webGuinée
Presse écrite


L'Economie guinéenne

Magazine de l'économie guinéenne - N° 07 - Juin 1998

Fassine Fofana, ministre des mines, energie, environnement
Fassine Fofana, ministre des mines, énergie, environnement

Un Ministre énergique !


Economie Guinéenne: Depuis que vous êtes à la tête de ce Département vous avez initié de grandes réformes dans le secteur des Mines et de l'Energie. Quel est l'objectif de ces réformes?
Fassinè Fofana: L'objectif des réformes est de permettre à la Guinée de se positionner de manière stratégique pour la transformation de son vaste potentiel minier et énergétique. Il est admis que notre pays est un scandale géologique et par ailleurs le château d'eau de l'Afrique Occidentale. Ces deux atouts auraient dû nous placer dans le peloton de tête des pays africains sur le plan du développement. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Les politiques mises en place depuis l'indépendance n'ont pas permis de mettre en valeur de façon judicieuse et profitable ces vastes potentialités. Le Président de la République et son gouvernement ont décidé de reconsidérer ces politiques sur la base d'un principe simple: si quelque chose ne marche pas il faut le changer. Il s'agit maintenant de s'adapter aux réalités internationales actuelles en créant un environnement propice à la mise en valeur de nos ressources avec pour objectif fondamental la réalisation d'un développement humain durable en faveur de tous les guinéens. En fait, toutes les réformes entreprises visent la mise en place d'un environnement favorable aux investissements tant domestiques qu'étrangers. Aujourd'hui, en Afrique Occidentale quand on parle de sociétés minières, tout le monde pense à Ashanti Goldfields mais on n'ignore que la CBG est plus grosse, plus rentable et plus riche. La Guinée devrait s'efforcer d'avoir plusieurs CBG et le faire savoir afin de consolider sa crédibilité. En un mot, il s'agit d'envoyer un signal fort aux investisseurs et aux marchés internationaux pour leur dire que la Guinée arrive et qu'elle ambitionne d'occuper toute sa place, rien que sa place.

EG: La restructuration du secteur de Veau a été manifestement un succès. La duplication de ce schéma dans le secteur de l'énergie a engendré de nombreuses difficultés. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour remédier à cette situation?
FF: J'avoue que le succès dans le secteur de l'eau est réel, mais il faut le relativiser notamment par rapport aux objectifs qu'on s'était fixé et aux résultats atteints. Vous savez que de nombreuses villes de notre pays en cette année 98 n'ont pas encore l'eau potable. Dans la capitale Conakry, sur 1,5 millions habitants nous n'avons que 30,000 abonnés au lieu de 150,000. Du coup, nous avons des charges fixes importantes qui se répartissent sur un petit nombre d'abonnés. Le tarif de l'eau demeure par conséquent extrêmement élevé chez nous. Il est vrai que l'on a enregistré de sérieuses performances mais celles-ci sont en deçà des attentes du gouvernement et des citoyens. Il faut donc approfondir et amplifier les efforts entrepris pour apporter l'eau potable à l'ensemble des couches de notre population tant dans les zones urbaines que dans les campagnes. L'eau et l'électricité ayant la même priorité pour nous, nous nous efforçons actuellement, avec l'appui de consultants étrangers, de finaliser le nouveau schéma dans l'électricité en suscitant la création d'une société de concession ayant davantage de responsabilités et d'obligations. Le schéma actuel transfère tous les risques à l'état , ce qui est aberrant. Il faut transférer ailleurs le lourd fardeau de la dette de l'Etat, professionnaliser le métier. Cela suppose la suppression de l'une des deux sociétés du secteur. Il est à noter que la dysharmonie des principaux acteurs du secteur de l'électricité est à la base de nos nombreuses difficultés. Lorsqu'on compare cela au fonctionnement tout en douceur des entreprises prestataires dans l'industrie de l'eau, on pourrait légitimement se demander si on est encore dans le même pays.

