Paris. Présence Africaine. 1958. 175 p.
L'indépendance acquise, la république proclamée, la Guinée, en dépit des rancoeurs suscitées par l'unanimité de son vote libérateur deviendra l'une des premières nations d'Afrique, c'est la la volonté exprimée au cours de la première conférence tenue depuis l'indépendance le 26 octobre [au cinéma Vox, ndlr webGuinée], à Conakry par le R.D.A. de Guinée.
Camarades,
Comme vient de le proclamer le président de ce meeting, notre ami Diallo Abdoulaye, aujourd'hui nous sommes une Nation Indépendante, un Etat souverain ; nous venons de changer de route et nos fusils changeront de direction. Nous venons d'effacer de l'histoire de notre pays, l'humiliation, l'exploitation, l'indignité qui caractérisaient jusqu'ici la domination, de la Guinée par une autre puissance, qui assujettissait notre volonté à une volonté externe. Depuis le 2 octobre le Nouvel Etat de Guinée a pris sa place sur la liste des Nations Indépendantes et souveraines, avec l'espoir, que la somme de volontés, la somme de richesses et toutes les potentialités que représentent l'homme de Guinée, le sol et le sous-sol de Guinée, permettront de combler toutes les espérances nées dans le coeur de tous les démocrates du monde, et en particulier de tous ceux qui habitent la terre de la Nation Guinéenne. Nous nous trouvons réunis aujourd'hui, pour tenir notre premier meeting sous le signe de lindépendance totale. Nous tirerons d'abord, les leçons de notre accession à la totale souveraineté, pour faire le point de la situation créée par notre inlassable volonté de libération et de bien-être.
Le Général de Gaulle a offert aux populations d'Outre-Mer une option sans équivoque : rester dans la dépendance française, sous une forme nouvelle, appelée communauté en acceptant la constitution qui nous a été présentée ou bien accéder à l'indépendance nationale avec ses conséquences ; nous ajoutons, « avec ses avantages ». En rejetant la Constitution, le Parti Démocratique de Guinée, la Section P.R.A. et tous les mouvements démocratiques ont opté pour l'Indépendance, estimant que ce choix était le seul choix conforme à l'évolution historique des peuples. Les autres territoires n'ont pas pu se défaire de l'affreux complexe de dépendance, lequel fait croire aux colonisés dit « évolués » que, sans la France, le confort auquel ils ont été habitués leur manquerait inévitablement. En dernière analyse cette attitude révèle un égoisme cruel car le paysan noir accédant à l'Indépendance n'avait quant à lui rien à, perdre, sinon une partie de sa misère et de son humiliation.
Le choix de la Guinée a donc été un choix africain, en ce qu'il, a traduit les aspirations profondes de nos populations, mais ce choix a été aussi un choix historique en ce qu'il a été fidèle à la tradition de lutte des meilleurs fils de l'Afrique pré-poloniale : El-Hadj Omar à Médine, Bâ Demba se faisant sauter dans sa poudrière de Sikasso, Béhanzin avec ses amazones, Alpha Yaya, l'Almamy Samory, luttant pendant dix-huit ans contre la colonisation trancaise ont incarné toute l'âme de la résistance africaine et ont toujours préféré la mort à l'esclavage.
Ces héros dont nous restons fiers doivent au cœur de leur nuit éternelle être fiers, aussi du peuple de Guinée, car nous avons vénéré leur mémoire en parachevant dans la paix l'œuvre glorieuse qu'ils avaient entreprise.
L'Indépendance est un mot plein de noblesse, l'Indépendarice est sacrée, parce quelle doit naître dans les esprits le jour même où la domination étrangère s'installe dans un pays, c'est-à-dire que la vocation africaine à l'indépendance n'est pas née aujourd'hui, elle est née le jour même où une puissance étrangère a extorqué aux populations africaines le droit d'exercer les attributs de leur totale souveraineté. Le peuple guinéen a relevé au nom de l'Afrique entière le flambeau de la Liberté. Il ne tombera plus jamais. Les responsables politiques des autres territoires ont beau tourner et retourner tous les néologismes d'interdépendance et de communauté égalitaire et fraternelle, ils seront obligés, s'ils veulent parler au nom de l'Afrique coloniale, au nom de l'Afrique qui souffre, au nom de l'Afrique divisée, ils seront obligés de lutter sur le terrain de l'Indépendance comme l'a fait la Guinée. Au cours de la campagne du Référendum au Soudan comme dans d'autres territoires, des hommes politiques engageaient les populations à voter « OUI » pour avoir l'Indépendance et ensuite, disaient-ils, nous continuerons à lutter comme nous l'avons toujours fait pour conquérir plus de liberté. Peu importe le sophisme de cette déclaration, le fait politique est qu'on a fait voter « OUI » aux populations Soudanaises, Ivoiriennes, Voltaiques, et Sénégalaises, en leur faisant croire quelles prenaient leur indépendance aujourd'hui ; ces populations attendent, le miracle, demain elles risquent de se révolter contre les auteurs de cette mystification.
