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André Lewin
Ahmed Sékou Touré (1922-1984).
Président de la Guinée de 1958 à 1984.

Paris. L'Harmattan. 2010. Volume I. 236 pages


Chapitre 47 — 23 décembre 1960
Sékou Touré, Modibo Keita et Nkrumah s'en prennent
aux regroupements régionaux "néocolonialistes"


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De 1958 jusqu'à la création de l'OUA en 1963, et même jusqu'à la chute de Nkrumah en 1966, Sékou Touré se montre très actif sur la scène africaine. Dans les premières années, alors que les autres territoires africains qui ont adhéré à la Communauté française ne sont pas encore indépendants, il privilégie les contacts avec les pays dont il est le plus proche idéologiquement : le Ghana de Nkrumah, le Mali — autrefois appelé Soudan français — de Modibo Keita, l'Égypte — sous la forme de la République Arabe Unie d'Égypte — de Nasser, le Congo-Léopoldville de Lumumba, le GPRA (Gouvernement provisoire de la République Algérienne) puis l'Algérie de Ben Bella. Il ouvre les portes de la Guinée à tous les mouvements de libération nationale et aux opposants des régimes modérés en place. Il participe activement à la constitution du groupe de Casablanca, qui rassemble sous l'égide du Roi Mohamed V du Maroc, puis de son fils Hassan II les pays progressistes, face au groupe de Monrovia qui réunit les États modérés. Il est vrai que lors des débats aux Nations Unies, ces deux groupes prennent le plus souvent des positions opposées ; il est vrai aussi que sur certaines questions qu'elle considère comme primordiales pour ses intérêts, la France fait pression sur les pays africains qui lui sont proches afin qu'ils votent dans le sens que Paris souhaite, ou tout au moins qu'ils s'abstiennent.
Si c'est souvent le cas, il arrive aussi que la manoeuvre échoue.
Ainsi, sur Bizerte : le 26 août 1961, lors du vote à une session spéciale l'Assemblée générale d'une résolution sur la crise de Bizerte qui oppose la Tunisie et la France, la Guinée vote pour, comme le font la plupart des pays africains francophones. Diallo Telli a prononcé au préalable une intervention dénonçant "le sentiment perverti de la solidarité" qui amenait certains chefs d'Etat africains à pactiser "avec les bouchers de l'Afrique" et appelant les Africains du groupe de Brazzaville "à s'unir avec nous pour expulser les colonialistes de nos pays une fois pour toutes". Son appel sera entendu : Cameroun, Centrafrique, Tchad, Congo-Kinshasa, CongoBrazzaville, Dahomey-Bénin, Madagascar, Mali, Maroc, Sénégal, Togo, Tunisie, Haute-Volta (Burkina-Faso) et bien entendu Tunisie votent en faveur de la résolution. Seuls la Côte-d'Ivoire et le Niger, de même que la France (qui n'a pas participé au débat), ne prennent pas part au vote 164.
Pendant toute une période cependant, après les indépendances de tous les territoires qui ont voté "oui" en septembre 1958, et alors que se précisent en 1962-63 les chances de promouvoir l'unité africaine (ce qui débouchera sur la signature en mai 1963 de la Charte d'Addis Abeba), Sékou Touré relègue ses aspirations progressistes au second plan et amorce un rapprochement avec les leaders africains modérés ; il considère que le clivage entre groupe de Casablanca et groupe de Monrovia doit être surmonté, les divergences entre progressistes et modérés transcendées, au seul profit de l'unité africaine. Il sillonne alors le continent, rend visite à tous les pays, ou presque, quelle que soit leur orientation 165, veille à maintenir ses relations avec Senghor et Houphouët, et s'abstient de trop critiquer les institutions que mettent en place les pays liés à la France. Cet état de grâce, tout relatif, prendra fin en 1965 avec les vives attaques contre l'OCAM, les violentes diatribes contre Houphouët et Senghor, la rupture complète avec la France, et culminera après le renversement de Ben Bella en Algérie et surtout celui de Nkrumah au Ghana, en 1966.
Le 18 octobre 1958, alors qu'elle cherche encore sa voie internationale, la Guinée profite d'une réunion du Grand Conseil de l'AOF à Dakar (dont faisait partie Sékou Touré) pour signaler que le nouveau gouvernement de Conakry est prêt à envisager une coopération avec les anciennes instances fédérales de l'Ouest africain. Il n'y pas de réponse à cette discrète démarche.
Cette offre est donc renouvelée le 1er décembre dans une lettre adressée au Soudanais Modibo Keita, alors président du Grand Conseil, par Saïfoulaye Diallo, président de l'Assemblée nationale guinéenne. Celui-ci argumente de la manière suivante :

"Vous serez sûrement de notre avis qu'aucune considération d'ordre juridique, fut-elle constitutionnelle, ne devrait mettre en cause la conscience que nous avons de notre commune condition et l'idéal d'unité qui nous anime toujours et qui demeure le nôtre. Dans notre esprit, le changement de statut juridique intervenu en Guinée depuis le 28 septembre 1958 ne saurait compromettre les liens d'interdépendance et de fraternité qui nous unirent toujours."

