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André Lewin
Ahmed Sékou Touré (1922-1984).
Président de la Guinée de 1958 à 1984.

Paris. L'Harmattan. 2010. Volume V. 265 pages


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Chapitre 61. — 23 février 1966
La chute et la fin de l'ami Nkrumah


Le 23 février 1966 se produit l'un des événements qui pèseront le plus dans la vie de Sékou Touré : un coup d'État militaire renverse [le président du Ghana], Kwame Nkrumah. Ce ne sont pas seulement le fait en lui-même, la trahison de l'armée, la volte-face de beaucoup de soi-disant fidèles, l'indifférence des masses, le triomphe des opposants, la mise en cause de la famille, de la fortune et des méthodes de gouvernement de l'ancien président : Sékou Touré est attristé, écoeuré même, de voir combien son ami Nkrumah, qu'il croyait, comme lui-même, irremplaçable, est vite oublié.
La plupart des leaders africains, ainsi que les dirigeants des pays communistes qu'il croyait des amis sûrs de l'Afrique progressiste, ont en quelques jours tourné la page et reconnu officiellement les "tombeurs" de l'un des Pères fondateurs de l'Afrique ! Est-il animé par la crainte d'être à son tour renversé pendant une absence, ou par la colère devant l'ingratitude des peuples et l'hypocrisie de leurs dirigeants ? A partir de-là en tous cas, il s'isolera de plus en plus, renoncera aux voyages à l'extérieur de la Guinée, boycottera pendant treize années les sommets de l'Organisation de l'Unité Africaine et ceux des non alignés. Pourtant, il n'en tire pas de leçons pour lui-même. Si sa manière de gouverner ne change guère, sa méfiance envers l'armée en sera renforcée, comme les militaires guinéens ne tarderont pas à s'en apercevoir.
Le 23 février 1966 au soir, alors que Nkrumah vient de partir en visite officielle en Chine 199, l'armée ghanéenne le dépose et installe à sa place un Conseil national de Rédemption dirigé par l'ancien chef d'état-major, le major-général Joseph Ankrah 200.
Tous les ministres de l'ancienne équipe sont démis de leurs fonctions et placés en résidence surveillée. D'origine égyptienne, Fathia, l'épouse de Nkrumah, et ses quatre enfants, se réfugient à l'ambassade d'Égypte, et seront finalement autorisés à partir pour Le Caire 201.
Huit cents prisonniers politiques sont immédiatement libérés ; leur état sanitaire sera jugé désastreux par la Croix Rouge ; panni eux, un Allemand, Herold Lutz, correspondant de l'hebdomadaire Der Spiegel, condamné en novembre 1965 à 40 ans de prison 202.
De nombreux exilés politiques reviendront au pays ; parmi eux, Kofi Busia, le principal leader de l'opposition 203. “Le mythe qui entourait Kwamé Nkrumah a été brisé”, affirme le 24 février l'un des chefs de l'opération, le colonel Emmanuel Kwashie Kotoka.
Les difficultés de la vie quotidienne, mais aussi la gestion "capricieuse" de l'économie du pays, tels sont les principaux reproches faits à Nkrumah, dont les opposants disent qu'il dirigeait le pays "comme s'il s'agissait de sa propriété personnelle". La popularité dont il jouissait au lendemain de l'indépendance s'est érodée ; le culte de la personnalité s'est progressivement instauré. L'opposition a tenté de s'organiser, mais un parti unique a été institué. Les tentatives de complot se sont multipliées, et la répression a été sévère.
La chute de Nkrumah paraît dans l'ensemble bien accueillie dans le pays ; il y a même des scènes d'enthousiasme et ses statues sont renversées. La hutte du lieu de sa naissance dans le village de Nkroful est détruite. En mars, les nouvelles autorités lancent une enquête sur la fortune de Nkrumah. Le gouvernement ferme deux camps d'entraînement de "combattants de la liberté", où étaient formés des représentants de divers mouvements de libération nationale. Accra expulse en grand nombre des experts chinois, des spécialistes russes, rompt avec Cuba et avec l'Allemagne de l'Est 204.

Quant au sort de Nkrumah, le nouveau gouvernement est formel : s'il retourne au Ghana, il sera jugé ; s'il reçoit l'asile politique quelque part, son extradition sera demandée.