EG: Doit-on comprendre que la société nationale ENELGUI va disparaître?
FF: Je dis bien que l'une des deux sociétés va disparaître. En fait, pour parler franc les deux sociétés devraient disparaître pour céder la place à une nouvelle entité. Une des variantes du schéma retenu prévoit la présence de producteurs indépendants installés partout où cela est possible et nécessaire, pour produire de l'électricité. Au-dessus de la pyramide une société de concession qui rachète l'énergie ainsi produite, la transporte et la commercialise. Nous savons que l'Etat a des capacités de financement limitées, ce qui sous entend que nous ne pouvons pas dupliquer indéfiniment Garafiri. Cela requiert donc l'intervention d'opérateurs privés qui sont libres de s'installer partout ou cela est possible, selon la formule du B.O.T., à savoir Build, Operate and Transfer.

EG: Le projet Garafiri accuse de sérieux retards sur le calendrier d'exécution des travaux. Pouvez-vous nous préciser les raisons profondes?
FF: Garafiri sera mise à eau à la fin de cette année 98. Mais mise à eau ne veut pas dire production d'électricité car vous n'êtes pas sans savoir que le mois de décembre coïncide avec la saison sèche. Il faut donc attendre que les bacs se remplissent, c'est-à-d i re a u cours de la prochaine saison des pluies pour parler d'électricité. N'ayez aucune crainte, tous les délais sont et seront respectés. il est vrai qu'au début avec le retrait de la Banque Mondiale, on a eu quelques sueurs froides. Mais la volonté du chef de l'Etat et la détermination du gouvernement ont permis de boucler tous les financements de façon satisfaisante. C'est le lieu de rendre hommage au professionnalisme des équipes sur le chantier et à l'efficacité de leur encadrement tant guinéen qu'expatrié.

EG: Les barrages de Amaria et Souapiti sont des projets gigantesques tant en termes de coûts que de taille. Pensez-vous qu'au stade actuel de notre développement, ces projets soient réalisables?
FF: Il faut plutôt parler de Souapiti et Kaleta. Le projet du barrage de Souapiti devait effectivement démarrer le 2 février 1959. Ce qui signifie que les études en amont et en aval étaient déjà terminées, le financement bouclé et les industries qui devraient utiliser cette énergie identifiées et programmées. Les garanties du financement étaient assurées par la République Française, tant vis-à-vis de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), l'actuelle Banque Mondiale, que des banques commerciales. En disant Non à la France le 28 septembre 1958 nous disions aussi Non au barrage de Souapiti ! Pour notre bonheur, l'Assemblée nationale a voté le 30 avril 1998 la loi sur les B.O.T. qui garantit de façon encore plus certaine les investissements. Maintenant nous allons faire appel aux marchés pour la réalisation de l'ouvrage. Mais le projet demeurera irréalisable, vu l'importance des financements nécessaires, s'il n'est pas couplé à d'autres projets industriels tels que des fonderies d'aluminium qui sont de grosses consommatrices d'électricité. Cette synergie est indispensable pour assurer le succès de l'opération. Il reste que ce n'est pas l'Etat guinéen qui va financer ces projets parce que les contraintes qui pèsent sur les ressources disponibles sont grandes. Il appartiendra au marché d'apprécier leur rentabilité et de les financer le cas échéant. S'ils ne sont pas rentables, ils ne seront pas pris en compte par le marché et leur réalisation sera d'autant différée. Cependant, nous avons d'excellentes indications sur les bonnes dispositions du marché de l'aluminium. Sa croissance est de l'ordre de 3 à 4%, ce qui en terme absolu représente 400,000 tonnes d'aluminium supplémentaires chaque année. Notre objectif est de créer une usine d'aluminium de 200,000 tonnes pour couvrir la moitié de la nouvelle demande annuelle.