Aucune réponse n'ayant été donnée à cette proposition, les nouvelles autorités guinéennes vont entrer dans une période de violentes diatribes contre les institutions qui regroupent progressivement les autres pays francophones.
L'une des premières est le Conseil de l'Entente, créé à Abidjan le 29 mai 1959 entre la Côte d'Ivoire, le Dahomey [Bénin], le Niger et la Haute-Volta ; l'Entente est en principe ouverte à tous, et le Togo s'y joindra ultérieurement. En été 1960, Sékou Touré approuve les États de l'Entente lorsque ceux-ci, mécontents du fonctionnement de la Communauté, réclameront l'indépendance 166.
Toutefois, Sékou Touré s'en prendra aux pays de l'Entente lorsque les relations de ses membres se dégraderont sérieusement avec le Ghana. Ce qui ne tarde guère.
Le Ghana a longtemps revendiqué une portion du territoire voltaïque.
Cependant, il a également offert son aide financière au président Maurice Yaméogo en 1962, mais les relations se détériorent presqu'aussitôt en raison d'un attentat contre Nkrumah. Le problème territorial sera réglé en 1964 ; les deux pays procèdent à une démarcation conjointe de la frontière et le président Yaméogo affirme en septembre 1964 qu'il considère le problème comme résolu ; mais la frontière, fermée depuis 1963, ne sera pas rouverte de sitôt. Les relations entre le Ghana et le Togo ne sont pas non plus au beau fixe. Avant l'indépendance de ce pays en avril 1960, Nkrumah a déclaré que le Togo pourrait devenir la septième région du Ghana ! En février 1960, Sylvanus Olympio, déjà Premier ministre et futur président togolais, refuse formellement cette "offre". Il y a entre ces deux États voisins de nombreux incidents frontaliers, et des accusations réciproques concernant l'aide apportée aux opposants. Or, le président Sylvanus Olympio est tué le 13 janvier 1963 au cours de la mutinerie d'un groupe de militaires, pour la plupart originaires du Nord du pays. Les militaires remettent le pouvoir à Nicolas Grunitzky, le rival d'Olympio. C'est le premier d'une série de coups d'État militaires en Afrique francophone.
Nkrumah reconnaît le nouveau gouvernement dès le 21 janvier, et rouvre la frontière entre les deux pays le 1er février. C'est l'occasion d'une rare divergence entre le leader ghanéen et Sékou Touré ; ce dernier proteste auprès de Nkrumah dont il trouve la décision prématurée tant qu'une enquête n'aura pas éclairci les circonstances du coup d'État et sans l'assurance que les coupables de l'assassinat de Sylvanus Olympio soient punis. Sékou Touré rappelle aussi l'ambassadeur guinéen au Sénégal après que Dakar eût rapidement reconnu Grunitzky.
Sékou appréciait en effet Olympio, qui avait effectué à Conakry une visite officielle de trois jours en septembre 1962, à l'occasion de l'anniversaire de l'indépendance guinéenne. Sékou proclame trois jours de deuil national, et propose aux Nations Unies une enquête internationale. Il est soutenu dans sa démarche par le président libérien Tubman et le premier ministre de la Sierra Leone Margaï. Mais U Thant répond qu'il n'a ni l'autorité ni les moyens de lancer une telle investigation.
Une conférence spéciale réunie à Lagos décide fin janvier d'envoyer au Togo une commission d'enquête ; le président de la conférence, le Nigérian Wachuku, fait expressément référence à la proposition de Sékou Touré (bien que la Guinée ne soit pas présente à cette réunion). Le Togo est représenté par deux délégations, l'une composée de partisans d'Olympio, l'autre envoyée par les militaires; aucune des deux n'est officiellement admise, mais toutes deux sont autorisées à prendre la parole. La conférence condamne finalement l'assassinat, mais laisse les pays membres libres de reconnaître ou non le nouveau gouvernement. Mais celui-ci refuse de coopérer avec la commission d'enquête.
Le changement de régime à Lomé n'empêche d'ailleurs pas la poursuite des incidents frontaliers entre le Ghana et le Togo, notamment lorsque le 16 janvier 1965, un douanier togolais est tué par deux officiers ghanéens. Le 27 juillet 1965, Lomé annonce que la frontière avec le Ghana est rouverte (le Ghana l'avait déjà annoncé pour sa part le 23 mars). De toutes façons, en 1967, le colonel Gnassingbé Eyadéma prendra le pouvoir au Togo pour longtemps ; il avait déjà joué un rôle essentiel, mais était resté dans l'ombre, lors du premier coup d'État 167.
Le Cameroun (qui ne fait pas partie de l'Entente, mais adhérera à l'OCAM) reproche à Nkrumah de soutenir l'UPC (Union des Populations du Cameroun), ce que fait également la Guinée.
Houphouët-Boigny a de son côté de sérieux problèmes avec le gouvernement de Nkrumah, qui soutient le chef ivoirien Amon Ndouffou III, roi de Sanwi ; ce dernier avait songé en 1958 à se séparer de la Côte d'Ivoire et à nouer des liens directs avec la France. En mars 1960, le roi est condamné par une cour ivoirienne à dix années de prison pour atteinte à la sûreté extérieure ; mais, amnistié quelques mois plus tard, il s'installe au Ghana, où certains de ses partisans avaient mis sur pied un gouvernement sanwi en exil. Celui-ci a même exprimé le souhait de s'unir au Ghana, où vivent des représentants de la même ethnie, à laquelle appartient Nkrumah.
Houphouët soupçonne immédiatement Nkrumah de vouloir annexer une partie de son territoire. Nkrumah affirme qu'il n'a pas reconnu ce gouvernement ; toutefois, ses principaux membres sont autorisés à rester au Ghana.