Le Parti Démocratique de Guinée a préféré se prononcer courageusement et calmement dans la voie que lui dictait sa mission historique de lutte anti-colonialiste. Le vote de la Guinée a sauvé la dignité de l'Homme d'Afrique mais il a aussi suscité de vives jalousies frisant parfois la haine ; c'est ainsi qu'on tente de nous isoler oubliant que la Guinée, comme nous l'avons solennellement proclamé le 2 octobre, est un morceau vivant de l'Afrique Noire. Le Ministre français Houphouet-Boigny sombre de plus en plus dans la léthargie politique et affirme partout qu'il n'y a pas de problème politique en Afrique. Après avoir présidé à la naissance de l'O.C.R.S. (Organisation Commune des Régions Sahariennes), notre ancien camarade Houphouet-Boigny se fait aujourd'hui le champion du renoncement à l'Indépendance Nationale.
Engagé dans le processus de la soumission M. Houphouet-Boigny substitue peu à peu aux exigences réelles de l'Afrique les exigences du colonialisme français.
Car, en fait, les activités personnelles du Président du R.D.A. ont fait de notre grand mouvement d'émancipation un des meilleurs et des plus dociles instruments du colonialisme.
En refusant la réunion du Comité de Coordination du R.D.A. à Ouagadougou, le Président Houphouet-Boigny refusait que s'instaure une discussion claire et loyale du texte constitutionnel. En menant campagne en faveur de la Constitution avant même que le texte n'en soit publié, le Président engageait non seulement l'autorité du R.D.A., mais encore la volonté des populations africaines dont il confisquait la libre expression au profit de sa volonté propre.
On a dit voilà quelque temps déjà que le R.D.A. de la Côte d'Ivoire était différent du R.D.A. de la Guinée ; que l'un était favorable au régime colonial, tandis que le P.D.G. tendait à détruire ce même régime ; c'est bien dire par là qu'il existait et qu'il existe effectivement un R.D.A. de Guinée, le P.D.G., resté fidèle au programme anti-colonialiste du R.D.A. de 1946, et le R.D.A. de la Côte d'Ivoire. A l'extérieur, nous avons toujouris combattu l'affirmation de cette réalité dans le but de sauvegarder l'unité du Mouvement, mais nous ne pouvions plus continuer cette politique, sous peine de nous renier et c'est pour cela que le Parti Démocratique de Guinée a fait un choix décisif et définitif en ne se considérant plus comme section du R.D.A. Houphouet-Boigny. Le P.D.G. restera comme toujours le R.D.A. de Guinée et donnera. la main à toutes les formations politiques R.D.A., P.R.A.. ou autres résolument engagées dans la lutte pour l'indépendance totale de notre Continent.
Là est la voie de l'Unité Africaine, la seule voie qui soit acceptable parce qu'elle n'hypothèque pas l'avenir au profit d'un mythe, d'une unité irréalisable. Le Président Houphouet-Boigny veut faire l'unité de l'Afrique au niveau de la Côte dIvoire, or la Côte d'Ivoire n'est qu'une partie de l'Afrique qui ne saurait représenter toute l'Afrique. Le Parti Démocratique de Guinée, recherche lui, l'unité au niveau de tout le continent africain, et en particulier au niveau de l'Afrique de culture française, à savoir les groupes A.O.F.-A.E.F., pour accéder aux Etats-Unis d'Afrique de demain qui seront la manifestation éclatante de notre personnalité propre dans le concert des nations libres. Nous
n'attendrons pas que la volonté française nous conduise à cette réalisation par des compromis éternels. M. Houphouet-Boigny a lancé son premier défi au Ghana et à la Guinée, mais nous affirmons que c'est le Ghana et la Guinée qui ont déjà gagné le pari du siècle parce que le Ghana et la Guinée sont deux Etats Indépendants. Le Ghana et la Guinée ont gagné le pari du siècle en donnant à leurs peuples respectifs l'Indépendanre totale et la pleine souveraineté dans le calme et la dignité, dans l'unité et l'enthousiasme populaire et cela sans la moindre effusion de sang. Honneur au vaillant peuple de Guinée qui n'a pas cessé d'étonner le monde par sa maturité politique et son sang-froid sous la conduite éclairée de son parti qui a mérité de l'Afrique toute entière, en résistant courageusement aux menaces, aux pressions sordides des valets du régime colonial qui ont employé tous les moyens de pression, de chantage et de corruption, croyant encore que l'homme noir est comme de la percale que l'on peut se permettre de payer pour en avoir le bénéfice.
