Paris, 1987, JA Presses.
Collection Jeune Afrique Livres. Vol. 3. 254 pages
Sékou Touré est un homme chanceux. Parler d'un homme chanceux en politique, c'est surtout montrer que cet homme a toujours su faire face aux événements imprévus d'une façon ou d'une autre. Au moment où tout le monde le croit perdu, il est sur le point de se sortir de la situation à son avantage. Le dénouement, contre toute attente, lui est favorable. Quelle meilleure illustration de ce processus que le débaruement des Portugais et de leurs alliés guinéens à Conakry, le 22 novembre 1970. Un coup dur, semble-t-il, qui, de fait, arrive pratiquement pour Sékou comme marée en carême. Le leader guinéen, une fois de plus, réussira en effet à imposer une certaine image, celle qui le sert, de cette fameuse opération sur laquelle nous allons revenir. Qu'il soit une cible privilégiée de l'impérialisme international, voilà qui est acceptable et même souhaitable. Mais pas question d'évoquer, du moins à l'extérieur, une éventuelle culpabilité de nationaux qui ne seraient pas des mercenaires: les Guinéens ne sauraient être contre Sékou Touré. Dès le 23 novembre 1970, ainsi, l'ensemble des délégués africains aux Nations unies -hormis, ce n'est pas une surprise, les représentants du Malawi et de l'Afrique du Sud- informent le président du Conseil de sécurité, l'ambassadeur syrien M. Tomeh, que la Guinée vient de faire face à une attaque colonialiste et impéraliste.
Deux cents Guinéens, rassemblés dans l'archipel des Bissagos, se tiennent prêts à l'attaque.
Les pays socialistes unanimes, de Pékin à Moscou, reprennent à leur compte les déclarations du président guinéen et dénoncent le Portugal. Certaines capitales occidentales, comme Paris et Washington, admettent officiellement que l'attaque a été menée par les éléments venus de l'extérieur, sans autre précision. Officieusement, on laisse entendre pourtant qu'il est vraisemblable que des mercenaires portugais ont participé à l'opération avec ou sans la bénédiction du gouvernement Caetano. Lisbonne, certes, ne confirme pas. Et nul ne parle d'opposants guinéens. Mais de Sakiet Sidi Youssef à la baie des Cochons (Cuba), l'histoire contemporaine ne fourmille-t-elle pas d'exemples où des Etats ont été amenés à couvrir, tout en les démentant catégoriquement, des initiatives de leurs armées ou de leurs services spéciaux décidées plus ou moins à leur insu ? Le monde entier va donc accréditer la thèse pour le moins simplificatrice de l'attaque colonialiste défendue dès le premier jour par Sékou Touré, au point qu'aujourd'hui encore on se demande souvent ce qui s'est réellement passé. Deux témoignages contrastés, d'abord, peuvent nous aider à rétablir, ne serait-ce que partiellement, la vérité. On possède d'un côté les déclarations à chaud d'un participant guinéen au débarquement, qui se qualifiera lui-même d'agresseur dans l'hebdomadaire Jeune Afrique du 8 décembre 1970. Par ailleurs, le capitaine Abou Soumah, le seul Guinéen qui ait pu profiter des combats pour s'échapper du terrible camp Boiro, a confié un récit pathétique, mais digne de foi, au même journal.
Selon le premier de ces deux témoignages, l'opération avait été prévue de longue date et ses protagonistes étaient en quasi-totalité des Guinéens exilés. Ils avaient été dispersés dans trois camps d'entraînement dans différents pays limitrophes. Le débarquement, en fait, devait avoir lieu beaucoup plus tard, mais la date en avait été subitement avancée pour une banale histoire de disponibilité de bateau -et non par crainte d'un rapprochement entre Sékou et Houphouët comme le prétendra Radio-Conakry. L'état-major des Guinéens, à l'approche du jour, ne tient littéralement plus en place. Le principal responsable va de Toulouse à Lisbonne, de Lisbonne à Genève et de Genève en Afrique, lieux de résidence de nombreux opposants guinéens, pour coordonner les actions. Le point de ralliement des combattants, que l'auteur du récit situe -pour protéger ses alliés- quelque part en Sierra Leone, est en réalité dans l'archipel des Bissagos 28. Deux cents hommes, tous d'origine guinéenne, sont donc rassemblés là où des navires les attendent. Ils sont bien armés, de fusils mitrailleurs et de pistolets de marque soviétique. Ils sont vêtus de treillis kaki, un brassard vert au bras. La nuit du 20 novembre et la journée du 21 novembre sont consacrées à l'examen de cartes et de plans de Conakry, à l'étude des positions à prendre ainsi qu'à la simulation du débarquement. Le 21 en début de soirée, les hommes sont répartis en huit équipes correspondant aux objectifs déterminés. Celles-ci sont ensuite installées, avec quelques Portugais, dans quatre bateaux qui lèvent bientôt l'ancre. direction: Conakry, qui sera atteint sans encombre le lendemain matin vers 2 heures. Ces deux cents Guinéens sont de fait encadrés par de jeunes officiers portugais. L'auteur du récit confié à Jeune Afrique n'avait mentionné que quatre à cinq Européens par bateau, et qui n'auraient été que des hommes d'équipage loués avec leurs bâtiments. Il minimisait donc leur rôle, même s'il est vrai que les Portugais, nous le verrons, poursuivaient certainement un objectif bien différent de celui des Guinéens.
