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Ethnographie


Jacques Germain
Administrateur en chef des Affaires d'Outre-Mer (ER)
Guinée. Peuples de la Forêt

Académie des Sciences d'Outre-Mer. Paris. 1984. 380 p.


CONTES KONO

La bague magique

Un orphelin surveillait un champ. L'esprit de sa mère défunte était entré dans le corps d'un serpent. Un jour, celui-ci, rampant dans les tiges de riz mûrissant, parvint au pied du mirador d'où son enfant surveillait les oiseaux qui venaient dérober le grain. Dans sa gueule il tenait une bague. Lorsque l'enfant l'aperçut il prit peur et hurla mais le serpent, ouvrant la gueule, le rassura :
— Je suis ta mère, prends cette bague puis va faire sept sacs que tu mettras l'un dans l'autre et dans le septième tu enfermeras la bague. Tu porteras toujours ces sacs à ton cou, tant que tu posséderas la bague, la chance sera pour toi.

L'enfant fit ainsi que le lui avait conseillé sa mère, puis il retourna à son mirador, mais ses frères s'étaient aperçus de son absence et lui reprochèrent durement sa négligence.

Cependant, depuis qu'il avait la bague, tout travail qu'il avait à faire se faisait de lui-même. Devait-il couper du bois ? sa hache et son couteau travaillaient seuls, avait-il à puiser de l'eau ? sa calebasse se remplissait seule.

Un jour, jaloux, ses frères le frappent et lui arrachent le sac qu'il portait toujours autour du cou. Ils défont successivement les sept sacs et découvrent la bague.

L'enfant pleure et désespéré déclare qu'il n'a plus qu'à mourir. Il leur dit :
— Je vous quitte, je vais au-devant d'Accident et de Malheur.

En chemin, il rencontre un coupe-coupe qui défrichait seul sans qu'aucune main le tienne.
— Ah-ah, dit le coupe-coupe, as-tu déjà vu un coupe-coupe travailler seul ?
— Ce n'est pas miraculeux pour moi, je sais de quoi il retourne, répondit l'enfant.

Puis il rencontra une hache qui frappait seule un arbre.
— Bonsoir, lui dit celle-ci, où vas-tu ?
— Je vais au-devant d'Accident et de Malheur, répondit-il, hache, frappe moi.
— Je ne le puis, même si je le veux, rétorqua-t-elle.
Plus loin encore c'est un couteau qui moissonne un champ de riz déjà mûr.
— Couteau frappe-moi, lui crie l'enfant.
— Non, répond le couteau en le reconnaissant. Même si je le voulais, je ne le pourrais.

Alors l'enfant poursuit son chemin par une route qu'on lui avait indiquée comme dangereuse et il arrive à un carrefour de sept routes devant lequel il hésite et tandis qu'il s'interroge une jeune fille se présente et lui pose cette question :
— Si je t'indique la route à suivre, à ton retour m'épouseras-tu ?
— Oui, répond le garçon,
— Prends celle-ci, dit la fille en montrant la route conduisant chez Malheur.

Il continue donc son chemin que tout à coup, après un tournant, barre une montagne. Il est en train de se demander comment il la franchira, quand il voit à côté de lui une jeune fille qui lui dit:
— Si je te donne le moyen de passer la montagne. m'épouseras-tu à ton retour ?
— Oui, répond le garçon.
Et la fille de son doigt trace en l'air un sentier qui apparaît dans la montagne. Le garçon l'emprunte et continue sa route.

Le soleil allait se coucher quand il arrive au bord d'une très large rivière où il n'y avait pas de pont. Il se dit que la nuit porte conseil et la passe à cet endroit. A son réveil, il trouve une jeune fille qui lui demande :
— Si je te donne le moyen de franchir la rivière, m'épouseras-tu à ton retour ?
— Oui, répond le garçon. Alors la fille pointe son doigt sur la rivière où naît un pont de lianes sur lequel passe le garçon.