Ces actions menées dans la logique colonialiste se poursuivent maintenant sous une autre forme. C'est ainsi que depuis la proclamation de l'Indépendance de la Guinée, on fait circuler des bruits tendancieux avec l'intention délibérée de créer une psychose de peur défavorable à notre jeune République. Ne fait-on pas dire que les militaires et les retraités sont révoltés contre l'Indépendance en oubliant que ces militaires, ces retraités et ces anciens combattants ont accepté, pendant quinze ans, pendant dix ans, pendant cinq ans. les souffrances, les privations, pour la liberté et l'Indépendance de la France ! Seraient-ils devenus des animaux pour rejeter brusquement l'Indépendance de leur pays ? On continue de dire que les fonctionnaires ne seront pas payés, que le marasme économique s'installera dans le pays, que les boutiques vont fermer, que les entreprises vont fuir la Guinée, eh bien nous ne sommes pas prophètes, nous ne sommes que des hommes, des hommes qui savons que lAfrique a vécu en même temps que la France, car l'Afrique et la France font partie de ce globe né le même jour et ce globe disparaitra certainement le même jour. L'Afrique millénaire a vécu sans l'apport de la France, aujourd'hui elle veut l'apport de la France, mais si la France le lui refuse, elle pourra vivre comme par le passé, dans la dignité et dans la liberté. De toutes les manières jamais plus dans l'histoire la Guinée ne sera colonisée, que cela soit connu une fois pour toutes.
Quelles que soient les manoeuvres, quels que soient les procédés qui seront employés jamais la Guinée ne renoncera à son indépendance. Jamais non plus, la Guinée ne quittera ce sol qui est le sien et qui lui appartient tout naturellement.
Nous avons proclamé que les intérêts franrais seront sauvégardés dans ce pays, que tous les intérêts étrangers investis dans le pays bénéficieront d'une sécurité accrue, et que nous continuerons à faire appel aux capitaux français et étrangers pour parficiper à l'évolution économique et sociale de la Guinée.
Voilà la nouvelle forme d'indépendance nationale introduite dans ce pays. Nous avons dit qu'elle ne veut pas dire une rupture avec la France, quelle ne veut pas dire une cessation de collaboration avec la France dont la culture et la langue continuent à servir aux Guinéens. Mais nous pensons que la France n'a pas le droit d'être moins sensible à ses propres intérêts que les Guinéens.
Nous pensons que l'amitié des peuples, en dehors de leurs intérêts réciproques les plus immédiats, est un bien trop précieux pour le sacrifier au profit de motifs moins nobles ou de raisons moins avouables.
Dès notre indépendance, sans acrimonie, sans idée préconçue, sans arrière pensée, nous avons tendu la main à la France. Ce que nous voulions, ce que nous continuons de vouloir, c'est que des rapports nouveaux s'établîssent entre la nation française et la jeune nation guinéenne pour le plus grand profit des deux peuples.
Mais, si on ne veut pas saisir la main tendue par la Guinée, si par des manœuvres dilatoires on conduit la Guinée à se déterminer sans la France, la Guinée se déterminera sans la France, clairement, loyalement, et sans équivoque. Cela parce qu'aucune force au monde ne peut modifier le processus d'évolution et que c'est à l'accélération de ce processus que nous entendons utiliser notre liberté. C'est à cela que nous nous emploierons et c'est pour cela, aussi, que nous attachons un prix inestimable, un prix irremplaçable à l'entière liberté découlant de notre indépendante nationale.
Il est vrai que la notion de liberté a pour certains hommes politiques d'Afrique une étrange signification. Pour nous la liberté est absolue ou elle n'est pas. Nous ne saurions considérer comme telle la liberté du poulet se promenant sans entrave'dans les limites de la basse-cour car cette liberté là ne modifiera en rien la destinée qui lui est réservée. On peut considérer aussi la liberté du prisonnier circulant dans une cour de prison à l'intérieur d'un camp entre les murs d'une geôle. C'est là la liberté du condamné. A côté de cela il y a la liberté de la délivrance et de l'indépendance. C'est la liberté de l'épervier maître de son vol dans le ciel, c'est cette liberté là que le peuple de Guinée a choisie et dont le symbole vous a été présenté le 12 mai 1957 àla Constitution du premier gouvernement démocratique de Guinée. Souvenez-vous, ce jour là nous avons lâché au haut de la tribune officielle de Donka l'épervier qui avait été capturé par moi-même à Siguiri au cours de la campagne électorale de mars 1957. Cet épervier est le symbole de notre liberté car dans le ciel il ny a pas d'obstacle empêchant l'épervier de faire ce quil veut, d'aller dans l'orientation qu'il désire, de choisir la route conforme à ses intérêts et au besoin à la consolidation de son indépendance dans le ciel. Ce jour là, le carcan de l'esclavage a été brisé en Guînée, l'épervier libéré a puissamment volé jusqu'à l'horizon sous les acclamations de la foule enthousiaste de Conakry. Il vole encore dans le ciel d'Afrique, et, demain, toute l'Afrique sera libérée partout où l'épervier aura passé.
