Institut Français d'Afrique Noire
Centre de Guinée
N°6. 1950. pp. 31-75
On subdivise généralement le territoire de la Guinée Française en trois régions :
Subdivision d'intérêt pratique, qui coïncide approximativement aussi avec les régions ethniques de la Guinée :
Afin de respecter le cadre naturel et ses entités, nous réserverons ici le terme de Basse-Guinée à l'ensemble, des plaines côtières, que limite vers l'intérieur le rebord des plateaux gréseux de la Moyenne-Guinée. Nous serons toutefois amenés à étudier également le massif éruptif du Kakoulima, qui se rattache géologiquement à la presqu'île de Conakry et aux îles de Loos (Chautard) et dont la végétation forestière se raccorde aux forêts reliques situées au pied de la montagne.
Carte de la presqu'île de Tombo, abritant la ville de Conakry. 1948
La Basse-Guinée est constituée par une plaine basse (0 à 100 mètres) descendant en pente douce sous la mer, avec, vers l'intérieur, quelques collines peu élevées. Les fleuves côtiers
y ont un cours lent et sinueux, un lit très large. Ils entaillent la côte basse de larges estuaires. Côte à rias qui correspond manifestement à un ennoyage récent du socle continental 1. La cuirasse latéritique de la plaine plonge actuellement sous la mer, au large des côtes ; c'est cet ancien sol de savane qui forme les récifs côtiers de la presqu'île de Conakry. Cet affaissement relativement récent est à l'origine de l'érosion intense manifestée par certains points de la côte. D'après les indigènes, certains villages côtiers ont dû, à plusieurs reprises depuis un siècle, reculer vers l'intérieur devant le gain de la mer par érosion. On observe fréquemment, sur le littoral, des arbres dont la base, baignée par les flots, a vu ses racines entièrement dénudées par ceux-ci. Certains fromagers reposent ainsi sur des sortes de racines aériennes. Souvent aussi on observe, des palmiers qui, sapés à la base par l'érosion marine, se sont effondrés. Inversement, un abondant dépôt de vases grises s'effectue sur la majeure partie du littoral.
Carte schématique de la Basse-Guinée.
En pointillé les régions basses où la mangrove s'étend sur de larges espaces.
Des îles plates, constituées de sables et de vases, encombrent les estuaires. Elles résultent du dépôt des alluvions apportées par les fleuves. La mangrove borde ces îles. Elle borde également les estuaires et une partie de la côte.
Climogrammes de Conakry (Basse-Guinée), Mamou (Moyenne-Guinée)
et Beyla (Haute-Guinée). En abscisses les précipitations, en ordonnées
les températures moyennes des différents mois de l'année.
Un trait domine la climatologie de la côte. C'est son abondante pluviosité, atteignant 3 et même 4 mètres, et répartie sur sept mois de l'année environ. Je citerai le chiffre des précipitations annuelles à Conakry, à Forécariah, et à Tamara (îles de Los).
Conakry | 4 292, 3 mm |
Forécariah | 3.328,3 mm |
Tamara | 3 483,8 mm |
Ces valeurs s'opposent à celles de l'intérieur, de l'ordre de 1.800 à 2.000 mm par an. La pluviosité considérable de Conakry est à noter ; elle est supérieure à celle de Tamara et de Forécariah. Le mont Kakoulima, qui domine la plaine d'un millier de mètres, joue sans aucun doute un rôle important dans les condensations ; les nuages restent accrochés à sa crête, principalement dans sa portion occidentale, et même par temps de soleil ; nous verrons que ce fait n'est pas sans action sur. la végétation de cette montagne.
J'indiquerai ci-après la répartition des chutes de pluies au cours de l'année à Conakry, Forécariah, Boké, Dubréka et Coyah 2.
Conakry moyenne d'une dizaine d'années | Forécariah moyenne d'une dizaine d'années | Boké Année 1944 | Dubréka Année 1944 | Coyah Année 1944 | |
Janvier | 1,5 | 2,0 | 0 | 0 | 0 |
Février | 3,4 | 2,5 | 0 | 0 | 0 |
Mars | 9,3 | 22,2 | 0 | 0 | 0 |
Avril | 22,1 | 47,0 | 2,3 | 69,7 | 36,4 |
Mai | 157,5 | 176,4 | 73,1 | 97,9 | 72,9 |
Juin | 559,3 | 368,0 | 384,8 | 322,2 | 432,0 |
Juillet | 1.297,3 | 718,9 | 549,9 | 1.480,3 | 890,1 |
Août | 1.054,6 | 897,4 | 739,2 | 1.010,9 | 717,0 |
Septembre | 684,0 | 642,0 | 423,0 | 578,7 | 674,4 |
Octobre | 371,9 | 350,0 | 449,0 | 343,8 | 379,1 |
Novembre | 122,1 | 87,1 | 69,1 | 237,1 | 183,5 |
Décembre | 9,3 | 14,9 | 0,5 | 13,0 | 61,3 |
Total | 4.292,3 | 3.328,2 | 2.690,9 | 4.160,4 | 3.449,7 |
L'humidité atmosphérique est considérable. Elle varie, à Conakry, de 50 à 96 % en moyenne. D'une façon générale ces variations sont faibles. Il en est de même pour la température, qui varie très peu au cours de l'année. C'est ce qui ressort en particulier des moyennes suivantes, établies à Conakry :
Température (Degrés centigrades) |
Hygrométrie | |||||
M. | m. | Moyenne | M. | m. | Moyenne | |
Janvier | 31,3 | 22,5 | 26,94 | 96 | 53 | 74 |
Février | 31,6 | 23,4 | 27,38 | 93 | 54 | 74 |
Mars | 31,9 | 24,0 | 27,04 | 91 | 52 | 72 |
Avril | 32,1 | 24,2 | 28,02 | 91 | 52 | 72 |
Mai | 31,6 | 24,5 | 28,10 | 91 | 59 | 75 |
Juin | 30,4 | 23,6 | 27,16 | 93 | 68 | 81 |
Juillet | 28,5 | 23,0 | 25,72 | 96 | 76 | 87 |
Août | 27,8 | 23,0 | 26,28 | 96 | 79 | 88 |
Septembre | 29,1 | 23,3 | 26,16 | 96 | 75 | 86 |
Octobre | 30,1 | 23,2 | 26,80 | 94 | 70 | 82 |
Novembre | 30,8 | 24,1 | 27,50 | 94 | 68 | 81 |
Décembre | 31,3 | 23,6 | 27,46 | 93 | 58 | 76 |
Moyenne annuelle | 30,54 | 23,52 | 27,03 | 93,7 | 63,7 | 79,0 |
La moyenne annuelle de la tension de vapeur atteint 27,74 à Conakry et 24,14 à Boké. Elle n'est que de 20,09 à Mamou dans le Fouta-Djallon. Il est hors de doute que cette haute tension de vapeur des régions côtières, agissant sur la transpiration, intervient puissamment dans l'écologie de ces, régions 3. Par cette grande humidité, la basse Guinée s'oppose aux régions de l'intérieur, et particulièrement à la haute Guinée. L'influence maritime y prédomine et l'emporte sur la zonation climatique en latitude. Ces faits expliquent l'exubérance de sa végétation, et les différences qui la séparent de celle de la Haute Guinée.
En ce qui concerne le milieu côtier, il importe de rappeler l'existence de deux courants marin, d'une part le courant de Guinée qui, prolongeant le courant des Canaries, coule de l'Ouest à l'Est, longe les côtes et pénètre dans le golfe de Guinée, et d'autre part un contre-courant longeant les côtes en direction Sud-Nord, au large du Libéria et de la Guinée.
Le chenal situé entre Conakry et les îles de Los est occupé par un courant dont la vitesse est parfois considérable.