Le Niger a également des motifs de récriminations contre Accra. Le mouvement SAWABA, opposé à Hamani Diori et animé par Djibo Bakary, s'est lui aussi installé à Accra. Il lance le 27 septembre 1964 un appel au renversement du président Diori. Plusieurs incursions armées se produisent au Niger. Le 13 avril 1965 a lieu une tentative d'assassinat contre Hamani Diori ; un enfant qui se trouvait à ses côtés est tué et plusieurs personnes sont blessées ; l'assassin, Amadou Diop, reconnaît qu'il est membre du SAWABA et que son action fait partie d'un vaste plan terroriste soutenu par le Ghana. L'Entente décide alors de lancer une campagne contre ce dernier et envoie des missions d'information dans plusieurs pays, dont la Guinée ; Sékou sympathise plutôt avec le Nigérien Djibo Bakary, qui a été comme lui partisan du "non", mais n'approuve pas cette action violente. De son côté, Nkrumah nie toute implication ghanéenne dans ce complot, et rappelle qu'il a envoyé un message de félicitations à Hamani Diori.
Une réunion des leaders du Conseil de l'Entente avec Sékou Touré, prévue pour le 21 janvier 1965, est reportée ; en fait, elle n'aura jamais lieu.
Après l'éclatement de la Fédération du Mali en août 1960, Senghor, dans un "Message à la nation" avait lancé le 6 septembre l'idée d'un "vaste regroupement où entreraient tous les États de l'ancienne AOF, y compris la Guinée" ; quelques jours plus tard, dans une lettre du 21 septembre à Houphouët, Senghor renonce à toute idée de fédération et ajoute : "nous sommes même d'accord pour ne pas parler de confédération. Il s'agirait, comme dans Le Conseil de L'Entente, d'une association souple."
Toutefois, la Guinée ne sera finalement pas invitée à la conférence qui réunit douze États à Abidjan du 24 au 26 octobre 1960, non plus qu'aux conférences de Nouakchott (28 novembre) et de Brazzaville ( 15-19 décembre) et ne s'associera à aucun des regroupements francophones qui en naîtront ultérieurement (UAM et OCAM). Bien au contraire, réunis à Conakry les 23 et 24 décembre, Nkrumah, Sékou Touré et Modibo Keita condamneront "tous les regroupements africains basés sur les langues des puissances coloniales ; nous faisons appel à ces chefs d'État pour qu'ils reviennent à une conception plus saine et plus élevée de l'unité africaine." Pour eux, ces regroupements, qu'ils soient politiques, économiques, monétaires, culturels, sont des éléments néocolonialistes qui contribuent à la division de l'Afrique, soit entre modérés et progressistes, soit entre francophones et anglophones, soit entre pays de l'Ouest, du centre et de l'Est du continent.
En septembre 1961 se constitue à Tananarive l'Union Africaine et Malgache (UAM), avec de nombreuses institutions spécialisées (postes et télécommunications, coopération économique, un secrétariat pour la défense, un pour la coordination de la politique étrangère avec un secrétariat commun à l'ONU, des sommets tous les six mois et une présidence tournante semestrielle, etc.). Ses douze membres sont tous francophones, et le Congo-Léopoldville (c'est évidemment après la disparition de Lumumba) est invité comme observateur. A leur réunion suivante, tenue à Bangui en mars 1962, les douze membres de I'UAM décident de s'entretenir avec le général de Gaulle d'une réforme de la Communauté française ; ils constatent en effet que la Communauté telle qu'elle a été établie en 1958 a cessé d'exister, puisque tous les territoires ont maintenant accédé à l'indépendance, et que six d'entre eux seulement se trouvent encore dans la Communauté, les six autres ayant décidé d'en sortir sans en perdre le bénéfice 168.
Sékou Touré se trouve ainsi conforté et pourrait faire sa rentrée dans l'ensemble francophone, puisque ses thèses ont a posteriori triomphé. Mais il est sans doute déjà trop engagé depuis quatre ans dans une politique différente, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur. A la réunion du Conseil National de la Révolution tenue à Kankan en août 1963, peu après la création de l'OUA, Sékou Touré met directement en cause I'UAM, dont il déclare qu'elle "est devenue, au sein de l'OUA, un instrument politique des diviseurs de l'Afrique. C'est pour cette raison qu'elle doit disparaître".
En mai 1962, le système de la zone Franc est lui-même réorganisé par la création d'une Union Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (UMOA), avec une nouvelle Banque centrale commune dont le président sera africain ; la signification du franc CFA change elle aussi :jusque là franc des Colonies Françaises d'Afrique, il devient franc de la Communauté Financière Africaine. Bien entendu, la Guinée se refuse à envisager tout lien avec cette organisation, comme avec l'Union Douanière des États de l'Afrique de l'Ouest qui remplacera en 1966 un autre union douanière, l'UDAO, créée en 1959. Toutes ces institutions économiques et monétaires lui paraissent trop inspirées par la France. Bie,n plus tard, en 1973, la Guinée n'adhérera pas non plus à la Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest (CEAO) qui remplace tous les organismes précédents et tente de contrebalancer l'influence du Nigeria, alors que Sékou privilégiera au contraire la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO, ECOWAS en anglais), qui regroupe l'ensemble des pays francophones et anglophones. Mais c'est à I'OCAM que Sékou réservera les critiques les plus virulentes, car celle-ci, autant et plus encore que le Conseil de l'Entente, va s'en prendre à Nkrumah et adopter sur le Congo-Léopoldville et sur d'autres problèmes africains des positions que Sékou juge inacceptables.
C'est le 12 février 1965 que treize pays africains francophones, dans l'ensemble plutôt modérés et tous liés à la France, créent à Nouakchott l'Organisation Commune Africaine et Malgache (OCAM). Au lendemain de cette réunion, Conakry réagit encore prudemment, mais le ton change très vite 169. Les leaders progressistes craignent l'influence potentielle que ce groupe peut avoir au sein de la jeune et encore fragile OUA ; Nkrumah supporte mal d'avoir été sévèrement critiqué à Nouakchott pour son attitude vis-à-vis de la Côte d'Ivoire, et souhaite que les leaders "progressistes" se réunissent très vite.
