sont aussi sale ; certains emplois du mot impliquent une allusion au groupe qui possède ces pouvoirs 4 ».
En langue kissi, sara peut offrir deux significations :

L'écart nous paraît considérable entre ces deux acceptions : salaire, sacrifice. Les intéressés n'y voient guère plus qu'une différence de nuance recouvrant une identité de principe fondamentale. Il semble, en effet, que le mot dans leur pensée corresponde toujours à l'idée d'un paiement, mais paiement dont le destinataire peut varier et, en variant, modifier la nature de la contre-partie. Ainsi le sara adressé à un vivant traduit le prix d'un objet qui change de détenteur, le salaire d'un artisan ; à l'égard d'un défunt négligé, ancêtre ou mauvais mort, il devient offrande ou sacrifice ; enfin, dans le cas, qui est peut-être le plus fréquent, où il prend l'aspect d'une amulette (d'un « fétiche »), le sara, en fait, anticipe ; il s'efforce de réaliser une assurance, il dresse une défense contre la vindicte d'un ennemi mort ou vivant, jugé d'autant plus redoutable qu'il demeure inconnu 5.

Sous les deux formes : amulette ou offrande, qui nous retiendront plus longuement, le sara vient à la suite d'un avertissement que l'intéressé croit avoir reçu, le plus souvent en rêve, et qu'il demande au devin d'interpréter. Il arrive aussi qu'un individu tombé en catalepsie (wuwo), état où le malade est censé se rendre au pays des Morts, une fois l'accès passé, énonce un ordre qu'il a reçu des ancêtres : ceux-ci exigent la confection d'un sara qu'ils désignent expressément. On s'empresse d'obéir : un mort a-t-il ainsi réclamé « une robe», on fixera autour de sa demeure, aujourd'hui vide et qui abrite son tombeau, ou autour de la pierre qui commémore son souvenir, une bande de coton tissé, généralement à raies bleues sur fond blanc, modèle le plus apprécié; mais l'intention étant ici ce qui importe, la bande tissée peut être elle-même figurée par un simple fil de coton.
La plainte émane-t-elle d'un mort qui n'est pas inhumé dans le village, dont le cadavre n'a pu être ramené auprès des siens, le sara, toujours selon les instructions du devin, se traduira par une petite calebasse, un lambeau de coton ou de natte cloué sur un tronc aux abords du village. Il arrive encore que le mort vu en rêve n'ait pu être identifié en ce cas, l'offrande sera déposée sur le chemin, à l'entrée du village au travers d'un sentier quatre boules de farine, deux cauris, quatre touffes de coton posées sur une feuille luisante de bananier fraîchement coupée — sara. Souvent aussi, un mortier retourné, enfoncé en terre, marque la croisée de deux chemins : symbole des nourritures, de la vie, il a été porté là sur les indications du devin pour apaiser et nourrir les morts affamés — sara.
Destiné aux mauvais morts qui n'ont pas été inhumés dans le village, dont le cadavre a été abandonné en brousse, le saya prend le nom de fanadama, ou nyèy binilando 6. Après un malheur général tel qu'épidémie, épizootie, incendie, sécheresse prolongée durant l'hivernage, ou simplement lorsqu'on redoute un tel malheur survenu dans un village voisin, le devin, sur la demande des chefs de lignage ou du chef de village, interroge le sort ; obéissant aux indications reçues, il ordonne que chaque habitant apporte un échantillon de chacune de ses provisions : une poignée de riz, une poignée de fonio, quelques arachides, un épi de maïs, une touffe de coton... Le tout est réuni chez le chef, puis porté solennellement soit sur la place publique, soit, plus souvent, au premier carrefour à la sortie du village. En présence de tous, le doyen prononce quelques mots, volontairement elliptiques :

« Que ce qui est arrivé à nos voisins, cela n'arrive pas chez nous », ou :
« Que ce qui est arrivé, ne se reproduise jamais plus »,
ou encore:
« Que l'homme qui veut du mal au village, l'homme que nous ignorons mais que Dieu connaît, que cet homme soit puni ».

Il ne prononce aucun nom, ne s'adresse à personne en particulier. Nul ne touchera aux nourritures que l'on sait destinées aux morts inquiets : morts à la guerre, étrangers, foudroyés, victimes d'un feu de brousse.... auxquels on n'a pu donner la sépulture habituelle dans leur village, auxquels on ne peut donc porter l'offrande régulière des dernières semences et des prémices sur l'autel familial. Affamés et menaçants, ces mauvais morts errent inlassablement autour des vivants sans jamais pouvoir atteindre le tye pöm, le séjour des Morts. Au cours du fanadama et toujours sur les indications du devin, les « nourritures » peuvent être remplacées par les tisons de chaque foyer, ceci après un incendie dont on veut éviter le retour. Les brandons sont apportés encore fumants chez le chef de village ; tous les habitants étendent les mains au-dessus et un vieillard « qui parle bien » prononce quelques mots:
— Que ceci nous protège, que l'incendie ne vienne pas brûler notre village...
Les tisons, éteints, sont ensuite déposés à un carrefour, sans un mot, par les seules femmes, qui prennent soin de diriger la partie calcinée des brandons vers l'extérieur, l'extrémité intacte vers le village.

Planche IX
Lieu de culte féminin, dala sola
Lieu de culte féminin, dala sola
Lieu de culte dans le village, tumbye
Lieu de culte dans le village, tumbye

Sous l'influence de l'Islam, pourtant assez faible, le fanadama a évolué. Nous avons constaté l'existence de cette offrande après une éclipse de lune qui fut visible à Kissidougou dans la nuit du 18 au 19 décembre 1945. On sait combien les musulmans redoutent de voir ainsi « le chat manger la lune ». Après les manifestations habituelles de la population islamisée (tout un quartier de la ville est occupé par des colporteurs musulmans non kissi), le matin venu, le vieux chef de canton, lui-même fidèle à la religion des siens mais qui s'entoure volontiers de musulmans, consulta son devin ; avis tenu, il donna l'ordre à ses chefs de village d'avoir à procéder au fanadama. Les nourritures réunies dans les villages des environs, puis concentrées au chef-lieu furent, non pas déposées à un carrefour ni sur la place, mais distribuées aux aveugles, aux vieillards impotents et, d'une manière générale, à tous les mendiants. Transfert assez net d'une coutume d'une religion à une autre : ce n'est plus la volonté maligne de morts inquiets qu'il s'agit de conjurer, mais le mauvais œil, la jettatura, des vivants malchanceux.

