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André Lewin
Ahmed Sékou Touré (1922-1984).
Président de la Guinée de 1958 à 1984.

Paris. L'Harmattan. 2010. Volume II. 263 pages


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Chapitre 53. — 22 mai 1963
Des accords qui constituent une nouvelle chance
pour les relations franco-guinéennes, mais en apparence seulement


Le 14 mai 1963, alors que l'on s'apprête à signer quelques jours plus tard à Addis Abeba la Charte de l'OUA, réunion à laquelle Sékou Touré s'est évidemment rendu en personne, une délégation guinéenne arrive à Paris pour discuter et conclure de nouveaux accords entre la Guinée et la France.
Elle est dirigée par Saïfoulaye Diallo, ministre d'État, et composée d'Ismaël Touré, ministre du développement économique, Moussa Diakité, ministre des finances, Alpha Abdoulaye Diallo (dit Porthos), secrétaire général du ministère des affaires étrangères, Nanamoudou Diakité, ambassadeur en France, et Nabi Youla, ambassadeur à Bonn.

Des déclarations apaisantes ont été faites par Sékou Touré au cours des semaines précédentes. Dans une interview de mars 1963 accordée au quotidien Nord-Éclair, Sékou Touré déclare :

« Si le Général de Gaulle veut bien rendre visite à la Guinée, j'en serais heureux. Il sera reçu ici, à Conakry, mieux peut-être qu'il ne l'a jamais été. Nous n'avons pas dit “Non” à la France, ni à de Gaulle. Au contraire, nous voulions sitôt notre Indépendance acquise et garantie, signer les accords d'association prévus par la Constitution Française. Nous avons toujours souhaité la coopération avec la France. Certainement, je préférerais des techniciens français pour nous aider, puisque nous parlons français et que tant de liens nous attachent à la France.
Nous avons toujours souhaité la coopération avec la France. La guerre d'Algérie empoisonnait nos rapports. Maintenant, plus rien ne devrait s'opposer au règlement du contentieux franco-guinéen. »56

Peu après, il récidive dans le même ton dans Paris-Match :

« Vous voyez, ce n'était qu'un malentendu. Je n'ai jamais voulu faire de peine au Général de Gaulle. Mon discours, je lui en avais fait remettre un exemplaire avant de le prononcer. Mais un de ses ministres, par distraction, l'avait oublié dans le fond de sa poche. Si le général voulait bien venir à Conakry, je promets qu'il serait reçu mieux sans doute qu'il ne l'a jamais été. »

[Erratum. — Le gouverneur de la Guinée française, Jean Mauberna, lut le texte avant de le remettre au Général de Gaulle, prenant soin de souligner en rouge les “passages durs” à l'intention du visiteur. Le général prit-il connaissance du document ? La question demeure. Toutefois, deux membres de sa délégation, Pierre Messmer (haut-commissaire de l'Afrique occidentale française) et Bernard Cornut-Gentille (ministre de la France d'outre-mer) le lurent, ainsi que Gabriel d'Arboussier (président du Grand Conseil de l'AOF). Lorsqu'il s'entretient brièvement avec Sékou Touré au Palais du Gouverneur avant le rendez-vous à l'Assemblée territoriale, “il tenait [le document] enroulé dans la main gauche”, selon Sékou Touré. Lire G. Chaffard. Carnets secrets de la décolonisation. “Comment la Guinée entra dans la nuit” et ma propre note. — Tierno S. Bah.]

Et il encourage la Première Dame, madame Andrée Touré, à se rendre en avril à Paris, où elle est accueillie de nombreuses personnalités tant françaises qu'africaines. A son arrivée à Paris à la tête de sa délégation, Saïfoulaye Diallo rend de son côté un vibrant hommage au général de Gaulle :

« En venant ici, nous devons dire que notre confiance est totale à l'endroit de l'homme du 18 juin 1940, qui est aussi l'homme de la conférence historique de Brazzaville et aussi du grand référendum de septembre1958 : j'ai nommé le Général de Gaulle. Le président de la République française incarne les vertus essentielles que nous, Guinéens, saluons avec un respect particulier : l'honnêteté, le courage, la dignité, le patriotisme. Grâce à sa vision saine et réaliste de l'Histoire, le grand soldat a pris la tête de la croisade de libération politique des peuples dont la France assumait jusque-là l'administration. »

Au cours de la séance inaugurale, qui se tient le 15 mai au ministère français des affaires étrangères 57, Saïfoulaye Diallo souligne l'importance que le gouvernement guinéen attache à l'amélioration et à l'approfondissement des relations entre la Guinée et la France qui, sous la conduite du général de Gaulle, a su mener l'Afrique à l'indépendance et mettre fin à la guerre d'Algérie. Saïfoulaye Diallo ajoute qu'il a les pleins pouvoirs du gouvernement guinéen ; et qu'il pourra signer directement les textes approuvés.