EG: Dans votre adresse du nouvel an aux travailleurs de votre Département, vous avez qualifié 1998 comme étant l'année de l'eau. Pourquoi?
FF: Pour de multiples raisons, puisque l'eau a différentes applications dont la production d'électricité. Nous allons lancer plusieurs projets hydroélectriques dont celui de Fomi en Haute Guinée pour l'approvisionnement des centres urbains comme Kankan en énergie électrique. Nous venons de signer une convention avec un groupement canadien à cet effet pour un projet de 90 MW. Cette étape sera immédiatement suivie par la formalisation d'un protocole d'accord avec des firmes sud-africaines pour la construction d'un barrage hydroélectrique de 120 MW sur le fleuve Cogon dans la région de Boké. Sans oublier le barrage de Kaleta, prolongement de celui de Garafiri. Si nous sommes d'accord que l'eau c'est la vie, il faut aussi reconnaître que ce sous secteur a été longtemps négligé dans les projets de développements initié par le Département. Il nous a donc paru urgent de lui donner la priorité. En Californie et en Israël, le soin est poussé jusqu'au recyclage des eaux de toilette et autres eaux usées pour diverses applications ménagères et agricoles dont l'irrigation. Nous avons 4 m d'eau qui arrosent chaque année notre pays mais nous laissons inconsciemment filer tout ce trésor vers la mer. C'est pourquoi au Département, nous avons pensé qu'il était indispensable, pour privilégier la gestion rationnelle des ressources en eau, de remplacer la Direction Nationale de l'Hydraulique, par la Direction Nationale de la Gestion des Ressources en Eau. Ceci pour bien indiquer notre volonté de prendre à bras le corps le problème de conservation de cette richesse inestimable en lui conférant un statut stratégique. Personnellement, je suis convaincu que les conflits du 21e siècle auront pour cause essentielle la répartition de l'eau. Nous avons donc intérêt à préserver et valoriser ce patrimoine naturel.

EG: Malgré tous les efforts déployés par les pouvoirs publics l'accès et l'usage de l'eau et de l'électricité demeurent prohibitifs. Quelles dispositions pratiques comptez-vous prendre pour abaisser les tarifs appliqués et assurer l'approvisionnement régulier des grands centres urbains de t'intérieur?
FF: Dans le cadre du projet d'adduction d'eau des 7 villes, des efforts considérables ont été déployés par les pouvoirs publics. le peux déjà vous dire qu'un total de 22 villes auront ainsi bénéficié des investissements publics dans ce secteur. Au terme du 3ème projet, nous verrons l'aboutissement d'un programme complet de couverture des centres urbains et des zones rurales. je vous donne rendez-vous dans 4 ans, c'est-à-dire au début du prochain millénaire, pour constater que les populations touchées ont augmenté considérablement, que les tarifs ont baissé conséquemment et que l'approvisionnement et la qualité sont devenus irréprochables. Ces données permettront d'amortir plus rapidement les énormes investissements nécessaires à la consolidation de cette industrie. Je suis très à l'aise pour vous dire que les problèmes techniques et commerciaux qui obèrent le bon fonctionnement du secteur de l'énergie sont inconnus dans celui de l'eau. La problématique dans le domaine de l'électricité est visible à l'oeil nu, tant dans la capitale que les centres de l'intérieur. En 1998, on a prévu l'électrification des 7 chefs-lieux de régions administratives sur financement propre ainsi que le renforcement et l'amélioration de l'approvisionnement au niveau de Conakry. C'est là que je me félicite de l'appui sans faille du Chef de l'Etat et de l'ensemble du gouvernement.