Les divers groupes d'assaillants, poursuit le témoin, se dispersent dans la ville et s'acquittent tant bien que mal de leurs missions. Ils réussissent notamment à prendre le camp Boiro, ce qui leur vaut de curieuses rencontres. Venu s'informer de ce qui se passait, le général Lansana Diané, ancien ministre de la Défense, est arrêté; le commandant du camp de Mafanco, parti lui aussi aux nouvelles, subit le même sort. Seuls deux objectifs-cela le témoin de Jeune Afrique ne le précisait pas-ne peuvent être atteints: la radio et... Sékou Touré lui-même.
Le groupe chargé d'arrêter Sékou dans sa villa de Bellevue se heurtera en effet à la seule opposition sérieuse rencontrée au cours de l'opération: des militants d'un mouvement indépendantiste qui combat le colonisateur portugais, le Parti africain de l'indépendance de la Guinee (future Guinée-Bissau) et du Cap-Vert (PAIGC), installés près de là, se croyant visés au premier chef par les assaillants, les harcèlent. Ceux-ci contre-attaquent. L'affrontement est meurtrier, mais pour pas grand chose: à Bellevue à cette heure-là, comme d'ailleurs plus tard à la présidence qu'il aura eu le temps de quitter, Sékou Touré est en effet introuvable. Il a disparu.
A 10 heures du matin, le 22 novembre, en tout cas, tout paraissait terminé, à l'avantage des agresseurs. L'informateur de Jeune Afrique conclut son récit en montrant comment, au cours de cette première étape des combats, les assaillants ont été frappés par l'apathie pour ne pas dire l'absence de l'armée, le manque de conviction de la milice et l'indifférence de la population. Les uns, dit-il, regardaient sans aucune réaction le va-et-vient des vedettes entre la côte et nos navires qui mouillaient au large. Nous avons pu dynamiter les vedettes de l'armée dans le port après avoir fait reculer la foule qui assistait au spectacle. Les douaniers n'ont pas bougé.
Le 22 novembre 1970, raconte le deuxième témoin, le capitaine Soumah, à 3 heures du matin, j'ai entendu des coups de fusils tirés à l'extérieur de mon bloc [du camp Boiro. J'ai pensé: des sentinelles ont pris peur et tiraillent. Vers 5 heures du matin, des armes automatiques, des fusils mitrailleurs certainement, se sont fait entendre par de longues rafales. Ces tirs ont été suivis par des explosions de roquettes et de grenades. J'ai entendu les pas d'un tireur sur le toit de notre baraque. C'est après cela que j'ai supposé qu'il y avait une attaque dirigée contre la prison. Vers 6 heures du matin, un homme de garde dont je reconnaissais la voix a crié qu'il était blessé par une grenade. Il s'est créé alors une panique. Aux environs de 7 heures du matin, j'ai entendu des hommes qui criaient très fort: Ouvrez les cellules, faites sortir les prisonniers, Sékou Touré est tombé, vive l'armée ! Personnellement, je me posais la question de savoir de quelle armée il s'agissait puisque je savais que l'armée guinéenne était pratiquement inexistante, surtout à Conakry.
Entre autres détails, le capitaine Abou Soumah confirme dans son récit l'arrestation du général Lansana Diané, qu'il retrouve, à sa grande surprise, assis par terre au milieu de la foule des prisonniers libérés. Les commandos s'apprêtaient d'ailleurs à exécuter le général Diané à coups de pistolet, quand Balla Camara, l'ancien gouverneur de la Banque centrale, libre depuis peu, intervint énergiquement pour qu'il ne soit pas tué. Parmi les hommes capturés alors aux mains des assaillants, Soumah dénombre cinq officiers et cinquante parachutistes.