Au moment de son arrivée à Pékin, le 24 février, Nkrumah ne croit tout d'abord pas un mot de ce que lui dit le président chinois Liu Shao Shi ; il faut que Chou en Lai en personne lui confirme la nouvelle du coup d'État.
Nkrumah affirme alors qu'il reste le chef légitime de l'État ghanéen et que le peuple n'a confiance qu'en lui. Il annule la visite qu'il devait faire ensuite au Vietnam du Nord, et part directement pour Moscou, puis de-là pour Conakry via Alger 205. En effet, dès le 25 février, Sékou lui a offert l'asile politique en Guinée.
Alex Quaison-Sackey, le ministre des affaires étrangères qui accompagnait Nkrumah en Chine, retourne au Ghana le 2 mars pour se mettre à la disposition du nouveau régime ; douze des membres de la suite de Nkrumah (sur soixante) en font de même. Dès leur arrivée à Accra, ils sont placés en résidence surveillée.
Nkrumah arrive le 2 mars à Conakry. Sékou lui réserve un accueil ému.
Les deux hommes se rendent presque immédiatement au stade du 28 septembre, où la foule l'ovationne. Nkrumah y déclare : “Je suis venu ici consciemment, afin d'utiliser la Guinée comme une plate-forme pour dire au monde que je serai bientôt de retour à Accra. Je ne dirai rien contre quiconque, parce que je comprends parfaitement bien les facteurs qui sont à l'oeuvre dans le monde d'aujourd'hui. Ce qui est arrivé hier en Algérie 206 est arrivé aujourd'hui au Ghana. Nous ne sommes pas surpris. Nous comprenons les problèmes. Nous devons rester fermes et voir comment nous pouvons combattre ces facteurs.”
Sékou Touré annonce à ce même meeting qu'il nomme Nkrumah, qu'il considère comme "son égal", co-président de la République et secrétaire général du PDG 207.
Le 3 mars, Abdoulaye Diallo, ambassadeur itinérant, explique à Addis Abeba que Nkrumah est citoyen guinéen depuis l'Union Ghana-Guinée de 1958, de même que Sékou Touré est citoyen ghanéen. Il précise néanmoins le lendemain que la réalité du pouvoir exécutif en Guinée restera entre les mains de Sékou Touré.
L'ambassade du Ghana en Guinée est immédiatement fermée, son personnel rapatrié. Une énergique protestation est envoyée à Conakry par le nouveau gouvernement ghanéen. Celui-ci affirme que l'ambassade est sous "surveillance renforcée" depuis le 1er mars ; il accuse aussi la Guinée d'abriter l'un des tyrans et des criminels les plus notoires d'Afrique, et rappelle au passage avec insistance que la Guinée doit au Ghana cinq millions de livres sterling (20 millions de cédis) prêtés par Nkrumah en 1958 (en fait, seule la moitié de cette somme a été effectivement versée).

Le 6 mars, à la Voix de la Révolution — c'est le nom désormais donné à la radio guinéenne — Nkrumah annonce qu'il sera bientôt de retour au Ghana, et qu'il fera mettre à mort les militaires qui l'ont renversé, ainsi que tous ceux qui les ont aidés. “Je sais que, le moment venu, vous écraserez le nouveau régime”.

Le 7, Sékou et Nkrumah se rendent à Bamako pour s'entretenir de la situation avec Modibo Keita. Le Nigeria est le premier État à reconnaître le nouveau gouvernement, suivi par le Royaume-Uni, les États-Unis, la Belgique, Israël 208, l'Allemagne fédérale, la Malaisie, le Tchad, le Dahomey, la Gambie, la Côte d'Ivoire, le Liberia, Madagascar, le Niger, le Togo, la Tunisie, la Haute Volta … Le Sénégal le reconnaît le 30 mars. Le 7 mars, Paris avait affirmé qu'il n'y avait pas besoin de reconnaissance, car il n'y a pas eu de rupture des relations. En dépit des mesures prises contre leurs experts, les pays communistes reconnaissent eux aussi le nouveau régime : la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne (le 14 mars) et l'URSS (le 17).
En revanche, l'Égypte, la Tanzanie, le Soudan et le Cambodge expriment leur soutien à Nkrumah. Le 4 mars, celui-ci envoie de Conakry un message à Boumediène ; il y exprime l'espoir que l'Algérie révolutionnaire le soutiendra ; mais le ministre algérien des affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, affirme le même jour que l'Algérie ne veut pas interférer avec les affaires intérieures du Ghana. Le 21 mars, Boumediène montre plus clairement encore qu'il ne fera rien pour Nkrumah ; il déclare que “les peuples ne devraient jamais placer leur confiance en un seul homme, quelles que soient ses qualités, car un homme reste toujours sujet aux dangers de la déviation”.

Le 10 mars 1966, Sékou Touré annonce qu'en vertu du Traité d'Union entre les deux pays, des troupes guinéennes se préparent à aller libérer le peuple ghanéen de la dictature instaurée par les "traîtres militaires". Il laisse entendre que 20.000 anciens combattants de l'armée française et 50.000 soldats recrutés parmi les femmes et les jeunes du PDG se rendront au Ghana en convois militaires pour aider le peuple ghanéen à se libérer lui-même.

Mais Sékou semble oublier qu'il y a plusieurs centaines de kilomètres de territoire ivoirien entre la Guinée et le Ghana. Les quelques avions de transport soviétiques dont est dotée la jeune armée de l'air guinéenne sont nettement insuffisants pour de telles missions. Les "troupes libératrices" seront-elles donc acheminées par voie de terre ? A Abidjan, on s'inquiète de ces déclarations belliqueuses.

Le 13 mars, toujours sur les ondes de la Voix de la Révolution, Nkrumah demande au peuple ghanéen de se tenir prêt à se révolter contre le Conseil national de Rédemption ; mais le congrès des syndicats tenu à Accra prévient la Guinée que les travailleurs et le peuple ghanéens ne veulent plus de Nkrumah ni d'aucun des siens, et qu'en cas de troubles, ils soutiendraient le nouveau gouvernement.

