Editions Jeune Afrique. Collection Plus. Paris. 1985. 215 p.
Mamadou Traoré, soixante-huit ans, plus connu sous le nom de guerre — et de plume — de Ray Autra, vit depuis une bonne douzaine d'années en exil. Comme tant d'autres Guinéens ! S'il en est venu à se consacrer à son œuvre littéraire, on ne peut oublier que, tour à tour syndicaliste et chercheur, diplomate et enseignant, il a été aussi un militant du Rassemblement démocratique africain (RDA), l'un des fondateurs de sa section guinéenne… et condamné à mort par la grâce de Sékou Touré. Pourtant, c'est à l'administration coloniale qu'il a eu tout d'abord à faire, avec une pléiade d'autres Guinéens sortis de l'école William Ponty de Dakar : instituteurs, médecins ou commis d'administration… Ray occupera ainsi de 1951 à 1956 deux postes au Niger puis au Dahomey (futur Bénin), avant de rentrer en 1957 à Conakry pour se mettre à la disposition de son pays.
Ray Autra a acquis une stature africaine : il est secrétaire général adjoint de la Fédération des enseignants d'Afrique noire : secrétaire aux revendications de l'Union générale des travailleurs d'Afrique noire (UGTAN). Comme il refuse d'être mis à la disposition du haut commisaire de l'AOF, Sékou l'envoie enseigner à Boffa, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale.
Ce différend, dit Ray Autra, expliquera plus tard le « complot » des enseignants de novembre 1961, qui me vaudra d'être condamné à dix ans d'emprisonnement par une « haute cour de justice » crééepour la circonstance. Sentence qui, par la suite, deviendra condamnation à la peine capitale. Les syndicats d'enseignants du monde entier ont protesté. J'ai été « adopté » comme prisonnier d'honneur par Amnesty Internationale en 1964.
Face à ces pressions, Sékou a cédé et m'a nommé ambassadeur à Alger. J'y ai trouvé les caisses vides et eu 400 étudiants guinéens au Maghreb sur les bras. Des ministres de Sékou s'étaient servi sur le budget de l'ambassade qui disposait de vingt-deux comptes bancaires. Assisté de l'inspecteur Oury Missikoun Diallo, j'ai pu dévoiler le détournement : 125 millions de F CFA. Conséquence : tandis que j'étais rappelé à Conakry, Oury fut arrêté et jeté en prison. Il y fera un séjour de cinq mois. Pour ma part, après une attente de six mois, je suis affecté au collège technique de Kindia, où j'aurai sur le dos tous les dignitaires locaux auxquels je refusais de fournir des services gratuits. Je suis ensuite muté dans un patelin plus éloigné, à l'école normale de Koba. Mais Sékou Touré m'a tiré de là pour m'envoyer comme bibliothécaire à l'OERS (Organisation des Etats riverains du fleuve Sénégal) à Dakar.
Quand j'ai quitté Conakry le 17 novembre 1970, je ne me suis pas douté que toute l'histoire de la Guinée allait basculer cinq jours plus tard, après le fameux débarquement du 22 novembre. Lors des procès qui s'en suivirent, j'ai appris avec stupéfaction que j'étais l'un des instigateurs de l'opération et qu'en cas de succès j'aurais été ministre de l'Information. En janvier 1971, lors d'une conférence de l'OERS à Bamako, j'échappe de justesse à un enlèvement. Peu après, le secrétaire général de l'OERS me confie une mission à Conakry. Je la refuse, sachant quel sort me serait réservé au Camp Boiro. Quelques mois plus tard je reçois un message signé de Saifoulaye Diallo, alors ministre des Echanges, m'affectant à l'Institut national de la recherche et de la documentation de la Guinée (INRDG). J'ai évité le traquenard en rompant définitivement avec le régime guinéen.
Ray Autra vit du secours de sa fille aînée avant de percevoir des indemnités de l'OERS. Il fait l'achat de livres anciens et dresse des catalogues qu'il « commercialise » dans les pays anglo-saxons et en Allemagne fédérale. Puis, il est chargé de recherches en anthropologie culturelle à l'Institut fondamental d'Afrique noire (IFAN) à Dakar. Et maintenant, a-t-il l'intention de rentrer en Guinée ?
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Fulbright Scholar. Rockefeller Foundation Fellow. Internet Society Pioneer. Smithsonian Research Associate.