L'officier rescapé donne ensuite de précieuses indications sur la risposte gouvernementale qui provoquera, pendant la journée du 22 novembre, la déroute des assaillants. Libéré du camp Boiro avec des centaines de détenus, il a le temps de se mêler un instant aux opérations et d'observer la situation. Les miliciens, enfin actifs, sont dispersés dans les quartiers et, encadrés par quelque deux cents Cubains, tiraillent un peu n'importe où et n'importe comment, faisant de nombreuses victimes civiles. Le pouvoir ne peut mobiliser qu'un seul char de combat sur les dix que possédait l'armée guinéenne. Vers 14 heures une contre-attaque des Cubains, renforcés par quelques miliciens, leur permet d'occuper l'enceinte de l'hôpital Donka en face du camp Boiro. La bataille se prolonge jusqu'à 17 heures. Les hommes qui avaient occupé le terrain, après avoir épuisé leurs munitions, décrochent par le portail, du côté ouest, sans pertes humaines. Ils tentent de retrouver leurs embarcations... et ils s'aperçoivent qu'elles ont pris le large. Les Cubains occupent alors le camp. Ils demandent aux familles des gardes républicains d'évacuer la caserne et d'aller s'installer à l'hôpital Donka. C'est dans la confusion qui s'ensuit que Soumah décide de s'enfuir et de quitter au plus vite la Guinée. Déguisé en marabout, il réussit à rejoindre la Sierra Leone, où il peut embarquer sur un avion.
Que fit, pendant tout ce temps, Sékou Touré ? En fait, il n'est pas resté très longtemps invisible. Le témoignage d'un de ses anciens ministres, Alpha Abdoulaye Diallo, permet de se faire une idée de la situation à la présidence aux premières heures du débarquement.
Alors que la ville est déjà plongée dans une obscurité totale, nous dit A.A. Diallo, la présidence, vers laquelle nous nous rendons à la hâte, est illuminée comme si c'était le 2 octobre, jour anniversaire de l'indépendance. Le portail s'ouvre et nous montons quatre à quatre les escaliers menant au petit salon et au bureau du président Sékou Touré. Celui-ci, grave, répond au téléphone. En face de lui, Saïfoulaye Diallo et Lansana Béavogui; sur le divan, au fond de la pièce, la présidente Andrée Touré, émue, en robe de chambre. A côté, Fily Cissoko. Sans saluer, nous nous asseyons à notre tour. Il règne un silence lourd, lugubre, interrompu par la sonnerie du téléphone et la voix du "responsable suprême de la révolution". Dans le lointain résonnent le bruit des coups de feu, des éclats d'obus et des grenades.
Le dictateur, semble-t-il, a perdu ce jour-là sa voix de stentor. Le début d'organisation mis en place pour faire face aux assaillants à partir du palais ne durera pas très longtemps: le dictateur s'éclipse bientôt, cherchant d'abord refuge chez Mme Guichard à Almamya — un quartier central de Conakry — et ensuite chez Hadja Néné Gallé Barry à Dixinn-gare, vers la périphérie de la capitale. Ce qui lui permettra, dès le matin venu, d'intervenir à la radio pour donner le signal de la grande contre-offensive et mobiliser sérieusement les miliciens.
Sékou Touré supplie les militaires : Tuez-moi, mais ne me livrez pas au peuple !
Avant d'aller se mettre provisoirement à l'abri, Sékou a eu le temps de prendre peur. Aux environs de 2 heures du matin, alors qu'il est encore au palais présidentiel, entouré d'un petit groupe de proches, il voit arriver précipitamment Zoumanigui Kékoura, commandant de la gendarmerie nationale. et le général Noumandian Keïta, accompagnés de certains officiers; Sékou Touré, immédiatement, croit à un coup d'Etat monté à la faveur du débarquement. Il perd son sang froid et lève les bras en l'air. Il supplie les militaires: Tuez-moi mais ne me livrez pas au peuple. Ne me faites pas honte. Les officiers répondent: Non, président, nous venons chercher les clefs des magasins de munitions. Et ils partent avec les clefs en question. Car Sékou, en effet, craignait trop les militaires pour leur laisser des munitions à disposition... Plus tard, le général Noumandian Keïta racontera la scène à son vieil ami, le sage El Hadj Sinkoun Kaba, qui lui dira:
Vous auriez dû improviser un coup d'Etat, l'arrêter. Vous avez eu tort, bien tort. Avec une certaine tristesse dans les yeux, une certaine émotion dans la voix, il ajoutera:
Maintenant il vous tuera tous ! Il n'épargnera aucun de vous.
Effectivement, Sékou Touré fera arrêter et exécuter ces témoins gênants en juillet 1971, après un délai qui démontre surtout sur quelle durée la répression consécutive aux événements de novembre 1970 s'étendra.