L'apport des fleuves côtiers influence profondément sur l'océan au voisinage des côtes. La salure y est faible. Pendant l'hivernage, la teinte de la mer est jaunâtre.
… … …
meubles constituent une gamme continue passant des sables purs aux vases impalpables des vastes plaines alluviales :
A ces différentes structures granulométriques correspondent des types de végétation différents.
Deux espèces arborescentes dominent dans la mangrove de Basse-Guinée :
Leurs proportions varient dans les divers types de mangrove.
D'autres espèces peuvent se rencontrer dans la mangrove, ou du moins dans ses régions périphériques :
On rencontre de plus, parfois, une Fougère de grande taille, Acrostichum aureum.
La mangrove revêt un certain nombre de formes très distinctes, tant par leur disposition topographique que par leur sol, leur composition floristique ou le port de leurs arbres. Par endroits elle couvre d'immenses étendues plates à sol de vase fine, qui prolongent la plaine côtière et que la mer recouvre à marée haute. Ailleurs elle borde les estuaires et même le cours inférieur des fleuves. Ailleurs encore elle occupe un sol de carapace ferrugineuse à peine recouvert de vase. Nous en décrirons succinctement quelques exemples.
A marée haute, peuplement clair de petits Avicennia nitida sur carapace ferrugineuse subaffleurante
La rivière de Forécariah, où la marée se fait sentir jusqu'à plusieurs kilomètres de la côte, est bordée, dans son cours inférieur, par la mangrove, où dominent généralement les Rhizophora. A proximité du village, j'ai noté, de l'extérieur vers la terre ferme, la succession suivante, dans laquelle, le niveau du sol joue un rôle déterminant :
Dans les régions moins basses, où le lit du cours d'eau se resserre et où les rives se relèvent, la mangrove se réduit à un rideau de palétuviers, essentiellement des Rhizophora, auxquels s'ajoutent, dans les régions les moins basses, Drepanocarpus lunatus. Comme autres espèces de cette mangrove ripicole, citons :
Notons de plus la présence, particulièrement sur la rive concave, de :
manifestement en rapport avec l'apport d'eau douce par la rivière.
Signalons enfin l'existence de prairies à Cyperus arliculatus, souvent parsemées de petits Rhizophora.
L'étude phytosociologique de ces groupements, actuellement en cours, sera publiée prochainement.
Cette mangrove, située au Nord-Est de Conakry, occupe une vaste étendue de vase grise très fine. La cuirasse latéritique affleure sur la périphérie de la mangrove, au contact de la terre ferme. Vers le large. on trouve une couche de vase, qui peut atteindre une épaisseur de plusieurs mètres. En partant de la terre ferme, on trouve successivement les formations suivantes :
Dans cette dernière formation et particulièrement dans ses portions les plus éloignées de la côte, existent des enclaves de mangrove haute, où les palétuviers atteignent une quinzaine de mètres de hauteur. Ces bosquets sont uniquement constitués par Rhizophora racemosa, qui y revêt un port très spectaculaire avec ses racines-échasses s'élevant à plusieurs mètres de hauteur. Les conditions édaphiques (nature du sol, niveau), dans cette mangrove haute, sont les mêmes que dans la mangrove basse voisine.
Il s'agit manifestement de lambeaux de mangrove primaire (ou du moins à structure primaire), et la mangrove mixte (à Avicennia et Rhizophora) voisine paraît bien être, une formation secondaire, résultant des coupes effectuées. A l'appui de cette interprétation, signalons que, dans le même emplacement, la régénération, après les coupes à blanc, se fait presque exclusivement par de jeunes Avicennia.
La végétation naturelle, sur ces plaines vaseuses recouvertes par les marées, est donc, en définitive, constituée par une mangrove haute à Rhizophora racemosa. L'Avicennia, dont l'habitat normal est la région périphérique, proche de la terre ferme, envahit la zone à Rhizophora lorsque des coupes y ont été pratiquées, se comportant de la même façon que les espèces secondaires arbustives ou arborescentes basses du domaine forestier, normalement, localisées sur les lisières ou dans des forêts basses.
Au niveau de l'isthme étroit reliant Conakry au continent, on observe une mangrove assez claire et rabougrie occupant un sol vaseux mince qui recouvre la cuirasse parfois affleurante. Les palétuviers, qui atteignent un à deux mètres, sont des Rhizophora et des Avicennia. Ils sont relativement espacés les uns des autres.
Profil schématique, d'une mangrove sur carapace latéritique
recouverte d'une couche de vase peu épaisse, près de Conakry.
Schématiquement, on y rencontre en allant du centre de la baie vers la terre ferme :
Dans toute la région de Kobaya, au Nord de Kaporo, la plaine côtière se prolonge par de vastes étendues de vase formant des plaines basses que la mer recouvre à marée haute. Ces plaines vaseuses prolongent le socle continental de plusieurs kilomètres vers le large. Elles se prolongent sur les bords des larges estuaires encombrés d'îles.
Couvertes d'une mangrove dense, elles ont été dans leur portion interne (vers le continent) défrichées et asséchées par les indigènes qui y ont établi des canaux de drainage, un réseau de pistes surélevées formant digues et des plantations de riz.
L'épaisseur des vases est considérable, elle atteint, sans aucun doute plusieurs mètres; on y enfonce couramment jusqu'aux genoux. Il s'agit d'une boue très fine, grise en surface, plus foncée en profondeur, morphologiquement semblable aux vases déposées tout le long de la côte. Les palétuviers atteignent 3 à 6 mètres de hauteur. Rhizophora racemosa s'étend sur de vastes espaces, associé à Avicennia nitida. Aucun peuplement herbacé à la surface des limons. De petites touffes d'algues (Chaetomorpha ….) sont étroitement fixées aux racines aérifères des Avicennia.
A proximité du village de Ratoma, voisin de Conakry, la mer remonte assez profondément dans la basse vallée du Kakimbo, jusqu'à un petit lac situé en contrebas de la forêt sacrée. Les berges sont occupées par la mangrove. La où elles sont en pente douce, celle-ci s'élargit, et l'on peut y observer plusieurs groupements distincts, qui sont, de la rivière à la terre ferme :
Profil schématique de la mangrove ripicole du Kakimbo, près de Ratoma.
En noir, la carapace; en pointillé, le niveau des hautes marées.
Le sol vaseux de cette mangrove se distingue de celui de la précédente par une richesse assez grande en éléments détritiques (sable, gravillons). Le sable grossier peut y constituer environ 30 % du poids total.
Mangrove ripicole à Rhizophora de la rivière Kakimbo dans les années 1940.
Grottes de Kakimbo en 1990
A proximité de Kobaya, l'île de Tayaki, plate et sableuse, dépasse à peine le niveau des hautes mers. Elle possède de belles plages de sable fin qui se prolongent, en pente très douce vers le large, par des hauts-fonds de vase grise portant des peuplements d'Avicennia et de Rhizophora. A marée haute, seul le feuillage de ces bosquets émerge de la mer, au large de la plage dont la partie supérieure à la limite des hautes marées, est entièrement sableuse. Elle porte par endroits des peuplements dense d'Avicennia nitida. Les Rhizophora y font défaut. Ce peuplement d'Avicennia fait place localement à des peuplements d'Ipomaea pes-caprae. Ceux-ci peuvent également border la mangrove à Avicennia, ils forment parfois la transition entre celle-ci et les formations végétales de l'intérieur de l'île.
La petite presqu'île du Boulbinet, sur laquelle est établi le centre local de l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN), est un étroit promontoire de roche ferrugineuse, prolongeant vers le Sud la presqu'île de Conakry. Ce promontoire, assez déchiqueté, porte de petites baies, plus ou moins abritées, et d'orientation variée. La végétation côtière diffère profondément d'un point à l'autre du promontoire.