Le 17 mars, Houphouët annonce que des troupes ivoiriennes sont acheminées vers la frontière afin d'empêcher les intrusions à travers la Côte d'Ivoire. Le lendemain, il déclare qu'une opération militaire guinéenne serait "une aventure fatale", et rappelle que son pays a un accord de défense avec la France, qui viendrait immédiatement à son aide "avec toute sa puissance" si le territoire ivoirien était attaqué. Houphouët s'en prend directement à son ancien protégé :

“Que Sékou Touré s'avise donc de nous attaquer ! Le peuple ivoirien, solidaire de ses dirigeants, saura lui réserver l'accueil qu'un tyran peut attendre d'un peuple épris de liberté … Par charité, nous disons à Sékou Touré que s'il arme son peuple contre le Ghana et la Côte d'Ivoire, il court devant un suicide certain.”

Houphouët invite également le peuple guinéen à ne pas se laisser entraîner par la mégalomanie de “son chef tyrannique et sanguinaire” qu'il a supporté “trop longtemps”.

“Pour une fois, affirme-t-il, je suis d'accord avec Sékou Touré pour reconnaître avec lui mon crime : celui de l'avoir fait ce qu'il est.”

Le 17 mars, la Voix de la Révolution affirme que les "instituteurs, professeurs et ingénieurs français" qui ont submergé le pays voisin sont en réalité des soldats en civil, et que les milliers de militaires français en train d'affluer en Côte d'Ivoire s'y comportent "comme une force de reconquête coloniale".

Le 21 mars, Radio Conakry met une sourdine à ses déclarations belliqueuses, sans doute à cause de la fermeté de la réaction d'Houphouët.
La Voix de la Révolution, dans ses émissions en langues nationales, affirme que Sékou Touré n'a jamais eu l'intention d'attaquer le "peuple frère du Ghana" et que les préparatifs militaires en Guinée étaient simplement destinés à prévenir une probable agression impérialiste.

Le 23 mars, les nouvelles autorités du Ghana et la Côte d'Ivoire annoncent qu'ils ont mis en oeuvre des mesures communes de défense contre les menaces guinéennes.

Mais le 24 mars, le ton se fait de nouveau plus incisif ; la radio guinéenne déclare :

"Nous savons qu'à Accra, à Abidjan et dans d'autres capitales d'États africains fantoches, vous vous démenez comme de beaux diables, vous mettez sur pied de guerre des colonnes de mercenaires pour empêcher le peuple guinéen de participer à la destruction de l'impérialisme en Afrique." Elle qualifie Houphouët de "traitre" et l'accuse d'avoir décrété la "mobilisation de l'armée d'occupation française". Ce même 24 mars, Philippe Grégoire Yacé, président de l'Assemblée nationale ivoirienne et secrétaire général du PDCI, met violemment et personnellement en cause Sékou Touré 209.

Pendant ce temps, Nkrumah parle régulièrement sur les ondes de la Voix de la Révolution ; il y intervient le 24 mars, puis le 10 avril ; le 24 avril, il y déclare qu'il a des "plans très précis" pour renverser les "aventuriers néocolonialistes" et affirme que sa victoire est imminente.

Le 7 avril, un Sommet spécial du Conseil de l'Entente se réunit à Abidjan. Sans doute en coulisses les participants sont-ils plutôt satisfaits du coup d'État qui les a débarrassés d'un voisin qui ne cessait de leur causer des problèmes et dont le titre d'Osagyefo (autrement dit "Messie" ou "Sauveur") qu'il s'est laissé attribuer leur parait à la fois sacrilège et menaçant pour leur propre autorité. Publiquement, tous les partenaires expriment leur solidarité avec la Côte d'Ivoire face aux conséquences de la chute de Nkrumah et aux menaces de la Guinée.

Le 13 avril, Houphouët estime que Sékou a fait preuve de vantardise et qu'il n'y a pas de tension réelle entre les deux pays ; il affirme qu'il ne permettrait pas à la Côte d'Ivoire de devenir une base d'action contre la Guinée ; il avait en conséquence interdit désormais toute réunion du Front National de Libération de la Guinée (créé fin mars et qui rassemble 5.000 réfugiés guinéens), qui continue cependant à injurier Sékou Touré sur les ondes de Radio Abidjan. Sans doute se produit-il encore un incident frontalier le 25 avril (un soldat guinéen est tué par des militaires ivoiriens).

Le 27 avril, Sékou met au défi le général Ankrah d'organiser un référendum sous le contrôle de l'OUA : que le peuple ghanéen choisisse entre lui et Nkrumah !

Mais vers la fin du mois d'avril, les troupes ivoiriennes sont progressivement retirées des zones frontières 210.

Les nouvelles autorités ghanéennes envoient des missions de bonne volonté dans les capitales africaines. Les difficultés avec les voisins sont vite aplanies. Avec le Togo, la frontière est rouverte le 23 avril.

Le 29, un accord frontalier est conclu entre Abidjan et Accra : la frontière est rouverte aussitôt. Celle entre le Mali et la Côte d'Ivoire, fermée depuis le coup d'État, est rouverte le 18 mai.