Les négociations au niveau des experts ont rapidement abouti à un accord de principe sur les principaux problèmes débattus : règlement du contentieux, coopération technique, échanges culturels, questions commerciales et problèmes de paiement 58.
Le 22 mai, les différents textes peuvent être signés : un accord commercial, une convention particulière sur les relations entre les deux Trésors, un arrangement sur le contentieux financier, une convention d'assistance technique Saïfoulaye Diallo signe pour la Guinée, Michel Habib-Deloncle, secrétaire d'État aux affaires étrangères, pour la France.
Avant de quitter Paris, le 24 mai, la délégation guinéenne est reçue par le général de Gaulle, qui se félicite de la conclusion de ces accords. Saïfoulaye Diallo invite au nom de Sékou Touré et de la Guinée tout entière le général à se rendre de nouveau à Conakry, et de Gaulle remercie sans rien promettre. Et il est peu probable, contrairement à ce que certains affirment — ou espérent — qu'il ait invité Sékou Touré à venir en France.
Il n'a en effet visiblement pas changé d'avis sur la possibilité de coopérer avec la Guinée de Sékou Touré. Sur un télégramme du 15 juin 1963 par lequel l'ambassadeur Pons rend compte d'un entretien qu'il a eu avec Sékou Touré à propos notamment des difficultés quotidiennes de la Guinée, de Gaulle appose une annotation particulièrement négative :

« Comme je l'ai toujours pensé, dit et pratiqué, il faut être d'une froideur et d'une circonspection rigoureuses dans nos rapports avec Sékou Touré, et du même coup avec la Guinée. Les illusions et effusions ne sont absolument pas de mise. » 59

Un communiqué final au ton aussi positif que possible a été rendu public le jour de la signature des accords, le 22 mai. On précise aussi que la Guinée accepte de compenser pour les nationalisations des grandes compagnies (Société immobilière de Guinée, Bauxites du Midi, BAO, etc), mais aussi celles des sociétés plus modestes (une centaine de dossiers) ; la Guinée accepte aussi les dettes contractées vis-à-vis de la Caisse centrale de Coopération Économique, y compris celles datant d'avant l'indépendance 60.
Pourtant, un mois et demi après la signature de ces accords, Paris donne une interprétation assez restrictive de ces textes, qui doivent rester confidentiels 61 :