Toujours sur le conseil du devin, le sara peut consister en une offre directe de nourritures : deux plats de riz bouilli, un pour les garçons, un autre pour les filles du village — c'est le sara mumo, sara (sous la forme) de riz cuit.
Un sara se rattache encore à cette catégorie d'offrandes propitiatoires le sara wan'wilèyo, le sara « du (ou : pour le) cadavre ». Il s'agit du sacrifice de levée du deuil dont il a été question plus haut, offert par les parents qui congédient ainsi le mort : un bref discours explique à ce dernier qu'il a reçu toutes les attentions auxquelles il pouvait prétendre ; il doit rejoindre définitivement les ancêtres et ne plus venir tourmenter les vivants ; désormais aucune nourriture ne sera plus déposée sur son tombeau, mais son nom sera prononcé dans l'invocation aux ancêtres qui accompagne toutes les offrandes sur les autels familiaux (mãndu, luande sola, lèngo, etc ... ).
La dernière forme de sara consiste dans la préparation d'une amulette pour étouffer une mésentente éventuelle, source de troubles et de tensions, on proclamera le règne de l'union entre habitants du village ou de la maison (sara tyey) ; entre membres du lignage (sara gbèo). Témoigner de manière visible et durable, par un signe extérieur, que tous « n'ont qu'un même cœur », une même volonté, nier solennellement la présence d'antagonismes que l'on sait inévitables mais que l'on entend ignorer — n'est-ce pas le premier moyen qui vient à l'idée pour affirmer une harmonie, à vrai dire plus désirée que réalisée ?
Un sara formant portique protège ainsi l'entrée de chaque village : deux branches, fichées en terre de chaque côté du sentier, en supportent une troisième, transverse, à laquelle est fixé un fagot (cf. Planche II). Une variante sera la botte de roseaux liée par une bande de coton, pendue à l'intérieur de l'habitation, au-dessus du seuil. L'union des brindilles ou celle des roseaux, de l'avis général, figurerait l'entente que l'on veut voir persister entre tous les habitants, du village dans le premier cas, de la demeure dans le second :
« Qu'ils n'aient à eux tous qu'un seul coeur ».
Cette justification courante du sara, pour être toujours valable, n'apparaît pas exclusive. Au fagot sous lequel on passe obligatoirement à l'entrée ou à la sortie du village, se substitue parfois un régime de noix palmistes pendu au-dessus du sentier:
« Quand les fruits séchés tomberont, l'ennemi du village (le « sorcier ») lui aussi tombera malade ».
Autre variante du fagot, la pierre fixée à une poutrelle transverse (sara puo, sara de la pierre) se trouve fréquemment auprès d'une habitation : les deux fourches verticales peuvent être alors de dimension réduite (moins d'un mètre). Une forme plus complète du même sara demande, à côté du portique soutenant la pierre, un petit billot où s'enfonce une minuscule hache ; l'intéressé, en disposant le tout à la porte de sa demeure, a prononcé une formule imprécatoire, a « versé la parole » (sèo döo) :

« Homme, ou femme, le sorcier qui voudra me nuire ou ruiner ma, récolte, que la pierre l'écrase ».

On explique qu'à l'approche de l'« ennemi », la pierre « lui écrasera la nuque », la hache « lui coupera le cou ». Une offrande de riz cuit et de colas, c'est-à-dire l'offrande habituelle, sera déposée de temps à autre sur le billot, pour « nourrir le sara ».
Autre sara, le modèle réduit de cage à poules où roule un caillou — un « œuf » — traduit, lui aussi, l'union que l'on désire ne voir jamais troublée :

« Pour que les enfants (enfants étant pris ici dans le sens de vivants, descendants), à eux tous, n'aient qu'un seul cœur ».

Un tel signe pourra fermer aux femmes et aux non-initiés le chemin de la clairière où les jeunes gens subissent leur temps d'épreuve.
Rien n'empêche de juxtaposer plusieurs amulettes de types différents, qui ne formeront à elles toutes qu'un seul sara : à l'entrée du village de Bundo, canton de Kurumandu, à côté du fagot fixé au linteau du portique et symbolisant l'union des habitants, figurait un modèle réduit de poulailler « (pour que tous n'aient qu'un même cœur ») et aussi un van, ce dernier de taille normale, mis là pour « vanner la maladie ) : qu'une épidémie se déclare au village, le van chassera le mal comme il disperse la paille qui vole au moindre souffle.
Sara encore, le nid d'hirondelles, pana lefèndia, aménagé dans un arbre sur la place du village : aussi longtemps que les oiseaux seront en bonne santé et vivront en paix, aucun malheur n'atteindra le village ; aussi longtemps que leur nid sera protégé du feu, le village lui-même évitera l'incendie qui menace ses toits de paille trop rapprochés.
On n'épuiserait pas la liste des amulettes imaginées, tout inventaire d'habitation en fait apparaître de nouvelles : scorpion mort long comme le doigt, pendu à une poutre et dont la piqûre blessera l'« ennemi » ; paquet de feuilles de köndo (le tali bambara, « bois rouge ») glissé sous le chaume du toit ; branche d'épineux, enterrée sous le seuil et sur laquelle l'« ennemi » posera le pied en entrant. Un sara au moins, en général plusieurs, est toujours fixé au-dessus de l'entrée ; une couche de suie bientôt le couvre et en fait un paquet informe et luisant.
La confection d'un sara n'est pas nécessairement précédée d'une consultation du devin. Un chef de canton nous montra un jour un sara auquel il assurait tenir beaucoup : un lambeau de capote militaire, entouré d'un fil de coton, enfermait avec quelques scories une trentaine de cailloux d'aspect tout ordinaire, mais chacun recueilli dans un village différent. Avec ses cailloux (nous ne lui demandâmes pas de nous rapporter la « parole versée », l'imprécation sûrement prononcée en nouant le talisman), le vieillard tenait villages et chefs « dans sa main », selon son expression.
Parfois encore, sur un sentier ou entre deux maisons, le pied heurte un petit paquet de feuilles enveloppant quelques brins de paille : « Sara dumbuo, ce n'est rien, n'y touchez pas ». Renseignements pris, le sara dumbuo joue le rôle d'un porte-guigne exposant à des mécomptes successifs l'imprudent qui se risquerait à le ramasser. Il s'agit bien encore d'un sara, le nom l'indique suffisamment ; mais sara dont l'action s'exerce à l'inverse du sens habituel et qui doit non plus écarter la malchance, mais l'attirer. L'objet est préparé sur le conseil d'un devin, parfois aussi spontanément, à la suite d'une série d'échecs plus ou moins graves : prêt d'argent refusé après un premier consentement, rebuffades des filles, froideur des amis, l'adolescent qui se voit ainsi brimé consulte un devin (les personnes d'âge se jugent au-dessus d'une telle pratique qu'elles abandonnent aux « enfants »). Par les mots: « On a fait sur toi le dumbuo », le devin laisse entendre à son client que vraisemblablement à la suite d'une faute de conduite, d'ailleurs légère, commise à l'égard de personnes plus âgées, des bruits fâcheux auront couru sur le compte du jeune homme; ces bruits sont à la source de ses déboires. En abandonnant le sara dumbuo sur le chemin, l'intéressé espère se débarrasser à la fois de la mauvaise réputation et de ses conséquences, fixées sur l'objet. Il peut aussi, dans le même but, offrir des colas à un vieillard ou témoigner d'une désarmante soumission à l'égard de ses aînés. Les enfants s'amusent encore à nouer de petits paquets d'herbes ou de feuilles, réplique des multiples sara qu'ils voient autour d'eux ; et nomment sara dumbuo l'objet qu'ils déposent sur le sentier ; le naïf qu'ils surprendront à le recueillir se trouvera en butte à leurs moqueries.