Le 25 avril, Accra dépose une plainte contre la Guinée au Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Ghana ne voit pas d'inconvénients à ce que Nkrumah reçoive l'asile politique en Guinée, mais proteste contre l'autorisation donnée à ce dernier d'utiliser Radio Conakry pour attaquer le gouvernement d'Accra et de se servir de la Guinée comme d'une base et d'un quartier-général. Les actes hostiles et la quasi-déclaration de guerre de Conakry constituent une menace pour la paix et la sécurité internationale.

Le 27, la Guinée répond que la plainte ghanéenne est injustifiée, que tous les faits allégués sont imaginaires, et que le Conseil devrait classer l'affaire.

Le 30 avril, Philippe Yacé lance aux pays occidentaux (et notamment aux Américains) un très net avertissement :

"A nos amis occidentaux, nous disons qu'il est temps que l'on fasse une distinction entre les maîtres-chanteurs dont les coeurs sont à Pékin et la main servile tendue vers l'Occident, et nous, qui avons accepté le chemin difficile de la coopération internationale. "

En fait, la tension s'apaise progressivement. Nkrumah espace ses déclarations, Sékou ne renouvelle pas ses menaces, la vie s'organise au Ghana sous le nouveau gouvernement.
Pourtant, l'antagonisme entre la Guinée révolutionnaire et les autorités d'Accra va bientôt provoquer une nouvelle crise sérieuse, qui ébranlera même l'Organisation de l'Unité Africaine.

Celle-ci doit tenir son 4ème Sommet à Addis Abeba du 5 au 9 novembre 1966 ; comme toujours, cette réunion est précédée par un conseil des ministres des affaires étrangères. Le ministre guinéen, Lansana Béavogui, doit y participer avec trois de ses collaborateurs, et se met en route pour Addis. Le 29 octobre, les autorités ghanéennes profitent de l'escale à Accra de l'avion de la compagnie américaine PANAM qui effectue le parcours régulier Conakry-Lagos pour arrêter la délégation guinéenne, ainsi que quinze étudiants guinéens qui rejoignaient leur université dans la capitale du Nigeria ; ils sont tous transférés dans un camp militaire.
Le gouvernement ghanéen proclame qu'ils ne seront libérés que lorsque les Ghanéens illégalement détenus en Guinée seront eux-mêmes relâchés (ils sont plus de 80). Il précise qu'il a été obligé de recourir à cette action énergique contre un pays qui a un mépris total pour des relations internationales normales. Il admet que cette mesure est contraire aux usages diplomatiques, mais met en cause l'attitude systématiquement hostile de Sékou et ses menaces d'invasion du Ghana.

Le 31 octobre, Ankrah tient une conférence de presse. Les Guinéens ne seront pas relâchés avant que Sékou Touré devienne raisonnable et libère Les Ghanéens détenus en Guinée contre leur volonté 211.
Il cite plusieurs actes anti-diplomatiques commis à Conakry :

Dès que l'arrestation de Béavogui est connue à Conakry, Sékou appelle à une manifestation monstre "contre les machinations de l'impérialisme américain et de ses marionnettes d'Accra".

Radio Conakry annonce le 30 octobre que l'ambassadeur américain, Robinson Mc Ilvaine, convoqué au Ministère des affaires étrangères, y a été informé qu'il était mis en résidence surveillée dans sa demeure officielle, parce que le gouvernement guinéen tenait les États-Unis pour entièrement responsables de l'arrestation de sa délégation à Accra, PANAM étant une compagnie américaine 212.

Un communiqué du PDG affirme que le gouvernement des États-Unis devait remplir ses obligations en amenant la délégation guinéenne à Addis Abeba avant l'ouverture de la session.
Le Département d'État proteste contre le traitement infligé à son ambassadeur et demande sa libération immédiate, ainsi que celle d'un employé local de PANAM, également retenu. Il dément que Washington ou PANAM aient joué un quelconque rôle dans cette affaire 213.
Le 31 octobre, McIlvaine est libéré, mais le même jour, des dizaines de milliers de manifestants conduits par des responsables de la jeunesse et de la milice attaquent l'ambassade américaine, alors située près du port de la capitale, et la mettent à sac. La résidence est également envahie, mais ni l'ambassadeur, ni sa famille ne sont molestés. De nouveau, Washington proteste vivement.
Le conseil des ministres de l'OUA a décidé le 31 octobre d'envoyer une mission spéciale à Accra et à Conakry ; elle est dirigée par Justin Bomboko (ministre des Affaires étrangères du Congo-Léopoldville), du vice-président Murumbi du Kenya, et de John Williams, ministre de l'information de la Sierra Leone. La mission rencontre Ankrah le 2 novembre ; celui-ci expose longuement ses griefs vis-à-vis de la Guinée, qu'il soupçonne toujours de vouloir rétablir Nkrumah à la tête du pays, y compris par la force armée. Elle entend trois gardes de sécurité qui se sont échappés de Guinée. Puis le même jour, elle se rend à Conakry, où elle s'assure qu'aucun des 82 Ghanéens qu'elle peut interroger n'est retenu contre sa volonté. De son côté, Sékou adresse le 2 novembre un message à l'OUA, disant que tout Ghanéen qui voudrait être rapatrié au Ghana le serait aux frais du gouvernement guinéen.