« Il convient, pour apprécier la portée de ces divers instruments, de les replacer dans leur contexte exact. Ces accords ne visent qu'à régulariser une situation contentieuse créée par les décisions du Gouvernement guinéen lors de la réforme monétaire du 15 mai 1960 (NDLA : il s'agit-là d'une erreur de date ; la sortie de la zone Franc et les mesures prises pour la création d'une monnaie guinéenne autonome datent de mars 1960), à rétablir des courants commerciaux pratiquement arrêtés depuis cette date et à reprendre les transferts financiers dont l'interruption était également gênante pour l'une et l'autre partie. Leur mise en vigueur n'entraîne donc aucune modification de la situation de la Guinée qui demeure, par rapport à la France, un pays étranger ne bénéficiant d'aucun statut spécial ni d'aucun privilège particulier.
Les négociateurs guinéens et, notamment le Ministre des Finances ont affirmé, d'une façon dénuée de toute ambiguité, leur volonté de tenir Leur pays en dehors de la zone franc. Ils se conformaient ainsi visiblement à des consignes expresses. Il ne faut donc pas voir dans la convention particulière conclue entre les deux Trésors l'amorce d'une prochaine entrée de la Guinée dans la zone franc. Peut-être, un jour, les Guinéens solliciteront-ils leur admission dans cet ensemble, ou rechercheront-ils une formule d'association de leur Banque Centrale avec la Banque Centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest, comme M Sékou Touré en aurait, aux dires de M. Senghor, évoqué la possibilité. Ils n'ont effectué, en tout cas, jusqu'à présent, aucune démarche dans ce sens et, au contraire, ont persévéré dans leur désir de disposer d'une monnaie qu'ils considèrent comme indépendante et sauvegardée par l'adhésion de la Guinée au Fonds Monétaire International.
De même nos interlocuteurs, lors des récentes négociations, ont éludé le problème de l'association de leur pays à la Communauté Économique Européenne. Lorsque la question a été soulevée à propos du tarif applicable à l'importation en France des produits guinéens (actuellement exemption de droits), ils ont manifesté leur intention de rester, pour le moment à l'écart de la CEE, malgré les inconvénients évidents qu'une telle abstention comporte pour eux sur le plan économique. Comme il leur était fait remarquer que le Gouvernement français aurait beaucoup de difficulté à obtenir des autres membres de la CEE le maintien du régime exceptionnel dont jouit la Guinée, si les autorités de Conakry n'accomplissaient pas de leur côté au. moins un geste de bonne volonté envers la Communauté, ils ont répondu que leur gouvernement avait un préjugé favorable à l'égard du Marché Commun, et serait probablement disposé à envoyer à Bruxelles une mission d'information.
Ces indications ne correspondent pas exactement aux déclarations qui ont été faites par certains dirigeants guinéens à d'autres personnalités africaines, notamment par M Sékou. Touré à M Senghor. Si elles invitent à la prudence, elles ne doivent pas, cependant, conduire à la conclusion que le règlement du contentieux franco-guinéen est sans signification politique.
En nous demandant de rouvrir les négociations et en les conduisant à bon terme, M. Sékou Touré a pris une initiative qui n'a pas été totalement dépourvue de répercussions politiques. Nous avons pu le constater à Addis-Abeba où le président guinéen a fait preuve d'une relative modération et n'a pas renouvelé ses attaques contre les États de l'UAM auxquels il reprochait volontiers jusque-là d'accepter l'aide de la France. »

Du côté guinéen, Sékou Touré, revenant d'Addis Abeba, fait escale au Tanganyika (future Tanzanie) les 30 et 31 mai 1963 ; bien entendu il est informé de la signature la semaine précédente des accords franco-guinéens, et dans un discours prononcé à Dar es Salaam, il cite la France en exemple comme puissance dé-colonisatrice.

Sur le chemin du retour à Conakry, il s'arrête début juin à Brazzaville, et s'arrange pour avoir une longue conversation détendue avec l'ambassadeur de France au Congo 62.
Certes, une fois revenu à Conakry, Sékou Touré adresse de vifs reproches à Saïfoulaye Diallo et à sa délégation 63. Il leur fait grief notamment d'avoir accepté le principe du remboursement par la Guinée de dettes publiques contractées, avant la loi-cadre, à l'égard de la Caisse Centrale. Il prend ombrage également du calendrier qu'on lui a imposé pour s'acquitter de ses obligations. Aussi décide-t-il de diviser par deux le montant des transferts auxquels les signataires de l'accord se sont engagés.

Mais il ne s'oppose finalement pas à ce que l'Assemblée nationale guinéenne approuve à l'unanimité, le 17 juin, les accords franco-guinéens du 22 mai 64. En revanche, alors que la population a salué avec espoir la signature de ces accords, il laisse passer un mois sans rien en dire, et lorsqu'il prend la parole en public, c'est fin juin, en langue vernaculaire, et dans des termes qui produisent l'effet d'une douche froide sur ses auditeurs.