Lieu de culte, Yallo
Lieu de culte, Yallo

Petit yallo protégeant un champ
Famoti Keita, chasseur de sorciers
Famoti Keita, chasseur de sorciers

A l'opposé de ces amulettes dont la confection n'est plus qu'un jeu, se présente une dernière catégorie de sara, dont la préparation demeure cette fois entièrement secrète ; l'objet terminé sera caché dans un coin obscur, à l'abri de tous les regards. L'amulette ne répond plus ici à une défense seulement passive, mais prend un caractère nocif, anti-social : un tel sara, dit sara kara, sara « dur », correspond à une réaction de défense chez un individu qui se croit directement menacé ; parfois encore s'y satisfait un ressentiment qu'il serait impossible d'exprimer ouvertement (il est rare qu'un Kissi recoure à une agression directe).
L'un des sara kara les moins dangereux — pour autant que les deux mots puissent s'associer — dont on obtient du moins la description sans trop insister — exige la réunion d'un crapaud vivant, d'un œuf et d'une mouche maçonne ; le tout, enveloppé dans un chiffon, est enfoui au bord du point d'eau du village, la nuit pour plus de secret, avec la formule suivante d'imprécation (sèo döo) :

« Mon ennemi inconnu, qui que tu sois, homme ou femme, si tu bois de cette eau, meurs. Meurs étouffé comme ce crapaud ; meurs dans l'obscurité, comme le poulet encore enclos dans cet oeuf ; que tes souffrances soient aussi vives que celles provoquées par la piqûre de la mouche maçonne ».

Un autre sara kara se prépare lui aussi à l'aide d'un crapaud, auquel on enfourne dans la gueule plusieurs petits piments très violents et des épines de manioc sauvage ; le crapaud est enterré vivant sur un lit d'épines dans la cour de l'« ennemi », une nuit où ce dernier est absent. Formule :

« Que mon ennemi meure comme va mourir ce crapaud ».

La victime se blessera mortellement en marchant sur la tombe du crapaud, recouverte et invisible.
Une variante plus grave encore demande un chien, que l'on tue en prononçant les mots suivants :

« Comme souffre ce chien dont je coupe la tête, que souffre et meure mon ennemi ».

La tête est enfouie dans la cour de l'« ennemi ». L'emploi de ce dernier sara ne se justifierait aux yeux des informateurs qu'après la mort brusque d'un enfant, mort attribuée à la malévolence de l'« ennemi », qui aura agi par sorcellerie 7.

Du sara, sacrifice, ou amulette bénéfique, nous sommes passés au sara kara, arme jugée dangereuse et dont le caractère toujours secret suffit à indiquer la nature. Un pas de plus et l'on glisse au koma, amulette à but, cette fois, nettement maléfique et anti-social (une seule exception concernerait le koma kundo, étudié plus haut).

La distinction entre ces deux classes d'amulettes, toutes deux redoutées, sara kara et koma, apparaît difficile à préciser ; elle ne semble guère préoccuper les intéressés. D'une discussion à ce sujet, il apparaît seulement que l'un comme l'autre, sara kara et koma sont, de l'avis courant, jugés subversifs, répréhensibles. L'un comme l'autre exigent le secret. Tout au plus pourrait-on saisir une nuance dans l'intention : alors que le sara kara reste une défense, une protection (sara), un témoin objectif inclinera à voir dans le recours au koma d'abord une volonté d'attaque. Il va de soi que l'intéressé qui fait appel soit à l'un soit à l'autre procédé tient sa démarche pour également justifiée : son choix relève de considérations pratiques et ne s'embarrasse guère de distinctions subtiles.

Koma, pl. kowã, sang, le terme, appliqué à cette classe particulière d'amulettes, traduit la présence nécessaire du sang dans la composition de ces charmes redoutables (si tout koma ne contient pas à l'origine du sang, son efficacité est accrue par le sang des victimes qui l'arrose).
Dans la masse des kowã, les plus dangereux — qui seraient aussi les plus nombreux — sont les kowã « secs », kowã wisilèya, qui peuvent encore être qualifiés de « durs », kowã kara ; de « brûlants » kowã tuwa ; de « liés » ou « attachés », kowã yiya. Sur tous, un peu de salive est crachée, teinte en rouge par le jus des colas mâchées à l'instant. Il va de soi que l'on n'obtiendra l'effet cherché que si l'on a « versé la parole », prononcé sur le talisman une formule d'imprécation (sèo döo).
Mélange de feuilles, d'écorces pilées, de sang, d'urine, de salive, de suie.... parfois aussi de crânes, d'os ou de dents d'animaux, le tout ficelé et couvert d'une croûte noirâtre de sang séché, un koma « sec », koma wè'sileya, comporte, en principe, un antidote, un nyuruwã, qui se présente le plus souvent sous la forme d'une décoction de plantes, kave (on traduit nyuruwã par médecine, ou remède; le mot implique une idée de fraîcheur, d'humidité 8). On parle encore de kowã i piwa, kowã en feuilles de kowã munua, kowã pilés, mélange d'écorces, ou de feuilles réduites en poudre. Parmi ces kowã en feuilles ou en poudre, certains peuvent recéler un poison dangereux ; d'autres remplissent un office comparable à celui des nyuruwã, on les emploie en décoctions contre la fièvre, la toux, le mal d'entrailles ou les rhumatismes. Il y aurait ici une extension quelque peu abusive du terme de kowã : le client jugera plus efficace un remède qualifié de dangereux. Est ainsi pompeusement nommée koma la poudre d'écorce du ballo (Parinari excelsa) séchée et pilée ; consommée avec les aliments (riz, viande, sauces végétales), elle redonnerait de l'appétit et des forces à un convalescent ; la même poudre, préparée en infusion et bue chaude à jeun, calmerait les douleurs d'entrailles que provoque l'absorption de riz empoisonné par un mélange de tali et de fiel de caïman. Inversement, un nyuruwã peut, dans certaines circonstances, devenir un koma, un remède devient poison. Nous notâmes ainsi un jour au village de Milimu, canton de Kossa, une coquille de gros escargot fixée sur une branche au milieu d'arbres à piment, derrière les habitations ; la femme à qui appartenaient les piments nous expliqua qu'elle avait mis là ce koma pour décourager les voleurs : qui toucherait aux piments aurait mal « au ventre ». A une nouvelle question sur la nature du koma, elle répondit de bonne grâce : sa mère lui avait appris à soigner les enfants atteints de diarrhée en appliquant sur le ventre du petit malade cette même coquille, chauffée à la flamme. Dans la pensée de mon interlocutrice, l'objet qui avait la faculté d'atténuer une souffrance devait être capable, si son maître lui en donnait l'ordre, d'infliger une souffrance analogue : c'était donc en puissance un koma. (L'idée de chaleur peut encore jouer un rôle dans ce cas particulier : la coquille n'agit comme remède que chauffée ; et la chaleur est un élément indispensable à l'activité de tout koma).
Un koma, normalement, s'achète : le prix varie, il peut être très élevé (le sambiö, amulette « mortelle », demanderait, outre une somme d'argent, une victime humaine, femme ou enfant du postulant). Le vendeur, en fournissant le charme, indiquera sinon son contenu, au moins l'indispensable formule d'imprécation à prononcer sur l'objet au moment où ce dernier doit agir ; il nommera aussi les interdits que l'acquéreur doit respecter sous peine de nuire à l'effet désiré.

