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Ethnographie

Jacques Germain
Administrateur en chef des Affaires d'Outre-Mer (ER)
Guinée. Peuples de la Forêt

Académie des Sciences d'Outre-Mer. Paris. 1984. 380 p.

CONTES KONO

Les Sept frères

Sept garçons, fils de même mère, n'avaient pas de soeur. Ils étaient pauvres, l'aîné n'avait qu'un seul boubou. Ils vivaient aux champs et faisaient eux-mêmes leur cuisine. Un étranger passa par là : l'aîné alla le saluer et l'invita à partager leur repas.
— Vous n'avez pas de soeur pour faire la cuisine dit l'étranger, que me donnerez-vous à manger ?
L'aîné lui offrit alors dix colas blanches pour s'excuser de la pauvreté du menu. A la fin du repas, l'étranger proposa sa soeur en mariage à son hôte, qui accepta et donna son unique boubou en cadeau.

La femme vint alors habiter chez les sept frères et fut enceinte peu de temps après. Quand elle eut accouché, son frère vint réclamer la dot au mari, qui n'avait rien à donner. Les sept frères se concertèrent et l'aîné proposa de rendre la femme, mais le plus jeune exposa son idée :
— Déguisez-moi en fille et donnez-moi en mariage. Avec la dot que vous toucherez, notre frère aîné dotera sa femme.
L'idée fut trouvée bonne et on le maria au chef de N'zo, lequel si content de sa nouvelle femme malgré le manque de poitrine de celle-ci (mais il se dit que cela viendrait avec l'âge puisqu'elle n'était pas encore pubère), décida de la doter tant par cheveu compté sur sa tête. La somme fut si forte que l'aîné des sept frères put doter sa femme et qu'il resta assez d'argent pour que chacun d'eux put s'acheter un grand boubou neuf.

Le chef de N'zo confia sa nouvelle épouse à sa première femme qui ne tarda pas à s'apercevoir de la supercherie. La soi-disant jeune fille se cachait pour se laver mais un jour qu'elle faisait la cuisine son pagne se défit révélant son secret. La première femme se hâta de rapporter la chose à son mari, qui fit publier par son griot qu'un imposteur s'étant fait passer pour femme, il ferait subir une visite à toutes ses épouses.

Le jeune homme, fort perplexe, se demandait comment il allait se tirer de ce mauvais pas quand la nuit précédant le jour de la visite, il vit sa mère en songe lui tendant deux paquets contenant de la poudre, un paquet d'homme, et un paquet de femme (Un paquet d'homme est obtenu en rabattant les cotés de la feuille qui sert à le faire ; un paquet de femme a la forme d'une bourse). Sa mère lui recommanda de verser la poudre du paquet d'homme dans le bain de la première femme et de verser celle du paquet de femme dans le sien propre.

Le jeune homme suivit exactement ces prescriptions et tandis qu'il se baignait des seins apparurent, lui faisant une poitrine haute et ferme, son sexe d'homme disparut remplacé par un sexe de femme.

Lorsque la première femme du chef réclama son bain, elle lui apporta l'eau ainsi que le savon. La femme croyant toujours avoir à faire à un jeune homme, lui ordonna de se tourner et commença à se laver : à la troisième fois qu'elle plonge dans l'eau, ses seins disparaissent et un sexe d'homme remplace son sexe de femme. Honteuse, elle se met à pleurer attendant avec anxiété l'heure de la visite. Celle-ci arrive. Les femmes passent une à une devant le chef. Quand vient son tour, la nouvelle épouse s'approche et défait son pagne. L'homme est tellement séduit par la beauté de ce corps qu'il la garde près de lui. Enfin, arrive la première femme, le sexe bien attaché par une bande de coton, mais le mari s'en aperçoit et la chasse, lui disant :
— Tu as voulu nuire à ma nouvelle épouse, cela ne t'a pas porté chance !

Quand on cherche à nuire aux autres, c'est sur vous que retombe le mal qu'on voulait leur faire.