Malgré ces quelques marques de mauvaise volonté, au début de l'été 1963, le ministère français des Finances, sans consulter le ministère des affaires étrangères, autorise Conakry à prélever sur les fonds intransférables réservés au règlement des dettes de la Guinée une somme de 15 millions de Francs représentant pour une part le droit d'entrée de ce pays au Fonds Monétaire International, à la Banque Mondiale et à l'Association internationale de développement (IDA), institutions de Bretton Woods auxquelles la Guinée est candidate depuis 1962, et a été admise, sous réserve justement de ce versement que Paris a décidé de lui faciliter. Sékou Touré marque sa satisfaction par un télégramme adressé au général de Gaulle, mais ne varie pas dans la ligne de conduite qu'il s'est tracée.
L'entrée en vigueur des accords ne rassérène cependant pas totalement l'atmosphère, bien que les commissions mixtes prévues se réunissent à intervalles réguliers, en juillet 1963, en janvier 1964 et en mai 1965 65. C'est en effet à cette époque, fin 1962-courant 1963, qu'un certain nombre d'enseignants et de coopérants français décident de mettre fin à leur présence en Guinée, où les conditions de vie et de travail deviennent très difficiles. Pour un petit nombre d'entre eux, la menace a déjà été agitée du côté français de faire jouer une nouvelle disposition de Code de la nationalité qui permet de déchoir de leur nationalité des Français (en principe ayant des liens avec l'administration) qui seraient liés à des gouvernements étrangers ou se livreraient à des activités mettant gravement en cause les intérêts de la France.
Jean Suret-Canale, Mademoiselle Christiane Grange et Jean-Paul Alata en particulier sont visés dès 1962 à la suite d'une note du Premier ministre Michel Debré, mais l'ambassadeur Pons, consulté, défend avec vigueur et habileté les deux premiers.
Finalement, seul Jean-Paul Alata sera déchu de la nationalité française, par décret pris en Conseil d'État, le 19 juin 1962. Le député Jean de Lipkowski, rapporteur des questions d'Afrique noire à l'Assemblée nationale, futur ministre de la coopération (en 1976), séjourne à Conakry juste avant le 14 juillet ((il visite également la Côte d'Ivoire, le Mali, et le Sénégal). Le 14 juillet justement, et pour la première fois, deux anciens combattants guinéens sont invités à se rendre à Paris pour assister à la Fête nationale française. Mais le 17 juillet, Hachette suspend, sur instructions des autorités guinéennes, toute livraison, distribution et vente de journaux, périodiques, publications et livres français.
Pourtant, le 31 juillet intervient la signature d'une convention culturelle entre les deux pays.
Début août, c'est Pierre Moussa, l'un des directeurs (de nationalité française) de la Banque mondiale, qui séjourne à Conakry pour étudier divers projets auxquels la BIRD pourrait s'intéresser. Il est reçu par Sékou Touré.

Le 6 août, on annonce la rupture des relations diplomatiques de la Guinée avec le Portugal et l'Afrique du Sud.

Le 7ème Congrès du PDG, tenu du 15 au 18 août 1963, crée une nouvelle et importante instance du pouvoir entre les mains du Parti : le Conseil National de la Révolution (CNR). Bien des décisions importantes seront prises lors des régulières sessions du CNR. Ainsi, la deuxième session, tenue à Gueckédou en avril 1964, adopte le plan septennal.

Les institutions proprement politiques demeurent, mais ont souvent moins de poids que les instances du Parti.

Des élections générales ont lieu le 28 septembre 1963 ; la nouvelle Assemblée nationale remplace l'Assemblée territoriale de 60 membres élue avant l'indépendance et qui s'était auto-proclamée assemblée nationale (et constituante) en octobre 1958. Son président, Saïfoulaye Diallo, ainsi qu'une série d'anciens députés, ne se sont pas représentés.

[Note. — Saifoulaye Diallo ne pouvait pas “briguer” la présidence de l'Assemblée. Pour des raisons inconnues, il avait quitté le perchoir de pour le portefeuille de ministre d'Etat en janvier 1963. Ce fut son premier pas vers un inexorable déclin. Le second fut la suppression du poste-clef de secrétaire politique du Bureau politique national du PDG, qu'il occupait depuis 1948. Il reçut le “coup de grâce” en 1978, sous la forme de son élimination du Bureau politique et réduction au rang de simple membre du Comité central. C'est ainsi que la jalousie maladive de Sékou Touré récompensa la loyauté sans faille de Saifoulaye Diallo. — T.S. Bah]

La nouvelle Assemblée compte 75 députés, qui figuraient tous sur une liste présentée par le PDG : 60 élus sur une base territoriale, 12 femmes choisies par les mouvements féminins et 3 membres désignés par le Bureau politique du Parti : Léon Maka (qui en sera le président), Jacques Demarchelier (également de nationalité française), madame Mafory Bangoura.