Car la situation, après la tardive contre-offensive des miliciens et l'arrivée des renforts de l'armée, est, non sans mal, reprise en main au bout de cette demi-journée où le pouvoir a perdu le contrôle de nombreux points stratégiques de la capitale. Il semble que, dans ce rétablissement de l'autorité du régime, les efforts de ses partisans aient pour le moins bénéficié du comportement de leurs adversaires. D'une part le camp des assaillants a connu maintes défaillances techniques au cours des opérations qui ont handicapé son action et permis le développement d'une riposte. D'autre part il paraît clair que l'unité de pensée et d'action était loin d'être un fait acquis entre les opposants guinéens et leurs alliés portugais. On peut légitimement se demander aujourd'hui, avec le recul du temps, si les Portugais visaient sérieusement pour leur part la destabilisation du régime ou s'ils n'avaient pas plutôt comme seul objectif la libération des prisonniers portugais aux mains du PAIGC dont le quartier général était installé à Conakry. En effet, il semble bien qu'aussitôt ce but atteint, ils aient rapidement donné l'ordre du repli, réembarquant avec, en particulier, tous les meneurs de l'opération mais n'hésitant pas à laisser de nombreux Guinéens derrière eux. Manifestement les Portugais ne s'étaient pas préparés à autre chose qu'à une opération éclair, les Guinéens servant surtout, à leur insu, de couverture. Il n'était pas convenable en effet qu'un simple commando blanc débarque à Conakry pour tenter de libérer d'autres Blancs...
C'est seulement à la faveur de la débandade qui suivit ce repli des Portugais que Sékou Touré et les siens reprendront totalement le contrôle de la situation. Ils auront la main lourde, et commenceront à sévir sans perdre de temps. La Guinée sera bientôt terrifiée en constatant l'ampleur de la répression. Puis on assistera dans toutes les villes du pays à des pendaisons, pratiques que la Guinée n'avait jamais connues auparavant.
Loin de profiter de ce moment unique que représentait alors la défaite des assaillants pour sceller la réconciliation nationale, Sékou Touré ne songe en effet qu'à asseoir davantage son pouvoir en semant la terreur, liquidant physiquement ses adversaires supposés ou réels encore libres de leurs mouvements. D'autant que la radio de la Guinée-Bissau voisine, alors colonie portugaise, qui ne cesse de proférer des menaces et déclare que les Portugais n'hésiteront pas à revenir pour récupérer d'autres concitoyens prisonniers, ne fait rien pour rassurer le dictateur quant à son avenir.
Quand Sékou Touré, vêtu d'une tenue militaire, ordonne qu'on passe à l'action, ce sera donc le carnage. On fait diffuser par la radio un poème macabre, Adieu les traîtres, qui laisse entendre que les victimes de la répression n'ont rien à espérer. On sera d'autant plus étonné, pourtant, du nombre d'arrestations et de condamnations que Sekou lui-même, nous l'avons vu, avait tout d'abord déclaré que les agresseurs, à la solde de l'impérialisme, ne bénéficiaient d'aucun soutien dans la population. Les horizons politiques différents auxquels appartiennent les personnalités condamnées, notamment celles jugées par l'Assemblée nationale guinéenne érigée en tribunal révolutionnaire suprême, laissent perplexe. Une fois de plus, on pratique l'amalgame. On retrouve ainsi côte à côte
Parmi les condamnés par contumace, figurent
En dehors de ce dernier et de David Soumah, ces personnalités, toutes condamnées à mort, n'avaient de commun dénominateur que leur ancien militantisme actif dans le mouvement étudiant révolutionnaire.
Nous avons tellement tiré sur eux que nous avons fait sortir la fumée de leur nez.
Comble d'illogisme, de nombreux ressortissants d'autres pays sans aucune attache avec le Portugal figurent parmi les condamnés alors que le régime n'avait jamais laissé les résidents étrangers se mêler de près ou de loin à la vie politique locale. La plupart des Libanais, des Grecs, des Français vivant en Guinée avaient d'ailleurs pris la nationalité guinéenne et on conçoit mal comment ces hommes qui sympathisaient ouvertement avec le régime auraient ensuite conspiré pour faciliter sa perte. Mais Sékou Touré montre, une fois de plus, qu'il est imperméable à de telles considérations dès que son pouvoir lui paraît réellement ou imaginairement menacé. Ainsi fait-il alors arrêter et condamner :
Après le verdict, totalement arbitraire évidemment, du tribunal révolutionnaire suprême, Sékou Touré reste insensibleà tous les appels. Refusant de revenir sur la décision qu'il avait prise, la semaine qui a suivi le débarquement, de renoncer à l'exercice de son droit de grâce en faveur des condamnés, il laisse exécuter les sentences. De nombreux condamnés sont pendus en public, leurs corps restant exposés des heures durant, notamment à Conakry. Le monde entier, qui venait pourtant de condamner l' agression, se rend cette fois compte des méthodes doublement expéditives de la justice guinéenne: dans le déroulement des procès eux-mêmes, menés en l'absence des accusés; et dans l'exécution des sentences, effectives une douzaine d'heures seulement après qu'elles aient été prononcées. L'émotion est vive. A droite comme à gauche, la presse française flétrit la parodie de justice et les exécutions sommaires. C'est ainsi que Combat, dans un éditorial du 27 janvier 1971, écrit: On reste bouche bée devant ces corps qui se balancent aux gibets de Conakry entourés d'une foule en délire. Ce carnaval macabre nous scandalise, nous fascine [...]