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3ème république
Crise des 2 et 3 février 1996


Le Général Lansana Conté, Chef de l'Etat
s'explique sur les évènements des 2 et 3 février 1996 à Conakry.

1ère édition, Présidence de la République
Conakry, 25 février 1996


Rencontre avec le Bureau de l'Assemblée Nationale

Comme vous l'avez dit tout à l'heure, tous ceux qui sont en Guinée ont suivi ce problème. Je sais que chacun de nous en est préoccupé. C'est un problème que nous devons tous gérer avec lucidité, sans passion.

Si avant j'étais seul en tant que pouvoir exécutif à gérer les problèmes de la Guinée, aujourd'hui, Dieu aidant, nous avons pu mettre toutes les institutions républicaines en place.

A mon sens, nous devons nous rencontrer, nous donner la main, au nom du peuple et pour l'intérêt du peuple de Guinée pour gérer tous les problèmes qui se posent à nous aujourd'hui, toutes les difficultés que nous rencontrons, dans le calme, dans la sérénité, dans la compréhension.

Nous sommes tous des émanations du Peuple de Guinée, nous sornmes tous des élus du Peuple de Guinée ; chacun est élu à un poste donné ; nous avons donc les mêmes missions ; il n'y a pas de divergence entre l'exécutif et le législatif parce que c'est le même peuple qui nous a mis en place pour servir ses intérêts.

Si tel est le cas, je ne vois pas comment entre Guinéens nous ne pouvons pas gérer nos problèmes.

Rien ne peut nous échapper. Il suffit que nous mar. chions la main dans la main.

En faisant votre travail, vous aurez obligatoirement l'appui des autres institutions ; en faisant le mien, j'exigerai même l'appui des autres institutions qui sont mises en place pour servir les intéréts du peuple. Dans ce seul domaine, même si on ne s'aime pas, nous devons obligatoirement nous entendre, sinon nous ne méritons pas d'étre élus par le Peuple. Donc je n'ai aucune crainte en ce qui concerne ce problème. Si nous travaillons tous dans l'intérêt du peuple, nous devons pouvoir le gérer.

En ce qui concerne les soldats, ce problème n'est pas difficile, il n'est pas compliqué ; il y a eu beaucoup de problèmes avant aujourd'hui avec les soldats, mais nous les avons toujours traité la main dans la main.

Vous savez bien que le problème qui se pose aujourd'hui n'est pas un problème de revendication ; le probléme a été récupéré par d'autres personnes qui avaient d'autres velléités. Je voudrais que vous le compreniez ainsi et que l'on travaille dans ce sens. Ceux qui ont voulu récupérer le mouvement vous les avez entendus; ils ont dit que nous sommes tous dissous; et vous, et moi et les autres. Donc ce n'est pas à moi seul qu'ils en veulent; ils en veulent à la démocratie et méme à la restauration de la liberté que nous avons tous voulue, pour laquelle nous avons tous lutté; il ne faut donc pas que les membres de l'Assemblée croient que nous sommes différents dans cette affaire; nous sommes tous égaux là-dans. S'ils avaient réussi, il n'y aurait pas eu cette rencontre aujourd'hui avec moi parce qu'aucun de nous n'existerait. Alors c'est comme ça qu'il faut comprendre vos divergences au sein de l'Assemblée ; il faut les laisser tomber ; il faut qu'on traite ce problème parce que c'est la liberté du citoyen ; c'est contre tout le monde, contre tout ce qui est légal ; c'est pourquoi les gens avaient voulu récupérer ce mouvement. Consolidons ce que nous avons fait comme travail ; il y a des pays qui sont en avance et nous, nous sommes en avance sur d'autres, il ne faut donc pas accepter qu'on casse ce que nous sornmes en train de construire.

C'est ce que je vous demande. Pour la rencontre, je ne sais pas ; vous avez beaucoup d'expériences dans les affaires de ce genre. Et le droit que le peuple a donné, vous devez l'exercer pour résoudre ce problème. Vous n'allez pas résoudre ça pour moi, vous ne le ferez pas pour moi. Je vous l'ai toujours dit : aucun ne travaille pour moi ; nous travaillons pour le peuple.