C'est également à cette date que la Guinée devient membre du FMI et de la Banque mondiale. Ses versements en capital ont été rendus possibles par la France à la suite de la signature des accords franco-guinéens de mai 1963. Mais fin septembre, le gouvernement français bloque le transfert des sommes figurant au compte de la République de Guinée à la Banque de France vers la Banque centrale guinéenne, ce qui s'applique également aux indemnités annuelles versées aux anciens combattants guinéens.
Du 22 au 28 octobre, les patrouilleurs "Casamance" et "Sénégal" de la Marine nationale sénégalaise (mais commandés par des lieutenants de vaisseau français) effectuent une visite de courtoisie au port de Conakry.
Les équipages sont particulièrement bien accueillis par les autorités civiles, portuaires et militaires, notamment par le ministre Keita Fodéba.
C'est dans cette atmosphère déjà contrastée que surgit un événement inopiné.
Le 1er novembre 1963, lors d'une manifestation publique au stade en présence de Sékou Touré et de Moktar Ould Daddah (le président mauritanien est en visite officielle depuis plusieurs jours), se produit un vif incident : l'une des figures du défilé militaire est une parodie de l'armée coloniale, et des militaires passent devant la tribune vêtus d'uniformes en haillons, coiffés de travers avec la traditionnelle chéchia rouge des troupes coloniales, manipulant maladroitement des armes, avec des attitudes menaçantes, des mumques ridicules, des démarches d'ivrognes … L'ambassadeur Pons se lève et quitte la tribune officielle. Le jour même, il envoie un télégramme ulcéré à Paris 66. Le lendemain, il élève une vive protestation. Le 8 novembre, il sera convoqué par Sékou Touré, qui lui présente officiellement des excuses et lui explique qu'il était rentré peu de temps avant l'incident d'un déplacement à l'intérieur du pays avec son hôte mauritanien, et n'avait pas été informé au préalable du déroulement du défilé 67.
Mais à Paris, ce nouvel incident — déplaisant mais somme toute mineur — conforte le général de Gaulle dans son attitude négative. Sans tarder, il adresse à Jacques Foccart une note manuscrite en deux points :

  1. Il ne saurait être question d'une reprise de l'aide française à la Guinée. Le dire à M. Pons.
  2. Faire savoir de ma part à M. Moktar Ould Dadah (sic) qu'il a mal choisi le moment de s'associer par sa présence à une manifestation insultante pour l'armée française alors que l'existence même de la Mauritanie pourrait bien dépendre à bref délai de notre concours militaire 68.

Le 31 octobre, Air-France a cessé toute exploitation commerciale en Guinée, mais le 13 novembre, Air-Afrique inaugure la ligne Abidjan-Conakry-Dakar-Paris. Antoine Pinay, ancien président du Conseil français, se rend en Guinée du 14 au 19 novembre 1963 à la tête d'une délégation économique française, qui comprend les sociétés d'études Sofrerail, Sofrelec, Sofremines, Sofretransportsurbains et Sofregaz. Le groupe visite plusieurs régions.

Sékou Touré le reçoit le 16. Antoine Pinay affecte de ne pas être informé du contentieux franco-guinéen.

Du 28 novembre au 1er décembre, René Charles Duhamel, René Domangue et André Tollet, délégués de la CGT française, assistent au 3ème congrès de la CNTG. Et le 30 novembre, l'ambassadeur de Guinée Nanamoudou Diakité est reçu au Quai d'Orsay par le directeur d'Afrique.

Le 22 décembre, c'est l'ancien ministre Robert Buron, maintenant président du centre de développement de l'OCDE, qui passe quelques heures en Guinée. Il est reçu par Sékou Touré et se propose de rendre compte de son entretien au général de Gaulle.
Péniblement colmatée par les excuses du président Sékou Touré, la brèche ouverte dans les relations franco-guinéennes est aggravée par l'arrestation fin 1963, pour trafic de devises, d'une Française, Madame Charpentier de Berne, et d'un franco-arménien, Monsieur Balozian, dont la famille, installée à Marseille, a des intérêts dans plusieurs pays de la côte occidentale d'Afrique, et qui est revenu en Guinée depuis quelques mois. Il a été arrêté à l'aéroport Conakry en recevant d'un steward d'un équipage d'Air Mali une valise marquée du sceau de l'ambassade du Mali, et qui contenait semble-t-il des devises ; il est tombé dans un piège, affirme Keita Fodéba, qui semble viser l'ambassadeur du Mali. Le 21 décembre 1963, Sékou Touré reçoit Maître Cahen, avocat de Balozian. Sékou dit à l'avocat qu'il connaît personnellement Balozian et qu'il “a même été son obligé à une certaine époque.” 69 Il se dit convaincu que Balozian a effectivement été impliqué dans un trafic de devises, via le Mali. Sékou Touré refuse à l'avocat français le droit de plaider en Guinée et donc de défendre son client, en raison de l'inexistence d'une convention judiciaire entre les deux pays (il se déclare d'ailleurs prêt à en négocier une si Paris le souhaite), mais il autorise Maître Cahen à rendre une brève visite à Balozian dans sa prison, “pour des raisons d'humanité”. Madame de Berne sera libérée le 15 mars 1964 et Balozian quittera la Guinée peu après.
Entre temps, Paris a pris la décision de ne pas maintenir Jean-Louis Pons à son poste d'ambassadeur en Guinée. On pressent d'abord Jehan de Latour, qui était en 1960 chef de service à la direction des affaires marocaines et tunisiennes, et le 4 octobre, Sékou Touré donne même son agrément ; mais des raisons de santé empêchent finalement la nomination de Jehan de Latour, qui partira, bien plus tard, comme Consul général à Sao Paolo au Brésil. Le 6 décembre 1963, Philippe Koenig est nommé ambassadeur en Guinée à sa place.