. Au nom du très beau principe de non-intervention dans les affaires intérieures d'un pays étranger, les puissants de ce monde se sont réfugiés dans le silence. Ni l'Union soviétique, ni les Etats-Unis, ni l'ONU elle-même n'ont jugé bon de sauver cinquante-huit têtes de Nègres. Il n'est pas jusqu'à François Mitterrand, alors député de la Nièvre, qui n'ait fait fi de sa longue amitié avec Sékou Touré pour prendre position, dans France Soir du 31 janvier - ler février 1971: Il m'est arrivé, s'écrie-t-il, comme à d'autres d'user de l'amitié pour panser certaines plaies, corriger certains jugements, adoucir certaines sentences et il m'est arrivé d'être écouté. Mais un procès tel que le plus récent, avec ses accusés absents, son tribunal populaire et les exécutions sommaires qui l'ont suivi ne peut supporter aucune complaisance, fût-elle celle des souvenirs. Je ne m'érige pas en juge. Simplement, que l'on puisse ici ou là, à Burgos, à Leningrad, à Yaoundé, à Conakry, condamner, laisser pourrir dans des camps de misère, fusiller, pendre, par raison d'Etat ou par logique politique, sans chercher à mesurer le degré de responsabilité individuelle, sans prêter à l'innocence sa faible chance, suffit à m'interdire d'entrer ....
C'est ainsi que tout un monde hétéroclite, disparate se retrouve entassé, pêle-mêle, dans les prisons politiques du pays sous une seule et même inculpation: Cinquième colonne ! Autrement dit: complicité intérieure avec l'agression du 22 novembre. Si le sort des personnes arrêtées n'avait pas été si tragique, on en aurait simplement souri: comment la moitié d'un gouvernement, l'état-major général de l'armée au grand complet, nombre de représentants de la hiérarchie du parti et de ses organismes parallèles peuvent-ils être impliqués tous ensemble dans un complot qui a de surcroît échoué ! Andrée Touré, la première dame de la République, qui n'est pas encore, elle aussi, grisée par le pouvoir, en fait la remarque. Elle dit alors à son mari: Sékou, si tous ceux-ci sont dans le complot, il vaut mieux que tu démissionnes. Le président guinéen jette alors aussitôt à la figure de sa digne épouse: La cinquième colonne jusque dans ma maison !
Les femmes et les enfants des Cinquième colonne sont traités sans merci. Ils sont jetés à la rue, du jour au lendemain, même des maisons que les familles avaient contribué à construire. Tous les biens des accusés sont confisqués. Leurs femmes seront tout simplement déclarées divorcées par Sékou Touré, qui, en conférence publique, les engage à se remarier immédiatement ! Les enfants eux aussi subissent les retombées de l'arrestation de leurs pères: ils n'auront plus droit aux bourses scolaires.
Lors de la première vague, c'est Sékou Touré lui-même qui, en tant que commandant en chef des forces armées populaires et révolutionnaires , décide des arrestations et y fait procéder. Lors de la seconde vague, il a changé de méthode et il fait participer tous les organes du parti à la répression. Il suggère l'idée de prendre en main l'épuration à une fédération — en l'occurrence celle, pilote, de Conakry II — qui adopte cette nouvelle fonction et la popularise. L'arrestation devient une affaire du peuple . C'est le peuple qui est désormais censé forcer la main du comité révolutionnaire et du responsable suprême de la révolution pour qu'ils sévissent.
L'attitude caricaturalement implacable de Sékou Touré au début des années soixante-dix, donne à penser que l'isolement dans lequel il tient le pays depuis l'indépendance ne lui a guère permis d'apprécier avec exactitude ni ce qui se passe vraiment en Guinée ni l'état de l'opinion publique internationale. Comme, pour des raisons de politique intérieure, il ne s'est pas rendu à l'étranger depuis plusieurs années, il manque totalement d'éléments de comparaison propres à lui donner une vision quelque peu sereine de l'évolution des choses. Le dictateur a voulu décourager toute nouvelle velléité de contestation soit de la part d'opposants depuis longtemps réduits à la clandestinité, soit de la part de militants du parti unique qui désapprouvaient en silence sa conception autocratique du pouvoir. En fait, les violences dont la Guinée a été le théâtre dans les années 1970 et 1971 se résumaient à une immense et absurde opération de police de caractère préventif et à un important règlement de comptes. Les commentateurs de la presse internationale du moment ne se sont pas beaucoup trompés en évoquant la nature du virage pris: la plupart soulignent que Sékou sombre de façon inconsciente dans l'abîme de la mythomanie et de la tyrannie. Rien n'est fait, il est vrai, pour leur ôter cette impression. Sékou Touré ne se remet-il pas de plus belle à accuser de tous les maux de la Guinée les pays voisins comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Mali, avec lesquels il ira jusqu'à rompre toute relation, et à vilipender plus encore qu'auparavant la France, l'Allemagne de l'Ouest et tous les pays de l'OTAN...