Un koma redouté, « sec » (koma wisilèya) sur lequel néanmoins les intéressés s'expliquent assez facilement, est le körötöo, ou körtöo (le korté malinké, ou sort jeté à distance) 9 fréquent, assurent les Kissi, chez leurs voisins Kouranko. Le « maître » du körötöo, pressenti, prépare dans une corne de mouton ou d'antilope un mélange de graisse, de suie et d'une poudre spéciale, poudre du körötöo ; sans pouvoir nous en donner la composition, l'informateur assure qu'il s'agit d'une plante dont on pile les feuilles. L'acquéreur de la corne n'aura qu'à tendre celle-ci dans la direction de son « ennemi » (par exemple, l'amant présumé de sa femme) pour que ce dernier tombe malade et que son corps gonfle ; non soignée, la victime mourrait dans les deux jours. Le körötöo, comme tout koma, a son antidote, son nyuruwã : ici l'herbe köl'dusuo, « cœur du chasseur », dite encore yamba dusua, « tabac du chasseur » (Piper umbellatum ?).
Le malade qui a pu établir un diagnostic et pense être victime du körötöo, fera préparer une décoction de cette plante dont il se frottera tout le corps à plusieurs reprises.

Un autre koma wisileya, lui aussi jugé « très mauvais » (mais ils le sont tous par définition) demande une abeille, lüèo, sur laquelle le « maître », le vendeur, « parle », profère une formule. Il suffira à l'acheteur, en présence de sa victime, de lâcher l'abeille, jusque-là gardée dans un pli de son vêtement ; l'insecte ira piquer l'« ennemi » qui, s'il en réchappe, sera du moins gravement incommodé. Pareil talisman se paierait « jusqu'à cinq cents francs ».

Un puissant koma est le börowa (böro : sac; wa pour wando, homme), fait d'un sac ou d'un paquet de chiffons enveloppant une calotte crânienne, bugbuo. Pour se procurer le crâne, plusieurs hommes vont la nuit déterrer un cadavre masculin (un crâne de femme ne pourrait remplir le même office). L'un des complices fait le guet, les autres creusent ; ils sont nus et chantent l'un après l'autre la devise, la louange, du börowa :

« Lun wana mèna nare ye na, litt. plutôt que nous livrer au tumbye (mena désigne la formule d'exécration vouant le coupable à la justice des ancêtres), injuriez-nous (sous-entendu : vos injures nous laissent indifférents).

Le crâne déterré est soigneusement enveloppé et, sur le paquet ainsi formé, un cadenas européen est cousu. Une croyance unanime veut que ce talisman assure à son possesseur l'impunité : en tournant la clef dans le cadenas, le « maître du börowa » clôt la bouche de sa victime. Que celle-ci veuille ensuite se plaindre au chef de village ou en justice, elle ne pourra, le moment venu, prononcer un seul mot. L'affaire ainsi terminée à son entière satisfaction, le possesseur du börowa égorgera un poulet sur son talisman. Nous avons connu un ancien chef de village que l'opinion publique tenait quasi-ouvertement pour détenteur d'un börowa : l'homme avait jadis été inquiété par la justice du chef-lieu, convaincu de violation de sépulture et destitué ; mais nul, le moment venu, n'avait osé témoigner contre un aussi puissant personnage. Le silence même de l'accusation était naturellement tenu pour la meilleure preuve de la présence, comme de l'efficacité, du talisman 10.
On parle encore d'un koma qui serait préparé avec une main humaine, bara wando ; à défaut, avec une main de gorille ou de grand chimpanzé, bara tömdo. Un lien paraît ici possible avec le doigt (ou l'avant-bras ?) du chef, coupé sur le cadavre et soigneusement conservé. Il est enfin souvent question de talismans capables de rendre invincible, invulnérable ou invisible au moment le plus nécessaire.

Bien entendu, les chefs seraient les possesseurs des kowã les plus nombreux et les plus efficaces ; pour remplir les services extraordinaires qu'on leur demande, ces talismans exigeraient une vie humaine, à tout le moins du sang, ou de la graisse, d'homme. Il est ici très difficile de faire la part de l'imaginaire : que ces rumeurs ne soient pas entièrement dénuées de fondement paraît au moins vraisemblable pour les chefs les plus âgés. Encore en 1946, des assassinats répétés d'individus plus ou moins esseulés (voyageurs, femmes, orphelins) ont pu être rattachés à la personne d'un vieux chef très redouté, aujourd'hui décédé : celui-ci, à mesure qu'il avançait en âge, estimait avoir besoin de plus de kowã, en l'espèce graisse et sang humains, dont il se frottait pour raffermir ses forces défaillantes ; il entretenait à cet effet une équipe de tueurs spécialisés. Nous côtoyons ici l'institution des hommes-panthères, connue dans la plupart des sociétés de la forêt atlantique. Chez les Mendi de Sierra-Leone, dont nous avons à plusieurs reprises signalé les ressemblances avec les Kissi, le but de l'institution était de se procurer de la graisse humaine et du sang pour en oindre le Borfima (boro fima, litt. sac noir, ou bleu indigo, de deux mots malinké), talisman tenu surtout pour un réjuvénateur dont la possession assurait richesses et pouvoir : les réunions avaient lieu quand le borfima semblait avoir perdu de sa puissance, avait besoin d'être « nourri ». Les meurtres s'accomplissaient dans l'enceinte du Poro, association groupant tous les hommes adultes ; des griffes en fer qui simulaient des griffes de panthère servaient à maquiller les blessures; le cannibalisme aurait été un trait accessoire de l'institution. Peut-être le sac était-il jadis conservé par le chef ou par les vieillards dans l'intérêt général et nourri principalement du sang des ennemis tués au cours des guerres tribales. Mais avec l'établissement de la paix, les vieillards virent décliner leur prestige : des hommes-panthères, peut-être aussi des hommes-caïmans, auraient alors reçu la charge d'apporter des victimes dont le sang et la graisse devaient vivifier le borfima 11.
Un koma qui a appartenu à un chef peut, après la mort de celui-ci, devenir un tumbye sur lequel ses descendants prêteront serment :

« Si j'ai menti, que le koma de l'ancêtre soit sur moi ».