Jean-Louis Pons quittera Conakry le 31 janvier 1964, après un dîner offert par Sékou Touré. Koenig rejoindra Conakry le 21 février 1964, et présente ses lettres de créance le 7 mars à Sékou Touré, qui lui remet le tome X de ses oeuvres, avec une dédicace personnelle pour le général de Gaulle.

Le 30 janvier 1964, les Ballets Africains commencent à Paris une tournée européenne. Et ce même 30 janvier a lieu l'inauguration à l'Institut Polytechnique de Conakry d'une session de perfectionnement du corps médical et paramédical guinéen sous l'égide du Centre International de l'Enfance (CIE) de Paris (dépendant de l'UNICEF) ; c'est la première coopération franco-guinéenne dans ce domaine. Elle est largement due à l'action du Docteur Baba Kourouma, qui a été avant son retour en Guinée, parmi de nombreuses autres activités, un étudiant et un assistant du professeur et pédiatre Robert Debré (père du Premier ministre Michel Debré), qui supervise le Centre International de l'Enfance qu'il a créé en 1949 avec la participation de l'OMS et de l'UNICEF.

En février, l'ancien ministre des finances Wilfrid Baumgartner est en visite en Guinée pour y conférer de divers problèmes financiers et bancaires avec la direction de Fria.

Le ler mars 1964, Sékou Touré a annoncé la dissolution de l'ensemble des comités de base, comités directeurs de sections, comités spéciaux et comités régionaux des femmes et de la JRDA et du bureau fédéral de Conakry. Il l'explique par “les contradictions internes existant entre les responsables de la Fédération de Conakry, contradictions exacerbées à la suite des décisions du 7ème Congrès du PDG tenu à Kankan au mois d'août 1963 et qui, jointes à la cupidité, au sordide goût du lucre et à la corruption, ont créé une atmosphère que d'aucuns ont cru propice à une contre-révolution.” Aussi le gouvernement, “pour sauver la Révolution”, a-t-il “décidé d'écraser dans l'oeuf toute subversion d'où qu'elle vienne, pour que triomphe son idéal de justice et de paix.”

Le 1er juin 1964, l'ambassade de France remet aux autorités guinéennes un lot de matériel et d'équipements sportifs, résultat d'une initiative prise par Maurice Herzog, haut-commissaire français à la jeunesse et aux sports.
L'accueil est enthousiaste, la radio et la presse guinéennes soulignent la symbolique de ce geste et le mettent en valeur. Mais à Paris, le général de Gaulle annote le télégramme de Conakry qui relate l'événement d'un bref : “Pourquoi donner du matériel, sportif ou non, à la Guinée ? ” 70

A la mi-mars 1965, lors d'une rencontre commune à Bamako avec Modibo Keita, Ben Bella annonce à Sékou Touré son prochain voyage à Paris. Peu après, Jacques Foccart, qui l'a évidemment appris, en parle au général de Gaulle, qui dit : “Oui, mais je ne suis pas pressé du tout de le recevoir. En tout cas, il faut bien savoir que, lorsque vous aurez reçu Ben Bella, vous pourrez difficilement refuser de recevoir Sékou Touré, qui est très sage depuis un certain temps, uniquement dans ce but ; de même, vous ne pouvez pas refuser de recevoir Modibo Keita. — Oui, oui, c'est juste, mais je ne suis pressé de recevoir ni l'un ni les autres.” 71

En avril 1965, le général de Gaulle refuse que Michel Habib-Deloncle, secrétaire d'État aux affaires étrangères (et signataire des accords de mai 1963), s'arrête à Conakry au cours d'un déplacement en Afrique de l'Ouest, comme l'ambassadeur Koenig le suggérait de son côté ; de Gaulle commente: “Le moment n'est pas encore venu” 72.

