La Lance. N° 156 — 15 décembre 1999
On n'aurait pas tort de dire que l'année qui s'achève a été marquée par d'exécrables scandales financiers qui ont éclaboussé le Ministère de l'Economie et des Finances ainsi que celui des Mines, de la Géologie et de l'Environnement. Ici et là, d'importantes sommes d'argent évaluées à plusieurs milliards de nos francs, ont été volées au préjudice de l'Etat et ont permis à quelques énergumènes d'acquérir en Guinée et ailleurs, terrains, villas et appartements. Ces scandales font l'objet aujourd'hui d'un "déballage" qui discrédite tous les protagonistes, mais aussi et surtout le pays et son gouvernement.
Le Rapport Hervé Bangoura, relatif à ces scandales, est désormais controversé. Le Ministre des Mines qui est y mis en cause le qualifie de tissu de mensonges et d'amalgames, cousu de simples jugements de valeurs. Qu'importe ! Le délit a été commis, constaté. Le Ministre des Mines a confié lui-même à la presse que les malversations porteraient non pas seulement sur 1 063 000 000 de FG, mais plutôt sur près de 6 milliards FG. Quelle indécence dans un pays aussi pauvre que le nôtre qui ne peut concourir qu'à hauteur de 20% de ses dépenses d'investissement. A mon sens, ce qui est à présent préoccupant ce n'est plus de savoir qui a volé combien de milliards, mais c'est la facilité, l'insouciance et l'impunité avec lesquelles les prévaricateurs agissent. S'il était bon de connaître les noms de tous ceux qui de près ou de loin ont participé à la dilapidation des biens sociaux, il convient dorénavant de focaliser les débats sur la malgouvernance qui constitue la pierre d'achoppement de nos efforts pour la quête d'un mieux être. On aurait pu construire et vendre à crédit aux travailleurs de Friguia, avec 1 063 000 000 FG extorqués à cette société environ, 26 logements décents. Avec cette même somme on aurait pu doter la préfecture de Fria de 35 écoles de 3 classes, à raison de 30 millions/école. Mais quelques individus, riches de fraîche date et conséquemment avides de tous les signes extérieurs de puissance (argent, villa, voiture, grand boubou, arrogance, etc…) ont préféré s'en approprier afin d'en jouir seuls. Aussi, lorsque l'on sait que les ONG et les groupements dans lesquels se rassemblent les couches les plus précarisées des populations du pays afin de bénéficier, auprès des bailleurs de fonds, d'appuis financiers, n'est-ce pas alors entre 600 de ces associations que l'Etat aurait pu répartir les 6 milliards FG dont parle le ministre des Mines? En d'autres termes, ce sont 18 ONG et groupements par préfecture qui auraient bénéficié de 10 millions FG pour entreprendre des activités génératrices de revenus.
Depuis 1958, les performances des différentes Républiques sont demeurées désespérément dérisoires, voire nulles en matière de construction de logements sociaux. Cette lacune dans la gestion de l'Etat a accentué concomitamment la vulnérabilité des plus pauvres et la concussion. L'Etat a souvent évoqué notamment à partir de 1984, l'insuffisance de ses ressources financières pour justifier l'absence de politique de logement. Les scandales en cours et la frénésie que l'on observe dans le pays en matière de construction de logements de haut standing par les particuliers ne semblent guère corroborer ce qui précède. Ce qui fait défaut, c'est certainement l'esprit créatif mais aussi et surtout la volonté et le patriotisme. Par ailleurs, la prestation de serment des Ministres devant le chef de l'Etat, a-t-il encore un sens? Le vol et l'indiscrétion que l'on a voulu enrayer, se poursuivent avec la même vigueur d'antan. Avec les scandales des Ministères des Finances et des Mines, c'est la malgouvernance qui est mise en exergue. Comment tant d'hommes aussi indélicats ont-ils pu occuper différents postes sensibles dans l'Administration publique ou privée? Comment Bocar Ly, un homme à système selon le Ministre Fassinet Fofana, est-il parvenu au poste stratégique de Secrétaire Général de Friguia, à un moment critique de la vie de la société ? Aussi graves et aussi honteux qu'ils soient, les scandales qui défraient actuellement la chronique ne sont que des manifestations de la malgouvernance qui entrave le développement. Il faut espérer que la justice dénoue l'écheveau de ces scandales et que tous les fautifs soient punis de la sanction qu'ils méritent.
Kayoko Doré
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