Aussi, un mois après, le 14 mars 1965, Sékou Touré, Nkrumah, Modibo Keita et Ben Bella se rencontrent-ils secrètement à Bamako ; leur réunion se transfère ensuite à Conakry les 15 et 16 mars (mais Nkrumah, qui n'a participé que pendant deux heures à la réunion de la veille, ne les suit pas et rentre directement à Accra). Ensemble, ils cherchent à définir une stratégie pour contrer cette nouvelle offensive des pays modérés, qui, dans leur hostilité viscérale à l'encontre de Nkrumah, risquent de boycotter collectivement le sommet de l'OUA prévu à Accra à l'automne 1965. A l'issue de la réunion, Ben Bella déclare que les quatre leaders se sont mis d'accord sur les méthodes propres à s'opposer aux tentatives de l'impérialisme pour diviser l'Afrique et éliminer les dirigeants révolutionnaires. La présence aux entretiens du chef d'État-major algérien signifie que des mesures militaires ont également été discutées. Nkrumah affirme de son côté qu'il n'existe aucune preuve que le Ghana soutient des mouvements subversifs en Afrique, mais qu'il y a au contraire des preuves irréfutables que l'impérialisme essaie de renverser les gouvernements progressistes du Congo-Brazzaville, de l'Ouganda, de la Tanzanie, du Soudan et du Kenya.
L'OCAM réunit le 26 mai 1965 à Abidjan un Sommet spécial, auquel trois de ses treize membres (le Congo-Brazzaville, la Mauritanie, le Cameroun) ne participeront pas. La conférence décide d'admettre au sein de l'OCAM le Congo-Léopoldville, dont le premier ministre est alors Tshombé, la bête noire de Sékou Touré et des autres leaders progressi stes. Le Sommet décide que les pays membres assisteront à la conférence des ministres de l'OUA à Lagos pour discuter d'un éventuel transfert du prochain Sommet de l'Organisation dans une autre capitale africaine; ils refuseront en tous cas de se rendre à Accra en raison de l'implication du Ghana dans la récente tentative d'assassinat d'Hamani Diori au Niger. Le président Massemba-Débat du Congo-Brazzaville rejette le 29 mai cette décision prise à la majorité 170 ; et la Mauritanie se retirera de l'organisation le 24 juin 1965.
Le 5 juin 1965, à Labé, devant les cadres administratifs et les étudiants de Moyenne-Guinée, Sékou Touré, qui a cependant une phrase positive pour le général de Gaulle, s'en prend pendant plus de deux heures à l'"OCAM", sigle qui selon lui veut dire "Organisation Commune Africaine des Menteurs"; c'est un "club de marionnettes", "fruit d'une nouvelle mystification inventéé pour saper l'unité africaine pour le plus grand profit de l'impérialisme." Deux jours plus tard, le Conseil National de la Révolution réuni à Nzérékoré donne à "OCAM" la signification de "Organisation Contre l'Afrique en Marche", lance un appel "à tous les chefs d'État soucieux de l'intérêt indivisible de l'ensemble des peuples d'Afrique" et leur demande de "barrer la route aux fossoyeurs de l'indépendance et de l'unité africaines". Le 11 juin, Sékou Touré renouvelle ses attaques contre Houphouët-Boigny en le rendant responsable des difficultés entre la Guinée et divers autres pays africains, des tensions entre Conakry et Abidjan, et des activités anti-guinéennes menées depuis la Côte-d'Ivoire. Nkrumah de son côté avait le 16 mai dénoncé l'OCAM comme un "ensemble américain d'États africains". Selon Sékou Touré, l'objectif de l'admission du Congo-Léopoldville était avant tout d'envoyer des troupes et des armes à Tshombé (en fait, la coopération militaire avec le Congo-Léo a été expressément exclue à Abidjan).
Quelques jours plus tard, nous l'avons vu, il s'en prend violemment à Houphouët-Boigny, dont il pense que c'est lui qui orchestre ce que le quotidien "Le Monde" appelle une véritable offensive diplomatique dirigée contre le Ghana et les activités subversives en Afrique ; on affirme qu'une vingtaine d'officiers chinois et des spécialistes cubains entraînent des terroristes dans un camp près d'Accra; et que plus encore que la Guinée, le Ghana sert de refuge et de base aux opposants de tous bords.
Un conseil des ministres extraordinaire de l'OUA se réunit à Lagos en juin 1965 pour discuter du lieu du Sommet. Il est finalement décidé de maintenir le Sommet à Accra, mais de demander au Ghana, qui accepte, d'expulser de son territoire avant la conférence, et vers le pays de leur choix, "toutes les personnes dont la présence est considérée comme indésirable".
Des centaines d'opposants divers quittent alors le Ghana, bon gré, mal gré ; parmi eux, Djibo Bakary. Plusieurs pays, poussés par Houphouët, restent malgré tout réticents ; une "réunion de la dernière chance" se tient le 13 octobre à Bamako, à l'initiative de Modibo Keita, en présence d'Houphouët, de Nkrumah, de Diori et de Yaméogo. Elle ne permet aucune conciliation.
Finalement, à l'exaspération de Nkrumah — et de Sékou —, le Sommet qui se réunira à Accra du 21 au 26 octobre 1965 se tiendra en l'absence de neuf chefs d'État francophones, tous membres de l'OCAM. Sékou Touré proposera le vote d'un blâme aux États de l'Entente 171.
L'idée de francophonie suscite de sa part la même méfiance et la même hostilité. Le 24 novembre 1965, à Dakar, les présidents Bourguiba de Tunisie et Senghor du Sénégal lancent publiquement leur projet de francophonie. Devant les réactions négatives de Sékou Touré, Bourguiba renonce à se rendre en Guinée, mais visite la Côte-d'Ivoire, la Mauritanie, le Niger, le Liberia, le Centrafrique et le Cameroun. Cette hostilité se poursuit à travers les années.
Ainsi, le 1er juillet 1966, Horoya publie un éditorial particulièrement virulent, attaquant à la fois l'OCAM et l'idée de francophonie. On peut y reconnaître certaines des thèses chères à Sékou Touré, mais la médiocrité du style est telle qu'il nous semble exclu qu'il en soit l'auteur. Qu'on en juge :