Les temps qui suivent cette période seront marqués par une relative accalmie, jusqu'au milieu des années soixante-dix. Cependant un phénomène d'exode sans cesse accru touche désormais non plus seulement les éléments de la petite bourgeoisie mais la grande masse paysanne. Si le pouvoir en sort là encore renforcé, le tissu économique part en miettes.
On se souviendra ainsi longtemps du grand marasme de l'année 1975, à juste titre baptisé année Sheytane , ou année de Satan . C'est en effet le moment que choisit le leader guinéen, au paroxysme de la dictature, pour s'en prendre à de prétendus fossoyeurs de l'économie et autres commerçants véreux. Si tout va mal, il faut bien, une fois de plus, trouver des boucs émissaires.
Kankan, la ville commerçante du pays par excellence se retrouve ainsi dans le collimateur. Au cours d'une tournée qui lui fait visiter d'abord Labé et Nzérèkoré, Sékou Touré s'arrête à Kankan, où un meeting est organisé. Il a prévu de dire leurs quatre vérités aux commerçants malinké. Plus que jamais en verve, il traite ses congénères de cafres et impies . Le meeting spectaculaire est à peine terminé que la gendarmerie se transforme en corps de police économique.
Elle commence à exercer d'innombrables contrôles, vérifiant par ci, fouillant par là. Les transporteurs se révèlent être la cible préférée des serviteurs zélés du régime.
De fil en aiguille, le commerce de gros, de demi-gros et même de détail est complètement bloqué. Bientôt on ne trouvera plus rien d'importé sur les marchés, fermés par ordre présidentiel. Plus de tissus, ni de savon, de pétrole lampant, de sucre ni même d'aiguilles. C'est le retour inattendu à l'auto-subsistance, le règne sans partage du marché noir. On s'aborde en chuchotant des expressions bien connues de tous. Celui qui s'entend dire à voix basse Tu veux ? comprend sans peine qu'on a de la viande ou un peu de sucre ou du sel à lui proposer. Cette recrudescence de l'interventionnisme débouche bientôt sur une impasse totale. La famine menace. La colère populaire gronde, souterraine, rassemblant toutes les ethnies.
Au mécontentement des Malinkés, les premiers visés, succède bientôt la grogne des Peuls, que Sékou Touré cloue au pilori dans ses discours en les traitant de fourbes. Il insiste d'ailleurs sur la situation particulière du Fouta , non sans préciser que les Peuls de la région ne l'avaient jamais porté dans leur coeur. Il est vrai, d'ailleurs, que le Fouta, très traditionnel, ne fut jamais le principal soutien de Sékou.
Diallo Telli, accusé d'être le chef du complot peul, est le seul surpris de ce qui lui arrive.
Dès 1976, c'est donc très logiquement qu'éclate un autre complot , que Sékou Touré s'empresse de transformer en une affaire essentiellement peul. Grâce à des renseignements qu'il dit — si l'on en croit certains de ses visiteurs — tenir directement de Dieu au cours de songes prémonitoires, il affirme que des centaines de mercenaires s'entraînent depuis plusieurs mois au parc de Niokolo-Koba, près de la frontière sénégalo-guinéenne. Encadrés par des officiers allemands et français, ils y disposeraient d'un aéroport avec une piste de 3 500 mètres aménagée pour recevoir les gros bombardiers. Mais le Sénégal n'est pas seul en cause. Du côté de la Côte d'Ivoire, des officiers israéliens et sud-africains seraient à pied d'oeuvre dans la ville de Daloa, au nord-ouest d'Abidjan. Celle-ci, à en croire le chef d'Etat guinéen, serait transformée en un véritable camp fortifié. Pendant que sont proférées ces accusations, qu'il est facile à chaque capitale en cause de réfuter, on note la reprise presque immédiate du cycle infernal de violences ponctuées de menaces et d'arrestations.
Le complot peul trouve son dénouement policier en juillet 1976. On ne tarde pas à savoir que des hauts fonctionnaires, des diplomates, des officiers et des ministres font partie de la nouvelle charrette.
Et parmi ces derniers, Diallo Telli, accusé d'être le chef de file des rebelles. L'ancien secrétaire général de l'OUA, à vrai dire, est peut-être le seul surpris de ce qui lui arrive. Tout le monde, en Guinée comme à l'extérieur, s'y attend plus ou moins depuis longtemps. Le nom de cet homme, dont la grande notoriété internationale faisait certainement de l'ombre à Sékou, n'était-il pas prononcé à chaque fois qu'on évoquait un complot à Conakry ? Il avait beau réfuter les accusations portées contre lui et affirmer son indéfectible solidarité avec le dictateur guinéen, tout laissait à penser qu'il figurait sur la liste noire et que, tôt ou tard, il serait arrêté.