EG: Vous avez initié un vaste chantier dans le secteur des mines (Codes Minier et Pétrolier, mesures d'incitation, nouveaux instruments institutionnels, etc.). Cette politique d'innovation a-t-elle produit les effets attendus?
FF: Je pense que cette question se répond à elle-même. Les effets de celle politique ont été immédiats. Dans le secteur des investissements miniers on a jamais eu autant de sociétés désireuses de se lancer dans des projets d'extractions ou de transformation des substances minières comme la bauxite, le fer, l'or ou le diamant. Il y a 4 ans, le budget d'exploration de l'ensemble de sociétés désireuses d'intervenir dans le secteur plafonnait à 3 millions de dollars US et les experts de la Banque Mondiale disaient que si la Guinée atteignait 5 millions de dollars US elle pouvait s'estimer heureuse. Aujourd'hui, on est à près de 150 millions de dollars US engagés par les promoteurs dans l'exploration minière. Les mesures qui ont été prises ont donc apporté un souffle nouveau et cette porte ouverte le sera encore plus grandement dans les mois et années à venir. Ashanti Goldfields a mis 4 ans entre le début de la prospection et l'entrée en production. Ce délai est nécessaire pour s'assurer pleinement de la rentabilité des investissements. Actuellement Rio Tinto est en train de faire de l'exploration sur la chaîne du Simandou et bientôt les prospections vont démarrer dans le Mont Nimba afin d'affiner les études précédentes. C'est là qu'on aura les entités de tailles mondiales à côté desquelles CBG sera une toute petite affaire. On ne peut pas élaborer un bon projet minier si une exploration systématique approfondie et des études sérieuses n'ont pas été faites en amont. Toute la politique du gouvernement ainsi que les instruments mis en place, tendent vers l'exploitation de nos immenses richesses. Par exemple, la réalisation du transguinéen et le démarrage du projet qui s'y adosse permettront non seulement l'évacuation de la production minière dont le fer du Nimba Simandou et la bauxite de Dabola-Tougé mais également la majeure partie des productions agricoles de nos 4 régions naturelles.
Il est donc indispensable de convaincre d'abord nos partenaires actuels et futurs que la Guinée est un bon risque, mieux un excellent placement.

EG: FRIGUIA a connu ces deux dernières années de fortes turbulences. Les parties prenantes ont entériné après de pénibles tractations un protocole d'accord assez rigoureux. Pensez-vous que l'accalmie sera de longue durée?
FF: La date du 7 juin marquera la fin des études initiées par les équipes qui ont été mises en place pour passer en revue l'ensemble de la situation, qu'il s'agisse de la nouvelle convention de base ou de la nouvelle répartition du capital entre actionnaires, etc. Mon rôle sera de soumettre au gouvernement pour approbation les mesures et recommandations qui seront contenues dans ces documents. Si cela est fait, le conseil d'administration sera immédiatement convoqué pour entériner la nouvelle réalité et fixer les nouvelles orientations. Notre ambition est d'ouvrir la porte à de nouveaux actionnaires qui vont prendre la place qui sera faite par ceux qui ont émis le désir de se retirer. Nous ne retiendrons personne. C'est pour cela que nous voulons mettre en place des structures transparentes et gérer toutes les situations de crise avec beaucoup de retenue.

EG: L'ANAIM a remplacé non sans de nombreuses difficultés l'OFAB. Aujourd'hui elle doit assurer la réalisation de méga-projets, comme le Nimba Simandou et le chemin de fer transguinéen. L'ANAIM a-t-elle les moyens d'aider à la matérialisation de ces deux projets?
FF: L'ANAIM ne s'occupe pas d'investissements miniers en tant que tel. Elle s'occupe exclusivement d'infrastructures qui viennent en appui aux opérations minières. Si vous avez des promoteurs miniers qui sont sur le Nimba ou le Simandou et qui ont des problèmes d'infrastructures, alors l'ANAIM qui a été mise en place par l'état pour montrer son engagement, intervient à ce niveau là. Son rôle est de démontrer la faisabilité technique de tels projets d'infrastructures et les opportunités de mobilisation des capitaux nécessaires, sur les marchés.
Avec l'ANAIM, on entre dans la logique du vrai capitalisme et les anciens schémas deviennent du coup obsolètes. Par exemple, il y a 4 milliards de tonnes de minerais dans le Nimba-Simandou dont la concession d'évacuation constitue un marché captif considérable qui peut justifier des investissements énormes. Au Brésil et en Afrique du Sud, les distances des sites miniers au port d'évacuation sont du même ordre, à savoir 900 km. Donc on n'invente absolument rien.

