(Article initialement paru dans la Guinée Française du 20 juillet 1950).
Il est difficile de connaître l'origine des Soso, mais il est plus facile au moins de savoir ce qu'ils ne sont pas. Ils ne viennent pas d'un métissage d'Ariens et des fils de Gober, 1 car ce serait faire remonter l'apport blanc en Afrique noire aux Indo-européens. De plus l'existence des Ariens reste hypothétique ; quant aux fils de Gober et aux Garamantes dont parle Hérodote, personne encore n'a pu les identifier avec exactitude. Aux origines lointaines de la famille mandé, il y eut certainement un métissage entre Noirs et Hamites de race brune venus de la vallée du Nil et entre Noirs et Berbères. Non seulement cette origine est confirmée par les traditions et corroborée par les quelques données anthropologiques que nous avons, mais, au début de l'ère chrétienne, la zone d'expansion des Noirs atteignaient la partie septentrionale du Soudan, entre autre, la dépression du Hodh.
L'assèchement progressif du Sahara, l'introduction du chameau en Berbérie par les Romains sont autant de faits qui ont poussé les habitants à descendre vers le Sud.
Que représentent les Soso dans cet ensemble?
Il existe en 1224 (d'après les auteurs arabes) un empire de Soso situé à peu près entre Nioro et Koulikoro. Cet empire dont le chef le plus connu fut Soumangourou Kanté s'effondra sous les coups de son ancien vassal, l'état de Kangaba, fief des Keita, et dont Soundiata devait faire la fortune.
M. Demougeot, dans son livre sur le Labé, explique l'arrivée des Dyalonké, prédécesseurs des Peuls au Fouta, par l'émigration qui suivit la ruine de l'empire soso. Cette opinion nous semble sujette à caution car la fuite, vers le Sud devait être pratiquement impossible puisque elle ne pouvait se faire qu'à travers l'état ennemi de Kangaba. De plus il faudrait être certain que le terme de Soso, déjà signalé, est le même que celui qui désigne le peuple de la Guinée côtière.
L'histoire des Soso et des Dyalonké ne s'éclairera qu'à la lumière des grands mouvements, invasions ou guerres, dont le Fouta a été l'objet. Or il y en a deux.
Les Dyalonké participent à ces guerres, tour à tour alliés et ennemis des Foula. Les Dyalonké du Soulima, convertis superficiellement à l'Islam, aident les Foula contre leurs frères fétichistes. Dans la guerre contre le Sankaran et le Ouassoulon les habitants du Soulima, d'abord alliés aux Foula, se retournent contre eux. Tabahiré, chef du Soulima et Kondé Birama, chef des Kouranko attaquent les Peuls qui sont vaincus. Karamoko Alfa devient fou et meurt (1751 d'après Gordon-Laing; 1766 d'après Demougeot).
Mais les Peuls assureront définitivement leur suprématie par une bataille livrée près du village de Talansan, victoire qui s'est imprégnée dans leur mémoire comme une bénédiction de, Dieu. Les guerres qui suivent seront, avec des fortunes diverses, des guerres de conquête.
Cela ne nous apprend rien sur l'origine des Dyalonké et des Soso mais prouve tout au moins la complexité du problème : mélanges de races, brassages, émigrations, altérations des coutumes et de la langue. Les Baga et les Nalou, d'abord, refoulés par les Dyalonké, subissent de nouveaux assauts, de la part des Foula cette fois.
Les Dyalonké repoussés eux-mêmes par les Foula se mêlent intimement aux peuples côtiers
Les Soso seraient-ils donc des Dyalonké ? Beaucoup de Soso penchent vers cette opinion. Mais il importe alors de distinguer l'ethnie et la race. La langue parlée par ces deux peuples est presque identique. Elle appartient aux langues Mande-fu. Mais racialement, les Soso ne présentent aucune unité. Les Touré se prétendent malinké, puisqu'ils viennent de la région de Kankan. Les Silla se disent baga; d'ailleurs les vieux de la famille parlent le dialecte du Kaloum.
En conclusion les Soso forment un groupe ethnique hétérogène allant de la Guinée portugaise à la Sierra-Leone. Leur appartenance ethnique est Mandé. Mais racialement il faut distinguer trois fonds.
Il n'y a pas de limite précise du territoire Soso. Ils se confondent d'une part avec les peuples côtiers, qu'ils absorbent très vite. Ils se confondent d'autre part avec les Dyalonké.
Il semble dès lors que la meilleure méthode pour résoudre ce qui peut encore être résolu est de ne pas se buter devant la dénomination raciale que se donnent les Africains, mais de faire systématiquement l'étude de chaque famille — nous parlons du lambé des Soso — et d'en retracer l'évolution historique.
Nous donnerons comme exemple ce fait qu'il est peu important de savoir que les Touré se disent soso ou malinké, mais qu'il est très important de savoir qu'on retrouve ce même nom dans le Moréa, à Kankan, à Bamako et dans l'ancienne dynastie des rois songhay.
M. Houis.
Notes
1. Selon le témoignagne d'André Arcin dans son livre, par ailleurs remarquable : La Guinée, française paru en 1907.
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