Mais c'est précisément au moment où nous acquérons cette liberté réelle que nos problèmes deviennent personnels, que nos espoirs et nos soucis nous reviennent en propre, que nous pensons nous-mêmes et que nous posons nous-mêmes les équations du devenir de la Nation Guinéenne.
Les solutions que nous leur trouverons seront à la mesure de notre conscience nationale, de notre dévouement désintéressé, de notre loyalisme envers nous-mêmes et envers notre pays. La nouvelle phase de notre évolution est essentiellement une base de travail et d'élévation morale dans notre vie quotidienne. A la ville comme à la campagne, au sein de notre parti, dont la suprématie sera plus que jamais affirmée, nous devons savoir que le travail politique dépasse à l'heure actuelle le cadre de la Guinée. Notre parti devient celui de tous les Africains épris de justice et de liberté ; nous veillerons plus que jamais à la santé morale, pour rayonner chaque jour davantage dans la voie de l'indépendance africaine.
La pratique constante de la démocratie et le respect de la vérité qui nous ont permis et qui ont permis aux cadres du parti de conduire la Guinée à l'indépendance sont au service de toute l'Afrique. Ceux qui ne voulaient pas voir briser le régime colonial en Guinée n'ont pas empêché cette République d'être reconnue aujourd'hui par 41
puissances étrangères.
Nous avons pendant la guerre, accepté pour la liberté de la France qui était alors sous domination étrangère, tous les sacrifices nécessaires. Au cours de cette guerre 39-45 des milliers et des milliers d'Africains sont morts pour sauver la liberté de la France ou pour qu'elle recouvre cette liberté. Nous avons accepté le rationnement du riz que nous produisions, nous avons accepté d'acheter le caoutchouc à 150 francs le kilog. pour le revendre au commerce français à 10 francs afin de sauver la France. Nous avons accepté à l'époque la réquisition de nos villas, de nos maisons, nous avons accepté toutes les privations, toutes les humiliations, tous les sacrifices, pour que vive la Nation Française, dans la dignité, dans la liberté, avec l'espoir que la liberté française conduirait à la liberté de notre pays, que la souveraineté reconquise de la France contribuerait à établir la souveraineté de nos pays.
Aujourd'hui, les Français qui restent dignes des sacrifices que nous avons
jusqu'ici acceptés pour la France sont ceux qui sont à nos côtés,
ce sont ceux qui, en France comme ici, militent et luttent pour la consolidation
des bases de lindépendance de la Guinée. Aujourd'hui aussi ceux qui
sont indignes de toute la somme des sacrifices consentis par l'Afrique pour que la
France vive dans la liberté, sont ceux qui en France comme en Afrique, sont
révoltés de voir la Guinée Indépendante, ce sont ceux
qui dressent sur la voie de la Guinée les embûches et les obstacles
afin de faire échouer l'expérience guinéenne qui est une expérience
africaine. Mais nous disons quant à nous, si nous avons été capables
de nous sacrifier et de tout accepter pour que la France vive, nous serons sinon
plus, mais au moins autant capables de tout accepter pour que l'Afrique vive pour
que la Nation Guinéenne vive.
Aujourd'hui, tous les partis démocratiques du monde, touts les centrales internationales et nationales syndicales du monde, toutes les organisations démocratiques de jeunesse et de femmes, jusqu'aux organisations apolitiques, religieuses, toutes ont adressé des messages télégraphiques, ou des mémoires, des lettres chaudes de sympathie, de fierté pour la naissance de la jeune République de Guinée. Parmi les puissances qui nous ont reconnu, nous pouvons citer les suivants:
Nous pouvons être fiers, qu'à 3 semaines à peine de la naissance de la République Démocratique de Guinée, tant de puissances souveraines du monde l'aient reconnue et lui aient tendu la main en vue d'une collaboration dans le domaine diplomatique, économique et culturel. Certes nous aurions souhaité voir la France fidèle à l'engagement
solennel pris par le Général de Gaulle, à Conakry,
engagement par lequel il affirmait qu'aucun obstacle ne serait fait à l'Indépendance de la Guinée, nous aurions souhaité voir la France reconnaître la première l'Indépendance de la Guinée et accepter la main tendue de la Guinée, mais la Guinée n'est pas isolée, elle ne sera pas isolée, soyez en certains ; en tout cas, quelle que soit la voie qu'elle empruntera la Guinée ne sera plus une colonie ; quelle que soit la voie choisie la Guinée conservera son indépendance et sa fierté. Des centaines de messages de sympathie affluent chaque jour du monde entier, mais nos adversaires sont loin de désarmer ; par la presse et la Radio, ils déforment les faits, ils inventent des difficultés dans lesquelles se débattrait notre jeune République.