EG: On a tantôt parlé de la privatisation des entités comme la CBG et la SBK. Comment cela va-t-il se passer?
FF: Je vous dis tout de suite que la CBG est une société privée, régie par des règles de gestion et de fonctionnement strictement privées. La participation de l'Etat est minoritaire, de l'ordre de 49 %. Un jour, il sera peut-être juste question de la réduire mais cela n'est pas d'actualité. Pour le moment il faut mettre la gestion de CBG dans les normes de sorte que les décisions de gestion se prennent en son sein et que les centres de décisions soient transférés en Guinée. Nous devons sortir du schéma classique partenaires A, partenaires B pour aboutir à une seule classe d'actionnaires comme cela se fait partout ailleurs. Quand on est partenaires, on se met d'accord sur l'essentiel sinon on a aucune raison d'être ensemble. Associés, nous devons poursuivre le même objectif, définir et adopter des stratégies communes pour converger vers le même but. Donc, il est indispensable qu'il y est une seule classe d'actionnaires qui partagent les mêmes ambitions. Il n'est pas question que l'Etat se retire ou soit lésé, il est question de consolider le partenariat. Maintenant si certains se sentent mal à l'aise, ils sont libres de partir.

EG: Mais il y a des journaux étrangers qui ont écrit que l'Etat se retirait?
FF: Je m'inscris en faux contre ces informations. Il a été question d'un prêt de 180 millions de dollars US pour consolider la trésorerie de la CBG. J'ai déjà signé cette convention de refinancement. Aucun journal édité ici, à Paris ou ailleurs ne peut apporter la preuve que l'Etat cède une partie de ses actions. Les responsables du pool des banquiers m'ont clairement indiqué que la mise à disposition de ce financement était une marque de confiance au gouvernement guinéen et à son programme de réformes. Pour parler de la SBK, il est évident que la situation est différente. Son capital est détenu à 100 % par l'Etat. Pour des raisons de mise en conformité et de choix politiques, le principe de la privatisation a été retenue. Nous avons commandité à cet effet une étude financée par la Banque Mondiale qui doit nous permettre de faire les bons choix qui s'imposent. La bauxite de la SBK est de qualité meilleure à celle de FRIGUIA, le personnel technique est très bon. Il faut ouvrir la société pour lui apporter du sang neuf. Cela permettra de la garder en vie encore une trentaine d'années. Par exemple, il est urgent de trouver 5 Millions de dollars US pour rendre opérationnels certains sites périphériques, je n'irai pas voir le ministre des finances pour lui demander cet argent. Car dans mon entendement c'est une hérésie. Il faut que la SBK soit financée par le marché. Je peux vous dire déjà que de gros intérêts se sont manifestés à cet effet et nous sommes optimistes quant à la réussite de cette privatisation partielle.

EG: Le lancement effectif des travaux d'extraction de la bauxite de Dabola par la SBDT traîne en longueur. Quelles sont les raisons de ce retard?
FF: La seule raison de ce retard est à mettre au compte des infrastructures d'évacuation. Une évacuation à grand débit justifierait de gros investissements. Il faut donc accélérer la réalisation du projet du transguinéen. Pour un pays minier comme le nôtre il est plus intéressant de passer à la phase de transformation. J'ai expliqué à nos partenaires iraniens que compte tenu de la valeur ajoutée et de la particularité de l'industrie de la bauxite, il est plus judicieux d'installer le site de la première transformation du minerai à proximité du gisement, afin d'abaisser les coûts sur la chaîne du transport. Il est plus payant pour l'industriel d'exporter deux tonnes d'alumine que quatre tonnes de bauxite brute. L'industrie de la bauxite est faite de telle sorte que vous produisez l'alumine là où il y a le minerai de bauxite, l'aluminium là où il y a l'énergie et le produit fini là où vous avez le marché. Nos partenaires iraniens ont vite compris la pertinence de nos observations et entériné du coup nos propositions. Pour répondre plus complètement à votre question, Dabola-Tougué sera un projet intégré bauxite-alumine qui viendra en appui au Transguinéen. La première variante qui consiste à réhabiliter la voie ferrée Conakry-Niger me paraît à ce jour complètement dépassée. Mais attendons de voir les résultats des études qui seront disponibles en principe au mois de juin prochain.