"La Francophonie, une nouvelle association du cheval et du cavalier"
"La conférence de l'OCAM vient de se terminer à Tananarive. Elle a groupé douze chefs d'États d'anciennes colonies françaises, dont les colonels sortis des putschs derniers. "Ils auraient, entre autres, signé la charte de l'OCAM, ancienne UAMCE, elle-même née de l'UAM. Ils ont élu un nouveau président en exercice, examiné le problème du marché sucrier et surtout pris une décision très importante, à leurs yeux, celle de lancer un Commonwealth à la française, à l'échelon planétaire.
"Ainsi donc les représentants des anciens esclaves de la France décident de soutenir à l'échelon mondial les valeurs au nom desquelles leurs peuples ont été durant des décades (sic) et même des siècles exploités, abusés, violentés, spoliés.
"Les hommes de l'OCAM se sont définitivement démasqués.
"Car la Francophonie, qu'est-ce en vérité ? Ce n'est en tout cas, ni l'exaltation et le soutien des valeurs permanentes de dignité et de courage du peuple de France qui, comme les peuples africains, lutte contre l'emprise des monopoles pour l'indépendance nationale et la justice sociale, ni la recherche d'une coopération des peuples africains et français pour arrêter les assauts de l'impérialisme qui entend courber les peuples des deux continents sous une même politique d'oppression et d'exploitation.
"La "Francophonie", vocable né des besoins constants de la mystification impérialiste, n'est qu'un nouvel emballage mis au point par l'impérialisme français et ses agents pour faire admettre aux populations africaines, qui les ont déjà rejetés, les concepts dégradants de l'Union française, de la Communauté française, de la Communauté rénovée, et récemment encore de l'UAMCE, et quoi encore. La machination ne trompe donc que ses auteurs. Les peuples africains qui, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, se trouvent violemment aux prises avec l'impérialisme déchaîné, auraient tout attendu des "dignitaires" de la conférence de Tananarive que d'offrir de manière si tapageuse leur soutien à ce même impérialisme.
"A Tananarive en effet, il n'a été question d'aucun des problèmes qui préoccupent la conscience africaine. A Tananarive on n'a parlé ni de la Rhodésie martyre, ni du Mozambique, journellement pilonné par les forces fascistes de Salazar, ni de la Guinée-Bissau et de l'Angola en lutte, encore bien moins de la lutte du peuple du Ghana aux prises avec le banditisme impérialiste, pas plus, bien sûr, que de l'Afrique du Sud, ennemi juré des peuples africains. A Tananarive, il n'a été question ni de l'Afrique ni de l'OUA, entendez de la lutte de libération, des luttes patriotiques que nos peuples mènent pour chasser l'impérialisme et se faire une nouvelle vie de dignité et de responsabilité.
"Pour les "touristes politiques" de Tananarive, toutes ces questions sont trop complexes, en ce sens qu'en les évoquant, ils risquaient tous de ne point retrouver leurs trônes gardés en leur absence par des mercenaires étrangers au service de l'impérialisme français, allié fidèle de ceux qui désorganisent et endeuillent notre continent. A Tananarive donc, il a été question, pour ces "gouvernants", de chercher les voies et moyens propres à les maintenir sur leur trône branlant ; la meilleure voie, c'est non seulement de signer la paix à l'impérialisme, mais encore et surtout de se mettre résolument à son service, de faire son jeu contre leurs peuples, contre les peuples du Continent.
"Décidément, l'Afrique aura vécu des surprises ! Et elle doit s'attendre à de plus monstrueuses encore avec des hommes de l'acabit de Houphouët ; ces hommes qui, se détournant résolument de leur mission historique de réhabiliter l'Afrique, de faire surgir des cendres du colonialisme une réelle Africanité que les générations montantes et futures attendent légitimement, ces hommes prétendent aujourd'hui qu'il est vain de défendre les vertus éternelles de notre Afrique et qu'il est plutôt bienséant de défendre les valeurs de la France à travers ce qu'elles ont de plus barbare et de plus anachronique. "Il n'y a pas de doute que l'entreprise mort-née de Tananarive constituera un facteur important de la dégradation du système néocolonialiste de l'impérialisme français. Il n'y a aucun doute que les lourdes responsabilités prises par les conférenciers de Tananarive contribueront largement à éclairer l'opinion de leurs peuples sur le sens profond de leurs préoccupations et sur les motifs inavoués de leurs vaines agitations.
"Le peuple de Guinée, comme tous les peuples d'Afrique, est ouvert sans complexe à toute forme de coopération internationale basée sur l'égalité, la réciprocité d'intérêts et le respect des souverainetés. Ainsi le peuple de Guinée se tient aujourd'hui comme hier, prêt à discuter, avec n'importe quel État du monde, en vue d'établir toute coopération visant à promouvoir la compréhension, la sécurité et le progrès pour lui-même et ses partenaires.
"Mais se fondant sur une connaissance parfaite des aspirations des peuples africains et se conformant aux enseignements de l'histoire, le peuple de Guinée affirme, aujourd'hui plus qu'hier, que tous les Commonwealth de la terre, si habilement habillés fussent-ils, sont irrémédiablement voués à l'échec. Les anciens colonisés que sont les peuples d'Afrique n'ont que trop connu L'impérialisme pour qu'ils s'avisent, sous quelque manière que ce soit, de cautionner de telles énormités politiques, qui ne sont que des associations bien connues du cheval et du cavalier.
"Il n'empêche, bien sûr, que des "dirigeants" de l'acabit d'Houphouët, qui n'ont aucun respect des aspirations de leurs peuples, tentent pour quelque temps encore, de continuer à vouloir mystifier, non plus leurs peuples, mais leurs maîtres impérialistes qui n'ont jamais su tirer les enseignements de l'histoire.
"L'Afrique sera africaine. Telle est la volonté de 250 millions d'Africains conscients."