Paroles très graves, car à la crainte de l'objet, redoutable en soi, s'ajoute la terreur qu'inspirait le vieux chef. Ainsi vous présente-t-on parfois sous le double nom de koma et tumbye un paquet informe, ou un sac en coton noirci par le sang des sacrifices et dont le contenu décourage à l'avance tout effort d'analyse. On dit souvent encore que « tous les tumbye sont des kowã » — voulant exprimer par là que tous les objets servant aux ordalies sont dangereux (sous-entendu : pour les individus désignés à la justice de l'ancêtre, maître du tumbye, qui les punira infailliblement).

Nous ne donnerons pas ici la liste de tous les kowã parvenus à notre connaissance. Fastidieuse, une telle énumération resterait néanmoins incomplète. Les démarches nous paraissent plus importantes qui commandent l'élaboration, ou la quête, d'un talisman — même si ce dernier ne compte pas au nombre des plus « secs », des plus redoutés.
A Guéckédou, chef-lieu du cercle de même nom et centre de tout le sud du pays kissi, nous fîmes en 1949 la connaissance d'un curieux personnage. Originaire du canton de Kama Sande, Fode Toluno ne payait certes pas de mine : âgé peut-être d'une quarantaine d'années, de petite taille, d'aspect chétif, le short qu'il affectionnait et le polo en laine de couleur dont nous le vîmes toujours coiffé accentuaient le côté vieil enfant d'une silhouette rappelant celle d'un jockey. Fode gagnait beaucoup d'argent et, pour étrange que le fait nous parût, l'on enviait ses succès féminins : cinq femmes reconnues sinon toutes légitimes, ne suffisaient pas à son goût de l'aventure. Sa réussite sociale était certaine, fondée sur ses seuls talents de devin et de magicien : Fode ne se livrait à aucun travail manuel. Sa demeure, un peu isolée, servait de lieu de réunion où les clients affluaient ; parmi eux, nombre de Noirs évolués, fonctionnaires ou employés de commerce. Le dimanche, devant la porte, le jeu des totons allait bon train et les enchères montaient parmi les interjections des acteurs et des spectateurs, pour la plupart en costume européen ou semi-européen. L'intérieur, fort modeste, était décoré d'images de piété musulmanes aux couleurs crues et de feuilles arrachées à des illustrés européens où des vedettes de cinéma, en robe du soir très décolletées ou en costume de bain, entouraient la photo, au premier abord surprenante, de Léon-Paul Fargue ; à la deuxième visite, on ne pouvait que trouver normale l'évocation du poète en ce temple du cocasse où il présidait dignement à la consultation de l'oracle et à la préparation des charmes.
On venait de très loin demander à Fode un talisman dit sam'söa (pl. sam'söara) 12, auquel la croyance générale attachait la vertu d'assurer le succès et la supériorité en tout, quel que fût le but poursuivi : un joueur suffisamment pourvu de sam'söa gagnait toutes ses parties, un soldat passait pour le moins caporal, un chauffeur de camion ne risquait plus de panne. Ce remède merveilleux viendrait de Sierra-Leone, pays kono ; élément de prestige, l'origine étrangère ne peut qu'ajouter à l'efficacité présumée. La base du médicament est, selon Fode, un mélange de feuilles de bakale, de susule et de yomole, pilées, préparées en infusion et mélangées à de l'huile de palme bouillie; le tout versé dans une bouteille sur laquelle le magicien, bien entendu, prononce une formule. Le client en possession de la bouteille se frictionnera chaque matin avec un peu du mélange; il en boira aussi quelques gouttes. La bouteille vide et s'il ne peut joindre son fournisseur, lui-même renouvellera le médicament à l'aide des trois espèces indiquées ; à défaut de la formule exacte, qu'il ignore, il prononcera sur sa bouteille le nom du « maître du sam'söa ». Le talisman comporte plusieurs interdits : son possesseur doit s'abstenir de toucher un singe, un chien, comme d'absorber de l'huile de palmistes, baña, sous peine d'un tremblement de tout le corps que le magicien pourra seul guérir moyennant argent. L'usager doit encore, après avoir avalé poudre ou potion, se garder de prendre un bain ou d'être aspergé d'eau froide, de crainte d'une attaque de catalepsie, wuwo, état de mort apparente dont le malade ne reviendrait qu'après absorption d'un mélange d'huile de palme et de sel (idée d'opposition entre le chaud et le froid, un talisman actif étant par excellence « sec », « bouillant »). Fode présentait son talisman sous trois aspects : potion à usage interne ou externe ; bague frottée de la poudre magique ; enfin cornes d'antilope et petits paquets renfermant la précieuse poudre, dûment arrosée de sang de poulet et cousus sur une tunique que l'on porte à même la peau. La forme sous laquelle ses clients préfèrent le sam'söa serait aujourd'hui la bague « parce que cela se remarque moins ». L'intéressé se procure auprès d'un colporteur ou sur un marché un anneau en métal brillant (cuivre ou laiton) et l'apporte au magicien, qui frottera l'anneau de sa poudre ; qui, surtout, « parlera » dessus, « matin et soir », pour rendre le charme efficace. Le service se paie plus ou moins cher :

Le sam'söa représente un cas de dégénérescence assez net : c'est un koma, dit son maître Fode ; le sam'söa toutefois ne saurait être tenu pour dangereux, l'individu qui le recherche n'a pas pour but premier, exclusif, de ruiner un ennemi supposé, non plus que de satisfaire l'appétit de vengeance, motif habituel d'un acquéreur de koma. La poudre de feuilles pilées que Fode nomme emphatiquement nyuruwã, c'est-à-dire remède, médecine, du sam'söa ne prétend à aucune fonction curative; que ce remède ne puisse non plus servir de préventif contre un danger quelconque ressort du fait qu'il n'a jamais été qualifié devant nous de sara. Fode repousse ce terme, car son prestige exige qu'il soit maître d'un koma, c'est-à-dire d'un charme « dangereux » — ne serait-ce que de nom ; et le nom paraît bien en effet le seul élément inquiétant du sam'söa.
Ce n'est pas, de beaucoup, le seul talisman dont trafiquait notre ingénieux ami. Nous n'en citerons qu'un autre. A la porte de sa demeure, Fode, jumeau comme beaucoup de magiciens, possédait un palmier qui lui servait d'autel individuel : fait banal dans une région où l'on trouve dans presque chaque village un wa'pendua, un palmier (wawo) autel de jumeaux (pènduno, pl. pèndua). Au palmier de Fode se rattachaient des amulettes portatives dites söèrã, ou sèörã (sing. sèo, ou söe, de , la parole) : palmier et amulettes, un même nom, kanda, désignait l'ensemble. L'intéressé assurait tenir le kanda de son père, qui l'aurait lui même reçu de son propre père. Lorsque Fode voulait « parler » sur son palmier, voulait faire une offrande à son kanda (il assurait y procéder à chaque nouvelle lune), il déposait au pied de l'arbre ses sèörã, soit deux petits vans et un bracelet. Dans l'un des vans se trouvaient fixés trois paquets oblongs disposés en croix, ayant l'apparence du coton noirci frotté de sang et portant cousus des cauris ; l'autre van contenait cinq paquets analogues, plus petits ; enfin, le bracelet, kalando, lui aussi en coton noirci de sang séché, pouvait être mis à la saignée du bras gauche pour les sorties en brousse, la nuit ; il protégeait alors contre les sorciers et leurs maléfices (nous vîmes pareil bracelet, ici kalando, ailleurs köndolo, au bras de plus d'un chasseur) 13. Fode accompagnait ses offrandes au kanda de la formule suivante :

« Kanda, défends-moi contre les animaux de la brousse, contre les sorciers ; défends aussi les enfants qui se trouvent sous ma protection ».

