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Presse écrite


La pauvreté dans l'esclavage

Le Lynx. N° 363 - 8 mars 1999


Nous sommes un peuple épris de liberté, une liberté que nous avons refusé de sacrifier sur l'autel de la richesse. Ce credo fait partie de notre tréfonds intérieur. Même si c'est une illusion, un miroir aux alouettes, un leurre.

On ne voit pas comment on peut être pauvre et libre. Parce qu'il faut avoir les moyens de sa propre liberté. Depuis 1958, les dirigeants guinéens se sont attachés à cultiver notre liberté dans un engagement militant rarement démenti. Mais ventre qui a faim n'a point d'oreilles. Le fait d'avoir quasiment culpabilisé l'enrichissement, a produit l'effet souhaité c'est-à-dire l'appauvrissement. Sauf chez les hauts fonctionnaires de la nomenklatura politique et administrative et ses copains et coquins du secteur privé naissant.

Les performances de la majorité des citoyens consistent à produire des enfants (les écoles ne suffisent jamais), des malades, des bandits, des pauvres et des mendiants. Dans les villes et villages de l'intérieur, aucun centre d'intérêt économique (surtout dans la région la plus densément peuplée de Dalaba, Pita et Labé).

Résultat ? l'exode rural vient alimenter Conakry en vendeurs à la sauvette et en cireurs. Des gars prêts à faire n'importe quoi et à se vendre pour n'importe qu'elle cause. Pour manger.

La pauvreté a mille façons de se manifester. Traditionnellement, les centres de mendicité de Conakry ce sont les mosquées (surtout les vendredis) et le carrefour du ministère des sports. Aujourd'hui, les mendiants sont présents partout. Et les vendredis, c'est un ratissage systématique des commerçants le long de la route du Niger : des femmes hardies y exhibent des jumeaux qui ne se ressemblent même pas. Sans compter les gnomes, les éclopés, manchots, pieds-bots, aveugles vrais ou faux … Même si l'Etat et les ONG font quelque chose, rien n'est visible.

La pauvreté ? Chaque saison sèche, des milliers de cases brûlent. On n'a jamais entendu de mesures préventions, de mise en place de brigade de lutte contre le feu. A défaut de sapeurs pompiers ruraux. Ou encore de construction de bâtiments modernes à l'instar de ceux que la SOGEFIHA (Société de Gestion Financière de l'Habitat) avaient réalisés dans les campagnes ivoiriennes dans le cadre de la modernisation de l'habitat rural.

La pauvreté encore? Nous sommes à moins de 10 mois de l'an 2000. Et Conakry (la capitale) ignore encore ce que signifient feux tricolore de signalisation. Pire, la Sogel (grâce à ses dirigeants) n'est capable de garantir aux Guinéens que l'obscurité. Dans ce cas de figure, à la pauvreté pécuniaire s'ajoute la pauvreté en capacité: la plupart des cadres guinéens à qui on confie la gestion de la chose publique se transforment en voleurs ou en vauriens. Ainsi des hauts fonctionneurs font tout pour tuer FRIGUIA, la seule unité industrielle de chez nous, qui avait quelques chances d'être cinquantenaire …

La pauvreté toujours? La pauvreté scientifiquement organisée sous la révolution : on arrête les riches et les intellectuels. L'indépendance s'ouvre sur les camps Boiro. Nous finissons le millénaire en embastillant, en enfermant des députés. Ce sont les réussites de la Guinée. Les performances que nous allons offrir au nouveau millénaire qui point à l'horizon.


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