Paris, Maspéro, Coll. Cahiers libres, 1964. 205 pages
Le 3 novembre 1961, le Bureau du Syndicat National des Enseignants remit
au Gouvernement un mémoire. Les instituteurs et les professeurs guinéens
y réclamaient une revalorisation de leur traitement et le maintien
du logement gratuit dont la suppression aurait abouti à une diminution
de fait des traitements.
Or, le 19 novembre 1961 et sans raison apparente, le Bureau Politique du
P.D.G. traduissit le Bureau du Syndicat devant la Haute-Cour et faisait
prononcer deux condamnations à 10 ans de prison, à l'encontre
du Secrétaire Général du Syndicat, Keita Koumandian
et de Traoré Mamadou, dit Ray Autra, bien connu dans toute l'Afrique
pour ses poèmes anti-colonialistes et trois autres condamnations,
à 5 ans celles-là.
La réaction publique fut immédiate. A la suite de ces condamnations
des troubles éclatèrent spontanément dans certaines
villes de brousse et à Conakry même. Des tracts furent distribués
par les lycéens, qui le 24 novembre 1961 firent grève et marchèrent
sur les somptueuses villes des Ministres qui avaient été édifiées
quelques années avant, sur fonds F.I.D.E.S., à proximité
du principal lycée de Guince, celui de Donka, dans la banliene de
Conakry. Les lycéens furent alors livrés aux milices des Jeunesses
du Parti, qui brutalisèrent et même tuèrent des lycéens.
Les lycées et autres établissements scolaires furent fermés,
les enfants, renvoyés dans leur famille.
Les étudiants africains, installés à l'étranger,
envoyèrent des messages de soutien aux insurgés de Guinée.
En décernbre 1961 à Paris, la Fédération des
Etudiants adopta à l'unanimité la résolution suivante
:
" ... La Fédération des Etudiants d'Afrique Noire en France, réunie en son 14è Congrès ordinaire les 27, 28, 29, 30 décembre 1961 à Paris ;
- Réaffirme sa solidarité agissante aux syndicats éprouvés et à tous les patriotes emprisonnés
- Réaffirme son attachement indéfectible au peuple guinéen dans sa lutte pour la liberté, la dignité, la prospérité et la justice
- Demande au P.D.G. et au Gouvernement de Guinée :
- la libération et la réhabilitation des patriotes ernprisonnés
- l'arrêt de toutes les autres mesures répressives
- la réouverture des écoles secondaires
- le rétablissement du fonctionnement normal des institutions démocratiques.
La F.E.A.N.F. rappelant la contribution appréciable de l'intelligentsia révolutionnaire et des étudiants fidèles à une tradition bien établie de lutte conséquente pour la libération nationale, la démocratie et la paix:
- Rejette parce que non fondées les accusations portées contre des patriotes éprouvés
- Soutient la jeunesse scolaire ef les étudiants guinéens dans le dur combat qu'ils mènent aux côtés de leur peuple
- Demande au P.D.G. et au Gouvernement guinéen l'annulation des mesures de pression, d'intimidation et de bannissement prises à l'encontre d'élèves et d'étudiants guinéens
- S'incline devant la mémoire des innocentes victimes tombées lors de l'utilisation de la troupe à Conakry et à Labé
- Lance un appel pressant et ému aux démocrates du monde entier pour intervenir en faveur des démocrates et patriotes guinéens en danger de mort
- Engage l'ensemble des étudiants africains à soutenir leurs camarades guinéens menacés
- Mandate le C. E. pour prendre toutes les dispositions que nécessitera le développement ultérieur de la situation.
(Résolution adoptée à l'unanimité par acclamations)."
L' explication fournie par le Gouvernement de Guinée pour justifier
les mesures prises à l'encontre des protagonistes du ''complot"
fut sommaire : il s'agissait d'un complot communiste. Y auraient été
mêlés des extrêmistes guinéens, l'ambassadeur
de l'U.R.S.S. à Conakry et même l'ambassadeur de France à
Moscou.
La France ne releva pas une accusation qui confondait la présence
d'un diplomate d'un pays capitaliste à Moscou avec son adhésion
au régime communiste.
L'U.R.S.S., par contre, fut consciente d'un danger. Elle accepta de rappeler
son ambassadeur, Daniel Solod, à la demande du Gouvernement guinéen.
Mais elle s'empressa d'envoyer en mission spéciale Mikoyan afin de
rétablir des relations diplomatiques entre les deux pays.
Etait-ce suffisant pour redresser la position soviétique en Guinée
?
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