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Presse écrite


Friguia. On arrête !

Le Lynx. N° 392, 27 septembre 1999


Après avoir murmuré pendant un bon bout de temps, les Guinéens commencent à s'exclamer. Parce que, comme ne le dirait pas André Gide, nos Nourritures Terrestres se composent de riz et de rumeurs. Comme le marché du riz est calme pour le moment, celui des rumeurs est alimenté par les scandales financiers et les hauts faits de nos gouvernants. Et quand ces deux-là se recoupent, c'est le souffle lui-même qui est menacé. Ces derniers mois, on a failli croire que les scandales n'allaient pas se fatiguer de nous coller à la peau. Depuis les listes A et B, les hauts faits de notre mal gouvernance sont quasi-quotidiens. Friguia, Anaim, Djin-Djan-Djan … Les cloches n'ont pas arrêté de sonner. Au mépris de toute chronologie, ce sont les détournements à l'Anaim qui ont enregistré les premières arrestations. M. Koly Kourouma croupit actuellement en prison. Accusé d'avoir empoché tout le fric de l'Anaim. La presse a dû revoir tous les aspects de cette affaire. Le jeudi 23 septembre les arrestations pour les présumés auteurs des détournements à Friguia ont commencé. Nous avions, à l'époque, indiqué le montant des premières sommes détournées au nom du redressement fiscal. Le Lynx avait même donné le numéro des chèques qui avaient servi à sortir l'argent. Une petite misère de un milliard 63 millions de francs qui ont glissé dans des caisses et des greniers de fonctionnaires et hommes d'affaires, ou les deux à la fois, qui peuplent notre paysage économique. Un total général qui avoisine 1 500 000 FG.

Deux hauts fonctionnaires avaient été principalement mis en cause. Le premier, Ly Bocar, secrétaire général de Friguia, avait été accusé d'avoir joué un rôle majeur dans l'opération. A un moment donné, son cas ressemblait un peu à celui de « Kaba Laye m'a dit », dans les années sombres de la révolution guinéenne. Ly Bocar qui se trouvait alors aux Etats-Unis, avait été tellement « chargé » que presque personne en Guinée ne s'attendait à son retour. Ly revient. De l'aéroport de Gbessia, il se rend à la Cocoteraie. Il rencontre Fory Coco "en direct". Il sort avec une protection rapprochée, si efficace que ni les gendarmes envoyés par le Ministère des Mines dont il relevait, ni la police judiciaire, qui avait enregistré une plainte contre lui, n'ont pu mettre la main sur lui. Il fait de va-et-vient des plus discrets entre Conakry et sa Dinguiraye natale… et frontalière. Pour un moment.

L'autre haut fonctionnaire accusé d'avoir joué un rôle-clé dans le détournement de un milliard soixante trois millions de francs guinéens (1 063 000 000 de francs guinéens) au préjudice de Friguia, s'appelle Sidy Mouctar Dicko. A l'époque Directeur National des Impôts, relevé de ses fonctions depuis. M. Dicko a été régulièrement convoqué par les services de police et aux dires de certains, il a, à un moment donné, craint pour sa vie. Il a discrètement quitté le pays par l'Aéroport International de Conakry Gbessia, pour une destination qui n'avait pas été révélée. Au retour de Ly Bocar, Sidy Mouctar Dicko a pris la décision de rentrer au pays. Comme Ly, il est allé à la Cocoteraie dire bonjour et peut-être autre chose à Fory Coco. " En direct " également. On ne fera pas de jaloux, puisqu'il en sortira avec une protection rapprochée.

Il y avait un troisième absent. M. Jean Jacques Grenier, le Grenier de Getma chez qui est tombée une bonne partie du fric. M. Grenier a eu des problèmes pour sortir du pays et aller souffler un peu. « Des amis » ont du appuyer sur un bon bouton pour obtenir sa sortie. Surtout qu'en matière de remboursements, il s'était fait passer pour un champion. Une bonne partie du fric a été remboursée dans cette période de convocations, de silence, d'attente et d'incertitude.

Aujourd'hui, les choses semblent prendre un contour précis. Après les incertitudes sur la fin de la « Commission Hervé », l'on a tout l'air d'avoir commencé, ou recommencé, par Friguia.

Le jeudi 23 septembre, ce sont les premières grandes arrestations que l'on a vues. Au Tribunal de Première Instance de Conakry I, l'on a embarqué ceux que l'on a accusé d'avoir monté l'opération du milliard de Friguia:

Au moment où nous mettions sous presse, tout Conakry parlait de la manière dont se serait opérée l'arrestation de Dicko. On l'aurait vu, les mains au dos, « propulsé » dans une Jeep. Selon des informations non encore confirmées, on aurait convoqué un à un, à peu près au même moment, les accusés de l'affaire Friguia au Tribunal de Conakry I. Ils seraient venus un à un. Quand ils sont arrivés, on leur aurait signifié leur arrestation par un mandat d'arrêt que Mouctar Dicko n'aurait pas pris. Quand il est sorti du tribunal pour se diriger vers sa voiture, les agents auraient « forcé la situation » pour le mettre dans la Jeep. Direction Maison Centrale de Conakry. C'est certainement le premier acte. Et la première fournée.

Diallo Souleymane


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