Ce même 31 octobre, l'empereur d'Éthiopie Hailé Sélassié envoie à Accra son ministre de la justice, Mammo Tedesse ; le général Ankrah lui confirme qu'il ne libérera la délégation guinéenne que lorsque le groupe de Ghanéens serait autorisé à quitter Conakry. L'attitude ghanéenne est condamnée par la Chine, l'Algérie, la RAU, la Tanzanie.

Le 2 novembre, Edward M. Korry, ambassadeur américain en Éthiopie, remet à Diallo Telli, Secrétaire général de l'OUA, une note désapprouvant la détention de la délégation guinéenne comme "contraire à la pratique internationale", mais protestant aussi contre les événements de Conakry.
Le même jour, U Thant lance un appel au Ghana pour qu'il relâche les Guinéens, mais demande également à Sékou Touré de laisser la Croix Rouge ou une agence internationale "acceptable" venir vérifier si certains ghanéens se trouvant en Guinée voulaient ou non retourner au Ghana.

Le 4 novembre, Accra accepte la proposition d'U Thant. De son côté, Sékou Touré promet le 2 novembre que la Guinée prendra en charge financièrement le voyage de tout Ghanéen qui déciderait de revenir dans son pays.

Le 5 novembre, le général Ankrah, qui dirige lui-même la délégation ghanéenne à l'OUA, est reçu à Addis Abeba par l'empereur Hailé Sélassié, en même temps que les présidents Nasser et Tubman ; au terme de quatre heures de discussion, il accepte de laisser repartir la délégation guinéenne. Le lendemain, Béavogui et ses collaborateurs quittent Accra pour Lagos, d'où il reçoivent instructions de Sékou Touré de ne pas aller à Addis Abeba, mais de regagner Conakry. C'est Léon Maka, président de l'Assemblée nationale guinéenne, qui est chargé de se rendre à Addis, où il doit non pas siéger en séance mais informer les délégations des faits qui viennent de se passer. De leur côté, les quinze étudiants guinéens reprennent le chemin de Lagos.
Le Sommet de l'OUA s'ouvre le 5 novembre 1966 ; seize chefs d'État ou de gouvernement seulement y assistent, alors que l'organisation compte désormais 38 membres (le Lesotho et le Botswana viennent d'y être admis). Sékou est ulcéré d'apprendre que Hailé Sélassié, Boumediène, Nyerere, Nasser, Tubman, Modibo Keita, Kaunda et d'autres, acceptent de siéger sans sourciller ou sans protester aux côtés du général Ankrah 214.

Nasser envoie un avion spécial à Conakry pour permettre à Sékou de venir quand même au Sommet. Mais le 6 novembre, Sékou affirme que l'insulte faite à la Guinée n'a pas encore été effacée, parce que les autres leaders africains acceptent la présence d'Ankrah à Addis. Il refuse en conséquence d'assister lui-même au Sommet et ordonne le 7 novembre à Béavogui de revenir à Conakry.

Le 8, la délégation conduite par Léon Maka arrive à Addis, avec instruction de ne pas participer aux travaux de l'OUA, mais de prendre contact avec les délégations amies pour les informer des mauvais traitements infligés à la délégation de Béavogui à Accra.

Le 8 novembre, Conakry expulse les 64 volontaires du Peace Corps, ainsi que huit cadres du service d'information de l'ambassade américaine. Le directeur américain de l'usine de Fria est mis en résidence surveillée 215. Par ailleurs, Sékou interdit désonnais l'aéroport de Conakry à la compagnie PanAm.
Nasser est vivement déçu du refus et de l'absence de Sékou Touré. Le conflit entre le Ghana et la Guinée domine les débats de la réunion. A la clôture de celle-ci, Julius Nyerere déclare que la France et la Grande Bretagne ont plus d'influence à l'OUA que tous les pays africains eux-mêmes. “L'Afrique est en proie au désordre … Je suis un bon Africain et par conséquent superstitieux. Je crois qu'il existe des diables. Il doit y avoir un diable en Afrique et à l'OUA.”

Les efforts de Sékou pour ramener Nkrumah au pouvoir et “moraliser” l'Afrique ont échoué. Il n'y aura pas de nouvelles menaces d'intervention, ni de nouvel esclandre. Simplement, Sékou Touré se renferme un peu plus sur lui-même 216.

De 1966 à 1972, Nkrumah connaît donc l'exil. Sans doute effectue-t-il quelques voyages à travers la Guinée, mais il reste confiné la plupart du temps dans la vaste villa Sily de Coléah mise à sa disposition par Sékou Touré, et située en bordure de mer 217. Il s'y retrouve avec les membres de sa famille qui l'ont suivi, et un entourage de quelques fidèles 218 ; un commissaire de police guinéen, Coumbassa Abdoulaye, est affecté auprès de lui pour sa sécurité. En décembre 1966, la police ghanéenne promet une récompense de 10.000 livres à qui ramènera Nkrumah au Ghana “mort ou vif”. L'ancien leader reçoit des visites, notamment Sékou Touré, qui au début passe assez régulièrement le voir, puis se fait de plus en plus rare 219.