A l'Ouest du promontoire s'ouvre une baie assez profonde, au fond plat encombré de vase grise. Entièrement émergé à marée haute, le fond de cette baie n'est recouvert que d'une faible épaisseur d'eau (1 à 2 mètres). Dans ses régions périphériques, au contact de la terre ferme, le fond de cette baie, qui se relève en pente très douce, devient sablo-vaseux, avec de nombreux affleurements de roche latéritique. On y trouve, sur le sol caillouteux, une petite mangrove, où les palétuviers ne dépassent guère 1,50 à 3 mètres de hauteur. Les Avicennia y dominent. On y rencontre de plus, en assez grand nombre, Laguncularia racemosa. Une Algue verte filamenteuse (Chaetomorpha) forme un manchon feutré autour des racines aérifères des Avicennia.
Sur la côte orientale du promontoire, un haut-fond émergé à marée basse, et protégé par des récifs latéritiques, porte une prairie à Sesuvium portulacastrum, dont nous aurons l'occasion de parler ultérieurement. Dans cette prairie sont épars quelques petits palétuviers (essentiellement des Avicennia), dont la taille ne dépasse pas 0 m,50. Le sol est constitué par la cuirasse latéritique, presque nue, avec quelques maigres dépôts vaseux et sableux dans ses anfractuosités.
De vastes plages sableuses en pente douce s'étendent dans la région Ratoma-Nongo, au N.E. de Conakry. Elles se prolongent au large par des bancs vaseux gris que découvre la marée descendante. Par endroits, au voisinage (et à l'abri) de gros affleurements latéritiques, on rencontre des dépôts de vase. Des lambeaux de mangrove, où dominent généralement les Avicennia, se rencontrent en ces points.
Profil de la côte près de Kaporo
Cette rapide esquisse montre que la mangrove est susceptible de vivre dans des conditions variées, tenant au sol et à la configuration de la côte. Parmi les différentes formations que nous venons de passer en revue, il nous paraît justifié de distinguer les aspects suivants, qui sont autant de types édaphiques de la mangrove :
Parmi, les formations arborescentes ou arbustives de la zone de balancement des marées, il y a lieu d'établir, de prime abord, deux groupes :
Dans la répartition de ces deux groupes, un rôle de premier plan paraît ainsi être joué par l'humidité du substratum, elle-même conditionnée par sa hauteur au-dessus du niveau des basses marées et par la présence et l'épaisseur de la couche de vase.
Mangrove à Avicennia sur soubassement rocheux.
On rencontre, sur les côtes de la Guinée française des tapis herbacés constitués soit de Graminées soit de plantes herbacées crassulascentes. Ces prairies basses, constituant un véritable gazon, se trouvent généralement dans la zone extrême atteinte par les hautes marées. Il arrive qu'elles soient submergées à marée haute. On observe en général ces formations sur des sols rocailleux, parfois sur la cuirasse latéritique elle-même. J'en décrirai quelques exemples
a) Peuplements clairs de Sesuvium portulacastrum sur les rochers battus par les embruns.
Les rochers latéritiques émergés, dont la partie supérieure n'est jamais recouverte par la marée, portent fréquemment des colonies peu denses de Sesuvium portulacastrum. La plante s'agrippe aux aspérités de la roche et rampe à sa surface. Elle ne constitue en général pas de tapis dense. Elle reste localisée sur le sommet du rocher et sur son versant protégé du choc des vagues. Elle est cependant exposée aux embruns, particulièrement lors des hautes marées. Le substratum rocheux est dépourvu de terre.
b) Peuplements mixtes de Sesuvium portulacastrum et de Philoxerus vermiculatus.
Sur des emplacements rocheux toujours émergés, battus par les embruns et possédant un peu de terre, on observe un tapis herbacé où se mêlent des plages de Sesuvium et des plages de Philoxerus.
Sur la côte Ouest de la presqu'île du Boulbinet, se trouve une petite baie peu profonde, que les basses marées découvrent entièrement. Sa région périphérique, au contact de la terré ferme, n'est généralement pas couverte par la mer. Seules les plus hautes marées (4 mètres et plus) la submergent. Cette zone est entièrement recouverte d'un tapis dense et verdoyant de Sesuvium portulacastrum et de Philoxerus vermiculatus. Le sol est sableux, avec des blocs latéritiques.
Plus bas, dans les régions normalement couvertes par les hautes marées, on ne rencontre plus que des tapis plus petits de Sesuvium portulacastrum et de Sporobolus virginicus. Le sol y est rocailleux avec un faible dépôt de vase.
c) Prairies immergées de Sesuvium et de Sporobolus
A une vingtaine de mètres au large de la côte Est de la presqu'île du Boulbinet, existe un massif de rochers latéritiques. Isolé de la côte à marée haute, il s'y trouve rattaché, à marée basse, par un banc rocheux. Des dépôts sableux et limoneux peu importants en occupent les dépressions.
Ce banc rocheux est recouvert par un tapis herbacé dense, constitué exclusivement par Sesuvium portulacastrum et Sporobolus virginicus. Fréquemment cette végétation occupe, entre les saillies rocheuses, les petites dépressions où se sont faits des dépôts sablo-vaseux. Mais il arrive aussi que ces tapis herbacés recouvrent les saillies dénudées de la roche latéritique. Leurs racines sont alors encastrées dans les petites anfractuosités (souvent profondes de quelques centimètres) de la roche. De chaque anfractuosité sort une touffe herbacée. Notons que ce haut-fond rocheux est protégé du choc des vagues par le récif latéritique qui le termine; l'agitation de la mer y est faible. Il n'est d'ailleurs immergé que pendant un temps réduit et la nappe d'eau qui le recouvre alors ne mesure que quelques centimètres d'épaisseur.
De petits Avicennia, ne dépassant pas 0,50 à 1 mètre, existent fréquemment dans cette formation.
Toute une série d'intermédiaires existe, avons-nous vu, entre les substrats de vase et les sols sableux. Sur les sols côtiers franchement sableux, les principaux groupements que nous avons eu l'occasion de rencontrer sont les suivants :
Rappelons enfin, pour mémoire, les prairies à Sesuvium qui vivent à la fois sur la dalle rocheuse et sur certains sols sablo-gravilloneux minces recouvrant la dalle de carapace ; ils constituent en quelque sorte la transition entre la végétation des substrats sableux proprement dits et celle des substrats rocheux (carapace).
Le peuplement algologique, avons-nous dit, est remarquablement discret. Une observation rapide risque même souvent de conclure à l'absence totale d'algues. Je donnerai ci-après la liste des principales espèces qu'il m'a été possible de récolter, au cours de nombreuses prospections effectuées sur les vases de la mangrove, sur les sables des plages et sur les rochers latéritiques. Je remercie très vivement M. J. Feldmann, qui a bien voulu identifier les espèces récoltées.
Mangrove
Ces quatre algues, souvent intriquées mutuellement, forment fréquemment de petits coussinets densément feutrés, autour des racines aérifères des Avicennia.
Rochers
Sols vaseux
Il est remarquable de constater la faible taille de toutes ces algues, fréquemment réduites à des touffes de 1 à 3 centimètres, ou à de petits coussinets. Ces touffes et ces coussinets sont généralement imprégnés de vase impalpable, même lorsqu'il s'agit d'espèces ripicole. Il est très vraisemblable que cette abondance de la vase est l'une des causes (sinon la principale) de la pauvreté du peuplement algologique.
Cette étude préliminaire, poursuivie sur le plan des formations végétales, nous a permis de reconnaître, dans la végétation côtière, un certain nombre de groupements caractérisés par plusieurs espèces plus ou moins exclusives et à degré de constance élevé, c'est-à-dire d'unités phyto-sociologiques. D'ores et déjà, peuvent s'entrevoir plusieurs groupements, ayant vraisemblablement la valeur d'associations végétales, dont la composition floristique et les conditions écologiques seront à préciser dans une étude ultérieure :
La répartition de ces groupements est liée d'une part à une zonation en profondeur conditionnée par le niveau du sol, d'autre part à la nature du substratum. Sur les sols vaseux épais se rencontre la mangrove, avec ses zones successives. Les sols rocheux sont au contraire occupés par les formations halophiles herbacées.