On dit que nous mourrons de faim ici, qu'un bateau a été dérouté. Qu'ils déroutent le bateau, on est en train de faire la récolte du riz nouveau de la Guinée. Ils affirment également sans vergogne qu'en Guinée les prix montent en flèche, que le riz est à 250 francs le kilog que chaque jour meurent à travers les guerres raciales 200 à 300 personnes, on fait tous les romans imaginaires, que seul Satan a la faculté d'inventer. Cela est sans importance car la Guinée
continuera son chemin, le chemin qu'elle s'est choisi, le chemin de l'honneur
africain.
Nous disons donc que la Guinée a toutes les chances de réussir. La première de toutes, c'est son unité politique, et le miracle guinéen a été de démontrer que si dans toutes les parties de l'ancienne Union Française, en France, aux Antilles, à Madagascar, en A.O.F. et en A.E.F., chaque parti a été divisé en plusieurs tendances, chaque organisation syndicale a été divisée, la Guinée a réalisé le miracle de l'Unité.
Tous les Guinéens, et quand je dis Guinéens, ce ne sont pas ceux que le hasard a fait naitre en Guinée, ce sont ceux qui ont l'âme de la Guinée, la fierté de la Guinée, l'ambition de servir l'Afrique et la Démocratie, tous ceux-là se sont trouvés unis dans un même front syndical et politique ; ils se sont liés pour un même combat dont la victoire a ouvert le champ des grandes espérances en un avenir lumineux. Je sais que malgré la force duu P.D.G., le régime colonial croyait que nos frères du P.R.A., nos frères d'autres organisations syndicales que l'U.T.G.T.A.N. auraient accepté la corruption pour essayer de légitimer ce qui était envisagé pour la Guinée et dont nous avons connu la réalité dans la campagne électorale au Niger : la fraude, la brutalité,
la force, l'imposition.
La victoire est celle de ces Guinéens qui ont placé les destinées du pays au-dessus de tout, alors qu'ils étaient divisés par des morts, par de nombreux prisonniers, par les injures les plus blessantes, par 12 années de lutte féroce. Le peuple de Guinée a su dominer tout cela dans un irrésistible élan de patriotisme. Voilà les raisons déterminantes de notre victoire et cette victoire là sert aujourd'hui de miroir à l'Afrique. Sur ce miroir se reflète la trahison de ceux qui n'ont pas su faire comme la Guinée.
L'Unité est le premier atout de la Guinée : l'unité politique est scellée et nous demandons à tous les responsables du P.D.G. d'oublier ce qui les a opposés au P.R.A. et dans les comités de chaque quartier, dans les sous-sections de chaque cercle, comme sur le plan national nous les enjoignons à fraterniser côte à côte afin que le programme de la jeune Nation soit rapidement traduit en réalités concrètes. La dignité dont nous parlons, c'est cela d'abord, la dignité de l'homme qui sait qu'il est un homme avant tout, qu'il passe avant toutes les créations
de l'homme, et qu'il ne saurait se plier, ni abdiquer devant l'argent ou la menace.
La deuxième raison de notre fierté, de notre assurance, quant à la victoire définitive de la Guinée sur le chemin de son indé,pendance, ce sont les grandes possibilités du pays, les possibilités naturelles, les richesses du soi et du sous-sol. La Guinée a toutes les possibilités pour devenir sinon le plus grand pays d'Afrique mais l'un des pays les plus développés d'Afrique, cela en partant de sa nature même.
La troisième raison de notre fierté, c'est cet enthousiasme populaire, cette grande confiance dans les destinées du pays, cette grande volonté d'action créatrice. Demain, chacun dans son bureau, dans son atelier, dans la campagne, au marché, dans la mosquée, comme toujours, saura se souvenir qu'il est une partie de l'Afrique qu'il est un grain du chapelet de progrès africain et qu'il doit chaque jour apporter sa contribution au rayonnement de l'Afrique et oeuvrer pour la consolidation des bases de la souveraineté africaine en Guinée.
Quatrième raison de notre espérance, c'est qu'à travers le monde, toutes les forces démocratiques sont avec nous. A travers le monde, toutes les forces qui savent que la pérennité du rayonnement français en Afrique partirait, d'abord de l'amitié qui naîtrait d'une collaboration égalitaire entre la France et tous ceux-là sont à nos côtés, en Guinée comme en France, nous le savons. Pour ceux qui disent : il manquera de l'argen, qu'ils me permettent solennellement et publiquement de répondre que si jusqu'à présent nous nous efforçons de conquérir l'amitié française, c'est parce que nous voulons sauvegarder les intérêts français.
