Assistant d'Ethnologie à l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN)
Paris. Librairie Orientaliste Paul Geuthner S.A. 1952. 200 p.
Nous avons déjà noté, au chapitre précédent, que le nyomou kwouya du pays kono, malgré son caractère indépendant, aime bien à paraître parfois en compagnie d'une nyomou néa (cf. planche V).
Dans d'autres régions, et nous avons surtout en vue le Nord de l'hinterland libérien, il a cependant trouvé un associé très semblable à lui-même, mais de taille moindre. Ce dernier semble avoir subi une dégradation substantielle dans les villages kono limitrophes, où on le connaît, çà et là, sous le nom de siwèrè-wèrè. A vrai dire, nous n'avons constaté sa présence qu'à Gbakoré (Lola) et dans les hameaux Nyohata et Somata (Vépo), mais il existe certainement encore ailleurs.
Le siwèrè-wèrè se présente monté sur les échasses, ne dépassant pas d'habitude un mètre, que son porteur attache aux mollets à l'aide de ficelles de raphia. Sur son vêtement (nyomou mâhiri), d'ailleurs assez comparable à celui du nyomou kwouya, il met une petite jupe (nyomou mâhiri kirila), confectionnée également en fibres de raphia. Sur sa tête il ne porte jamais le bonnet pointu, comme le fait son long confrère, mais se contente d'une coiffe basse en cotonnade du pays, surmontée de quelques plumes d'oiseau et ceinte d'un simple diadème en coton rouge, à petites touffes de fil de coton blanc ou de crinière de bélier, appelé blâhoulè.
Sa face est recouverte d'un toumo au « nez » pendant, à tresses multiples (on se souvient que le nyomou kwouya, lui, possède un nez figuré par une tresse unique, mince et plus longue.)
L'accoutrement du siwèrè-wèrè, assez soigné et élégant dans la majorité des cas, peut pourtant être négligé, sinon laid pour amuser davantage le public car son rôle s'est déjà très sensiblement éloigné de sa fonction sacerdotale primitive (cependant aucune preuve tangible ne nous permet de tenir ce fait pour acquis); et il n'apparaît aujourd'hui que dans le but de servir aux réjouissances de la population des deux sexes et de tout âge. Ce sont en principe les jeunes gens (initiés) qui organisent ce spectacle, à la grande joie de la foule qui se trouve toujours à ses trousses, entonnant les chansons du pays.
Le masque lui-même parle d'une voix stridente et déformée, et accompagne ses paroles d'une gesticulation aussi expressive que comique. Parfois, il feint même d'être dangereux, lorsqu'il se met à la poursuite des spectateurs amusés.
Un conducteur muni d'un nîngè wo interprète les paroles que prononce le masque, brandissant son vieux balai indigène.
Le siwèrè-wèrè saute, danse en tourbillon sur une seule échasse, et il se roule ensuite par terre. Quand il fait son tour rapide du village en courant, tout le monde se sauve devant lui, en riant ; cependant les femmes, amusées ou effrayées, préfèrent se tenir à une distance respectueuse de ce masque turbulent (dont l'épithète correspond d'ailleurs à son nom).
Durant les intermèdes, le siwèrè-wèrè raconte parfois des anecdotes, qui ne manquent pas d'esprit : ainsi, une fois, celui de Gbakoré 1, a voulu nous faire croire qu'il avait acheté son « collier » en lianes à Abidjan, avec toutes ses économies, résultant de ses cinq ans de travail et, que, prochainement, tous les diables de son espèce seraient recrutés à Nzérékoré pour servir sous les drapeaux..., tout cela accompagné naturellement de gestes appropriés tels qu'appels, salutations, pas militaire, etc.
D'autre part, il nous paraît superflu de souligner, une fois de plus, le principe auquel sont soumis tous les masques sans exception, de garder secrète l'identité des personnalités du masque et de son porteur, les précautions à prendre durant les préparatifs techniques pour une prochaine sortie.
Note
1. Nous profitons de cette occasion pour expliquer ici
l'étymologie de ce nom, qui devait être correctement prononcé, comme suit : Gbâkolé, Gbâ étant le nom du marigot situé à proximité et
-kolé, signifiant à côté, sur sa rive.
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