Ces divers groupements ne sont pas exclusifs à la côte occidentale de l'Afrique. Leurs homologues existent dans les régions tropicales du-monde entier. H. Walter et M. Steiner, en Afrique orientale, distinguent, dans la mangrove, trois zones se succédant de la mer à la terre ferme :
R. Bouillerine 8 reconnaît, sur la côte sud-américaine, deux zones, extrêmement caractéristiques:
H. Stchlé 9 aux Antilles, note que le Rhizophora s'avance plus loin que l'Avicennia vers la mer. P. Dansereau 10 en Amérique du Sud, distingue trois associations :
qui doivent leur différenciation « à une réaction spécifique à la durée de l'inondation et à la nature du substratum. La marée haute peut ne pas atteindre la limite supérieure du Laguncularietum tous les jours ». Le Laguncularietum paraît lié aux sols sablonneux. Les trois groupements se succèdent topographiquement, le Rhizophoretum étant le plus externe. Les peuplements d'Ipomaea pes-caprae sur les sols sableux se retrouvent jusqu'en Afrique orientale où Raffaele Ciferri 11 les a signalés sur les côtes de Somalie. Notons enfin que la mangrove ouest-africaine, telle qu'on peut l'étudier sur les côtes de Guinée, est beaucoup moins riche en espèces que la mangrove d'Indo-Malaisie.
6. Ecologie de la végétation côtière
Deux faits dominent l'écologie des formations côtières. D'une part la constance thermique, d'autre part le dépôt de vase dans les dépressions et surtout dans les baies.
Au large de la plaine côtière, comme au large des plages sableuses, on rencontre des hauts-fonds de fine boue grise, apportée par les fleuves et déposée par les courants côtiers. Ces dépôts, qui constituent par endroits de vastes plaines basses occupées par la mangrove, sont ailleurs beaucoup plus réduits, mais leur présence est quasi-générale sur la côte. On les rencontre, avons-nous dit, jusque sur les promontoires rocheux (Conakry), où ils forment une pellicule de quelques millimètres dans les dépressions et sur la base des rochers.
Nos mesures effectuées sur les côtes du Boulbinet illustrent, la constance thermique de la mer au cours de la journée. Dans les flaques d'eau laissées par la marée descendante, et dans les baies abritées, la température peut par contre s'élever à des valeurs considérablement plus hautes.
Il est intéressant de noter les variations thermiques que peuvent produire, dans les prairies à Sesuvium l'alternance des immersions et des émersions. Sur les hauts-fonds rocheux (précédemment signalés) de la côte Est du Boulbinet, nous avons mesuré la température de la mer et celle des prairies à Sesuvium émergées et exposées au soleil (saison sèche) :
Journée du 26 février 1945. Temps ensoleillé.
Marée | Air | Mer | Prairie à Sesuvium | Etat de la prairie | |
11 heures | Basse | 28°5 | 27°7 | 29°5 | Découverte |
15 heures | Basse | 29°5 | 28° | 32° | Découverte |
L'émersion entraîne un échauffement du tapis herbacé.
La plaine de basse Guinée porte, sur de vastes espaces, une végétation très dégradée : brousses arbustives constituées d'espèces secondaires ou de savanes ; savanes arborées à flore xérophile, avec un peuplement arborescent discontinu et un tapis de Graminées développé.
La présence de ces formations xérophiles dans cette région à très haute pluviosité est à noter. Il est remarquable d'y constater leur coexistence avec des formations végétales plus hygrophiles : futaies hautes à caractères de forêt dense. La juxtaposition de ces deux formes de la végétation ne peut manquer de suggérer de précieuses hypothèses sur l'histoire botanique de la région.
Ces formations xérophiles, — savanes ou brousses, — parcourues par les feux, se rencontrent depuis la côte jusqu'aux basses pentes des massifs gréseux dominant la plaine. Des savanes à Lophira alata, Parkia biglobosa, etc… existent près de la côte aux environs de Conakry (région de Ratoma-Kaporo notamment). Je donnerai la composition de quelques-unes de ces formations que j'eus l'occasion de prospecter dans la région de Moussaya-Dalonia (cercle de Forécariah) et dans la région de Ratoma-Kaporo.
Brousse arbustive entre Moussaya et Tabékouré:
Brousse arbustive entre Tabékouré et Sékourou :
La présence de manguiers et de palmiers à huile dans certaines portions de cette brousse témoigne de son origine secondaire et d'une action récente de l'homme.
Brousse arbustive entre Sékourou et Dalonia :
Ces brousses arbustives renferment à la fois des espèces secondaires et des espèces de savanes. Par la présence de ces dernières, elles se distinguent des brousses-taillis secondaires que l'on rencontre en abondance dans les trouées de la région forestière. Notons enfin la présence fréquente d'Anisophyllea laurina et d'Alchornea cordifolia.
b. Les savanes arborées
Ces brousses arbustives passent à des savanes arborées; où dominent généralement :
Des palmiers à huile, sont parfois abondants dans ces savanes. L'une de celles-ci, entre Tabékouré et Sékourou est remarquable par la dominance de Bauhinia Thonningii et Bauhinia guineensis. Près de Ratoma-Kaporo (au N. E. de Conakry), j'ai noté dans les savanes arborées, la présence de :
Ces savanes, par leur flore, s'apparentent à celles que l'on trouve dans l'ensemble de la zone guinéenne.
L'abondance du palmier à huile, probablement en rapport avec l'humidité climatique, les sépare pourtant nettement des savanes, plus xérophiles de la Haute Guinée. La présence fréquente d'Anisophyllea laurina a incontestablement la même signification.
c. Les forêts claires
Il existe un passage progressif entre les formations précédentes et les forêts claires. De nombreuses espèces sont communes à ces trois types de formations, entre lesquels n'existe aucune séparation tranchée. Ces forêts claires sont hautes de 6 à 10 mètres. Leur sous-bois est fréquemment herbacé. Leurs principales espèces sont :
Lorsque les arbres s'espacent, le tapis herbacé se développe, la forêt passe alors à la savane arborée.
Ces forêts claires paraissent bien correspondre à une reconstitution du couvert forestier, grâce à l'atténuation probable des causes de destruction de la végétation arborescente (feux de brousse, défrichements). Cette reconstitution se fait à partir des espèces des savanes arborées et des brousses-taillis.
d. La forêt sacrée de Ratoma
Près du village de Ratoma (au N.E. de Conakry) se trouve une forêt sacrée, où les habitants, bien que musulmans, viennent offrir du riz et du poisson aux génies, devant l'entrée d'une petite caverne creusée dans la cuirasse latéritique. Cette forêt, assez dense, atteint une vingtaine de mètres de hauteur. Par endroits elle a l'aspect d'un taillis âgé. La strate supérieure y est constituée par de grands arbres, hauts d'une vingtaine de mètres, et dominant une strate inférieure de petits arbres et d'arbustes. On y rencontre :
Il s'agit manifestement d'une relique, mais c'est une relique très altérée, puisqu'elle renferme en abondance des espèces secondaires, ou de savane et des espèces anthropophiles (Elaeis, Mangifera).
e. La végétation du bord des rivières
Le long des rivières on rencontre fréquemment une végétation plus dense et plus haute, avec des arbres plus grands, des épiphytes fréquents, et un certain nombre d'espèces dont les formations précédentes étaient exemptes. Dans de telles galeries forestières de la région de Moussaya-Dalonia, j'ai noté la présence des espèces suivantes :
Il s'agit manifestement de vestiges altérés de végétation primitive, riches en espèces héliophiles intrusives.