Nous avons parlé de dignité, nous resterons dignes jusqu'au bout ; parce que nous savons ce que nous engageons dans nos actes. S'il s'agissait de l'intérêt exclusif de la Guinée en tant que pays souverain, aujourd'hui même le Gouvernement ferait l'émission d'une nouvelle monnaie, d'un nouveau billet. Le billet guinéen naîtrait aujourd'hui même, en dehors de la zone franc, en dehors de toute autre zone, ce serait la zone monétaire de la Guinée et nous paierions les fonctionnaires avec notre monnaie, les fonctionnaires paieraient les loyers, le riz, tout ce dont ils ont besoin avec cette monnaie, les paysans paieraient leurs impôts, leurs taxes avec cette monnaie, mais aussi tous ceux qui sont établis en Guinée seraient obligés de passer à l'Office des Changes Guinéen monnayer le franc C.F.A., monnayer la livre sterling, monnayer le dollar contre cette monnaie, afin de payer leurs ouvriers, leurs travailleurs, afin d'acheter les produits de la Guinée et nous aurions en un an plus de devises que sont susceptibles de nous en apporter le franc C.F.A., le dollar ou la livre sterling pour faire notre commerce extérieur en partant des intérêts exclusifs de la Guinée
Africaine.
Nous nous sommes refusés de voir exclusivement l'intérêt de la population africaine, pour ne pas décevoir ceux qui ont fait confiance à la Guinée, qui ont leurs capitaux investis ici, et c'est pourquoi, tranquillement, nous attendrons, mais nous n'irons jamais au gouffre, quon se le dise ; si la France ne sait pas accepter l'amitié de la Guinée, elle aura prouvé qu'elle est alors contre l'indépendance de la Guinée, elle aura démenti l'engagement solennel du Général de Gaulle et à ce moment là la Guinée, toujours digne, saura défendre ses propres intérêts en acceptant l'alliance déjà proposée par des Etats dont le rayonnement la puissance sont aussi importants que le rayonnement et la puissance français.
Quoiqu'il en soit nous aurons à poursuivre nos efforts dans la voie nationale. Pour la voie nationale. Pour cela nous aurons à améliorer continuellement la qualité et la valeur de notre conscience car, c'est à partir de la conscience de chacun que s'élabore la conscience d'un peuple et c'est essentiellement la valeur de cette conscience collective qui, qualifie la nation.
Depuis la loi-cadre, vous savez ce qui distingue la Guinée des autres territoires. Pour l'avoir vécu vous connaissez la qualité de l'action guinéenne et les résultats auxquels a abouti cette action.
Aux gouvernants d'un pays deux voies, deux manières d'agir, et de gouverner sont offertes. Il y a la voie facile, la voie paresseuse, c'est celle qui consiste à suivre la route électorale. Il s'agit de plaire à tous, au voleur comme à l'homme juste, sans se préoccuper de ce qui menace le destin du pays, entrave son développement, ruine ses forces vives. Cette action-là considère le pouvoir comme une fin en soi et son utilisation comme moyen de profit personnel.
La Guinée n'a jamais accepté cette voie, car le premier gouvernement, dans sa première déclaration en mai 1957, proclamait sa volonté de faire son propre échec, mais jamais l'échec de la Guinée. Soyez donc persuadés que nous avons une haute conscience de notre mission. Autant nous n'accepterons jamais de notre vivant, tant que nous resterons des hommes conscients, la moindre atteinte à la souveraineté, à la dignité de la Guinée, autant nous nous opposerons farouchement de la part de qui que ce soit, hommes ou femmes, petits ou grands, à la moindre attitude qui puisse compromettre la marche en avant de la Nation Guinéenne. Plus que jamais, nous rendons les populations responsables plus que le Gouvernement. Le Gouvernement a reçu une mission, celle qui consiste à prévoir et à prendre toutes les mesures, mêmes de rigueur, pour conduire à bon port les destinées de l'Etat de Guinée. Jamais dans l'attitude du Gouvernement vous ne trouverez le souci électoral ; périssent les hommes du Gouvernement mais la Guinée continuera à vivre.
Que ceux qui croient que l'anarchie pourrait s'installer en Guinée sachent que nous serons plus exigeants que le colonialisme ne l'a été, le colonialisme était exigeant pour lui, le Gouvernement de la République de Guinée sera exigeant pour l'honneur de la Guinée et de l'Afrique, c'est différent.