La rivière franchie, il entre dans le royaume de Malheur, dont il trouve la fille lavant son linge à un marigot. Elle le salue et lui demande où il va :
— Je vais vers Accident, lui répondit-il.
— Accident est mon oncle, dit-elle, viens avec moi.
Elle finit de laver et emmène le jeune homme dans sa case qui était entourée de sept clôtures.

Il passe la journée avec cette jeune fille et il la trouve si belle que le soir venu il ne désire plus du tout rencontrer Accident. Celui-ci arrive cependant environné d'étincelles et de derrière les sept clôtures demande à sa nièce si elle sait où se trouve l'étranger.
— Je l'ignore, répond-elle
Et Accident continue sa route. Le jeune homme décide alors de retourner chez lui en emmenant sa protectrice.

Pendant la nuit, elle se rend dans la case de son père, Malheur, et lui dérobe une barre de fer, de la poudre et sa bague magique qu'elle cache sous sa natte.

Au petit jour, les voilà sur le sentier suivis d'un serviteur qui porte les bagages.

Ils ont à peine quitté le village qu'Accident les poursuit jetant mille étincelles autour de lui. La jeune fille se retourne, lance une pincée de poudre : les étincelles cessent et Accident doit rebrousser chemin.

Une seconde fois Accident se lance à leur poursuite, ils sentent déjà son haleine dans le dos quand la fille ayant la bague de son père au doigt fait sortir de terre une montagne qui s'élève jusqu'au ciel entre eux et Accident. Tandis que celui-ci perd du temps à la franchir, les jeunes gens gagnent du chemin. Cependant, Accident les rattrape et c'est alors une rivière que fait naître la fille en jetant derrière elle sa barre de fer.

Quand Accident ayant réussi à passer l'eau, s'approche d'eux à nouveau, ils sont en pleine savane. La fille lance derrière elle une pincée de poudre magique : l'herbe s'enflamme et les flammes jaillissent si haut que malgré ses efforts Accident doit renoncer à traverser le feu et abandonnant la poursuite, rentre chez lui.

Le jeune homme arrive alors sans encombre à son village. En chemin il a pris avec lui les trois filles qui l'avaient aidé à l'aller et à qui il avait promis le mariage.

Il logeait dans une petite case sale. Les femmes lui dirent :
— Il faut construire une belle case pour nous.
Il y employa les jours qui suivirent. Un jour, l'homme était monté au palmier pour y cueillir des régimes. Accident en profita pour accourir à marche forcée, crachant des étincelles. Suspendu au palmier, l'homme tremble à cette vue et appelle Luopou (tel était le nom de sa femme, fille de Malheur). Celle-ci lui jette sa bague, il l'attrape et du haut du palmier la lance avec force à terre, aussitôt les étincelles diminuent et Accident s'enfuit. N'ayant pu obtenir par la force ce qu'il voulait, Accident essaya d'employer la ruse : il se transforme en une belle petite fille qui, le soir venu, vient saluer l'homme, lequel séduit veut la prendre pour femme. Luopou méfiante avertit son mari que ce pourrait bien être une ruse de son oncle.
— Tu mens, répond l'homme, c'est la jalousie qui te fait parler ainsi.
Lorsque vient l'heure d'aller se coucher, il veut se retirer dans sa case avec sa femme, mais la petite fille les suit disant:
— Nous coucherons tous ensemble.
Devant l'entêtement de son mari, Luopou n'insiste pas mais frotte les tisons du feu avec une poudre contenue dans un sachet de cuir qu'elle portait suspendu à son cou. Puis ils se couchent. Chaque fois que la petite fille se levait, les tisons se mettaient à parler, alors elle se recouchait. Toute la nuit les tisons veillèrent. Au matin la petite fille disparut. A partir de ce jour, Accident renonça à nuire à l'homme.

Les quatre femmes étaient devenues enceintes. Lorsqu'elles accouchèrent, l'homme fit le sacrifice d'un boeuf blanc. Quand les quatre enfants eurent grandi, chacun d'eux voulait la queue du boeuf. Leur père l'attribua au fils de Luopou qui devint riche et puissant.

Pour avoir du bonheur il faut d'abord souffrir. Cet homme ayant beaucoup souffert dans sa jeunesse, eut des fils puissants et heureux.


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