Madame Andrée en revanche lui rend souvent visite ; leurs conversations se passent en anglais avec l'aide d'un interprète, mais Nkrumah se met à l'apprentissage du français. Il est déçu que sa femme, d'origine égyptienne, ait toujours refusé de venir le rejoindre à Conakry, et que depuis le coup d'État de 1966, elle réside en Égypte avec leurs trois enfants. Il s'inquiète aussi de ne recevoir aucune nouvelle de sa mère, consignée par les autorités ghanéennes dans leur village natal. Nkrumah est associé à quelques visites officielles, à des soirées artistiques, à des manifestations populaires. Il consacre une bonne partie de son temps à écrire des ouvrages théoriques et révolutionnaires.

Mais, à la fin de 1970, son état de santé se dégrade et il “décroche” petit à petit de la réalité ; il est atteint d'un cancer du foie, pour lequel des médecins des pays de l'Est le soignent vainement sur place. Au début de l'été 1971, il est amené à Dalaba, où le climat est plus agréable que dans la capitale guinéenne. Le 29 juillet 1971, il est évacué vers la Roumanie, via Belgrade, accompagné par le docteur Gabriel Suytba [?], et par Sana Camara, fonctionnaire guinéen.

En janvier 1972, Madame Andrée souhaite lui rendre visite à Bucarest, mais le gouvernement soviétique, de manière très surprenante, lui refuse le visa de transit par l'Union soviétique 220.

Finalement, le 27 avril 1972, Kwamé Nkrumah meurt dans le sanatorium de Roumanie où il était en traitement 221. Sa dépouille est rapatriée vers Conakry par avion 222.
Le gouvernement du Ghana publie un communiqué assez positif, affirmant que "sa place dans l'Histoire est assurée par son rôle de principal architecte de l'indépendance du pays" et qu'il a été un "utile artisan de l'unité africaine."
Le 1er mai, la radio de Lagos rapporte qu'à la suite d'une intervention du général Gowon, président du Nigeria, le gouvernement guinéen a accédé à la requête du gouvernement d'Accra qui souhaitait que le corps de l'ancien président reposât en terre ghanéenne. Le même jour, le colonel Acheampong, président du Conseil national de Rédemption, confirme cette nouvelle, précise que Nkrumah sera enterré en un lieu déterminé par sa famille, et annonce que le transfert du corps depuis Conakry aurait lieu vers la mi-mai.

Sékou Touré cependant se fait tirer l'oreille ; il cherche encore de manière posthume à venger l'affront fait à son ami et n'a pas l'intention de renoncer si vite au symbole que constituent les restes de son ancien compagnon de lutte. Le 14 mai 1972, jour où l'on célèbre le 25ème anniversaire de la création du PDG, la dépouille de Nkrumah est solennellement déposée dans le Mausolée des Héros Africains dans le quartier de Camayenne à Conakry, où reposent déjà les restes de l'Almamy Samory Touré, d'Alfa Yaya Diallo et de quelques autres figures historiques de la Guinée (Amilcar Cabral y sera inhumé l'année suivante, quelques jours après son assassinat, et Sékou Touré lui-même après son décès en mars 1984). Des milliers de militants assistent à la cérémonie, à laquelle participent également la veuve de Nkrumah, les présidents Ould Daddah de Mauritanie, Apithy du Dahomey (Bénin) et Tubman du Liberia, ainsi que Stokeley Carmichaël, le leader du mouvement américain du "Black Power" 223.
Quatre jours plus tard, le colonel Acheampong doit annoncer que contrairement à ce qui avait été convenu, le gouvernement guinéen refuse le transfert du corps de Nkrumah au Ghana jusqu'à ce que l'ancien président soit complètement réhabilité et que ses partisans retrouvent leurs postes ! De nouvelles discussions s'engagent alors. Finalement, Sékou Touré cède ; le 7 juillet 1972, le corps de Nkrumah, remis à une délégation officielle venue du Ghana, est rapatrié de Conakry vers Accra. Une manifestation publique est organisée le 8 juillet dans la capitale ghanéenne ; le président Acheampong vient s'y incliner devant le corps de son illustre prédécesseur. Sékou Touré aura au moins obtenu ce geste symbolique de réparation.
Plus rien ne fait obstacle désormais à la normalisation des relations entre le Ghana et la Guinée 224.
Celle-ci se produira quelques mois plus tard, le 25 septembre 1972 ; à cette occasion, Sékou se dit satisfait des funérailles nationales faites à Nkrumah ; le Ghana a ainsi "restauré son bon renom dans le monde" 225.

Les chemins de la Guinée et du Ghana, les premiers pays anglophone et francophone devenus indépendants en Afrique subsaharienne, ne se croiseront plus jamais avec la même intensité qu'auparavant.
Le 24 septembre 1979, le Ghana retrouve un gouvernement civil après que le capitaine Jerry Rawlings eût remis au président élu Hilla Limann le pouvoir qu'il avait conquis trois mois auparavant. Sékou Touré hésite à revenir dans la capitale ghanéenne, car le souvenir de Nkrumah reste ancré en lui et il craint de trahir la mémoire de son ami en parcourant les lieux où ils avaient ensemble, en dépit de certaines divergences, rêvé de l'unité africaine. Mais finalement il assiste aux célébrations de l'inauguration du nouveau président ghanéen. Après le défilé, au cours duquel Rawlings a été follement applaudi, Sékou prononce un discours dans lequel il affirme le soutien de la Guinée au Ghana, adjure les Ghanéens de ne pas se laisser aller aux luttes tribales et de travailler ensemble à la reconstruction de la nation, de manière à pouvoir réoccuper leur place dans les luttes pour la libération de l'Afrique.
Le président Hilla Limann effectuera une visite officielle en Guinée en mars 1980. Le capitaine Jerry Rawlings, qui lui reprendra le pouvoir en 1981, se rendra lui aussi à Conakry en janvier 1984, quelques semaines avant la mort de Sékou Touré.