Comme vous le savez le Gouvernement a été renforcé, les données politiques anciennes ont disparu, nous sommes dans une phase qualitativement supérieure à la phase dernière et le Gouvernement a été élargi, l'ancien Gouvernement dont vous connaissez la composition, est aujourd'hui complété par les camarades :
Le Gouvernement a placé aussi sa confiance en 3 autres camarades qui sont chargés du rayonnement de la Guinée à l'extérieur en qualité d'ambassadeurs de la République de Guinée. Ce sont nos camarades :
Nous vous annonçons aussi l'arrivée prochaine d'un autre camarade Balla Camara, Administrateur en Haute-Volta, qui se met à la disposition de la Guinée et nous ajoutons que tous les intellectuels, agents techniques africains, éparpillés dans les différents coins du monde ont déjà saisi votre Gouvernement et votre parti de leur volonté de se mettre à la disposition de la Guinée. Ce sont des Sénégalais, des Soudanais, des Ivoiriens, des Nigériens, des Bobos, des Antillais, des Français d'origine, de tous les coins du monde jusqu'aux plus grands intellectuels, jusqu'à ceux qui aujourd'hui assument la haute mission en tant qu'ambassadeurs de la culture africaine à travers le monde, Diop Alioune, Directeur de « Présence Africaine ». Tous se mettent à la disposition de la Guinée pour que la Guinée fasse la démonstration des qualités naturelles de l'homme noir dans son auto-détermination.
Nous disons avec fierté que tous ces hommes seront chez eux. Français blancs ou noirs, Sénégalais, Soudanais, Antillais, Ivoiriens, Nigériens, Gabonais, Malgaches, tous ceux qui de Madagascar, de Sierra-Léone du Libéria, du Ghana (ils sont déjà des centaines), techniciens de toutes branches, s'offrent à la Guinée en ne demandant que le manger. Nous sommes profondément sensibles à la volonté qu'ils expriment de servir bénévolement la Guinée. S'ils considèrent la Guinée comme leur Patrie, c'est parce que la Guinée se confond pour eux avec l'avenirde tous les colonisés africains, parce que la Guinée est aujourdhui le symbole dans l'Afrique de culture française, le symbole de la volonté de tous ceux qui luttent pour leur libération. Nous saurons les recevoir, les accueillir, et partager avec eux sur un pied de stricte égalité, les responsabilités
de ce pays.
Camarades fonctionnaires, vous qui avez démontré que vous placiez les destinées du pays très au-dessus de votre destin propre, vous qui avez fait la preuve que l'intérêt du pays se situait au delà de tout autre intérêt, vous aurez à accroitre cette haute conscience nationale, ce sens élevé du patriotisme qui vous a déjà fait préférer la liberté et l'indépendante à l'argent facile du FIDES.
En agitant l'obstacle financier on croyait vous faire renoncer à la dignité de votre pays, en choisissant la liberté vous avez donné la seule réponse qui convenait à ceux qui pensaient et continuent de penser que l'on peut monnayer les consciences, les hommes et les peuples.
Après le miracle de l'unité, qui n'est pas, celle là, basée sur une fraternité factice, nous avons à opérer un autre miracle, celui de la réussite de notre indépendance nationale. Ce miracle nous l'opérerons d'abord parce que nous le voulons, ensuite parce que nous le pouvons. Ainsi nous démontrerons que la Guinée est à la hauteur du destin qu'elle s'est choisi pour que l'homme d'Afrique soit historiquement réhabilité. C'est là notre fierté. Ceux qui ont les rêves cyniques rejoindront leurs tombes ou quitteront te pays dans la honte.
Mais si dans la perspective nationale de notre action nous avons des facteurs positifs, nous ne tolèrerons pas que par le discrédit, l'action néfaste, l'opposition, la destruction, il soit porté atteinte, si peu que celà soit, à notre oeuvre.
Je le dis publiquement ici, ce qui compte pour mener à bien notre tâche, c'est le parti avec toutes les responsabilités que celà implique, car sans la mobilisation des paysans, des humbles gens, des manoeuvres, des ouvriers, nous ne serions pas parvenus à cette modification fondamentale de la vie guinéenne. Surveillez-vous dans les quartiers, dans les villages, dans les bureaux et dans les chantiers, tous ceux que vous considérerez comme ennemis de la Nation, tous ceux que vous considérerez comme malhonnêtes, informez-nous, quel que soit le nombre de leurs diplômes, ou leur technicité, nous démontrerons qu'ils ne sont pas indispensables au pays, ce qui est indispensable à la Guinée, c'est le patriotisme qui se sacrifie pour la Nation. Les titres, les emplois à la fonction n'apportent rien s'ils ne sont pas animés par l'esprit de sacrifices et le sens patriotique. Le parti est plus que jamais responsable, plus que jamais gardien du destin de la Nation de la qualité de l'Etat, plus que jamais comptable du bien-être de notre peuple.
