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Régime d'Autonomie (Loi-Cadre)
Premières années d'Indépendance


B. Ameillon
La Guinée : Bilan d'une Indépendance

Paris, Maspéro, Coll. Cahiers libres, 1964. 205 pages


Il faut gouverner avec les mandarins
et non contre les mandarins.

Lanessan, cité par Lyautey

Le souci du respect de la coutume
et des traditions ne doit pas être un frein à l'évolution.

Keita Fodéba

La fin de la chefferie en Guinée

La chefferie, organisation sociale traditionnelle en Afrique, correspondait à une organisation économique spécifique dans laquelle les échanges monétaires ne tenaient qu'une place secondaire en comparaison de celle occupée par le troc et l'autoconsommation.
Essentiellement commerciale en ses débuts, la colonisation fit entrer l'Afrique dans le circuit monétaire, du moins partout où elle s'implanta autrement que par de simples postes administratifs. Elle tendit ainsi à détruire le substratum de la société qui existait avant elle : la chefferie ne répondit plus automatiquement aux nécessités socio-économiques locales. En même temps une couche nouvelle, née de l'argent introduit par le colonialisme, se développait en rivale.
Or le problème de la chefferie était au centre de l'une des contradictions dans lesquelles était enfermé le colonialisme : ou s'appuyer sur une administration civile et militaire essentiellement européenne qui, pour être efficace, devait être nombreuse, donct trop voyante et trop coûteuse, ou s'appuyer sur la chefferie africaine, procédé moins onéreux et plus discret, mais voué à l'échec par les implications économiques de la colonisation. C'est cette dernière politique que choisit la France en Afrique Noire, moins d'ailleurs pour résoudre un problème théorique que la colonisation triomphante n'entrevoyait même pas, que, plus prosaiquement, par défaut de candidats blancs.
Les répercussions n'en furent pas, à court terme, identiques dans tous les territoires par suite de différences dans leur organisation et leur développement économiques.
C est ainsi, qu'en 1958, la Guinée était le seul de tous les territoires d'obédience française à avoir officiellement supprimé la chefferie.
Cette suppression fut le résultat d'une lutte qui se déroula à partir de 1946, en trois périodes bien distinctes, consécutives à une position économique et sociale originale dans l'ensemble appelé Union Française. Elles eurent cependant toutes trois comme dénominateur commun un paradoxe qui explique la chute des systèmes coloniaux. Ce sont les classes autochtones économiquement perdantes du fait de la colonisation qui soutenaient l'occupant européan. Ce sont les classes autochtones économiquement gagnantes qui le combattaient.
Mais le paradoxe n'est qu'apparent : il peut en effet exister un décalage entre l'évolution à long terme d'une classe et la situation à court terme de ses membres. Ce fut le cas de l'Afrique colonisée. La chefferie africaine était certes condamnée en tant que classe mais les chefs étaient choyés par le colonisateur. Les couches montantes devaient sans nul doute l'emporter mais chaque Africain évolué ressentait individuellement la concurrence du Blanc.
Aussi bien ces trois épisodes de lutte contre la chefferie sont-ils dominés par la rivalité, créée par la présence coloniale, entre une classe traditionnelle et de nouvelles couches sociales dont la nature demande d'ailleurs à être précisée.


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