Notes
199. Le Premier ministre Chou en Lai avait visité le Ghana en janvier 1964. Nkrumah voyageait relativement peu en dehors de l'Afrique. En juin 1965, alors qu'il faisait une toumée en Europe occidentale, le général de Gaulle avait refusé de le recevoir (en affirmant qu'il ne recevait que les chefs d'État africains liés à la France par des accords particuliers) et l'avait renvoyé sur le ministre des affaires étrangères, Maurice Couve de Murville. Voir annexe 3.
200. Celui-ci avait servi à la tête du contingent de casques bleus ghanéens au CongoLéopoldville, et Nkrumah l'avait décoré "pour avoir sauvé la vie de Patrice Lumumba".
201. Ils y resteront jusqu'au décès de Nkrumah en 1972, refusant apparemment de le suivre en exil à Conakry. Le plus âgé, médecin, le docteur Francis Nkrumah, est actuellement à la retraite au Ghana. Le second, Gama! Abdel Nasser Nkrumah, est journaliste en Égypte. La fille, Samia Nkrumah, vit en Italie et le fils cadet, Sékou Nkrumah, milite au Ghana dans le parti créé par Jerry Rawlings, le National Democratie Congress (NDC). Par ailleurs, Nkrumah avait un autre fils né d'une Ghanéenne qu'il n'avait pas épousée.
202. Venu au Ghana pour suivre les travaux du Sommet de l'OUA en octobre 1965, il fut accusé de n'avoir pas prévenu les autorités d'un complot contre Nkrumah dont il aurait eu connaissance, de complicité dans ce complot, et enfin d'avoir importé 5 livres sterling de plus que le montant officiellement autorisé. Lutz avait seulement admis cette dernière accusation.
203. En juillet 2001, le gouvernement ghanéen a proposé de créer une commission d'enquête sur les violations des droits de l'homme commises dans le pays par tous les régimes qui se sont succédé à Accra depuis l'indépendance en 1957 jusqu'à la fin du régime militaire en 1992. Le président Kufuor a en outre proposé la création d'une commission nationale de réconciliation, semblable à celle qui fonctionne depuis quelques années en Afrique du Sud.
204. Un officiel ghanéen affirme que Cuba forme deux mille Ghanéens à la guérilla pour aider à ramener Nkrumah au pouvoir. Quant à l'Allemagne de l'Est, un colonel issu des services de sécurité de la République démocratique allemande a entraîné les forces spéciales ghanéennes.
205. L'ambassadeur de Chine en Guinée a vainement tenté d'obtenir de Sékou qu'il intervienne afin que Nkrumah ne passe pas par Moscou, mais plutôt par l'Inde et l'Égypte (témoignage à l'auteur de Seyni Niang, représentant du Parti Africain de l'Indépendance PAI — Sénégal — à Conakry depuis 1960, emprisonné en 1961 au camp Boiro dans le cadre du “complot des enseignants”, libéré par coïncidence au moment de la chute de Nkrumah et qui, à l'invitation de Sékou, a logé au Palais présidentiel pendant une quinzaine de jours, Dakar, 30 mai 1998).
206. Le coup d'État militaire au cours duquel un Conseil de la révolution animé par le colonel Houari Boumediène a renversé Ben Bella a eu lieu le 19 juin 1965. Le prochain coup militaire à frapper l'un des proches de Sékou concernera Modibo Keita le 19 novembre 1968.
207. Cette décision semble provoquer quelques problèmes protocolaires imprévus. Ainsi, “l'ambassadeur de Suisse en Guinée a éprouvé un certain embarras lors de la présentation de ses lettres de créance, car il se trouvait en présence de Sékou Touré et de Nkrumah. Cette anecdote fait bien rire le Général.” (Jacques Foccart, "Tous les soirs avec de Gaulle, Journal de l'Élysée 1, 1965-1967", Paris, Fayard/Jeune Afrique, 1997).
208. Gordon Thomas, spécialiste américain du monde du renseignement, affirme dans son ouvrage "Histoire secrète du Mossad" (Paris, Nouveau Monde, 2006, 528 p.) que la chute de Nkrumah a été — au moins en partie — l'oeuvre des Israéliens.
209. Voir en Annexe 1 le texte de son discours.
210. Jacques Foccart accrédite pourtant la thèse de Sékou Touré. Voir en annexe 2 ce qu'il note à la date du 18 avril 1966
211. Il s'agit de 70 personnes de l'entourage de Nkrumah, et de 23 étudiants qui auraient été interceptés alors qu'ils cherchaient à quitter la Guinée.
212. L'ambassadeur Robinson McIlvaine venait d'être nommé en Guinée et avait présenté ses lettres de créance à Sékou Touré quelques jours à peine avant cet incident. McIlvaine, qui avait commencé sa carrière diplomatique en 1956 au Portugal, puis avait servi au Congo et au Bénin, l'a poursuivie après la Guinée — qu'il a quittée en 1969 — au Kenya. II est décédé à son domicile de Washington le 24 juin 2001. Sa femme (épousée en secondes noces en 1961 et qui l'avait accompagné en Guinée) affirma après le décès de son mari que Sékou Touré leur avait présenté des excuses pour ces incidents.