En ce même début de juillet 1966, Hamani Diori, mandaté par les chefs d'État réunis à Tananarive, entreprend une tournée pour sonder d'autres pays, non membres de l'OCAM, à propos du projet francophone. Les 2 et 3 juillet, il est à Tunis, où le président Bourguiba lui réserve évidemment un très bon accueil. Mais il a tenu à se rendre aussi dans deux pays du Maghreb où il sait que l'idée de francophonie suscite plus de réserves : l'Algérie, où il rencontre le 4 juillet le président Boumediène, et le Maroc, où il a le 6 juillet un entretien avec le roi Hassan II.
Depuis que Boumediène a renversé Ben Bella l'année précédente et le maintient en détention, Sékou Touré n'a pas eu de contact direct avec le nouveau chef de l'État algérien ; c'est donc au bureau politique du FLN que Sékou Touré adresse, le 6 juillet, un télégramme qui montre une fois de plus son point de vue sur la francophonie (il le signe non en tant que chef d'État, mais en tant que responsable de son parti) :

"Nous vous adressons très vives félicitations pour attitude sans équivoque affirmée au nom du peuple algérien à l'égard de la vaste campagne de confusion et de démission orchestrée par l'impérialisme et ses instruments parlants africains, autour du ridicule concept de francophonie alors que par des milliers de victimes se chiffrent les sacrifices consentis par les peuples naguère placés sous la domination du colonialisme français en vue d'arracher leurs droits souverains à la liberté et à un développement historique indépendant…
"De plus en plus, un clivage s'opère dans le continent africain, entre les gouvernements fantoches, instruments plus ou moins conscients du néocolonialisme, et les forces dynamiques que recèle notre continent et dont l'unité d'action, la fidélité constante pour le progrès social et démocratique devront sans nul doute assurer la liquidation définitive des bases matérielles et culturelles de l'aliénation et de la dépersonnalisation de l'Afrique et de ses peuples."
"L'Algérie et la Guinée qui furent baptisées françaises savent ce qu'est la francophonie pour l'avoir expérimentée sous le règne souverain de l'arbitraire colonial et de l'indignité. Le Parti Démocratique de Guinée salue la position algérienne et assure toutes les forces internationales et les mouvements de lutte pour la véritable liberté de l'Afrique réunifiée, de sa ferme volonté de contribuer par tous les moyens efficaces à la lutte noble et exaltante contre la mystification colonialiste et toutes les tentatives impérialistes visant L'accroissement du retard de l'Afrique.
"Très haute et fraternelle considération
"Ahmed Sékou Touré, Secrétaire Général du PDG"

