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Presse écrite


Scandales financiers
Le cas singulier de l'Anaim …

L'Indépendant N° 151 — 29 novembre 1999


Rompant le silence qu'il avait observé jusqu'ici au sujet des affaires qui minent son département, le ministre Facinet Fofana a donné, coup sur coup, deux interviews à la presse privée. Celles-ci éclairent, d'un nouveau jour, les informations que nous avons de ces tristes, détestables et intolérables gymnastiques financières. C'est tout au mérite de son Excellence de s'être prêté à ces dialogues qui devraient être érigés en institution.
Comme il doit le deviner, nous avons lu avec grande attention ses réponses, pleines d'alan et parfois d'acrinomie, où la volonté de convaincre sourd à chaque bout de phrase. Alors, qu'il nous permette donc de relever certains points et passages pour les enrichir à la lumière des information en notre possession.
Nous commencerons par le “compte off-shore” qui nous amènera à aborder les relations Etat de Guinée-Compagnie des Bauxites de Guinée (Cbg). L'Agence Nationale d'Aménagement des Infrastructures Minières (Anaim) est née en 1994 des cendres de l'Ofab (Office d'Aménagement de Boké). Créé sous la première république, bien avant la Cbg, l'Ofab était chargé de l'aménagement des infrastructures de la future Cbg.
Les installations (Port, Cité, Hôpital et Chemin de Fer), dans lesquelles évoluent présentement la Cbg, ont coûté 355 millions de dollars américains, obtenus par la Guinée sous forme de prêts de la Banque Mondiale, avec la garantie financière de Halco, sa partenaire dans Cbg.
Ce prêt a été entièrement épongé en octobre 1992, faisant ainsi de la Guinée l'unique propriétaire de toutes les installations. C'est le lieu de rendre hommage à tous ceux qui ont permis le respect scrupuleux de nos engagements.
Avant de revenir à l'Anaim, il est nécessaire d'éclairer la religion de nos lecteurs sur la réalité des comptes. Il existe bel et bien un “Compte Off-Shore”. Il est bel et bien domicilié à San Francisco. Il est chargé de gérer les soldes des démeurrages et des surestaries enregistrés par les différents bateaux au port de Kamsar.
Lorsqu'un bateau accoste au port de Kamsar et qu'il et chargé avec célérité c'est à dire rapidité, l'armateur accorde un bonus au port et lui paie une indemnité. C'est ce que l'on désigne sous le vocable de “démeurrage”. Par contre, lorsqu'un bateau enregistre du retard dans le chargement, l'armateur inflige un malus au port et le frappe d'une pénalité. C'est ce malus, cette pénalité que l'on désigne sous le substantif “surestaries”.
En fin d'année, le compte “Off-Shore” fait le bilan des démeurrages et des surestaries. Si le bilan est positif pour le port, Cbg utilise cette somme pour l'entretien des quais et le dragage des eaux portuaires de Kamsar.
Ce compte n'est pas important. Il est dérisoire même. Mais il existe tout de même.
Il existe aussi un autre compte, domicilié à la Bank Of America, de Pittsburg. Il enregistre les loyers que Cbg paie à l'Etat, au travers de l'Anaim, pour l'utilisation des infrastructures appartenant à l'Etat. Les loyers annuels s'élèvent à quinze (15) millions de dollars américains. Puisque cet argent revient à l'Etat guinéen, ce compte aurait dû être ouvert à Conakry et l'argent versé au trésor. Pourquoi n'avoir pas agi ainsi ?
A quoi devrait réellement servir cet argent ? A l'aménagement de nouvelles infrastructures minières.
Depuis cinq ans (1994-1999), aucun aménagement n'a été opéré. Dans ces conditions, il serait intéressant de révéler au peuple le montant des avoirs dans le compte afin que l'Etat puisse l'utiliser, ne serait-ce que pour franchir ce fichu gap de onze (11) millions de dollars américains, qu'il tente vainement de réunir depuis bientôt neuf mois et qui conditionne la poursuite du programme du FAS-R. Le Ministre peut-il confirmer si des marchés de gré à gré ont été accordés à des bureaux d'études pour une valeur de 3 à 4 millions de dollars américains ? Est-ce vrai que ces marchés sont payés selon un code que seul lui-même détient. Est-il vrai que les études commandées, tel le chemin de fer, le transguinéen, le barrage de Souapiti-Kaleta, existaient déjà et qu'il s'agissait tout juste de les réactualiser ? N'est ce pas l'une des raisons du blocage actuel et total de la Société des bauxites de Tougué (Sbdt) ?
Or, selon le code des activités guinéennes, aucun marché ne peut être conclu de gré à gré au-delà d'une valeur de 50 millions de FG. Au-dessus, il faut lancer obligatoirement un appel d'offres. Monsieur le Ministre est-il au courant de ces dispositions légales ? Pourquoi les avoir alors omises ? Un audit est nécessaire pour que tout le monde soit édifié. Et comme M. Le ministre en a le goût, qu'il nous fasse donc le plaisir de faire celui-là et d'en publier les résultats. Au plus tôt.
Revenons à l'Anaim. M. Facinet Fofana estime que grâce à son excellente gestion du département des mines, il peut se prévaloir d'être bien introduit dans le cercle fermé des investisseurs miniers. Cela est si juste qu'aujourd'hui toutes les sociétés minières sont à l'agonie.
C'est pourquoi la Société des bauxites de Kindia (Sbk) doit trois (3) milliards de FG à la Société Générale de Banques d Guinée (Sgbg) présentement n'est-ce pas ? N'a-t-on pas découvert récemment un trou de trois (3) milliards au niveau de la Cbg ? N'est-ce pas que le dossier est en instruction au tribunal de Mafanco ? Son Excellence se prévaut d'idées novatrices. Soit ! Mais est-il exact que les revenus miniers ait régressé de 190 millions de dollars/an à moins de 90 millions ?
Monsieur le Ministre soutient avoir commandité l'audit. Ne serait-ce pas plutôt une décision du Conseil d'administration après qu'il ait exprimé son étonnement devant les distorsions dans les données comptables de Friguia, lors de sa réunion de Bruxelles ?

J.B. Kourouma


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