A la même époque, pourtant, en avril 1965, Michel Habib-Deloncle reçoit Nabi Youla, de passage à Paris 73. L'entretien ne débouche sur rien, notamment à cause des propos hostiles de Sékou Touré sur les pays de l'OCAM. Alors qu'il était encore en poste à Paris, l'ambassadeur Nabi Youla avait justement exprimé l'espoir que l'on veuille bien envoyer un membre du gouvernement à Conakry, et pas seulement des fonctionnaires pleins de bonne volonté mais sans autorité :

» Nous ne refusons pas de négocier avec Paris. Nous demandons seulement à ce que les pourparlers soient conduits sur un pied d'égalité et que nous ayons en face de nous des interlocuteurs responsables. Nous en avons assez de ces émissaires officieux qui viennent pour des “sondages” et dont nous n'entendons plus jamais parler. De ces hauts fonctionnaires intelligents, courtois, remplis de bonne volonté — nous n'avons pas oublié par exemple la mission de M. Seydoux — mais qui débarquent avec des instructions tellement restrictives qu'aucun accord n'est possible. Le président Sékou Touré, pour être aimable, les reçoit, leur offre une orangeade … C'est tout. Il ne peut perdre son temps à négocier avec des gens sans autorité suffisante … Le jour où on nous enverra enfin des chargés de mission ayant plein pouvoir, un ministre par exemple, ou enfin le jour où on voudra bien inviter M. Sékou Touré à Paris pour vider le fond du contentieux, tout redeviendra possible … » 74

Un accord est conclu le 22 mai 1965 pour le règlement du contentieux franco-guinéen.
Un crédit de 30 millions de francs est accordé à la Guinée (il correspond à la différence entre 120 millions de pensions civiles et militaires non remboursées à la Guinée depuis 1958, et les dettes guinéennes de 90 millions vis-à-vis de la France, dont 70 sont la contrepartie des billets saisis en 1960 et qui appartenaient la Banque centrale des pays de l'Afrique de l'Ouest). La reprise du paiement des pensions (en monnaie locale) par la Guinée et leur remboursement (en francs) par la France est prévue.

Le 3 septembre 1965, Conakry fait connaître son accord de principe au rapatriement de tous les militaires guinéens restés dans l'armée française après 1958 et sur le point d'être démobilisés.

Le 15 octobre 1965, Sékou Touré annonce la dénationalisation des mines de diamants (elles avaient été nationalisées en mars 1961); il ordonne également la fermeture des magasins d'État, la dénationalisation de certaines entreprises, et la suppression progressive des contrôles imposés au commerce privé de détail.
Et personne ne se doute que l'on est à la veille de la rupture des relations diplomatiques entre Paris et Conakry.