EG: Sur le front des minerais précieux, les sociétés étrangères sont légions. Sont-elles toutes crédibles?
FF: Là il faut faire attention car ce domaine est spécial. Les petites sociétés qui ont des structures plus légères sont tenues de par leur taille à de strictes obligations de résultats pour assurer leur survie. Elles sont donc plus efficaces. Les grosses entreprises sont lourdes, difficiles à mettre en branle et privilégient les gisements de taille mondiale, ce que l'on ne peut découvrir tous les jours.
Prenez le cas du gisement d'or de Sadiola au Mali qui est actuellement le plus important en Afrique Occidentale. Il a été découvert par une petite société canadienne A.M. Gold qui a fait appel dans la deuxième phase à une très grosse entreprise internationale à savoir l'Anglo-American. Chez nous en Guinée, nous avons les grosses firmes et les petites sociétés car il y a de la place pour tout le monde. Il faut encourager cette tendance dans la mesure où à la sortie les uns et les autres nous donnent de meilleures chances de cerner au plus près les richesses de notre propre sous-sol. Comme je vous le disais tantôt, dans la délivrance des titres miniers nous demeurons vigilants. Nous exigeons un projet industriel concret, une maîtrise technique suffisante et une surface financière adéquate. Il n'est pas question de délivrer des titre miniers à des opérateurs fantaisistes qui n'auront rien de plus pressé que de spéculer là-dessus sur le marché international.

EG: Notre pays semble être à la traîne dans le domaine stratégique de la prospection pétrolière. Croyez-vous que cette situation pourra changer dans un proche avenir?
FF: La réponse est Oui. Sans autre commentaire.

EG: Quelle est votre vision du secteur des mines et énergie dans les dix prochaines années?
FF: Il faut souhaiter qu'on ait la paix des coeurs et des esprits dans notre pays pour pouvoir mener à terme toutes les réformes engagées. Si cette condition essentielle est remplie, nous allons enregistrer un boom dans ce secteur. La Guinée est positionnée pour décoller de manière irréversible. J'en suis très fier en tant que citoyen de ce pays.
J'aime à dire à mes cadres que c'est l'ère de l'action et que tout un chacun gagnerait à travailler un moment dans le secteur privé pour en avoir l'expérience, s'en imprégner les réalités et en acquérir l'esprit combatif. C'est une expérience irremplaçable. C'est fondamental pour participer pleinement à l'effort de développement. Cela est valable pour toute l'administration. Pour l'avoir vécu personnellement, j'estime que dans 10 ans notre pays en général, le secteur des mines en particulier, sera une « success story » sans fin. La Guinée deviendra le centre industriel de l'Afrique. Je n'ai aucun doute là dessus et les Guinéens s'enrichiront grâce à leurs ressources et à leurs efforts.

EG: Vous avez en charge les mines, l'énergie et l'eau. C'est une très lourde responsabilité. Comment faites-vous pour tenir la barre?
FF: C'est vrai que la responsabilité est écrasante mais je suis fier à mon âge d'être pleinement au service de mon pays. Le Président de la République m'a donné une chance unique de servir mes compatriotes et j'essaye de mériter cette confiance. C'est vrai que la charge de travail est énorme mais avec des collaborateurs efficaces, des appuis intérieurs solides, comme ceux de mes collègues du gouvernement, et un bon carnet d'adresses, les choses bougent sans trop de pesanteur. C'est une question d'organisation et de méthode. A 18 h j'ai fini mon boulot et je vais faire mon sport. La morale de l'histoire c'est qu'il faut déléguer, faire travailler les équipes et rendre compte à qui de droit.
Ainsi le jour où vous partez, le travail continue efficacement parce qu'il ne faut jamais oublier que nous sommes en compétition avec des pays comme le Venezuela qui en plus de la bauxite possède d'énormes gisements de pétrole; l'Australie qui est l'un des sept pays les plus industrialisés du monde; le Brésil qui est la 3ème puissance industrielle du continent américain après les Etats-Unis et le Canada. Alors vous voyez qu'on a intérêt à nous battre pour écrire positivement le destin de notre pays et l'avenir de nos enfants. C'est pourquoi, il faut tenir la barre avec fermeté et maintenir le cap actuel.

interview réalisée par Diallo Cheick Ahmed Tidiane


Facebook logo Twitter logo LinkedIn Logo