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Presse écrite
La Lance

N° 150 — 3 novembre 1999


Rencontre Jean-Marie Doré/Président Conté !

Fortement médiatisé par l'ORTG, le face à face Lansana Conté/Jean-Marie Doré (UPG) a été diversement interprété dans l'opinion publique. Les reporters de LA LANCE ont recueillis ici et là, les avis des la classe politique. (Suite et fin)

Alpha Saliou Wann, Secrétaire Général de l'UFD

Les volte faces de M. Doré ne surprennent plus personne. Seulement le moment est mal choisi pour qu'il se jette sous les pieds du Général Conté. Cela permet entre autre de détourner l'attention de l'opinion sur la souffrance des Guinéens qui sont obligés de se déplacer à pied et affronter la flambée des prix des denrées de toutes sortes à Conakry. En considérant le chef de l'Etat comme le père de famille et ses opposants des enfant turbulents, il ne fait pas honneur à la classe politique guinéenne. Nous ne sommes pas dans une famille avec un chef tout puissant et des enfants obéissants, mais dans un système politique avec des règles de jeu à respecter par tous les acteurs. Cela dit, le chef de l'Etat doit comprendre que nous ne sommes pas non plus dans un régime de droit divin et que l'aspiration de tout opposant à accéder au pouvoir est légitime. L'alternance au pouvoir par les élections est prévue par des textes de lois. Nous entendons beaucoup parler des politiciens tenaillés par l'envie d'aller à la soupe du pouvoir. Ils jettent de la poudre aux yeux des Guinéens en parlant de la nécessité du consensus, du dialogue etc… Nous ne sommes pas de ceux-là. Le pays n'a pas besoin d'un consensus mou des élites politiques sur le dos des populations. Nous pensons simplement qu'il faut une clarification du paysage politique. Que le pouvoir et sa mouvance gouvernent et que l'opposition critique l'action du gouvernement tout en proposant bien sûr une autre alternative au pays. Que chacun joue son rôle dans le respect des lois de la République est de loin préférable aux discours ambiguës et démagogiques. Nous avons suffisamment de problèmes à résoudre. Notre pays traverse une période de manquements graves aux libertés publiques et individuelles, de risques d'explosions sociale et politique. Comment peut-on expliquer que le Président du RPG, Pr Alpha Condé croupisse encore en prison sans être jugé depuis le 15 décembre dernier ? Qu'on reconnaisse officiellement le bourreau en gardant dans l'anonymat ses innombrables victimes? Il ne faut pas compter sur nous pour lancer des fleurs au Général Conté qui tient en ce moment un discours radicalement différent de celui d'avril 1984. Si les privations actuelles continuent, c'est le souvenir douloureux de “cheytane 75” qui nous reviendra en mémoire. Le président doit faire face d'urgence aux problèmes socio-économiques du pays. Qu'il désavoue ceux qui comme dans l'ancien régime voient partout des comploteurs lorsque des problèmes concrets des guinéens sont posés. En commençant par vendre aux enchères les 4x4 qu'ils utilisent alors qu'ils n'apportent pratiquement rien au pays et que le produit de ces ventes servent à acheter des bus pour les élèves et étudiants. Qu'il donne des instructions à son ministre des Transports pour que ce dernier reprenne le dossier de l'ex SOGETRAG ou tout autre projet de société de transport collectif urbain. En suite, nous ne comprenons pas pourquoi quelques éléments de l'Armée tirent sur de jeunes innocents sans qu'il ne réagisse. Nous n'entretenons pas une armée pour qu'elle tire sur nos enfants. C'est de ça qu'il faut parler en ce moment.

Sidy Diarra ( UPR )

Moi je suis pour l'ouverture. Je suis pour le dialogue, mais le dialogue doit se faire sur une base précise. Je pense qu'on parle un peu trop de la paix en Guinée. Mais on ne parle pas suffisamment du prix à payer pour avoir la paix, ou pour maintenir la paix. Si le régime de Lansana Conté s'ouvre aux règles démocratiques de l'alternance, qu'il organise des élections correctes, qu'il cesse de tirer sur des populations paisibles. S'il accepte donc, de jouer le jeu, je pense qu'on doit pouvoir accepter de discuter avec lui. Mais quand on va discuter, on doit discuter sur des points précis. On ne va pas pour dire je suis d'accord avec un tel. On va pour dire voici, ce qui nous oppose. Et voir comment on peut résoudre ça. Tant qu'on ne définira pas clairement ce qui nous oppose, que chacun fasse un effort pour qu'on puisse se rencontrer, on ne va pas se rencontrer. Si tu prends le fonctionnement de l'Assemblée, les députés sont à la merci de n'importe quel petit préfet. Les candidats aux élections présidentielles peuvent être arrêté pendant le processus électoral, maintenus en prison sans jugement, au delà du raisonnable. Je dis que nous devons discuter de tous ces problèmes là.

Mohamed Sacko (député PDA)

En ce qui concerne l'audience que le président de la République a bien voulu accorder à Jean Marie Doré, c'est une logique. Il a suivi une démarche qu'il a entreprise il y a très longtemps. Par ce qu'il a voulu ressembler tous les faits pour avoir un forum de concertation. A l'époque qu'il il a saisi la CODEM, la CODEM a dit non! Concertation dialogue avec qui. Nous tenons à ce que le Chef de l'Etat s'implique, parce qu'en fait son parti est un rassemblement de hauts cadres de l'Etat. Donc ceux qui se réclament de la mouvance sont des clients. C'est pourquoi, nous, nous avons dit qu'il faut que le Chef de l'Etat s'implique dans le dialogue. la démarche de Jean Marie Doré, moi, personnellement j'apprécie cela. La réponse du Président de la République n'était pas claire. Nous devons nous battre pour prendre au rebond l'accord du président, en disant qu'il est pour le dialogue en faisant des propositions concrètes. Parce qu'il a beaucoup insisté sur l'intérêt de la nation et des Guinéens, et non dans l'intérêt du Chef de l'Etat ou d'un parti politique.

El hadj Sékou Tounkara, député PUP-PCN, président de la commission des lois à l'Assemblée Nationale.

Je considère Jean Marie Doré comme un homme pragmatique. Il voit toujours les choses comme il faut les voir. Il a pris la situation par le bon bout. on ne peut pas défier le père fondateur de l'Etat de droit en Guinée et dire qu'on fait des choses constructives. Pour construire quelque chose, il faut toujours lui donner la main pour partir d'un même pied avec lui. Ce qui se passe aujourd'hui en Guinée c'est un peu paradoxale, parce qu'on nie l'évidence. S'il n'avait pas ouvert ce pays au dialogue à la concertation, je crois que beaucoup aujourd'hui seraient de l'autre coté de la frontière. Maintenant qu'ils soient à l'intérieur du pays, ils osent dire tout ce qu'ils veulent, qu'ils briguent même son fauteuil; c'est déjà un pas important. Nier cela, c'est renier histoire. C'est regrettable que certains le font, mais je pense que Jean Marie Doré a pris la situation par le bon bout. Je le considère comme un patriote averti et j'espère que beaucoup suivront son exemple pour décrisper une situation artificiellement crispée en Guinée.

Panel réalisé par Sanou Kerfella Cissé