N° 2016. 31 — août-6 septembre 1999. p. 25
Biro Diallo. Le franc-parler du président du Parlement guinéen n'est pas toujours du goût du parti au pouvoir... dont il est issu.
« Que nous réserve encore le vieux Biro ? » C'est la question que se posent le Guinéens à la veille de chaque rentrée parlementaire. El-Hadj Boubacar Biro Diallo a, en effet, l'habitude de profiter de ces moments solennels, suivis par le corps diplomatique, accredité à Conakry, les membres du gouvernement et l'ensemble des observateurs nationaux et étrangers, pour marteler ses vérités. Ce qui n'est pas toujours du goût du parti au pouvoir, dont il est issu.
Lorsqu'en 1995, à l'issue des premières élections législatives pluralistes remportées par le Parti de l'Unité du Peuple (PUP), le Général Lansana Conté, président honoraire dudit parti, recommande, contre vents et marées, l'élection de l'ancien secrétaire général du mouvement à la présidence de la nouvelle Assemblée, il sait mieux que quiconque oł peut conduire le tempérament de l'homme, mais tient à récompenser ce natif de Mamou, en Moyenne-Guinée, pour les services rendus. Dans cette région peule traditionnellement hostile au pouvoir, le vieux Biro avait réussi à rallier nombre de ses parents à la cause du chef de l'Etat, à l'occasion de la présidentielle de 1993.
Sitôt au perchoir, le septuagénaire a choisi la voie de l'indépendance et de l'ouverture. Il n'hésite pas, lors du procès des soldats mutins de 1996, à s'élever contre les tortures subies, à l'en croire, par les militaires lors de leur détention. Régulierèment, dans ses discours, il fustige les atteintes aux libertés et appelle à une gestion plus rigoureuse des finances publiques. Invité en mars dernier par son homologue burkinabe à assister à la rentrée parlementaire, il dénonce, dans la presse locale, les « fraudes établies » ayant, selon lui, émaillé la dernière présidentielle, dont les résultats ont été violemment contestés par l'opposition. Il n'en fallait pas plus pour provoquer la colère des responsables du parti au pouvoir, qui parlent de traitrise, appelant le vieil homme à rendre son tablier. Peu avant le scrutin de décembre dernier, l'actuel secrétaire general du PUP, Abou Somparé, décidait de le suspendre de ses fonctions au sein du parti, à défaut de l'exclure, le Général Conté s'y etant opposé.
Pour nombre de militants du PUP, la discordance de voix entre le président du Parlement, deuxième personnage de l'Etat, et le président de la République, est une marque de la vitalité de la démocratie guinéenne.
« C'est parce que la Guinée est un Etat de droit que Biro peut se permettre de telles libertés. Ailleurs, on l'aurait contrait à démissionner, et sa sécurité aurait été menacée. Ce n'est pas le cas chez nous. Biro dit ce qu'il veut, critique le pouvoir, prend fait et cause pour l'opposition sans être nullement inquiété. »
soutient un député du parti au pouvoir. Un de ses collègues va plus loin :
« La Constitution guinéenne a consacré la séparation des pouvoirs. L'exécutif n'a aucun moyen de faire pression sur le législatif. Le chef de l'Etat ne peut mettre fin aux fonctions du président du Parlement, qui est élu pour toute la durée de la législature. Tout au plus peut-il dissoudre l'Assemblée et organiser de nouvelles élections dans l'espoir de disposer d'une majorité plus confortable. »
Pour Biro Diallo, qui se définit comme « un démocrate au-dessus de la mêlée, luttant contre les ennemis de Lansana Conté, dans l'intérêt supérieur de la Guinée » , l'heure n'est guère aux discussions sur une éventuelle démission. A 74 ans, l'ancien importateur de riz a foi en son étoile. Il est convaincu d'avoir encore un rôle à jouer sur la scène politique. Au moins jusqu'à la mi-2000, date de la fin de l'actuelle législature.
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