Notes
56. Déclaration de Sékou Touré au quotidien Nord-Éclair, fin mars 1963, citée par Marchés Tropicaux du 30 mars 1963.
57. On a bien entendu tenu compte du souhait de Sékou Touré de ne pas avoir de relations avec le ministère de la coopération, considéré à Conakry comme un instrument du néocolonialisme. Cette position guinéenne ne changera pas jusqu'au décès du leader guinéen, en 1984, même après la normalisation de 1975.
58. L'auteur, entré au ministère des affaires étrangères en 1961 à sa sortie de l'École nationale d'administration, a participé à ces négociations, car il venait d'être affecté au service de coopération technique du Quai d'Orsay. C'est donc-là son premier contact avec la problématique franco-guinéenne. Aucun fonctionnaire du ministère de la coopération (rue Monsieur) n'était présent lors de ces pourparlers.
59. Archives Foccart, carton 63, dossier 206.
60. Selon Le Monde du 24 mai 1963, les experts estiment que depuis mars 1960, la Guinée est endettée vis-à-vis de la France à hauteur de 9 milliards d'anciens francs, dont 7 prélevés par le gouvernement guinéen sur les avoirs de la BCAO. De son côté, notamment au titre des pensions gelées, la France doit à la Guinée environ 12 milliards.
61. Lettre circulaire aux ambassades en date du 11 juillet 1963, signée par le secrétaire d'État aux affaires étrangères, Michel Habib-Deloncle.
62. Voir le chapitre 55 sur ce voyage à Brazzaville, qui contribua par ailleurs à déstabiliser l'abbé Fulbert Youlou.
63. Une mésaventure similaire est advenue à la délégation conduite par le ministre du plan Nfaly Sangaré, qui a conclu à Paris l'accord du 26 janvier 1977 sur le règlement définitif du contentieux financier. Sékou Touré en a contesté certaines dispositions rétroactives. Et finalement, à la demande insistante de Sékou Touré, l'auteur a dû revenir d'urgence à Conakry pour participer à un conseil des ministres où il a plaidé — avec succès — pour l'acceptation de l'accord, l'esprit et les perspectives d'avenir devant primer sur les éventuels défauts d'un texte.
64. Dans ses souvenirs, André Bettencourt relate une version divergente : "En 1963, le général de Gaulle, sur l'insistance de plusieurs, dont j'étais, avait décidé d'accomplir un pas vers la réconciliation et fait venir en France, à la tête d'une délégation, le président de l'Assemblée nationale guinéenne, Saifoulaye Diallo. Un texte d'accord était, cette fois, prévu. Pour le fêter, nous avons organisé un grand dîner à Neuilly (au domicile personnel du ministre Bettencourt NDLA) en l'honneur de la délégation guinéenne. Puis Diallo est rentré le soumettre à Sékou Touré, qui l'a refusé. Quelques jours après, le général me dira : "Vous savez, c'était prévisible !" Mais peut-être faisait-il allusion au problème des dettes d'avant l'indépendance.
65. Voir en annexe 2 un compte-rendu sommaire de ces réunions.
66. Voici le texte de ce télégramme, n° 470173 (Dir. Afrique-Levant, série GU, sous-série 6-3) : "… On vit alors défiler devant la tribune, coiffés de chéchias, pieds nus, à moitié vêtus de vieilles tenues d'été des années 1939, mousqueton à l'épaule, un détachement d'une vingtaine d'hommes, précédé d'un clairon qui sonnait une vieille marche militaire française. En tête, marchait un figurant vêtu de même sorte, qui portait une pancarte sur laquelle figuraient les mots : "Armée coloniale". J'ai quitté ma place, outré et découragé. J'ai fait demander sur le champ audience au ministre des affaires étrangères. Je compte élever auprès de lui une protestation en bonne et due forme ... Votre excellence appréciera s'il y a lieu de considérer en général les actions du gouvernement guinéen comme frappées d'infantilisme et entachées, d'irresponsabilité et si de ce fait ses sottises ne méritent pas d'autres sanctions qu'une démarche de l'ambassadeur".
67. Sékou Touré reviendra sur cet incident en le minimisant : "Nous voulions marquer l'opposition entre les deux armées … Rien de grave dans cette cérémonie. Le drapeau français était absent. Mais cela a déplu à l'ambassadeur français." (dans une interview à
, 14 avril 1970).
68. Archives Foccart, carton 63, dossier 206.
69. Archives Foccart, carton 63, dossier 206. Les établissements Balozian, installés 6ème avenue à Conakry, importaient notamment des farines Boulgour et exportaient des bananes et tous produits coloniaux. Leur correspondant en France était le Comptoir Franco-Guinéen à Marseille.
70. Archives Foccart, carton 63, dossier 206.
71. Jacques Foccart, Tous les soirs avec de Gaulle; Journal de l'Élysée I, 1965-1967, Paris, Fayard/Jeune Afrique, 1997. En fait, Ben Bella ne viendra pas en France, puisqu'il sera renversé trois mois plus tard, en juin 1965. L'un des reproches faits par le général de Gaulle à ces trois chefs d'État était leur hostilité vis-à-vis de l'OCAM.
72. Jacques Foccart, Tous les soirs avec de Gaulle, Journal de l'Élysée l, 1965-1967, Paris, Fayard/Jeune Afrique.
73. Nabi Youla a été ambassadeur de Guinée en France de janvier 1959 à mars 1961. Il a été alors remplacé par Tibou Tounkara (également accrédité à Rome à Londres), lui-même remplacé à Paris en avril 1963 par Nanamoudou Diakhité (avec lequel il permute à Dakar).
Beau-frère du ministre Mamadi Keita et de l'ambassadeur Seydou Keita (dont il a épousé la soeur aînée), Nanamoudou Diakité reste en poste à Paris jusqu'à la rupture de novembre 1965.
74. Nabi Youla, déclaration faite à l'ambassade de Guinée, rue de la Faisanderie, à Georges Chaffard, Les carnets secrets de la décolonisation Paris Calmann-Lévy 1967 tome II, p. 233.

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