webGuinée/Bibliothèque/Culture


Bohumil Holas

Assistant d'Ethnologie à l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN)

Les Masques Kono (Haute-Guinée Française) :
leur rôle dans la vie religieuse et politique

Paris. Librairie Orientaliste Paul Geuthner S.A. 1952. 200 p.


Previous Home Next

Chapitre XI
Mamoungonyo

Son caractère

Mamoungonyo dont le nom pourrait être traduit par « Très sale », « Répugnant » se charge d'une tâche délicate en tant qu'agent véritable du Service de Santé local.
Mâle, célibataire, muet..., tels sont les caractères de cet étrange démon. Renfrogné, il ne répond jamais aux questions ; aussi n'a-t-il guère besoin d'interprète. Et, qui plus est, aucune musique n'accompagne ses présentations.

Ses formes

Les mamoungonyonga (d'habitude dans chaque village kono, plusieurs mamoungonyonga fonctionnent au même moment, nous le verrons tout à l'heure) sont toujours d'aspect très hétérogène.

  1. De la sorte, n'importe quel masque usé ou endommagé (par exemple un vieux nyomou hinè ayant perdu sa mâchoire articulée, ou sa barbe, aussi bien qu'une vieille nyomou néa dépourvue de sa chevelure, etc...) peuvent être utilisés à cette fin 1.
  2. Faute d'un masque (inutile de spécifier encore qu'il s'agit de la partie faciale, en bois), le porteur du mamoungonyo se couvrira la figure d'une cagoule sommaire, confectionnée à sa guise. Il s'habillera, de la tête jusqu'aux pieds, d'une jupe en fibres de raphia. De préférence, il mettra toujours une camisole de couleur sombre, p. ex. indigo foncé.
  3. En même temps il s'armera d'un fouet, ou d'une longue verge souple (pour éviter une blessure sérieuse).
  4. Parfois, sa tête sera couronnée d'une touffe de plumes de calao et de touraco bleu, en grand désordre.

Ses fonctions sociales

En principe, le mamoungonyo du pays kono fonctionnera toujours quand besoin sera, sans tenir compte de la saison mais surtout pendant la période sèche. Cela était jadis valable pour les cantons de Vépo et (probablement) Saouro, tandis que, dans les Mossorodougou et Lola, le mamoungonyo apparaissait plutôt à l'époque des grandes pluies 2, quand les habitants du village, soucieux de no pas « se mouiller la peau », salissaient Ies alentours immédiats de l'espace habité. Toutefois, cette coutume ancienne est déjà presque complètement tombée dans l'oubli, de nos jours.
Au fait, comment la besogne du mamoungonyo est-elle assurée ?
Chaque village possède les mamoungonyonga qui assument de facto un service permanent de santé. Et leurs heures de travail, commencées au crépuscule, ne finissent quelquefois que vers minuit.
Tous les habitants du village, hommes et femmes et même les enfants, dès que les dernières pluies ont cessé d'assainir les environs immédiats, sont désormais soumis à des règles sévères, en vue d'assurer la propreté communale. Aussi chaque individu du village désirant satisfaire un besoin physique, devra-t-il s'arrêter au bord de la route et s'écrier, à haute voix: mamoungonyo, mamoungonyo... ! Et, aussitôt, un de ces êtres masqués accourt pour le conduire très loin du village... Ce faisant, le masque ne parle jamais, afin de ne pas trahir son identité. Ensuite, I'intéressé est ramené au village.
Le mamoungonyo cependant frappera durement le délinquant qui aurait voulu échapper à sa vigilance.
Pour assurer sans faute ce service utile, toutes les sorties du village sont gardées par ces hommes masqués ; cependant, vu les vicissitudes de ce service, chacun des mamoungonyo est remplacé après une heure ou deux, et il n'est pas rare de voir fonctionner dans un village d'importance moyenne 3 ou 5 mamoungonyonga chaque nuit, durant la période sèche.

Organisation de ce service

Quand les dernières pluies sont finies, le chef de canton rappelle aux dzogo-blà de tous les villages qu'il commande que le temps est venu de « penser à la propreté » des terrains communaux.
Le dzogo-mou, qui a compris le sens de l'allusion, convoque à son tour le langa nkoundyigui qui est le « président de la société des jeunes gens du village », et il le charge d'une fonction temporaire qu'on pourrait, par analogie, comparer à ce que nous appellerions le « chef local du service d'hygiène ».
Dans l'organisation de la société des hommes kono, on distingue d'habitude six classes, selon l'âge:

  1. Les petits garçons s'appellent léa-pléan (au sing. lo-goul).
  2. Les tout jeunes gens, sinè-léa (au sing. sinè-lo).
  3. Les jeunes gens à l'âge adulte (mariés ou en âge d'être mariés), langa ou langa-léa (au sing. langa-lo).
  4. Les hommes mûrs, sinân (au sing. sinè-nou).
  5. Les hommes « aux cheveux gris », kala-dzyonga (au sing. kala-dzyo prononcé aussi klandzo) et les vieillards, sinè-polonga (au sing. sinè-polo) 3.

Seuls les garçons plus âgés, les langa, seront chargés d'assurer ce service. Une fois la décision prise, chacun d'eux se mettra, en secret, à confectionner son costume sommaire de mamoungonyo ; la beauté du vêtement importe peu: mais il est essentiel qu'il dissimule leur personne qui ne devra, à aucun prix, être reconnue des profanes. Ce sont, pour ainsi dire, des serviteurs impersonnels, des agents anonymes des intérêts publics, sans voix ni nom.

Notes
1. « On ne voit pas de détails pendant la nuit », nous ont dit, en manière d'explication, nos interlocuteurs.
2. La saison pluvieuse durant ici, très approximativement, de juin à décembre.
3. Ce système peut se trouver parfois simplifié de la façon suivante: 1, 3, 5 et 6.


[ Home | Etat | Pays | Société | Bibliothèque | IGRD | Search | BlogGuinée ]


Contact :info@webguine.site
webGuinée, Camp Boiro Memorial, webAfriqa © 1997-2013 Afriq Access & Tierno S. Bah. All rights reserved.
Fulbright Scholar. Rockefeller Foundation Fellow. Internet Society Pioneer. Smithsonian Research Associate.