Alors pour l'intérêt de ce peuple, nous avons intérêt à nous entendre ; sinon ce sera le peuple qui nous balayera et le peuple nous balayera tous, ça c'est clair. Donc le plus difficile, c'est vous ; entendez vous au sein de l'Assemblée pour défendre les intéréts du peuple ; c'est tout ce que je vous demande ; l'intérét unique et exclusif du peuple ; c'est tout ce que nous pouvons faire. Moi je ferai ce que j'ai à faire ; nous devons nous concerter, savoir par quel bout il faut prendre cette affaire et comment nous allons juguler cette affaire ; moi seul, honnêtement, après samedi jusqu'aujourd'hui, si c'est moi qui ferais seul, j'aurais déjà fait ce que je veux ; mais je ne suis plus libre de faire ce que je veux, à partir du moment que l'Assemblée est là, la Cour Suprême est là, toutes les institutions sont là pour défendre les intérêts du peuple; en tant que président, je peux faire des choses qui ne sont peut-être pas légales ; même si c'est légtime, mais si ce n'est pas légal, vous avez le droit de me combattre. Je veux qu'on fasse les choses légalement. Alors je suis à l'écoute et je vous attends. Voilà Monsieur le Président de l'Assemblée ce que je voulais vous dire. Je vous remercie beaucoup d'être venus. C'est nécessaire qu'on se concerte pourne pas que l'un ou l'autre se trompe dans l'exercice de ses fonctions, parce que nos fonctions sont liées, puisque tout aboutit au peuple de Guinée.

J'ai entendu le Président de l'Assemblée Nationale. Certes, devant certains problèmes, il est important de réunir tous les membres de l'Assemblée, mais le bureau de l'Assemblée doit s'occuper de ce problème-là avec la commission que vous avez composée pour faire des réflexions ; quand vous aurez les résultats de ce travail, je crois que le bureau peut commencer déjà avec l'exécutif et le judiciaire ; voir comment commencer, les autres viendront petit-à-petit s'ajouter et quand il sera question de prendre des décisions ensemble en ce qui concerne le problème, nous le ferons ; mais pour le moment, je suggère que la commission que vous avez mise en place, continue à travailler pour vous donner ce qu'il faut et le bureau peut s'occuper de ce problème.

Moi je suis là à votre disposition, à tout moment, quand vous avez besoin de quoi que ce soit, si je connais, je vous le dis ; mais il faut essayer de travailler vite parce que le peuple attend ses élus, ce n'est pas le Président, mais tous ses élus, et nous et les responsables des communes qui sont là et avec lesquels nous devons travailler pour calmer la population, car la population aussi peut s'énerver contre qui, on ne sait jamais, peut-être contre moi, peut-être contre vous ; contre nous les militaires, ça c'était déjà prévu ; ils sont déjà révoltés contre les militaires ; partout où ils voient un militaire en tenue, ils l'insultent ; ça, c'était prévu, maintenant j'ai appris que certains partis, - ce que j'ai appris, c'est ce que je vous dis -, qu'ils veulent faire sortir quand même leurs militants malgré qu'eux et moi nous sommes intervenus pour calmer la population, pour que chacun reste chez lui et que nous nous occupions de leur problème. Il ne fautpas que certains sortent alors qu'on dit qu'il ne faut pas sortir ; tous les citoyens guinéens sont pareils et tous les citoyens guinéens obéissent aux trois institutions ; il suffit que ces trois institutions disent unanimement voici ce que nous voulons pour que la population respecte. Ne nous coupons pas l'herbe sous les pieds ; ce n'est pas un moment de campagne ; les rôles sont connus, chacun doit jouer son rôle jusqu'aux prochaines élections. Maintenant nous devons resoudre ce problème si nous voulons avoir la paix avec la population. Le peuple est une armée que personne ne peut combattre ; la preuve est qu'ils disent que malgré que les rnilitaires ont des fusils maintenant, - parce qu'ils sont déçus, - ils sont préts à combattre les militaires. Alors, j'ai toujours dit aux militaires qu'il ne faut craindre en Guinée que le Peuple ; parce que si tu tires sur un Guinéen, tu as tué ton frère ; ça c'est une obligation : si tu tues mon frère, moi je tue ton frére ; et s'il sait que c'est moi qui ai tué son frère, il est perpétuellemen t et totalement aigri contre moi ; s'il me trouve, il va me tuer. C'est cette haine qu'il ne faut pas laisser s'introduire entre les Guinéens. Pour cela, nous devons craindre le peuple, le respecter et empêcher que les militants s'affrontent. Le Gouvernement, si on veut le faire tomber, il faut d'abord faire tomber le Président.

Conakry, le 8 février 1996


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