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Ethnographie


Monique de Lestrange

Assistante au Musée de l'Homme, Paris

Les Coniagui et les Bassari (Guinée française)

Presses Universitaires de France. 1955. 83 pages.


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Chapitre III
Le milieu physique, climat, sol et végétation

Le pays habité par les Coniagui (au nord de la Guinée française) et les Bassari (à cheval sur la frontière sénégalo-guinéenne), est une région de savane qui s'étend du 12° 44' au 13° 11' de longitude ouest et du 12°15' au 12° 42' de latitude nord, vers la limite de la savane sud-soudanienne et nord-soudanienne. Le pays Bassari est plutôt sud-soudanien, le pays Coniagui plutôt nord-soudanien; ces deux régions différent aussi par le relief, la première étant accidentée, la seconde, basse et plate
Richard-Molard (p. 45-46) a décrit les principales caractéristiques de ces pays sud-soudaniens où d'énormes graminées... desséchées par l'harmattan, fournissent un aliment de choix à des incendies de brousse gigantesque, chaque printemps ». Nombreux y sont les fromagers (Ceiba pentandra Gaertn.), les cailcédrats (Khaya senegalensis A. Juss.), les néré (Parkia biglobosa Benth.), les karité (Butyrospermum Parkii Kotschy); on trouve encore aussi des palmiers à huile (Elaeis guineensis Jacq.).
Cette zone est particulièrement atteinte par le boowal 1. La terre y est d'une fragilité extrême partout où la moindre pente peut permettre au très violent ruissellement d'hivernage de décaper une dalle ferrugineuse ou une latérite sous-jacente. L'amoncellement de paille sèche au printemps, dans un pays où l'on pratique le brûlis, y aide puissamment. Ce sol ingrat rebute l'homme. D'immenses plaques de fer sont ainsi complètement vides d'habitants... domaines rêvés des amateurs de chasse : buffles, antilopes, élans de Derby, singes variés, éléphants, lions, panthères, phacochères, hippopotames y sont nombreux.

« C'est aussi une région où abondent les tsé-tsés, si bien que, souvent, des dépressions humides, des lits majeurs de cours d'eau, qui ouvriraient des placages alluvionnaires de valeur, sont déserts aussi...
Dans une certaine mesure, il y a une sorte de no-man's land entre le monde noir guinéen et les régions humaines plus septentrionales du Soudan
Entre d'immenses boowe désolés : autant que de riz ou de mils, c'est de fonio (Digitaria exilis), la plus misérable peut-être des céréales qui soit au monde ou de cueillette et de chasse que vivent des peuples comme Badyaranké et Coniagui de Guinée, Bassari sénégalo-guinéens.
Mais le pays Coniagui, dans la plaine qui s'étend au nord des contreforts du Fouta-Djalon, habités par les Bassari, est plus sec et moins boisé. Dans cette savane plus arbustive qu'arborée, nord-soudanienne déjà, baobabs, acacias et tamariniers sont déjà plus fréquents.
C'est le domaine par excellence de la savane-parc, très rabougrie sur les plateaux où règne le boowal, bien fournie sur les coteaux et surtout les bas-fonds, aux abords du marigot.
L'hivernage, toujours ensoleillé, reste très chaud : les moyennes d'août dépassent celles de janvier. Du moins cinq mois... d'harmattan assainissent-ils le pays... C'est le pays des mils et de l'arachide. »

Chêtelat (1933 et 1938) a étudié le pays Coniagui et Bassari du point de vue géologique. Les Coniagui habitent une région de grès rouges feldspathiques horizontaux, ordoviciens, et les Bassari une région de schistes redressés et plissés (anticlinal nord-nord-est-sud-sud-ouest), archéens et précambriens. La latérite, sous des aspects extrêmement divers — plaques, blocs ou grenaille — couvre une grande partie du pays Bassari et du plateau désertique qui sépare les collines Bassari de la sablonneuse plaine Coniagui 2.
Les régions Coniagui et Bassari ont d'ailleurs une physionomie bien différente. Le pays Coniagui, bas, plat (l'altitude y varie entre 50 et 80 m.), monotone, desséché par l'harmattan, est plus chaud et plus sec. Il pleut en général de juin à novembre, le maximum des pluies tombant en août. A Youkounkoun, de 1940 à 1945, la quantité de pluies annuelles a été successivement de 1.369, 991, 1.194, 1.375, 889 et 1.203 mm., soit en moyenne, pour ces six années, 1.170 mm., avec comme maximum 1.375 mm. en 1943 et comme minimum 889 mm. I'année suivante. Les Coniagui disent que le pays est aujourd'hui plus sec qu'il ne l'était autrefois : l'hivernage commençait alors plus tôt sans pour cela se terminer plus tôt. Mais le sable qui recouvre les massifs anciens est fertile et la plaine Coniagui est un grenier à arachides.
Au sud et à l'est, le pays Bassari est plus boisé, plus accidenté — les villages sont, pour la plupart, bâtis sur des crêtes, entre 200 et 400 m. d'altitude — et plus humide : la quantité de pluies y est supérieure et l'hivernage y commence plus tôt. Les pentes sont boisées, rocailleuses, les champs sont difficiles à travailler et le rendement des cultures est maigre, mais flore et faune sont plus riches et plus variées qu'en pays Coniagui et les Bassari peuvent compter — plus que les Coniagui — sur la chasse et la cueillette pour subvenir à une partie de leurs besoins.
Un document conservé dans les archives de l'école, à Youkounkoun, décrit le climat mois par mois, pour l'année 1939. Il donne une bonne idée des caractéristiques climatiques de la région :

On peut reconnaître dans la description ci-dessus toutes les caractéristiques du climat nord-soudanien: I'harmattan venu de l'est qui, plus que le soleil, dessèche le pays après l'hivernage, l'abondance des tornades et la température atteignant son maximum avant les premières pluies en avril (dépassant 40° à l'ombre) et son minimum en janvier à cause de la basse température nocturne (en août les journées ne sont pas très chaudes mais l'amplitude diurne est beaucoup plus faible qu'en janvier).
Youkounkoun, chef-lieu du pays Coniagui, est à environ 350 km. de la côte la plus proche, celle de Casamance et de la Guinée portugaise, et l'influence de la mer y joue peu.

Notes
1. Boowal (sing.) — boowe (plur.). Termes peul désignant les plateaux latéritiques dénudés.
2. Cf. carte de répartition des boowe entre Gaoual et Youkounkoun in Bellouard (A.) Note sur l'utilisation des photographies aériennes pour les questions forestières. Brise, Forêts des tropiques, n° 10, 1949, p. 120-132, 11 fig., 4 cartes.


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