Un indice révélateur du soupçon qui pesait désormais sur lui date de plusieurs années. Peu après la fin de sa mission à l'OUA et son retour en Guinée en 1972, le ministre de la Justice qu'il était devenu avait pris un jour des libertés avec les usages locaux. Sans y prêter attention, il avait franchi le cordon de la police établi à l'aéroport de Gbessia, à Conakry, pour reconduire jusqu'à son avion un ami étranger de passage. Pour ce simple motif, Telli avait été incarcéré quelques jours, non sans avoir reçu un sévère avertissement de la part du président Sékou Touré ! Bien que frappé par la suite d'interdiction de sortie de Guinée, Diallo Telli n'avait pas semblé réaliser la gravité des menaces qui pesaient sur sa tête. Comme tant d'autres avant lui, il s'était convaincu que sa fidélité à toute épreuve lui épargnerait les rigueurs du camp Boiro. C'est pourtant là qu'il mourra d'inanition, le 1er mars 1977 pense-t-on, après avoir été torturé puis avoir subi l'horrible épreuve de la diète noire .
Le camp Boiro, c'est depuis déjà de nombreuses années un sinistre domaine entouré de hautes murailles surmontées de barbelés, sur lequel veillent près de deux cents gendarmes, soldats et policiers appuyés par deux chars d'assaut pointant leur canon vers la mer et une mitrailleuse lourde. A quelques mètres de la plage, des blocs de béton érigés sur un terrain marécageux, infesté de moustiques, renferment des centaines de prisonniers politiques des deux sexes et de toutes les conditions.
Boiro n'est pas le seul camp militaire transformé en centre de détention spécial. On peut citer le camp Alfa Yaya, non loin de l'aéroport de Conakry, le camp Kémé Bouraïma de Kindia, le camp El Hadj Omar de Labé, au nord, le camp Soundiata Keita de Kankan, en Haute-Guinée. Sans parler du camp ultra-secret de Dalaba, au sud de Labé, utilisé autrefois par des parachutistes français. Tous regorgent de prisonniers politiques. Ce n'est toutefois pas un hasard si le plus connu reste le camp Boiro. C'est là en effet que l'implacable capitaine Siaka Touré, neveu du président, exerce son pouvoir. Il dirige le camp avec l'aide des adjudants Fofana, Soumah Soriba et Léno.
Les spécialistes des interrogatoires au camp Boiro :
De la rue séparant le camp Boiro de l'hôpital Donka, les passants peuvent apercevoir les bureaux de commandement situés à l'entrée. Un peu plus loin, sur la gauche, se trouve le petit bâtiment où se déroulent les interrogatoires. La fameuse cabine technique , dont la seule évocation fait trembler chaque prisonnier, est à deux pas. Construite avec le concours de spécialistes tchèques et allemands de l'Est, à l'initiative de Keita Fodeba alors ministre de la Défense et de la Sécurité, elle comporte une riche gamme d'instruments de torture: depuis le téléphone , appareil électrique que l'on applique aux oreilles de l'accusé, jusqu'aux électrodes destinées à être branchées sur le sexe, en passant par des menottes de fer et autres crochets destinés aux pendaisons par la clavicule.
Les prisonniers de la prison ont presque tous subi le même calvaire.
Généralement tiré un beau jour de son lit vers 2 heures du matin, l'accusé est dépouillé de ses habits sitôt arrivé au camp avant d'être jeté dans une cellule exiguë, sans autre ouverture qu'un minuscule trou en haut du mur. Il y séjourne généralement huit jours sans boire ni manger, ce qu'on appelle la diète noire . Les mieux traités ont droit à une tenue bleue ne comportant qu'une culotte courte et une chemisette.
D'autres sont laissés complètement nus.