Le sens commercial évident qui habitait notre ami l'avait en effet poussé à étendre les bienfaits particuliers du kanda à tous ceux qui lui en témoignaient le désir : émanation du grand, le « petit kanda » préparé par Fode aide un bébé dans sa croissance, le fortifie, écarte les maladies. Nous assistâmes à la confection d'une telle amulette. L'opération se passa à l'intérieur de la case, l'enfant — un bébé de quelques mois — dans les bras de sa mère, elle-même assise sur le lit. Fode prit deux fils de coton, l'un blanc, l'autre « noir » (teint à l'indigo), les roula sur sa cuisse pour en préparer une torsade ; celle-ci pliée en deux fut tressée à l'aide du gros orteil gauche du magicien; enfin, la tresse coupée en deux, les deux moitiés furent liées par une extrémité à un cauri contenant l'amulette proprement dite, le koma du kanda — en l'espèce, un peu d'écorce de kulun-kulundo, réduite en poudre ; la ceinture formée par les deux brins de coton et le cauri qui les unissait fut alors fixée à la taille du bébé, le cauri reposant sur les reins. L'amulette doit être portée jusqu'au sevrage. Fode nous dit soigner de manière analogue une femme stérile qui demande la venue d'un enfant; il fixe alors le cauri contenant l'écorce sur le front de la patiente. Variable suivant l'humeur du « maître du kanda », le prix d'une pareille amulette ne dépasserait pas 5 à 10 fr.
Le kanda — le principe qu'il exprime — n'est pas une invention de Fode. Nous avons trouvé une institution portant ce nom en d'autres lieux, mais toujours sous une forme collective, la protection s'étendant au village et à tous ses habitants, que le kanda défend contre un danger précis ou encore informulé. Dans le village de Fangamadu, canton de Tongi, à l'extrême sud du cercle de Guéckédou, une petite hutte au toit écroulé abrite une pierre levée : kanda tyey, kanda pour les maisons. Au début de la saison sèche, tous les habitants du village versent un peu d'eau dans une grande cuvette promenée de porte en porte. La cuvette remplie est vidée sur la pierre « pour que le feu ne brûle pas les toits ».
L'offrande ainsi recueillie est dite, d'une désignation déjà rencontrée, fanadama. Qu'un toit par la suite s'enflamme, un poulet est encore égorgé sur la pierre au bord de laquelle on pose un peu de pâte de riz ; l'ensemble poulet pâte de riz est dit kulye, du terme habituellement réservé aux offrandes régulières des semailles et de la moisson sur les autels familiaux (mãndu, luande sola ... ) .
Dans le même canton de Tongi, le kanda bundua, kanda du bundo, protégera les filles excisées : dans la clairière où celles-ci subissent leur retraite d'initiation (bundo), une poterie contient une infusion de lumlumde (Lycopodium cernuum) avec laquelle on lave les opérées lors de chaque pansement. Dans ce cas particulier du kanda bundua, le talisman peut être également désigné du terme de sara : il s'agit bien d'une protection.
A Bembere, dans le sud du canton de Kurumandu, à Bruadu, canton de Yalamba, on nomme kanda un pot sur une termitière, au bord du chemin; la « médecine » contenue dans le pot est ici une eau de pömbile préparée à l'aide de cette « herbe des morts » (Dracaena arborea) que nous avons déjà vu intervenir dans plusieurs rituels : tumbye, yallo, kundo... On porte la poterie dans la rizière au moment où sortent de terre les jeunes pousses que le kanda défendra contre les oiseaux et les rongeurs, dont il assurera la croissance comme le kanda de Fode protège la croissance des nourrissons. Le kanda de Bembere reçoit l'hommage des dernières semences lors des semailles ; quelques mois plus tard, celui des prémices. Tous les hommes peuvent participer à ce culte, les femmes n'interviennent pas. Nous avons donc affaire ici à un culte public, s'il reste secondaire. Un rapprochement paraît s'imposer avec le rituel du kundo étudié plus haut, rituel que les habitants de Bembere déclarent ignorer 14.
Enfin, au hameau de Yumba, canton de Dembaduno, à une vingtaine de kilomètres peut-être à l'est de Guéckédou, nous avons retrouvé le kanda jouant un rôle cette fois de premier plan. Le terme désigne un groupe d'arbres et d'arbustes, dont un palmier et un pimbile entourant un tas de pierres au centre du village. Le kanda protège ici les maisons et les champs ; tous, femmes comprises, prennent part aux offrandes, qui ont lieu notamment après les semailles (dernières semences), au début de la moisson (premiers épis). Lorsque le riz sort de terre, on porte dans les champs une feuille de pombile cueillie sur le lieu du kanda la feuille est fixée au sommet d'un roseau fendu que l'on plante au milieu de la rizière selon une pratique déjà rencontrée avec les cultes étudiés plus haut : yallo (les petits yallo), kundo. Le rôle du kanda apparaît à Yumba très général, il défend indifféremment contre toutes les calamités : après un incendie on porte au pied de l'autel du riz, cuit et mangé sur place, fanadama ; que les animaux piétinent une rizière, on dépose là de la pâte de riz ; en cas d'épizootie, c'est au kanda qu'il faut « parler» et faire une offrande. C'est enfin sur l'autel du kanda que l'on prête serment, c'est au kanda nommément que l'on demande de poursuivre le parjure, le voleur, etc... Saisi d'une fièvre violente, le coupable ne guérira qu'après l'aspersion d'une eau préparée avec les feuilles d'un pömbile qui a poussé sur le lieu du culte. Les autres autels (tombe de l'ancêtre, rocher en bordure des habitations) reçoivent le seul hommage des semences et des prémices. Bien entendu, le kanda est un legs de l'ancêtre fondateur du lignage qui peuple le hameau. De simple amulette individuelle remplissant une fonction très spécialisée : assurer la croissance normale d'un petit enfant, défendre les toits contre l'incendie ou protéger les excisées durant leur retraite nous voyons ici le kanda passer au rôle de culte public et officiel, englobant, coiffant, tous les autres.