Près de Kaporo, un fond de vallée, situé dans une région couverte de formations dégradées, est occupé par une brousse basse que dominent de grands Parinari excelsa hauts de 20 mètres. Ces arbres, qui constituent la quasi-totalité de la strate supérieure de cette formation dégradée, possèdent un fût libre de 15-20 mètres, caractère d'arbres de forêt, qui plaide en faveur de l'existence récente, en cet endroit, d'une futaie géante où le Sougué était fréquent. D'une façon générale, la végétation de ce fond de vallée comporte les espèces suivantes :
végétation où se mêlent des espèces secondaires et des formes probablement primitives. La rivière est bordée de Pandanus Hendelotianus ; dans l'eau vivent Nymphaea lotus et Mesanthemm radicans.
Il existe, au milieu des formations dégradées précédentes des îlots de forêt haute, profondément différents de celles-ci, non seulement par leur aspect, mais aussi par leur composition floristique.
Ces îlots forestiers sont particulièrement fréquents dans la plaine de Moussaya-Dalonia, au pied des plateaux du Benna. Ils y sont généralement situés aux abords des villages. Les colatiers y sont très souvent abondants ; c'est probablement à leur présence que ces îlots forestiers ont dû d'échapper au déboisement. D'autres ont dû leur survivance au fait qu'ils servent de cimetières.
Situé à proximité du village de Moradi, cet îlot forestier se trouve au pied même des basses pentes du massif du Benna. C'est une futaie de 30 ou 40 mètres, ayant l'aspect de la forêt dense. Ce bosquet en a également la structure et la composition floristique. Le sous-bois y est pauvre en formes herbacées, à part quelques espèces sciaphiles que l'on rencontre également dans la forêt dense. Comme leurs congénères de la région forestière, les grands arbres y sont caractérisés par leur fût libre très développé, et par la présence fréquente de contreforts et de racines palettes. Sous cette strate supérieure se trouve une strate plus dense d'arbres plus petits, abritant à leur tour un sous-bois d'arbustes et de petits arbres au feuillage sombre et peu fourni.
Les espèces principales sont :
Les éclaircies de la forêt, dues à ces déboisements locaux, renferment des espèces secondaires, formant un taillis dense, où l'on trouve :
Cette forêt s'apparente manifestement aux deciduous forests (forêts mésophiles). Il s'agit sans aucun doute d'une forêt relique, bien conservée, mais ayant cependant subi l'action de l'homme, ainsi qu'en témoignent quelques palmiers à huile épars, et une vieille termitière effondrée dans le sous-bois 12.
L'îlot forestier de Tabékouré est manifestement plus altéré que celui de Moradi ; la strate supérieure y est moins dense, entraînant un sous-bois plus épais, riche surtout en plantes suffrulescentes. D'après la tradition locale, cette forêt aurait été jadis défrichée, au moins partiellement. Effectivement cet îlot forestier porte la trace indiscutable de l'action de l'homme. Les principales espèces y sont :
La forêt de Sékourou possède un peuplement assez clair de grands arbres dominant une strate inférieure arbustive et suffrulescentes très développée. La présence de bananiers nombreux dans le sous-bois de cette futaie claire indique son caractère secondaire et lui donne une physionomie de futaie jardinée. Principales espèces :
Egalement situé au pied des monts du Benna, l'îlot forestier de Dalonia occupe le fond d'une vallée légèrement en contre-bas de la plaine. C'est aussi une futaie haute, avec un sous-bois arbustif et suffrulescent développé. La strate supérieure y est plus claire que dans la forêt dense. Sa composition révèle un mélange de forêts primaires et secondaires :
Ilots reliques de forêt dense équatoriale au pied du mont Benna, près de Dalonia.
Au premier plan un champ de manioc
Il peut être intéressant de rapprocher de ces reliques forestières de la plaine la végétation des basses pentes du Benna, qui a fait récemment l'objet d'un travail effectué; en collaboration avec M. le Professeur Killian 13. Sur ces pentes situées en contrebas des hautes falaises gréseuses qui bordent le plateau, on rencontre des brousses arbustives et des reliques forestières. Au cours d'une ascension effectuée au-dessus de Dalonia, nous avons rencontré, de bas en haut la succession suivante :
Au pied de la falaise, grâce aux nombreux suintements d'eau, la forêt s'enrichit en Fougères, Sélaginelles et en Brophytes. Au niveau d'un ravin encaissé accédant au plateau, à 700-800 m., la forêt, relativement humide, comporte :
L'aspect est celui de la forêt dense équatoriale. Cette forêt, vers le haut, se raccorde à la forêt à Parinari excelsa du plateau.
Les reliques de forêt dense sont nombreuses sur les basses pentes du Benna, en contre-bas des hautes falaises gréseuses qui les limitent. Ces bosquets sont plus ou moins étendus. Souvent ils ne constituent qu'une frange au pied des rochers. Les habitants les abattent peu à peu pour établir leurs champs. Les feux issus des défrichements contigus attaquent leurs lisières dont les grands arbres sont tués et se reconnaissent de loin à leur feuillage roussi. Il est indiscutable que la forêt dense recouvrait jadis toutes ces pentes.
Au Nord-Ouest de Moussaya, la vallée du Kounounkan, qui constitue un cirque profond, entouré par les plateaux, possède encore de vastes étendues de forêt dense, dont la voûte continue et le sous-bois arbustif grêle attestent la nature primaire. Cette forêt recouvre les pentes, au pied des falaises et remonte jusqu'au pied du piton gréseux du Kounkiguémé.
Nous en publierons ultérieurement une étude détaillée ; elle renferme comme principales espèces :
Au pied même du Kounkiguémé, sur une pente dominant une petite vallée, la forêt se caractérise, de plus, par l'abondance de Carapa procera et de Cryptosepalum tetaphyllum, et par la présence de Cola mirabilis.
Au cours de nos prospections, nous n'avons rencontré dans ces forêts ni Triplochiton scleroxylon, ni Terminalia. Il existe cependant quelques exemplaires de Terminalia ivorensis dans le fond de la vallée.
Des vestiges très altérés de forêts du même type se rencontrent également entre Kindia et Coyah, notamment près des chutes du Balandi.
Il existe des bosquets relique de forêt haute dans la plaine. Ils sont toujours plus ou moins dégradés ; leur voûte supérieure est éclaircie, voire discontinue, entraînant, grâce à l'éclairement plus accentué des strates inférieures, le développement d'un sous-bois arbustif souvent assez dense. On trouve de tels bosquets entre Forécariah et Moussaya. Certains d'entre eux servent de cimetières et ont été conservés pour cette raison. Ils renferment :
Dans la même région, on trouve, éparses dans la brousse arbustive dégradée, quelques essences de forêt dense :
A Pamélap (entre Forécariah et Benty), de grands arbres
recouvrant un sous-bois dégradé dense (Anchomanes difformis, Palisota hirsuta, Mussaenda elegans…), constituent les vestiges d'une forêt du même type.
Dans les forêts précédentes, notamment entre Forécariah et Moussaya, le Sougué (Parinari excelsa) 14 peut se rencontrer, disséminé ou plus ou moins abondant. Il existe, dans la plaine côtière, des forêts où cette essence devient largement dominante et arrive à constituer à elle seule presque la totalité de la strate supérieure.
Au Nord de Pamélap, sur le plateau, une telle forêt, haute de 25 mètres, avec des fûts libres d'une dizaine de mètres, renferme :
Le sol est horizontal et renferme en profondeur une cuirasse.
Près de Benty, sur un sol sableux horizontal, on rencontre des forêts, caractérisées par la codominance de Parinari excelsa et Uapaca Somon ; outre ces deux essences y vivent :
Des Parinari et Uapaca Somon, vestiges de la forêt détruite, subsistent fréquemment dans les savanes.