Horoya publie ce message assorti d'un commentaire déplaisant :

"L'Organisation Commune des Africains Menteurs, après avoir terminé ses travaux à Tananarive et après avoir lancé le nouveau vocable de mystification et d'aliénation de "francophonie", a envoyé des émissaires un peu partout.
Hamani Diori, président en exercice de l'Organisation Contre l'Afrique en Marche, a entrepris, au nom de ses collègues de prendre contact avec les États africains dont la langue officielle demeure encore le français. Pendant ce temps, Houphouët-Boigny fait ses randonnées à Paris.
"C'est ainsi qu'à Alger, Hamani Diori a reçu une réponse africaine à sa mission de mystification : Non, sans équivoque. Au Maroc, la réponse fut également négative (négative pour les mystificateurs, mais positive pour l'Afrique). "Bien que les peuples africains sachent qui sont les hommes de l'acabit d'Houphouët-Boigny, il est bon de rappeler que ces hommes de l'OCAM sont restés égaux à eux-mêmes. Ce sont en effet ces hommes qui ont trahi le 28 septembre 1958 les peuples africains en votant "Oui" au référendum du Général de Gaulle.
Qu'ils préconisent aujourd'hui un retour à l'esclavage ne peut donc étonner personne."

Pour sa part, le président Hamani Diori, interrogé sur les réticences de "certains" États africains qui veulent voir dans le projet une nouvelle forme de néocolonialisme, a répondu :

"Si, par le canal de la francophonie, on peut arriver à coopérer pour le bonheur de nos populations, nous n'aurons aucun complexe … Les pêcheurs en eau trouble ne manqueront jamais la moindre occasion pour essayer de trouver du néocolonialisme. Je crois que c'est une alimentation qui commence à devenir un peu indigeste et démodée."

Au cours des années suivantes, Sékou Touré poursuivra sa campagne contre les regroupements régionaux inspirés ou soutenus par la France 172.

Pour que les choses soient bien claires, Sékou donne à son attitude réservée une longue explication politique ; il déclare lors du 23ème anniversaire de la création du PDG, le 14 mai 1970 :

"Nous devons donc analyser, en toute lucidité, face à l'impérialisme néo-colonialiste, la conduite pratique des pays africains, car ce qui nous divise en Afrique, ce n'est point la diversité des ethnies, ni une quelconque incompatibilité d'humeur entre quelques chefs d'État, encore moins quelques opposttwns d'intérêts entre nos peuples. L'antagonisme fondamental qui, en théorie comme en pratique, et d'une façon plus manifeste en pratique, oppose le peuple de Guinée, son parti et son mouvement à certains gouvernements africains, c'est l'impérialisme néocolonialiste…
"En matière de politique générale, vo1c1 comment s'exprime le néocolonialisme : sous Le prétexte fallacieux que l'exercice de l'indépendance nécessité un apprentissage, La puissance dominatrice se muant en la circonstance en tutrice néo-colonialiste, quand — soit dit en passant — elle n'est pas évincée dans cette hypocrite entreprise de reconquête du continent par quelque autre puissance dominatrice de plus grande envergure, disons-nous, installe à côté du chef de l'État une équipe d'experts étrangers, réplique exacte du gouvernement légal, véritable gouvernement semicolonial, qui exercent en fait le pouvoir, chaque expert étranger ayant la charge d'un ministère déterminé dont le titulaire officiel n'est là que pour la figuration. Quant au chef de l'État, en fait il n'est qu'un fondé de pouvoir sans pouvoir, à telle enseigne qu'il est même irresponsable dans ses prises de position, contre nous, et cela parce qu'il n'agit pas, étant "agi". C'est une girouette.

Une décennie plus tard, Sékou Touré modifiera progressivement sa position, mais alors de manière très spectaculaire, en participant lui-même ou en faisant participer la Guinée à certaines des organisations qu'il avait naguère vigoureusement combattues :

Mais ceci est déjà presque une autre histoire, à laquelle nous ne parviendrons qu'après bien d'autres épreuves et d'autres combats. Il faudra la normalisation avec la France et sa résultante, la réconciliation avec le Sénégal et la Côte d'Ivoire, pour que la confiance se rétablisse. La révolution interne étant elle-même consolidée, Sékou Touré se juge alors suffisamment assuré (ou rassuré) pour jouer le jeu du dirigeant qui veut rester révolutionnaire tout en s'assurant le soutien des modérés.