L'exemple du kanda, venant après d'autres, met en lumière le particularisme extrême qui marque la vie religieuse des Kissi : tumbye, yallo, kundo, kanda... tout se passe comme si, sur un seul thème et à l'aide d'éléments à peu près constants, chaque petite communauté, repliée sur elle-même, avait pris à cœur de construire un système qui lui soit propre. L'étranger, surpris par ce morcellement, cherche-t-il à se renseigner sur ce qui se pratique hors du groupe, ses questions demeurent sans réponse : c'est de la bouche des seuls intéressés et bien souvent sur le seul lieu du culte qu'il peut espérer recueillir des explications. Autels présents dans un village, ignorés dans le suivant ; mais aussi cultes portant le même nom et remplissant des fonctions comparables dans des localités éloignées, la première impression est celle d'une société pulvérisée : certaines institutions autrefois, pense-t-on, plus répandues, seront tombées en désuétude pour ne survivre que de manière accidentelle et en des points isolés.

L'observateur de bonne foi ne tarde pas à changer d'avis : un tel foisonnement du rituel — au point que certains cultes apparaissent des doublets — ne saurait être considéré ici comme pathologique. Loin d'un appauvrissement, une telle variété, une telle abondance chez des gens privés de leur passé, témoignent d'une étonnante vitalité. Sous nos yeux, une société qui depuis à peine soixante ans connaît le calme, laissée à elle-même renaît, prospère, s'organise. La terreur dans laquelle ont trop longtemps vécu leurs ancêtres a dépouillé les Kissi d'héritage spirituel : aucune tradition historique ou religieuse ne remonte chez eux au-delà de trois ou quatre générations, souvent au contraire l'introduction d'un culte dans tel village est un fait contemporain. Un désir passionné de se fixer au sol, de défendre par n'importe quel moyen la « santé » — la vie — du lignage, conduit à une sorte de thésaurisation de tous les modes de protection concevables ; mais l'institution une fois intégrée est toujours susceptible d'une adaptation aux nécessités du moment, qu'il s'agisse de la sauvegarde des moissons, de la défense des biens ou de celle des personnes. Le culte nouveau peut de ce fait prendre un aspect distinct d'une localité à l'autre, de proche en proche des ensembles différents s'élaborent. Chaque ensemble n'en demeure pas moins unique, seul valable aux yeux de la communauté, qui trouve dans l'oeuvre ainsi réalisée l'indispensable soutien moral ; qui y trouve par surcroît la preuve tangible de son existence.

Pour illustrer cette diversité d'aspects des autels et des cultes selon les villages, nous extrayons de l'inventaire des cultes publics relevé dans les 130 localités où nous avons travaillé, ce qui concerne quatre agglomérations.
Le hameau Yumba dépend du village de Kendu, canton de Dembaduno, cercle de Guéckédou. Il est peuplé par un seul lignage, Kundiano (interdit : l'iguane). Le doyen, au nom de tous, porte les offrandes des semailles et de la moisson d'abord sur la tombe du fondateur, enterré sous l'auvent de sa demeure (sayo, tombe — on ne dit pas ici mãndu) ; puis sur un rocher sacré, luande sola, en bordure des habitations; enfin sur l'autel du kanda, situé dans le village et qui sert de support aux rites agraires comme aux ordalies (voir plus haut).
Dans le même canton, Tekulo compte trois lignages : Dembaduno, pl. Dembadua), Kamano (pl. Kamara), Mamanduno (pl. Mamandua). Les Dembadua respectent les serpents et les silures ; ils nomment tungo mãndu la demeure de leur premier ancêtre, fondateur du village ; le fils de ce premier ancêtre est enterré sous un deuxième tungo mãndu, abri sans murs entre les maisons ; l'hommage des semences et des prémices est porté sur les deux mãndu ainsi que sur un autel de yallo, au pied d'un arbre à la sortie du village ; ce yallo, encore dit koma bimba, talisman de l'aïeul, entend les serments, le parjure « devient fou ». Les Kamara (interdit : la panthère) portent leurs offrandes sur la tombe de leur premier ancêtre, enterré sous un cercle de pierres sur la place : tungo mãndu ; sur leur lieu de prières, solulã, qu'encadrent deux palmiers ; à leur point d'eau, pye sola, où ils présentent encore les nouveau-nés et demandent « la santé ». Les Mamandua s'abstiennent de toucher la cola ; ils déposent leurs premiers épis et prêtent serment sur la tombe de leur aïeul, à l'intérieur d'une habitation: tungo mãndu. Un rocher sacré, luande sola, legs de Siawo Dembaduno qui fonda le village, est aussi un lieu de culte pour tous les hommes de Tekulo ; grand guerrier, Siawo défendit la région contre les bandes de Samory ; ses compagnons d'armes encore vivants assistent aux sacrifices célébrés ici en hommage au chef disparu et qui doivent resserrer l'union entre les vivants ; un tel sacrifice a lieu « quand on a gagné un bœuf » — en fait, lorsque le chef de Tekulo veut raffermir son prestige. Les femmes, elles, vont à leur point d'eau, dala sola ; et sur la tombe de la « première femme», épouse du fondateur.
Plus au nord, le village de Foniadu, dans le canton de Moussama. Kossilan, cercle de Kissidougou, groupe trois lignages : Mara, Toluno (pl. Tolla), Kumano (pl. Kumara). Les Mara (interdit : le caïman) possèdent un mãndu, tombe de leur premier ancêtre ; un arbre sacré dit sara bimba, talisman de l'aïeul, ou encore le « fromager de la lance », bandei ballo (partout insigne du pouvoir, la lance est ici celle du fondateur) ; une mare sacrée où l'on demande des enfants et présente les nouveau-nés. Les Tolla eux aussi évitent le caïman ; ils révèrent la tombe de leur ancêtre, mãndu ; si leurs femmes veulent des enfants, elles adressent leurs prières à une mare spéciale dite Boya, du nom de la « première femme », Boylu. Les Kuruma (interdit : la panthère) déposent leurs offrandes sur la seule tombe de leur ancêtre, mãndu. Un Toluno habitant Foniadu est également gardien d'un rocher sacré, luande sola, où tout le canton en la personne de son chef offre un bœuf chaque année ; on prête serment sur ce luande; on y égorge une victime, bœuf ou mouton, si la pluie tarde après les semailles. Les chasseurs de Foniadu, avant et après chaque expédition en brousse, déposent des offrandes sur un autel dont l'aspect (petite construction en planches sous l'auvent d'une demeure) rappelle celui d'un autel de yallo. Un des chasseurs a hérité de son père un arbre sacré, lèngo, à la sortie du village ; là aussi il demande une chasse fructueuse et promet une part du gibier abattu.
Enfin dans le sud-est du cercle de Kissidougou, canton de Yalamba, Bruadu compte quatre lignages : Leno (pl. Lea), Toluno (pl. Tolla), Tengino (pl. Tengia), Konduno (pl. Konda). Le lignage Leno (interdits : le cheval et l'hippopotame) possède deux wasuo, deux cercles de pierres levées ; sous le premier sont enterrés le fondateur et son fils, le second couvre les restes de leurs successeurs ; à la sortie du village, un tumbye, petite construction en planches abritant une pierre levée, sert de support à un culte agraire et aussi aux ordalies. Les Tolla (interdit : le caïman) ont, eux aussi, un tumbye qui se trouve cette fois sur la place du village — un toit de chaume abrite un cairn, d'anciennes monnaies, les colas séchées et les épis des anciennes offrandes; les membres du lignage prêtent serment sur ce tumbye, y déposent semences et prémices : « on le nomme yasio (wasuo), ou koma bimba (talisman de l'ancêtre) ». La dala sola, le coin de rivière sacré des Tolla, se trouve sur la rivière Dofé, à une courte distance du village, le doyen y soigne le coupable qui a enfreint l'interdit du lignage et souffre de la gale. Les Tengia évitent de tuer le mange-mil ; leur seul autel, solulã, est une minuscule cage d'oiseau contenant deux ou trois boules de farine de riz et une poignée de paille. Dernier lignage, les Konda respectent le singe et déposent leurs offrandes près d'un crâne de chimpanzé encastré dans le mur extérieur d'une habitation ; ils prêtent serment sur leur tumbye, vous montrent sous ce nom, en bordure du village, un amas de poteries au pied d'un arbuste dont les feuilles servent à purifier terrains de culture et êtres humains lors d'une cérémonie annuelle. Mais les Konda jugent cette protection insuffisante et préfèrent, pour la défense de leurs rizières, recourir au kanda : une poterie sur une termitière sert d'autel, tous les hommes du village y apportent le reste des semences et les premiers épis ; le gardien enterre la poterie et son contenu (décoction de feuilles) dans son champ après les semailles. Egalement tous les hommes du village présentent deux fois par an leurs offrandes à un luande sola, amas de rochers en forêt où le premier Könduno venait se recueillir ; à l'occasion, ils prêtent serment sur ce luande.