L'abondance des vestiges forestiers dans la région de Benty témoigne d'une déforestation nettement moins accentuée que dans d'autres régions de la Basse-Guinée ; fait peut-être en rapport avec un peuplement relativement tardif, qui expliquerait la rareté, sinon même l'absence quasi-totale, des objets néolithiques dans le sol de cette région.
Entre Conakry et Coyah, d'assez nombreux grands Parinari, épars en savane, paraissent indiquer l'existence ancienne d'une forêt riche en cette essence. Des forêts où dominent Parinari excelsa existent également plus au Nord, notamment dans la région de Boffa. La même essence est encore abondante en Casamance.
Il apparaît donc qu'il existait à l'origine, dans la plaine côtière, une bande de forêts à Parinari excelsa peut-être continue, qui prolongeait les forêts de type, guinéo-équatorial de l'intérieur.
On sait que des forêts à Parinari excelsa, existent, au-dessus de 1.000 mètres, sur les montagnes de l'ouest africain. Cette essence y constitue parfois des peuplements à peu près purs dans la strate supérieure. L'analogie va plus loin ; plusieurs espèces de la forêt montagnarde outre le Sougué, existent dans les forêts côtières Garcinia polyantha, Memecylon fasciculare, M. polyanthemos, etc… Ces analogies entre les forêts montagnardes et les forêts côtières sembleraient pouvoir s'expliquer par certaines conditions écologiques communes, parmi lesquelles la forte humidité atmosphérique pendant une grande partie de l'année joue vraisemblablement un rôle important. Nous avons déjà signalé 15 les analogies floristiques du milieu montagnard et du milieu côtier, se traduisant par l'existence d'espèces bipolaires.
Il existe près de Benty une forêt marécageuse primaire. Le sous-bois en est dégradé, très pauvre en arbustes, à peu près dépourvu d'herbacés. De grosses racines aérifères s'y dressent, émergeant du sol boueux. Cette forêt est à peu près exclusivement constituée par Chrysophyllum Laurentii, tant dans la strate supérieure que dans les inférieures. Cette structure presque monospécifique oppose ce type forestier aux autres forêts tropicales, où les espèces arborescentes sont nombreuses. Notons-y la présence de quelques exemplaires de Tarrietiea utilis, essence caractéristique des forêts ombrophiles, et abondante en basse Côte d'Ivoire, qui n'existe ici, malgré (les conditions climatiques défavorables, que grâce à la grande humidité locale.
Elle constitue vraisemblablement ici un témoin d'une époque ancienne à climat plus humide ayant survécu jusqu'à nos jours grâce l'humidité édaphique. Signalons enfin, dans le sous-bois, la présence de Raphia gracillis, qui existe également dans d'autres forêts de bas-fonds de la même région.
Une partie du bas-fond, contiguü à la forêt précédente, été déboisée. Elle est actuellement occupée par un peuplement dense de Raphia gracillis (gracilo-raphiale), identique à ceux que l'on rencontre en abondance en Basse-Guinée et jusque dans la région de Kindia (où ils ont fait l'objet d'une remarquable étude de Jacques-Félix et Franc de Ferrière) et même du Fouta-Djallon. Le groupement à Raphia gracilis apparaît donc comme une formation secondaire, résultant du défrichement de forêts de bas-fonds où cette essence était disséminée dans le sous-bois.
Ilot forestier relique au pied du Kakoulima
Entre le mont Kakoulima (1.007 mètres) et le mont Dixim, près de Dubréka, une profonde vallée (alt. 80 m.), où coule la rivière Badabon, renferme des savanes arborées et une forêt haute, ayant l'aspect de la forêt dense : grands troncs droits, contreforts à la base des fûts, cimes en dômes ou en parasol. Les principales espèces y sont :
Cette forêt, qui s'apparente aux îlots forestiers de la région Moussaya-Dalonia, est comme celles-ci, une deciduous forest.
Les savanes qui, dans le fond de la vallée, avoisinent cette forêt, sont manifestement des formations dégradées ayant succédé à des portions de forêts détruites. Elles renferment :
Le contraste, est saisissant entre la végétation xérophile de ces savanes et la forêt primitive dont elles sont issues.
Ainsi en des lieux différents de la Basse-Guinée, on rencontre des îlots de forêt qui s'apparentent à la forêt dense, et s'opposent aux formations xérophyles des savanes et des brousses voisines. Ce sont, par leur composition, des decidious forests. Ces îlots de forêt haute se retrouvent en de nombreux points de la région ; ils constituent une zone prolongeant, le long de la côte, la région forestière ; l'enveloppe externe délimitant cette zone est grossièrement parallèle aux lignes d'égale pluviosité. Cette zone nous paraît ainsi liée à l'humidité climatique dit territoire étudié. Plus au Nord, cette zone, se prolonge par les forêts de la Casamance, où vivent de nombreuses espèces de la forêt dense.
Ces îlots de forêt dense constituent manifestement des reliques d'une végétation forestière jadis plus étendue et, prolongeant dans le domaine guinéen la sylve de la zone forestière.
Cette continuité du faciès forestier fut indiscutablement réalisée sous le climat actuel. L'existence de reliques forestières non seulement dans les vallées mais également dans la plaine, sur les pentes et sur les plateaux en témoigne de façon formelle. La disparition quasi-totale de ce manteau forestier est avant tout le fait des défrichements ; c'est sur la forêt, maintenant encore, que les habitants de ces régions conquièrent très fréquemment leurs terrains de culture. L'action des feux, rendue possible par l'existence de formations xérophiles, souvent riches en Graminées, — ne vient qu'ensuite ; comme partout, les feux, en détruisant les semis, empêchent la reconstitution d'une végétation forestière. La forêt dense intacte, — ici comme dans le domaine forestier, — ne brûle pas son sous-bois peu fourni et presque dépourvu d'herbacées ne fournissant aucun aliment aux feux. Sur ses lisières par contre, — où grâce à un éclairement plus considérable, vit une végétation arbustive et herbacée dense, facilement combustible, — le feu peut pénétrer de quelques mètres, tuant ainsi les arbres de la périphérie des bosquets. Nous en avons observé de nombreux exemples, tant sur les petites du Benna que dans la plaine. Ainsi, sous l'action des feux, les îlots forestiers s'amenuisent progressivement. Les feux et les défrichements, si aucune mesure de protection n'intervient, les feront bientôt disparaître entièrement.
Au point de vue phytosociologique, plusieurs groupements peuvent s'entrevoir :
Situé au Nord-Est de Conakry, le mont Kakoulima (1.007 m.) constitué de roches éruptives, domine brusquement la plaine de Basse-Guinée. Une grande partie de ses pentes est couverte de brousses secondaires. Vers l'altitude 200-400 mètres, sur le versant Nord, la brousse arbustive, haute de 2 à 4 mètres, renferme les espèces suivantes :
A 430 mètres d'altitude environ, on trouve une forêt haute, située dans une vallée peu profonde entaillant la pente. La futaie, y est haute de 20 ou 30 mètres. On y rencontre :
Vers 500-600 mètres, la brousse-taillis secondaire, devient plus dense, plus haute, moins xérophile, avec des arbres d'une quinzaine de mètres. Il y a tendance à la reconstitution du couvert forestier. J'y ai noté les espèces suivantes :
L'abondance du kobi (Carapa procera) paraît indiquer le caractère récent de la déforestation. Par endroits on rencontre des peuplements denses de jeunes parasoliers.
A 700 mètres, sur le même versant, la piste traverse une forêt d'arbres de moyenne et petite grandeur, ayant la composition suivante :
Le sous-bois, formé d'arbustes, est dépourvu de formes herbacées. Il s'agit manifestement d'une relique forestière, mais cette relique est très altérée par l'homme, comme le montre la présence de nombreux Anisophyllea, d'Albizzia gummifera, de quelques palmiers à huile et de manguiers.