Exténués, sales et puants, les prisonniers comparaissent ensuite devant une comrnission d'enquête, pratiquement toujours composée des mêmes personnes. Parmi elles,
Lui prêtent généralement main forte :
tous trois beaux-frères du chef de l'Etat. Assistent également parfois aux interrogatoires,
L'interrogatoire, en réalité, n'en est pas un à proprement parler. Il s'agit moins d'entendre l'accusé avouer quoi que ce soit dont il pourrait s'être rendu coupable que de l'obliger à lire devant un magnétophone un texte préparé à l'avance à son intention. Grâce à un immense fichier, alimenté par la police et des dossiers administratifs, toujours parfaitement à jour, les juges peuvent suivre les diverses étapes de la vie de chaque détenu pour fabriquer, en s'appuyant pour commencer sur des demi-vérités, des actes d'accusations à leur gré. Le grief essentiel est fantaisiste, mais les détails qui entourent le récit sont vrais et impressionnants de précision. L'objectif est toujours le même: démontrer d'abord que l'accusé a trahi la révolution en prenant contact avec des services de renseignements étrangers et avec des opposants résidant hors de la Guinée; ensuite que, pour cela, il a été, bien entendu, grassement rétribué. Il arrive que des accusés, courageux et imprudents, clamant leur innocence, se refusent à se prêter à cette mascarade. C'est alors qu'ils sont soumis à des tortures plus brutales. Les séances peuvent se prolonger et se répéter, suivant la capacité de résistance du sujet. C'est à l'occasion de l'une d'elles, rapportera la victime elle-même, que l'ambassadeur Seydou Keita, excédé par l'obstination d'un détenu allemand, éteignit un jour sa cigarette sur le corps du malheureux. Aussi les plus têtus finissent-ils soit par avouer, soit par succomber après un certain nombre de séances. Leurs cadavres sont alors enterrés nuitamment, à Kaporo ou au pied du mont Kakoulima à quelques kilometres, prévenus d'avance du sort qui les attend, préfèrent le réalisme à l'héroïsme inutile. Ils collaborent d'emblée avec la commission, déclarant tout ce qu'elle veut qu'ils avouent.
Le premier témoignage précis et percutant sur le camp Boiro sera accessible, hors de Guinée bien sûr, du vivant même du dictateur grâce à la plume alerte d'un rescapé, Jean-Paul Alata 30. Vers la fin du règne de Sékou, on pourra lire un livre bouleversant: La Mort de Diallo Telli par Amadou Diallo.
Les autres témoignages terrifiants sur le camp Boiro ne seront publiés qu'après la mort du dictateur. On peut citer ainsi La Vérité du ministre, sous-titré Dix ans dans les geôles de Sékou, par Alpha Abdoulaye Diallo, ou Camp Boiro, sinistre geôle de Sékou Touré, par Arɗo Ousmane Ba.
Combien d'hommes ont disparu au total à Boiro ? Nul ne saura le dire avec précision. Les chiffres varient entre dix mille et trente mille de 1965 à 1984. Il faudrait ajouter les victimes des deux premiers complots de 1960 et 1961, ajouter également la longue liste de ceux qui meurent après leur libération. On a estimé en effet à trois ans en moyenne l'espérance de vie des détenus de Boiro après leur sortie de prison. Brisés dans leur corps, dans leur esprit et dans leur vie affective, les anciens détenus que nous avons rencontrés au cours de notre premier voyage en Guinée en 1984, après un quart de siècle d'exil en France, nous ont parlé des quatre vertus cardinales qu'il fallait avoir quand on arrivait à Boiro pour survivre. On peut les présenter ainsi:
Mais une visite au camp Boiro ne soulève pas que de l'indignation ou de la commisération. Ce lieu témoigne aussi indirectement de la résistance acharnée d'une population face au despotisme. Les Guinéens, pour cela, avaient su s'organiser comme ils le pouvaient : repli individuel sur soi ou repli collectif sur sa communauté de base certes, mais aussi utilisation de toutes les formes diffuses de protestation comme Radio-trottoir (parfois dénommée Radio-Kankan), de tous les modes de résistance passive ou violente, sans compter les divers types d'oppositions partisanes, çlandestines mais organisées. Au bout du compte, il reste évident hélas que le dictateur, possédant tous les pouvoirs, était plus efficace que ses opposants...
Aujourd'hui encore on se demande pourtant souvent comment Sékou Touré a pu se maintenir si longtemps en ayant tant de monde contre lui. Quelle était sa méthode ? La réponse est peut-être simple. Si Sekou Touré en personne avait pour lui une certaine légitimité, qu'il faut bien qualifier d'historique, s'il représentait ainsi à lui tout seul l'Etat et pouvait de ce fait diviser durablement les Guinéens, il faut aussi souligner que nulle part ailleurs en Afrique, l'armée n'a mérité à ce point ce nom de grande muette . Comment qualifier autrement cette armée guinéenne marginalisée, sous-équipée et mal entraînée ? Sous la dictature de Sékou les militaires étaient cantonnés dans les casernes et subissaient la même terreur que les civils. Comme on l'a vu à l'occasion des événements de 1970, ils n'avaient pas de munitions. Et la misère totale dans laquelle ils étaient maintenus leur laissait peu de temps pour penser à autre chose qu'à la subsistance, plus facilement obtenue par l'activisme et la délation.
Les miliciens et l'armée ne pouvant le mettre en danger, on comprend que, dans ces conditions, seules comptent les contradictions internes du régime. L'opposition n'a cessé d'espérer à partir du milieu des années soixante-dix qu'elles en viennent à ébranler un système apparemment si sûr de lui-même. A force de détruire tout autour de lui, le dictateur ne risquait-il pas de se trouver bientôt confronté au vide et à l'isolement ?
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