Hommes et femmes, jeunes et vieux du P.D.G., vous aurez à surveiller chacun, à commencer par le Président Sékou Touré, vous surveillerez tout le monde, dans les moindres agissements, dans la moindre attitude, publique comme privée, tous ceux que vous pouvez considérer comme susceptibles de faire honte à la Guinée et à l'Afrique, prévenez-nous. Car si vous êtes manœuvre, dites-vous que vous êtes l'égal de M. Sékou Touré, si vous êtes paysan, dites-vous que vous êtes l'égal de M. Sékou Touré, et l'intérêt du pays au-dessus de M. Sékou Touré, au-dessus de chaque Ministre, au-dessus de chaque fonctionnaire, le manœuvre, le paysan ont le même droit de le défendre, partout où ils se trouveront.
Nous vous prévenons que nous sommes au courant de tout ce qui se fait et cela étonne certains. Nous l'avons déjà dit il y a des années, rien ne se fera en Guinée sans que nous le sachions. La supériorité technique peut nous battre, mais nous ne sommes jamais surpris, qu'on soit au courant de cela. Les organisations secrètes, qui cherchent des membres dans le Gouvernement, dans le parti, parmi les fonctionnaires, chez les militaires, eh bien, elles perdent leur temps ! Soyez persuadés que ceux qui désireront, ceux qui choisiront un autre chemin que le chemin de l'honneur, seront considérés comme, la punaise, et, comme tel, nous saurons leur réserver le sort qui leur convient. On a dit que l'échec attend la Chine, parce que la Chine n'a pas les moyens de satisfaire les besoins de ses 600 millions d'hommes et de femmes. Ces 600 millions d'hommes et de femmes ont fait la démonstration du contraire par l'augmentation constante du niveau de vie des masses qui chaque année fait la fierté de la Nation Chinoise. Si nous n'avons pas de milliards, pour faire telle chose, nous avons nos hommes et nos femmes, nous avons notre volonté, nos bras et nos jambes, et nous saurons,faire le travail. Le Chemin de fer ici a été fait sans moyens techniques de Conakry à Kankan, avec la daba et la pioche, les bâtiments, tous ces bâtiments que vous voyez qui ont plus de 50 ans d'existence ont été faits sans moyens techniques. La Guinée, cette Guinée dont nous sommes fiers, c'est le fruit du travail, de la sueur de tous ceux qui y ont travaillé. Aujourd'hui, nous sommes certains que si nous voulons en un an avoir 1.000 classes en Guinée, les 1.000 classes monteront sans un centime du budget. Nous donnerons le mot d'ordre et dans aucun village, aucun homme ne passera désormais 24 heures sous la vérandah. Nous serons le premier gouvernement africain à instaurer le travail obligatoire, je le dis publiquement. Le travail obligatoire sera instauré, nous n'avons aucune honte à le dire, puisque ce travail, ne sera pas fait au bénéfice de M. Sékou Touré, ni au bénéfice du Gouvernement, ni au bénéfice de qui que ce soit, ce sera au bénéfice de ceux qui vont y travailler eux-mêmes. Le travail sera imposé et d'ici un an on ne se promènera plus dans une ville en rencontrant mille badauds dans les rues, en train de causer du matin au soir. D'ici six mois on ne rencontrera plus une jeune fille de Guinée, torse nu ayant dans un plateau deux bananes pour aller faire la prostitution. Les mesures plus rigoureuses seront prises car nous ne chercherons jamais la voie électorale ; que la durée du Gouvernement soit de une minute, cette minute sera remplie, dans l'intérêt exclusif de la République de Guinée. Et c'est pourquoi, lorsque vous verrez des mesures sévères s'abattre sur tel ou tel, ne posez pas d'autres questions, sachez seulement que celui-ci ou celui-là a trahi la confiance du peuple, qu'il a trahi la Guinée. Par conséquent, nous n'hésiterons pas à prendre nos responsabilités. Nous avons dit, la vie de l'homme va de 0 à 100, quel qu'il soit et qui que nous soyions nous disparaîtrons tous.
Mais l'indépendance de la Guinée est née le jour de notre acte populaire le 28 septembre, cette indépendance ira jusqu'à la fin des temps.
Avec les pleins pouvoirs donnés au Gouvernement, nous avons les moyens de réduire les contre-révolutionnaires de ce pays. Ces moyens, quelle que soit leur rigueur extrême, nous les emploierons sans aucune hésitation, sans aucun regret chaque fois que l'intérêt supérieur de la Nation le nécessitera.
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Fulbright Scholar. Rockefeller Foundation Fellow. Internet Society Pioneer. Smithsonian Research Associate.