La forêt des pentes supérieures (800 à 1.000 mètres) est une futaie assez claire, avec sous-bois dégagé, et de nombreuses lianes ligneuses grêles. Les principales espèces y sont :
Les Lichens épiphytes sont très abondants sur les branches supérieures.
Cette forêt varie d'une futaie de moyenne grandeur, à sous-bois relativement hygrophile, à une forêt basse, à aspect de taillis âgé, avec une strate arbustive plus développée. Généralement cet aspect de taillis âgé est surtout réalisé sur les crêtes. Il n'y a pas, dans ces régions supérieures de la montagne, de peuplements purs de Sougué.
Sur certaines crêtes la végétation ligneuse est particulièrement basse, souvent inextricable. Dans cette brousse arbustive ou arborescente basse, les principales espèces sont :
avec une strate herbacée assez développée :
Les branches sont couvertes d'une remarquable végétation de Lichens (Usnea, du groupe articulata, Anaptychia leucomelauna var. multifida, etc … ) et de Mousses épiphytes, qui forment souvent de véritables guirlandes. Caractères manifestement liés à la grande fréquence des brouillards sur la crête.
De petites clairières de prairie trouent par endroits cette brousse. On y rencontre :
Lorsque la dalle rocheuse affleure, les touffes d'un petit Xyris s'agrippent à ses fissures. Le faciès xérophile de ces clairières est à noter. Sécheresse édaphique périodique et humidité atmosphérique, due au brouillards fréquents, sont les faits essentiels qui dominent l'écologie de ces crêtes.
L'action de l'homme ne s'est pas bornée à une destruction de la végétation naturelle permettant l'intrusion des espèces xérophiles des savanes. Plus particulièrement aux abords des villages, des espèces apportées par l'homme (parfois même des espèces extra africaines importées) se sont multipliées abondamment, au point de constituer de véritables formations végétales, jouant un rôle important dans le paysage de la région. Tel est le cas des palmeraies. Tel est également le cas des peuplements des grands manguiers que l'on observe généralement aux abords des villages, surtout dans la région côtière.
Les palmeraies sont particulièrement développées au voisinage de la côte. Elles font souvent partie intégrante du paysage au même titre que des formations naturelles. Elles sont généralement constituées de palmiers à huile ; les cocotiers, d'une importance économique moindre, ne forment que clos peuplements plus réduits. Près de Ratoma, une telle palmeraie, occupant un sol sableux et bas, avec des mares d'eau saumâtre, au contact de la plage, renferme comme espèces essentielles :
Le sous-bois, herbacé et arbustif est clair et bas.
Il arrive que les palmiers à huile soient mêlés à d'autres espèces arborescentes, en particulier les manguiers. Tel est le cas de la forêt de Nongo (près de Kaporo), où se pratiquent certaines cérémonies rituelles. On y rencontre
La végétation de la Basse Guinée peut, dans l'ensemble, se ramener a trois faciès distincts :
Le faciès xérophile s'apparente aux savanes de la Haute Guinée par le fond de sa flore. L'abondance, dans les savanes et les forêts claires, d'espèces, telles que
et d'essences de forêt secondaire, telles
dénote toutefois un caractère nettement moins xérophile que chez les savanes de la région de Kankan. L'élément soudanais, dans les savanes de Basse Guinée, se mêle à un élément forestier mésophile, celui-ci étant sous la dépendance de la haute humidité climatique.
Ce faciès xérophile est manifestement en rapport avec l'action de l'homme, particulièrement accentuée dans ces régions, qui sont actuellement très peuplées et furent habitées à une époque ancienne ; les gisements néolithiques, malgré le petit nombre de prospections faites à ce jour paraissent en effet nombreux en Basse Guinée. Cette action humaine, comme partout, s'exerce par les défrichements et par les feux. Les savanes de Basse Guinée sont des formations pyrophiles. La dégradation des îlots de forêts dense est le fait des défrichements. L'action de l'homme se manifeste de plus par l'introduction, dans les villages ou à leurs abords, d'espèces étrangères à la flore :
pour ne parler que des espèces non spécifiquement agricoles. Cette introduction d'espèces aboutit parfois à la Constitution de véritables-forêts anthropogènes, où dominent les manguiers, palmiers à huile, et cocotiers. Ou encore, sous une strate supérieure où subsistent quelques essences de la flore primitive, on trouve une végétation dense d'espèces introduites : manguiers, palmiers à huile, etc.
Les baobabs, que l'on rencontre en quelques endroits, paraissent eux aussi devoir leur présence à l'homme, de même que dans le Fouta-Djallon (région de Pellal notamment) où ils constituent quelques groupes aux abords des villages. Dans d'autres cas l'action de l'homme se manifeste par l'abondance de certaines espèces indigènes, qui ont une importance particulière pour les habitants ; tel est le cas des colatiers, très abondants dans les îlots de forêt dense, et des fromagers, qui ont ici comme partout une valeur rituelle.
Quelle fut, sous le climat actuel, la végétation primitive, antérieurement à l'action de l'homme ? Les îlots reliques de forêt dense guinéo-équatoriale, la végétation haute des galeries forestières, les grands arbres reliques dominant des formations plus basses, démontrent l'existence d'un régime forestier ancien. De son côté, la présence de forêts claires, manifestement secondaires, de même que la constitution des forêts anthropogènes (palmiers à huile, manguiers, fromagers) attestent la vocation forestière de la région. Les îlots de forêt dense situés au pied des montagnes sont-ils un faciès local (le ce peuplement forestier primitif, ou au contraire des représentants d'une végétation qui fut autrefois uniformément développée sur tout le territoire ? Les variations floristiques de la forêt équatoriale en fonction du relief local et du sol, de même que les conditions stationnelles de ces bosquet reliques, situés dans des régions basses, au pied des montagnes, permettent de penser que la forêt primitive de la Basse Guinée a dû présenter des variations de structure et de composition, dans lesquelles les bosquets reliques actuels du pied du Benna et les galeries forestières représentent le terme le plus hygrophile des forêts plus xérophiles ayant vraisemblablement existé sur les hauteurs et dans les régions pourvues d'une carapace à faible profondeur. Dans ces dernières, le faciès forestier guinéo-équatorial se trouvait fort probablement atténué par l'intrusion d'espèces septentrionales plus xérophiles, que l'on rencontre parfois dans les reliques de forêt haute, particulièrement dans leurs régions périphériques. Les forêts les plus xérophiles ont à peu près totalement disparu ; elles ne se régénèrent pas, manifestant ainsi une instabilité comparable à celle signalée dès 1932 par A. Aubréville pour la forêt dense septentrionale, et dont J. Adam (1948) cite de nouveaux exemples dans le préforestier de la Haute Guinée. Ces forêts se maintenaient jusqu'à leur destruction par l'homme, grâce au microclimat entretenu à leur ombre et permettant la régénération de leurs essences. Leur défrichement, en modifiant le climat local, a supprimé cette possibilité de régénération naturelle. L'instabilité de ces forêts est évidemment, sans cependant constituer une preuve formelle, un argument permettant de penser que leur installation s'était faite dans des conditions anciennes plus favorables, peut-être au cours du dernier épisode humide
du quaternaire, correspondant aux industries néolithiques du Sahara 19. Cette instabilité est à rapprocher de celle que manifestent les forêts montagnardes de certains sommets de la Guinée (Nimba, Simandou), qui, une fois détruites, ne paraissent pas, dans les conditions actuelles, tendre à se reconstituer. En Basse Guinée, la destruction de ces forêts a abouti à l'installation de la savane ; lorsque le feu leur est épargné, on voit se reconstituer des boisements plus clairs et moins élevés, où quelques essences primitives se mêlent à une flore arborescente soudanienne Parkia biglobosa, Erythrina senegalensis, Combretum micranthum, etc… Ce reboisement naturel des savanes herbeuses à partir des essences soudanaises a été déjà signalé par J. Adam (1948) dans le district préforestier de la Haute Guinée.