Notes
164. La résolution sera adoptée par 66 voix contre 0, avec 30 abstentions (essentiellement européennes et latino-américaines), L'ambassadeur du Niger, Issoufou Saïdou Djermakoye, n'avait pas reçu de directives de sa capitale, mais, considéré comme doyen du groupe des États de l'Union Africaine et Malgache (UAM), il fut chargé de parler au nom des autres délégations, qui avaient reçu comme instructions de soutenir la Tunisie. Ce n'est qu'après son allocution qu'il reçut pour instructions "de ne voter ni contre la Tunisie, ni contre la France".
Pour se tirer de ce dilemme, il décida, comme son collègue ivoirien, de quitter la salle au moment du vote. Ce qui lui valut un article très critique dans l'hebdomadaire Jeune Afrique, évidemment favorable à la position de la Tunisie. (Informations fournies par Issoufou Saïdou Djermakoye au cours de conversations avec l'auteur à Paris en 1999). L'absence d'instructions a été souvent invoquée — parfois comme prétexte — par les pays africains francophones pour éviter de se trouver pris entre leurs sentiments et leurs convictions africaines et francophiles.
165. La seule véritable exception restera le Congo-Léopoldville, où après l'assassinat de Patrice Lumumba, deux gouvernements rivalisent pour le contrôle du pouvoir sur tout le territoire : l'un, bientôt considéré comme légitime par la quasi-totalité de la communauté africaine et internationale, où se retrouvent Kasavubu , Tshombé, Mobutu ; l'autre, héritier de Lumumba, confiné à une zone limitée du pays, dirigé par Pierre Mulélé, puis Christophe Gbényé.
166. Voir les chapitres 46 et 62 sur les relations avec Houphouët-Boigny.
167. C'est le président Gnassingbe Éyadéma qui en mai 1998, trente ans après sa venue au pouvoir, effectuera la première visite d'une chef d'État togolais au Ghana.
168. Le nom de "Communauté" sera lui-même abandonné par le général de Gaulle en 1963.
169. Horoya du 15 février 1965 écrit en effet : "Si le nouvel OCAM est résolu à oeuvrer, comme il l'affirme, dans le cadre de l'OUA pour la coopération et la solidarité de nos peuples, alors nous en prenons acte et saluons cet apport qui peut avoir une action accélératrice bienfaisante. Mais s'il ne s'agissait que d'un sigle rebouilli, coiffant des structures anciennes ... la conscience de nos peuples saurait encore faire échec à cette nouvelle diversion."
170.Quelques mois auparavant, le ministre des affaires étrangères du Congo-Brazzaville, Ganao, avait déclaré, lors d'un conseil des ministres extraordinaire consacré aux suites d'un parachutage de soldats belges à Stanleyville pour sauver des otages européens et américains retenus par le gouvernement "rebelle" de Gbényé : "S'il fallait pour sauver l'OUA freiner les mouvements révolutionnaires africains, nous préférerions que l'OUA éclate."
171. Selon le ministre marocain des affaires étrangères Benhima, Sékou Touré s'y serait montré insupportable, donneur de leçons, se comportant comme un instituteur, citant aux délégués Condorcet et Jean-Jacques Rousseau, ne parlant que de Ben Bella — renversé par Boumediène trois mois auparavant, en juin 1965 … A tel point que la délégation algérienne, excédée, aurait prévenu Nkrumah que si Sékou persistait dans son attitude, l'Algérie révélerait publiquement ce qu'elle savait sur les persécutions qui se déroulaient en Guinée (selon une conversation entre le ministre Benhima et l'ambassadeur de France au Maroc, Robert Gillet, le 29 octobre 1965; Archives politiques du Quai d'Orsay, Guinée 1965).
172. On notera cependant que pendant un temps, Sékou Touré impliquera son pays dans les institutions chargées de la mise en valeur du tleuve Sénégal, dont il se détachera pourtant sous prétexte d'une tutelle française trop pesante. L'autre exception est l'Organisation Commune de Lutte contre les Grandes Endémies en Afrique (OCCGE), à laquelle Sékou explique l'adhésion de son pays par le souci de ne pas désavouer l'observateur de la Guinée qui avait voté en faveur de l'adhésion lors de la réunion constitutive de Nouakchott !
173. Ainsi, comme nous le verrons, il se rendra à Vittel en 1983. Il est vrai que participent alors déjà à ces conférences des chefs d'État et de gouvernement africains non francophones, comme ceux des anciennes possessions portugaises, ainsi que certains anglophones et des arabophones.
174. Le 9 décembre 1981, la 8ème conférence générale de l'Agence francophone de coopération culturelle et technique (ACCT) tenue à Libreville admet la Guinée comme membre.
175 En septembre 1981, Sikhé Camara, ministre de la justice, participe au congrès de l'Institut International du droit d expression française à Montréal.

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