Notes
1. H. Labouret et M. Travele. Quelques aspects de la magie africaine, in Bull. du Comité d'études historiques et scientifiques de l'A.O.F., X, juillet-décembre 1927, p. 479.
2. Sadaka, aumône. Selon T. H. Weir (Encyclopédie de l'Islam, 1934, au mot sadaqa), « ... c'est simplement, en réalité, la transcription du mot hébreu sëdaka, qui signifie à l'origine « justice », mais était employé par les Pharisiens pour désigner ce qu'ils considéraient comme le devoir capital de l'Israélite pieux : l'aumône ; sens qui s'était conservé à l'époque de la venue de l'Islam, et plus tard encore. Son sens propre est donc aumône volontaire ou spontanée, ou ce que nous appelons « charité ».
3. Mgr Bazin, Dictionnaire bambara-français, Paris, 1906. En minianka (nord de la Côte d'Ivoire), sara, payer (G. Cheron, Le dialecte sénoufo de Minianka, Paris, 1925). En soso (soussou, côte de la Guinée française), sarakhé, sacrifice ; saré, gain, salaire, paiement, prix, récompense (R. P. Raimbault, Dictionnaire français-soso, soso-français, mission du Rio Pongo, 1885).
4. W. E. Welmers, Secret Medicines, Magic and Rites of the Kpelle Tribe in Liberia, p. 209.
5. Les Kissi obéissent alors à la même impulsion qui pousse leurs voisins Toma « par des incantations dont ils gardent jalousement le secret et qu'ils font au coeur de la forêt, à l'écart des êtres humains... à obliger les génies à venir résider dans les objets magiques ou salé qu'ils ont confectionnés. Ce sont des paquets de chiffons, de plantes, de terre, de cailloux et bien d'autres choses encore, parfois des statuettes de bois ou des masques, etc... ». Cap. Gamory Dubourdeau, Notice..., pp. 300-301.
6. Fanadama, étymologie possible : fana, forces, nourritures, vie; dama, fini, épuisé. Nyëy binilando, choses mélangées.
7. Cf. D. Paulme, Formes de ressentiment et de suspicion dans une société noire, in Journal de psychologie, octobre-décembre 1949, pp. 467-480
8. Nyuruwã, pluriel ; le singulier serait nyurule, nyurula, mais les substantifs de cette classe, qui comprend notamment les liquides et excrétions, ne s'emploient guère qu'au pluriel. Chez les Ba-Thonga de l'Afrique sud-orientale, Junod note également que « tandis que les baloyi (sorciers) se servent, dit-on, de poisons, tingati (sangs), les magiciens, eux, emploient les miri, c'est-à-dire des herbes médicinales, ou d'autres objets, qui tous sont censés posséder un pouvoir spécial » (H. A. Junod, Moeurs et coutumes des Bantous, éd. française, Paris, 1937, 11, p. 468).
9. Sur le korte, voir notamment :

A Bougouni, Soudan français, le korte « se compose d'éléments divers comme des écorces, des racines, des feuilles, des fleurs, des fruits, des têtes de reptiles venimeux, de l'urine de vieille femme, du sang de coq rouge de la salive d'agonisant, des poudres magiques. Le tout est placé sur un feu vif et bouilli. Lorsque le mélange est réduit, on l'amalgame avec une matière grasse, avant de le déposer dans une corne de mouton ou d'antilope, dans un ergot de coq ou dans une tête de poisson souffleur en prononçant des formules magiques tout le temps que dure cette opération. Pour lancer le korte, il suffit de diriger corne, ergot ou tête de poisson vers la personne que l'on veut atteindre en disant :
ni nte n(e) yere, (sa) vie prends pour moi.
La victime de ce sort est bientôt atteinte de plaies inguérissables et purulentes, qui entraînent sa mort. » H. Labouret, in La sorcellerie au Soudan occidental, Africa, VIII, (1935), pp. 471-472.
10. G. Schwab, op. cit., p. 379, mentionne la présence dans sa collection d'un talisman « dont la forme et l'aspect suggèrent un crâne : on l'appelle la serrure. En prononçant la formule nécessaire, le possesseur peut « verrouiller le cerveau » de qui lui plaît, sur le sujet qui lui plaît. » L'auteur n'indique pas la provenance exacte de l'objet.
11. Sur les sociétés d'hommes-panthères en pays guinéen, voir notamment :

12.Sam'söa, étymologie possible : sama, prix; söa, la parole (le talisman n'est efficace que pour autant que le magicien a « parlé », a prononcé la formule nécessaire pour le rendre actif) ; peut-être aussi suo, mélange de suie, d'herbes pilées et de graisse à fonction magique.
13. On ne peut pas ne pas être frappé du nombre de mots kissi construits sur ce modèle : kanda, kènde, köndo ou kongo, kundo ; avec leurs dérivés : kalando, kèlènde, köndolo, kulundo
14. Peuplé par deux lignages, Bembere, outre les autels habituels (tombes des ancêtres, rocher sacré, point d'eau pour les femmes), possède deux tumbye où se célèbre un culte agraire également proche du kundo.


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