Dans les reliques actuelles de forêt Guinéo-équatoriale que nous avons signalées en ces régions, on observe dans les espaces déboisés (tout au moins lorsqu'ils sont de faible superficie) la constitution de brousses arbustives secondaires semblables à celles de la région forestière, et caractérisées par la présence de :
Il est probable que grâce au climat local favorable, cette végétation secondaire est capable d'évoluer vers une reconstitution du couvert forestier guinéo-équatorial; la présence, en certains points du sous-bois de ces forêts hautes, de grosses termitières (Belli cositermes) inhabitées paraît témoigner d'une telle reconstitution. Il est probable qu'une destruction totale de ces reliques guinéo- équatoriales, en modifiant profondément le climat local, serait susceptible d'entraîner, avec le concours des feux, l'installation de la savane. Leur maintien jusqu'à nos jours nous paraît résulter à la fois de causes naturelles (conditions édaphiques, localisation en contrebas de montagnes, pluviosité) et de causes humaines comparables à celles qui, en pays Kissi, ont permis la survivance de la forêt équatoriale autour des villages (abri pour les colatiers, caractère sacré de certaines forêts et peut-être aussi rôle défensif).
Ainsi la végétation primitive de la Basse Guinée nous paraît avoir été constituée par une forêt dense de type subéquatorial. Les reliques de forêt dense que nous avons signalées se rattachent au type forestier désigné sous le nom de decidious-forests 20. Elles représentent l'une des formes les plus septentrionales de ces forêts et se distinguent des moins xérophiles par la présence d'espèces telles que Dialium guineense et Afzelia africana, et l'absence, en général, d'espèces telles que Triplochiton scleroxylon et Chrysophyllum perpulchrum. L'abondance fréquente du Sougué (Parinari excelsa) et du Kobi (Carapa procera) dans certaines de ces reliques forestières nous parait en relation avec l'humidité climatique liée aux hautes précipitations de la Basse Guinée et aux conditions stationnelles 21. C'est d'ailleurs à cette même humidité climatique que paraît due, en Basse Guinée, la fréquence du Lami (Pentadesma butyracea).
Dans le peuplement végétal des montagnes voisines (Kakoulima, Benna), on rencontre des affinités comparables avec les sommets de la région forestière. On rencontre sur le Kakoulima :
qui vivent également dans les régions supérieures du Nimba et du Ziama. Les îlots forestiers des plateaux du Benna sont constitués par une futaie à Parinari excelsa comparable à celle des montagnes de la région forestière :
avec cependant un caractère plus xérophile se traduisant par la présence de Dialium guineense, Teclea grandifolia, Sakersia, echinulata. Notons-y également l'abondance fréquente d'Elaeophorbia drupifera. L'étage du Parinari de la région forestière se retrouve ici avec quelques variantes locales. L'installation sur le sommet du Kakoulima d'espèces submontagnardes, à aire discontinue telles que Dissotis Jacquesii pourrait s'être effectuée à la faveur de variations climatiques anciennes. Soulignons enfin, sur le sommet de cette montagne, l'existence d'espèces de savane, telles que Leptactina senegambia.
La végétation de la Basse Guinée s'apparente à celle de la Casamance, où des formations végétales comparables ont été décrites (Chevalier et Cligny, Aubréville). Plus au Nord encore, cette zone côtière pourvue de reliques forestières hautes s'amenuise progressivement et aboutit aux reliques pseudo-équatoriales de la région de Thiès (Sénégal), mentionnées par J. Trochain (1940, p. 356-359), où subsistent, dans une flore déjà soudanienne, quelques essences équatoriales (Antiaris africana, Morus mesozygia, etc … ).
Le climax de la Basse Guinée est manifestement une forêt dense subéquatoriale, avec un certain nombre de pseudoclimax liés aux conditions locales particulières : cuirasse latéritique, sols salés de la côte (mangrove), etc. Les savanes arborées en constituent, suivant la terminologie de J. Trochain (1940, p-.73), les divers péniclimax. Par son histoire géobotanique, comme par la persistance de reliques forestières guinéo-équatoriales, la basse Guinée se rattache au district préforestier défini par A. Aubréville dans le Sud du domaine guinéen. La haute humidité climatique, se traduisant notamment par la structure floristique particulière des savanes arborées, nous paraît justifier la distinction dans cette région, d'un district préforestier maritime, homologue plus humide du district préforestier continental de la Haute Guinée et de la Côte d'Ivoire.
Notes
1. Voir à ce sujet. Gautier, L'Afrique Noire occidentale, p. 65, et de Chételat. Le modelé latéritique de l'Ouest de la Guinée Française.
2. Ces chiffres m'ont été obligeamment communiqués par le Service météorologique de la Guinée Française ; je lui adresse tous mes remerciements pour l'aide précieuse qu'il m'a ainsi apportée dans ce travail.
3. Rappelons à ce propos les intéressantes hypothèses de H. Hubert (1926) Sur le rôle biologique possible de la tension de vapeur
4. Vernaculaire : Kinsi (soussou).
5. Vernaculaire : Wofiri (soussou).
6. Vernaculaire : Tangani (soussou)
7. Vernaculaire : Kalékonyé (soussou)
8. R. Bouillenne. Un voyage botanique dans le bas-Amazone (Bruxelles, 1930).
9. H. Stchlé. Esquisse des associations végétales de la Martinique (Bulletin agricole de la Martinique, 1947, VI, nos. 3-4, p.193-264.
10. P. Dansereau. Zonation et succession sur la restinga de Rio-de-Janeiro (Revue Canadienne de Biologie, 1947, VI, 3, p. 448-477.
11. R. Ciferri. Le associazionni del littorale marino della Somalia meridionale (Revista di biologia coloniale, 1939, II, fasc. 1, p. 5-42).
12. Les termites édificateurs de hautes termitières (Bellicosi-termes) ne vivent pas en forêt.
13. Ch. Killian et R. Schnell, Contribution à l'étude des formations végétales et des sols humifères correspondants des massifs du Benna et du Fouta-Djallon (Guinée française). (Revue Canadienne de Biologie, 1947, vol. 6, N° 3, p. 379-435).
14. Sougué (Soussou), Koura (Foula)
15. Végétation et flore des Monts Nimba (Année Biologique, 1949).
16. Espèce à racines échasses non identifiée, paraissant devoir être rapprochée de P. trimer : Guill.
17. Bulletin de l'Institut Français d'Afrique Noire, 1950.
18. Cette espèce présentait (février 1945) en très grande abondance les feuilles crassulascentes décrites par H. Jacques-Félix. Fréquemment ce type foliaire était le seul représenté.
19. Le dernier dessèchement, ayant abouti au climat actuel et à l'extension actuelle du Sahara, parait d'après R. Furon avoir commencé au VIe millénaire pour se terminer au premier millénaire avant notre ère.
20. Ce terme de deciduous forest, passé dans le langage courant, a été critiqué par divers auteurs. Il est basé sur la chute des feuilles en saison sèche, caractère qui n'est ni très apparent ni propre à ce type forestier. Nous jugeons souhaitable de le voir remplacer par celui de forêts mésophiles, qui traduit leur situation intermédiaire entre les forêts ombrophiles des climats humides et les forêts guinéennes et soudaniennes plus xérophiles
21. Il est intéressant de noter, dans ces régions à climat humide, l'abondance de plusieurs espèces qui, plus loin de la côte, se localisent soit le long des rivières, soit dans le climat humide des montagnes.
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