213. Certains y verront la main de la CIA, qui aurait également cherché à neutraliser Nkrumah à Conakry. Les marins du chalutier ivoirien "Ker Isper" arraisonné dans les eaux guinéennes en février 1967 auraient tous été recrutés dans le village natal de Nkrumah et auraient été chargés de le liquider.
214. Ni Houphouët ni Senghor n'assistent au Sommet. Hassan II non plus, à cause de la présence d'une délégation de la Mauritanie.
215. Il semble que les Américains se demandent pourquoi Sékou Touré réagit de cette manière, alors que les cadres supérieurs français ne sont pas inquiétés lorsque les relations franco-guinéennes sont mauvaises (selon Jacques Foccart, "Tous les soirs avec de Gaulle, Journal de l'Élysée 1. 1965-1967", op. cité).
216. La réussite du coup d'État contre Nkrumah relance les espoirs de l'opposition guinéenne, à cette époque encore essentiellement regroupée autour de la Ligue de Siradiou Diallo et d'Ibrahima Baba Kaké. Ainsi, celle-ci contacte Barry Diawadou, alors ambassadeur au Caire, mais celui-ci répond qu'il n'est pas question qu'il rallie l'opposition (Conversation de l'auteur avec Ibrahima Baba Kaké à la suite de l'enregistrement de l'émission de RFI. “Mémoires d'un continent” sur Diallo Telli, Paris, 1990).
217. Selon certains témoignages guinéens, il était assisté d'un bureau des affaires africaines qui comprenait notamment d'anciens nazis plus ou moins repentis, comme Hanna Reitsch (ancienne pilote d'essai de l'Allemagne nazie, qui proposa de poser son avion près du bunker de Berlin où se trouvait Hitler en mai 1945 pour essayer de le faire fuir ; elle résida au Ghana de 1962 à 1966, et y créa une école de pilotage de vol à voile), deux médecins bactériologistes du camp de Ravensbruck, un ancien directeur de cabinet du ministre von Ribbentrop …
218. Plusieurs de ceux-ci, suspectés de trahison, se voient arrêtés à la demande de Nkrumah et emprisonnés au Camp Boiro, où certains sont torturés et finissent par mourir. C'est en particulier le cas de son aide de camp, Kodjo Koffi. (voir Kindou Touré, "L'unique survivant du complot Kaman-Fodéba", Paris, 1987, éd. L'Harmattan).
219. Selon certains témoignages guinéens, c'est Nkrumah, après son éviction, qui aurait enseigné à Sékou Touré diverses pratiques pour conserver sa puissance et échapper à ses ennemis, comme de se faire enduire de sang et de graisse humains. Pour cela, trois prisonniers choisis au hasard seraient amenés en un lieu secret; l'un d'entre eux serait tiré au sort et aussitôt égorgé et éventré ; le bénéficiaire de ces pratiques, qui devait se tenir à proximité, en était immédiatement enduit. Ces témoignages sont évidemment invérifiables et émanent de cercles guinéens très hostiles à Sékou Touré, et donc enclins à lui imputer ce genre de pratiques. De plus, si Nkrumah les a lui-même utilisées, elles ne lui ont apparemment pas été bénéfiques. Voir en annexe une opinion assez divergente d'un éditorialiste ghanéen qui écrit en 2007 que Nkumah a été trahi par un certain nombre de services (dont la CIA), mais aussi par Sékou Touré, qui n'aurait eu aucune confiance en lui.
220. Entretien avec Madame Andrée Touré, Dakar, Il août 1997.
221. Le 27 avril, l'Agence France-Presse annonce la première qu'il est mort à Conakry ; elle rectifie le lendemain cette fausse information.
222. Nicolae Ivan Vancea, ambassadeur de Roumanie à Conakry, est expulsé de Guinée pour avoir suggéré à Sékou Touré que la dépouille de Nkrumah pourrait être ramenée directement de Bucarest à Accra. Cette décision embarrasse le Liberia, qui avait pris la décision d'établir des relations diplomatiques avec la Roumanie et envisageait d'agréer ce même ambassadeur avec résidence à Conakry.
223. Ce dernier, qui a épousé la chanteuse d'origine sud-africaine Miriam Makeba, réside alors avec celle-ci à Conakry. Il mourra d'ailleurs dans la capitale guinéenne, le 15 novembre 1998.
224. En aoüt 1968, Accra avait demandé le remboursement du prêt de vingt millions de cédis accordé par Nkrumah à la Guinée à la fin de 1958. L'auteur pense que ce prêt n'a jamais été remboursé.
225. Le corps de Nkrumah repose aujourd'hui à Accra dans un mausolée qui est consacré à sa vie et à son oeuvre, situé au milieu d'un parc créé à cette fin en 1992 par le président Rawlings.

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